Cela les a conduits à recommander
des limites de dose "acceptables" en baisse. La Commission
des Communautés européennes a entériné
ces recommandations dans sa Directive du 13 mai 1996 avec cette
réserve curieuse: « Actes dont la publication n'est
pas une condition de leur applicabilité ».
Il faut signaler que cette directive est directement inspirée
des recommandations de 1990 de la Commission Internationale de
Protection Radiologique (CIPR) dans sa publication CIPR
60. Il aura fallu 6 ans à Bruxelles pour décrypter
les recommandations de 1990 de la CIPR. Il faudra encore 4 ans
pour que les États mettent en application la directive
européenne. La CIPR reconnaît en 1990 que le facteur
de risque cancérigène du rayonne ment est plus élevé
qu'en 1977 mais il faudra encore 10 ans pour que l'application
concrète s'ensuive.
La directive européenne omet de mentionner certains concepts
assez nouveaux de la CIPR. En particulier la CIPR réfute
dans plusieurs de ses articles le concept de dose en dessous de
laquelle il n'y aurait aucun effet biologique. Pour la CIPR toute
dose de rayonnement aussi faible soit-elle comporte un risque
cancérigène et génétique et ce risque
augmente avec la dose. Elle affirme que «la limite de dose
est largement, mais d'une façon erronée, considérée
comme une ligne de démarcation entre l"inoffensif"
et le "dangereux" » (Art. 124).
Pourtant, si l'on compare les facteurs de risque cancérigène
et génétique de 1977 à ceux de 1990 on s'aperçoit
que les nouvelles limites que la commission recommande, bien qu'à
la baisse, tiennent compte de la "protection" de l'industrie
nucléaire bien plus que de la protection sanitaire de la
population. Les limites de dose auraient dû être beaucoup
plus basses encore, si la CIPR avait maintenu les niveaux de risque
qu'elle considérait comme "acceptables" en 1977.
On retiendra que pour la commission aucune dose n'est sans danger
et que les limites de dose qu'elle recommande sont davantage des
limites d"inacceptabilité" que des limites "acceptables".
La CIPR reconnaît qu'il n'est pas possible de fonder la
radioprotection sur des critères uniquement sanitaires
ou scientifiques. Les critères économiques doivent
intervenir. Dans ce cas on ne voit pas ce qui pourrait justifier
l'existence d'une commission d'experts scientifiques pour établir
des normes de radioprotection. Si ces normes dépendent
de conditions socio-économiques c'est à l'ensemble
de la société de les déterminer. La CIPR
bien sûr ne va pas jusque là, demander aux citoyens
d'établir les normes qui devraient les protéger.
Roger BELBÉOCH
Physicien, Université de Paris-sud