Les effets biologiques du rayonnement
par Roger BELBÉOCH
Physicien, Université de Paris-sud

Résumé Les effets biologiques du rayonnement: Les principaux effets connus du rayonnement sur la santé sont sommairement présentés, les effets aigus des doses fortes, les effets différés et les effets de morbidité. Ces derniers ont jusqu'à présent été négligés dans l'évaluation du détriment causé par le rayonnement. Les observations faites depuis la catastrophe de Tchernobyl parmi la population vivant sur les territoires contaminés d'Ukraine et de Biélorussie montrent que les effets de morbidité sont loin d'être négligeables. En ce qui concerne les effets cancérigènes (différés) du rayonnement, nous présentons un résumé des derniers résultats obtenus dans l'étude du suivi des survivants Japonais des bombardements atomiques de 1945 ainsi que les conséquences qui en découlent sur l'estimation du facteur de risque.

GÉNÉRALITÉS

I. Les effets aigus des fortes doses
     Pour les fortes doses la gravité des effets sur la santé dépend directement de la dose reçue et assez peu des individus irradiés. Il existe pour chaque type d'effets (nausée, troubles hématologiques, signes neurologiques, affections intestinales, atteintes médullaires, mort) un seuil en-dessous duquel il n'apparaît pas. Ces effets sont dits non stochastiques car ils suivent des lois assez strictes de causalité (déterministes).
     L'expérience acquise sur les personnes qui sont intervenues très près du réacteur en détresse lors de la catastrophe de Tchernobyl et qui ont été fortement irradiées montre que dans ces cas il n'y a guère d'espoir d'éviter la mort. La conclusion des experts soviétiques dans leur rapport d'août 1986 à la conférence de Vienne est très pessimiste [1]:

«Dans les accidents de rayonnement, la proportion de malades pour lesquels une greffe allogène de moelle osseuse est absolument indiquée et pour lesquels ce traitement serait sûrement bénéfique est très faible.»
Ils indiquent que pour des doses de 600 à 800 rem:
«Une greffe peut prendre, mais cette greffe aura toujours un effet négatif en terme de thérapeutique et même mettra la vie du malade en danger par suite d'un fort risque de développement de maladies secondaires.»

A la suite de l'échec des greffes allogènes de moelle, certains experts avaient proposé de constituer une banque où l'on conserverait de la moelle osseuse appartenant au personnel sélectionné pour intervenir en zone très radioactive en cas d'accident afin de pouvoir procéder à des greffes autogènes qui ont plus de chance de succès. Il est évident que cette procédure n'est guère possible compte tenu de ses implications psychologiques.

II. Les effets différés du rayonnement

     Ce sont essentiellement l'induction de cancers chez les irradiés et la création de défauts génétiques chez leurs descendants.
     En ce qui concerne les effets génétiques, il y a très peu de données empiriques sûres. Leur estimation découle la plupart du temps de la transposition chez les humains d'observations faites sur des animaux à reproduction rapide.
     Nous n'examinerons ici que le problème de la radioinduction des cancers:
     a) Ces cancers sont absolument identiques aux cancers «naturels». Il n'est donc pas possible de les identifier parmi l'ensemble des cancers, de déclarer radioinduit un cancer observé sur un individu donné même si celui-ci a été irradié (et inversement)
     b) Pour la même irradiation, l'induction de cancer dépendra fortement des individus, en particulier du système immunitaire.
     c) Pour un groupe assez important d'individus irradiés, on pourra observer un accroissement de la fréquence des cancers qui dépendra du niveau de l'irradiation.
     d) L'apparition clinique de ces cancers ne se fera qu'après un temps de latence très long, de 2 ans pour les leucémies à plusieurs décennies pour les autres cancers.
     Ces propriétés interdisent toute approche individuelle pour l'étude expérimentale des effets cancérigènes du rayonnement ainsi que pour la fixation durisque par les systèmes de radioprotection. Seule une approche statistique a un sens mais à condition de disposer de données de mortalité parmi une cohorte suffisamment importante numériquement pendant une très longue période. Dans une société nucléaire, les statistiques de mortalité deviennent des matériaux stratégiques qu'il est dangereux de laisser dans le domaine public.
Lorsqu'une population a été irradiée, le bilan de la mortalité par cancers radioinduits dans cette cohorte ne peut se faire que de deux façons:
     - soit collecter les données de mortalité pendant plus de 30 ans et mieux jusqu'à la disparition de la cohorte. Dans ce cas, le risque ne sera connu qu'après la mort de ceux qui l'auront subi;
     - soit évaluer les niveaux d'irradiation et fonder le bilan sur le facteur de risque établi par des études antérieures dont on peut garantir la qualité. Le risque est connu avant l'extinction de la population concernée mais l'estimation des doses reçues (ou qui seront reçues) est difficile et source de controverse quant aux modèles retenus pour l'effectuer, en particulier lorsqu'il s'agit d'une irradiation par contamination interne, par inhalation de poussières radioactives ou par ingestion d'aliments obtenus sur des territoires contaminés.

III. Les effets de morbidité
     Les experts officiels admettent généralement qu'il n'y a pas d'effets de morbidité produits par le rayonnement, mis à part les effets aigus aux fortes doses. En réalité, les données de morbidité n'existent pas ou quand elles existent, elles ne sont pas collectées avec une procédure suffisamment rigoureuses pour être fiables. Ceci est particulièrement vrai en France où le mépris des statistiques médicales est cultivé avec soin. On ne possède donc pas ce qu'on pourrait appeler un état de référence avant irradiation qui servirait à déterminer les anomalies de morbidité pouvant survenir dans une population irradiée.
     Il y a cependant une exception. Officiellement, on reconnaît que le foetus est un être à haut risque et que son irradiation peut conduire chez l'enfant à un risque de retard mental sévère, mais aucune estimation quantitative n'est faite pour ce risque [2].
     La situation sanitaire dans les régions contaminées d'Ukraine, de Biélorussie et de Russie suite au désastre de Tchernobyl met en évidence [3], sans qu'il soit nécessaire d'effectuer des études statistiques, des anomalies très variées: augmentation des affections pulmonaires, des cancers de la cavité buccale, et chez les enfants affections thyroïdiennes, anémies, cataractes, une plus grande fragilité osseuse, fatigabilité et convalescences difficiles, etc. Pour ces populations, l'irradiation provient essentiellement de la contamination interne. Jusqu'à présent, on supposait qu'une contamination interne était strictement équivalente à une irradiation externe et des modèles mathématiques permettaient de calculer la dose correspondant à un niveau donné de contamination. La situation actuelle en URSS pourrait remettre ces concepts en question, soit que certaines contaminations internes aient des effets spécifiques, soit que les modèles mathématiques utilisés soient faux. C'est la première fois qu'une population aussi nombreuse est soumise à des niveaux élevés de contamination par un véritable cocktail de radioéléments.

LE FACTEUR DE RISQUE CANCÉRIGÈNE DU RAYONNEMENT ET LES MODÈLES REPRÉSENTATIFS

     L'effet cancérigène du rayonnement a donné lieu à une polémique très vive parmi les spécialistes depuis près de 20 ans. En ce qui concerne le rayonnement externe, la situation tend à se clarifier. Les différentes études épidémiologiques, qui semblaient totalement inconciliables il y a quelques années, tendent actuellement à donner des résultats très voisins.
     On définit l'effet cancérigène du rayonnement par une grandeur qu'on appelle le facteur de risque [4]. C'est le nombre de cancers mortels qui seront induits par unité de dose de rayonnement. Dans ce modèle, on suppose deux propriétés:
     - Toute dose produit un effet qui lui est proportionnel. Il n'y a pas de seuil de dose en-dessous duquel l'effet est strictement nul. Le modèle est dit linéaire.
     - Les doses reçues sont cumulatives.
     Ceci conduit à la notion de dose collective: c'est la somme de toutes les doses reçues par une collectivité pendant un temps donné.
     Le facteur de risque donnera pour chaque individu la probabilité de radioinduction d'un cancer mortel suivant la dose individuelle qu'il aura reçue:

probabilité de cancer mortel = facteur de risque x dose individuelle

     La dose collective permettra d'utiliser le facteur de risque pour évaluer l'excès de cancers mortels qui apparaîtra dans une population pour une dose collective donnée:

excès de cancers mortels = facteur de risque x dose collective

     Si l'on utilise ce modèle linéaire, le fait de diluer les doses dans une population plus nombreuse (en transférant des aliments produits sur un territoire contaminé vers des régions non contaminées) ne réduit pas le nombre total de cancers si la dose collective est peu modifiée. Il en est de même si la dose est répartie sur une durée plus longue. La dilution ne modifie quasiment pas l'excès de cancer, elle ne fait que «démocratiser» l'effet en le diluant dans une population plus importante numériquement. Il devient alors beaucoup plus difficile à mettre en évidence.
     D'autres modèles ont été proposés pour représenter au mieux la variation de l'excès de cancer en fonction des doses reçues (fig. 1):
     1. Le modèle à seuil: c'est le plus rassurant des modèles. En dessous d'une certaine dose (généralement assez élevée), il n'y aurait aucun effet. Dans ces conditions, la dilution pourrait annuler l'effet si elle permet à chaque individu de recevoir une dose inférieure au seuil.
     2. Le modèle quadratique: l'effet par unité de dose est renforcé quand les doses augmentent. Ainsi aux faibles doses, l'excès de cancers serait suffisamment faible pour qu'on puisse introduire la notion de seuil pratique.

Figure 1: Différentes formes de courbes représentatives de la relation entre le risque et le rayonnement (relation effet/dose).

     3. Le modèle linéaire: c'est celui que nous avons décrit en détail.
     4. Le modèle supra-linéaire: l'effet par unité de dose serait renforcé quand les doses diminuent. Dans ce cas, la dilution des doses, à dose collective constante, conduirait à augmenter le nombre de cancers mortels en excès. Le bénéfice de la dilution résiderait uniquement dans l'impossibilité pratique de mettre en évidence par étude statistique un excès de cancers dans une très grande population.
     Deux conceptions s'opposent pour définir le risque:
     a) Le risque absolu
     Cette conception suppose que le nombre de cancers en excès dans une population ne dépend que de la dose reçue. Le facteur de risque serait identique pour tous les individus.
     b) Le risque relatif
     Dans ce cas, le nombre de cancers radioinduits dépendrait à la fois de la dose collective et de facteurs spécifiques à la population envisagée tels que le sexe, l'âge, l'état de santé, le mode de vie, etc. qui, généralement, déterminent la fréquence des cancers «naturels». Pour une dose donnée, le facteur de risque serait d'autant plus grand que la mortalité par cancers «naturels» est plus élevée. Si ce modèle est accepté, il faut définir un facteur de risque spécifique aux divers groupes qui composent la population. La radioprotection dans ce cas ne pourrait plus être globale et devrait tenir compte des groupes pour lesquels le risque est le plus élevé.
     La détermination du modèle qui représente le mieux les effets cancérigènes du rayonnement est capitale pour fonder les procédures envisagées en radioprotection et aussi bien sûr pour la gestion des crises nucléaires post-accidentelles.

LE SUIVI DES SURVIVANTS JAPONAIS DE HIROSHIMA ET NAGASAKI

     En 1950, le gouvernement américain décida d'effectuer un suivi de mortalité chez les survivants des bombardements atomiques de 1945. L'étude est faite par une fondation américano - japonaise (RERF: Radiation Effects Research Foundation). Les résultats de ce suivi sont périodiquement publiés. L'étude porte sur une cohorte de plus de 90.000 personnes identifiées par le recensement effectué en 1950 parmi les 300.000 survivants à cette date [6].
     Jusqu'à présent, cette étude était la seule qui faisait référence parmi les comités d'experts officiels pour l'établissement des critères de radioprotection.
     Les résultats de cette étude ont considérablement évolué pendant les vingt dernières années. Le schéma de la figure 2 montre comment l'estimation du risque cancérigène du rayonnement mesuré par l'excès observé de mortalité par cancer dépend considérablement du moment où on arrête le bilan de mortalité. Le bilan effectué 25 ans après l'irradiation (1970) tient assez bien compte des leucémies radioinduites mais présente un déficit important pour les autres cancers. L'estimation actuelle sous-estime probablement le risque car la totalité des cancers radioinduits en particulier chez ceux qui ont été irradiés avant l'âge de 10 ans ne s'est pas encore exprimée.

Figure 2: Schéma de l'excès de mortalité annuelle par cancers en fonction du temps écoulé depuis l'irradiation.

     Les leucémies apparaissent assez rapidement. On estime qu'en 1950 la moitié de l'excès total des leucémies s'est exprimée. Après 10 ans, la situation est redevenue quasi normale avec cependant un léger excès.
     Les tumeurs solides sont apparues après un long temps de latence et l'excès annuel de mortalité croit régulièrement avec le temps; il ne présente pas de fléchissement (sauf pour la thyroïde) même après une latence de 40 ans.
     Si l'on se fie au bilan effectué vers le début des années septante, on décompte assez bien les leucémies mais par contre on sous-estime considérablement les autres cancers. Les normes de radioprotection en vigueur actuellement sont fondées sur le bilan des années septante et les comités d'experts officiels n'ont jamais voulu rectifier leurs estimations du risque pour les adapter aux résultats les plus récents.
     Les résultats bruts publiés en 1987 par la fondation RERF [7,8] donnent un facteur de risque cancérigène du rayonnement 14 fois supérieur à celui adopté par la CIPR en 1977 soit 1.750 cancers mortels au lieu de 125 pour une dose collective de 1 million d'hommes x rem (1 million d'individus exposés à 1 rem ou 10.000 hommes x sievert, 10.000 personnes exposées à 100 rem ou 1 sievert).
     Edward Radford, ancien président du Comité BEIR de l'Académie des Sciences des USA, après avoir travaillé à la fondation RERF de Hiroshima a résumé d'une façon claire en 1986 les conclusions de l'étude sur les survivants. Voici les principaux points qu'il soulève:
     - La mortalité par cancers ne peut à elle seule représenter correctement le détriment causé par le rayonnement. Il faut tenir compte également de l'incidence des cancers non mortels. Cela multiplierait le risque par un facteur voisin de 2.
     - Le modèle du risque relatif est celui qui représente le mieux les résultats observés.
     - Le facteur de risque dépend fortement de l'âge à l'irradiation. En particulier, le risque relatif des personnes irradiées avant l'âge de 10 ans est environ 8 fois plus grand que pour celles qui ont été irradiées à l'âge de 35 ans. Il en résulte que les enfants forment un groupe à risque élevé.
     - L'hypothèse d'absence de seuil ne surestime pas le risque (ce qu'affirmait la CIPR en 1977) [9]. La courbe représentative des excès de cancers en fonction des niveaux de dose est compatible avec le modèle linéaire même pour des doses assez basses. Cependant, le modèle supra-linéaire semble le meilleur. Ainsi, le modèle linéaire sous-estimerait le risque dans la région des faibles doses.
     - La plupart des cancers montrent un effet du rayonnement encore en excès 40 ans après l'irradiation.
     - Certaines tumeurs bénignes sont corrélées au rayonnement. Ce résultat montre la possibilité d'un effet sur la morbidité, ce qui n'avait jamais été admis officiellement jusqu'à présent.
     Les résultats sont maintenant suffisamment clairs pour que les divers comités d'experts officiels soient obligés de réviser leurs conceptions sur le facteur de risque mais chacun y va de son facteur correctif pour amortir le choc. Ces facteurs de réduction ne se fondent pas sur des études faites sur des humains et n'ont guère de justification. La situation actuelle concernant le facteur de risque est résumée dans le tableau suivant:

L'estimation de la CIPR (1990) correspond au projet actuellement en discussion et non encore officiellement adopté par la Commission.
     L'estimation RERF utilise l'hypothèse linéaire. Si on utilise le modèle supra-linéaire de Radford, le facteur de risque aux doses faibles serait de 2700 cancers mortels pour 1 million d'hommes x rem. Ce résultat est à comparer à celui déduit de l'étude publiée en 1977 par Mancuso, Stewart et Kneale sur la mortalité chez les travailleurs de l'usine nucléaire de Hanford [14]. Cette étude donnait un facteur de risque conduisant à 7400 morts par cancers pour 1 million d'homme x rem soit 2,7 fois plus élevé que celui de Radford. Voir à ce sujet la discussion sur le facteur de risque et la dose de doublement dans la Gazette nucléaire n° 84/85. Cet écart pourrait s'expliquer pour différentes raisons:
     - des erreurs inévitables dans des études aussi complexes;
     - un suivi incomplet pour les survivants japonais, en particulier pour les enfants de moins de 10 ans en 1945;
     - le fait que la population des survivants n'est pas une population «normale» car elle a subi une situation de catastrophe n'ayant laissé survivre que les individus les plus robustes.
     En résumé, on peut dire que les deux grandes études épidémiologiques sur l'effet cancérigène du rayonnement, le suivi des survivants japonais et celui des travailleurs de Hanford dont l'incompatibilité était flagrante en 1977, donnent désormais des résultats assez convergents.
     Les effets biologiques des rayonnements ionisants sont certainement loin d'être totalement connus et quantifiés quoi qu'en disent certains depuis des décennies. Deux exemples le montrent bien:
     Une enquête épidémiologique fut ouverte en 1955 en Angleterre (Etude dite d'Oxford) pour découvrir pourquoi l'augmentation de la leucémie avait un effet aussi disproportionné sur les enfants de 3 ans. La cause de cet effet fut identifiée [15,16]: l'irradiation in utero des foetus lors des radiodiagnostics pratiqués sur les femmes enceintes. Ce résultat inattendu bouleversait les conceptions admises alors au sujet des effets biologiques du rayonnement. Au lieu de s'interroger pour élargir le champ de l'étude, les officiels de la santé rejetèrent les résultats, l'étude était officiellement déclarée fausse a priori. Il fallut attendre des dizaines d'années pour admettre que les foetus sont des êtres particulièrement sensibles au rayonnement et qu'il faut éviter d'irradier l'abdomen des femmes enceintes. Pendant toute cette période, on a continue à irradier des foetus.
     Plus récemment, une étude de Martin J. Gardner publiée dans le British Medical Journal[17] sur l'excès de leucémies chez les enfants dans la région voisine de l'usine nucléaire anglaise de Sellafield mettait en évidence un effet nouveau et tout à fait inattendu du rayonnement. L'excès de leucémies pouvait être attribué à l'irradiation professionnelle des pères ayant travaillé à l'usine. La corrélation est très forte pour ceux qui ont été irradiés dans les 6 mois qui précédèrent la conception. Il pourrait s'agir d'une action mutagène du rayonnement sur le sperme. Ceci bien sûr bouleverse une fois de plus les conceptions officielles de la radioprotection. Mais reconnaître ce fait nouveau devrait conduire à la réduction des doses maximales admissibles pour les travailleurs exposés aux rayonnements et le développement de l'industrie nucléaire risquerait d'être compromis.
     La situation actuelle dans les zones contaminées d'Ukraine, de Biélorussie et de Russie, suite à la catastrophe de Tchernobyl, montre que les problèmes liés à la contamination interne sont loin d'être élucidés et en tout cas se révèlent plus importants du point de vue des conséquences sanitaires que ce qui était admis jusqu'à présent.
     Au cours du temps, toutes les études ont finalement montré que l'être humain a une très grande sensibilité au rayonnement alors que les promoteurs de l'industrie nucléaire (que ce soient les savants, les techniciens ou les industries) admettaient a priori l'inocuité du rayonnement aux doses faibles.

Alice Stewart a parfaitement résumé l'importance du rayonnement sur les êtres vivants [6]:

«Bien que nous ne sachions pas quand commença la vie sur cette planète, nous avons appris que même les formes les plus primitives de vie ne sont pas compatibles avec de forts niveaux de radioactivité. Par conséquent, il est possible que la vie, et le développement de la biosphère à la surface de la terre, durent attendre que l'intensité de la radioactivité à la surface du sol ait décru jusqu'aux niveaux actuels. La découverte des rayons X, puis celle du radium, rendirent possible la surexposition individuelle des animaux ou des plantes, à des niveaux de rayonnement accrus, dans les pays à technologie avancée. Ce ne fut qu'après la découverte de la fission nucléaire qu'il y eut accroissement de certains niveaux de rayonnement ambiant. Ainsi, le problème actuel, héritage direct de la 2ème guerre mondiale, est d'empêcher qu'un processus inverse du processus naturel puisse causer d'irréparables dommages aux forces de vie

Roger Belbéoch,
"La Radioactivité et le vivant" dossier publié par Stratégies énergétiques, Biosphère & Société (SEBES),
Forum interdisciplinaire indépendant,
Genève, novembre 1990.

SIGLES UTILISÉS:

CIPR
Commission Internationale de Protection Radiologique.
BEIR Biological Effects of Ionizing Radiation. Comité de l'Académie des Sciences des USA pour l'étude des effets biologiques des rayonnements ionisants. (Lire les commentaires sur la BEIR Conference de Londres 24-25 Novembre 1986)
UNSCEAR United Nations Committee on the Effects of Atomic Radiation, Comité des Nations Unies pour l'étude des effets des radiations.
RERF Radiations Effects Research Foundation, Comité mixte américano-japonais pour l'étude du suivi des survivants japonais des bombres.
GSIEN Groupement de Scientifiques pour l'Information sur l'Energie Nucléaire, 2, rue François-Villon, F-91400 Orsay.


RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES:

1.
The accident at Chernolyl Nuclear Power Plant and its consequences. Information compiled for the IAEA Experts Meeting, 25-28 august 1986, Vienna. USSR State Committee on the Utilization of Atomic Energy. Annex 7, Medical-Biological Problems.
2.
Statement from the 1987 Como Meeting (Italy) of the International Commission on Radiological Protection, ICRP/87/G-05, 1986-10-09.
3.
Dossier sur Tchernobyl, La Gazette Nucléaire, n° 96/97 (juillet 1989) et n° 100 (mars 1990), édité par le GSIEN, 2, rue François-Villon, F-91400 Orsay.
4.
BELBÉOCH, Roger, Effets biologiques à long terme des faibtes doses de rayonnement ionisant, Actes du Colloque de Montauban, Nucléaire-Santé-Sécurité, 21-23 janvier 1988, édition par le Conseil général de Tarn-et-Garonne, France.
5.
BELBÉOCH, Roger (1988), Les effets biologiques des faibles doses de rayonnement. Introduction in Santé et Rayonnement, Effets cancérigènes du rayonnement, édité par GSIEN / CRII-RAD.
6.
STEWART, Alice (1983), «Effets sur la santé de l'irradiation par des doses faibles», La Gazette nucléaire, n° 56/57, décembre; pour sa numérisation, voir la Rétrospective.
7.
PRESTON, Dale and Donald A. PRESTON (1987), The effects of change in dosimetry on cancer mortality risks estimates in the Atom Bomb Survivors, Technical Report RERF, 9-87, august.
8.
RADFORD, Edward (1987), «Recent evidence of radiation induced cancer in the Japanese atomic bomb survivors», in Radiation and Health, Wiley Medical Publication. Partiellement dans la Gazette nucléaire, n° 84/85, janvier 1988.
9.
Annals of the ICRP, Publication 26 - Recommendations of the International Commission on Radiological Protection, janvier 17-1977.
10.
BEIR III report (1980), The effects on population of exposure to low levels of ionizing radiation. Report of the Committee on the Biological Effects of Ionizing Radiation, National Research Council, Washington DC.
11.
SOURCES, Effects and Risks of Ionizing Radiation, United Nations Scientifîc Committee on the Effect of Atomic Radiation (UNSCEAR), 1988, Report to the General Assembly United Nations, New York, 1988.
12.
Health Effects of Exposure to Low Levels of Ionizing Radiation, Report V of the BEIR Committee, National Academy of Presi, Washington DC, 1990.
13.
International Commission on Radiological Protection, Recommendations of the Commission ICRP/90/G-01, Feb. 1990.
14.
MANCUSO, Thomas F., Alice STEWART and George KNEALE (1977), «Radiation Exposures of Hanford Workers dying from Cancer and Other Causes», Health Physics, vol. 33, n° 5, p. 369-385.  G.W. KNEALE, T.F., Alice M. MANCUSO and M. STEWART, Hanford radiation study III: a cohort of the cancer risks from radiation to workers at Hanford (1944:77 deaths) by the method of regression models in life-tables. - R. BELBÉOCH, B. BELBÉOCH et D. LALANNE (1978), «Effets des faibles doses de rayonnement», Fiche Technique, n° 34, GSIEN, février 1978.
15.
STEWART, A.M. and G.W. KNEALE (1970), «The age distribution of cancers caused by obstetric X-rays and their relevance to cancer latent periods», Lancet, i: 1185.
16.
KNEALE, G.W. and A.M. STEWART (1976), «Mantel-Haenszel Analysis of Oxford data»,J. Nat. Cancer Inst., vol. 56, n° 5, p. 879-883, vol. 47, p. 1009.1014.
17.
GARDNER, Martin J.et al. (1990), «Results of case-control study of leukaemia and lymphoma among young people near Sellafield nuclear plant in West Cumbria», British Medical Journal, vol. 300, feb. 17.