Quelques compléments sur la situation actuelle

Superphénix est officiellement mis à l'arrêt

Le décret n°98-1305 du 30 décembre 1998 définit " la première étape de la mise à l'arrêt définitif " du réacteur à neutrons rapides qui fut pendant longtemps et malgré les pannes à répétition, l'orgueil de la nucléocratie française. Il ne s'agit que d'une première étape. L'arrêt définitif en nécessitera certainement plusieurs autres. Quant au démantèlement de l'installation c'est du futur lointain.

Le décret n'autorise que ce qui est concevable,
" - le déchargement du réacteur
- la vidange et l'entreposage du sodium
- le démontage d'installations non nucléaires ".

Le décret précise (Art. 2) " Les autres étapes de la mise à l'arrêt définitif de l'installation (...) devront faire l'objet d'approbations ultérieures par décret ".

Ce décret n'a pas donné lieu à une enquête publique ce qui aurait arrangé les fanatiques de Superphénix par le délai supplémentaire que cela aurait permis. Mais on comprend leur embarras car une enquête publique aurait nécessité la publication d'un dossier d'enquête où il aurait fallu être un peu plus loquace que pour un simple décret. Ce dossier aurait mis en évidence l'insouciance des concepteurs vis-à-vis de l'arrêt de l'installation.

Cette première phase de la mise à l'arrêt définitif n'est pas sans risques. La manipulation du combustible (plutonium) n'exclut pas les risques de criticité (explosion), la vidange du sodium n'exclut pas les risques d'incendies qu'on ne saurait pas éteindre. D'ailleurs l'article premier du décret demande une " mise à jour du plan d'urgence interne du site de l'installation ".

Concernant la sûreté de cette première étape, l'article 3 précise : " L'exploitant établira les consignes de sécurité et les procédures détaillées à respecter relatives aux opérations de manipulation du combustible, de vidange et d'entreposage du sodium ". Ainsi c'est l'exploitant lui-même qui définira ces normes de sûreté. Il n'est pas précisé dans le décret que l'exploitant (EDF) ne devra en aucun cas tenir compte des coûts des opérations pour établir et faire respecter les consignes de sécurité.

L'affaire Superphénix est loin d'être terminée et il serait assez dangereux de s'en désintéresser sous prétexte que l'arrêt définitif vient d'être acquis.

 

Le réacteur européen du futur en difficulté

Le lobby nucléaire français comptait bien sur ce réacteur européen (EPR) pour donner un nouveau souffle à l'énergie nucléaire. L'orientation allemande vers un " nucléaire financièrement raisonnable " conduit Siemens à s'écarter de Framatome.

Il semble impossible de justifier la construction d'un tel réacteur en France ou en Allemagne. Nos experts suggèrent de l'offrir à la Russie, mais qui paierait la facture ? L'Ukraine serait peut-être le lieu idéal après la fermeture de Tchernobyl !

La vitrine du nucléaire français n'est guère attrayante avec les déboires de Superphénix, les incidents à répétition du palier N4 tant à Civaux-1 qu'à Chooz B1 et B2 alors que ces réacteurs étaient dits les plus puissants et les plus sûrs du monde, sans oublier les difficultés qu'on peut prévoir pour La Hague.

 

Les Allemands et le nucléaire

Les élections allemandes du 27 septembre 1998 et la nécessité pour les sociaux-démocrates de s'allier avec les Verts ont sérieusement perturbé le nucléaire.

Les problèmes que les divers protagonistes ont à résoudre sont particulièrement complexes, et à défaut de solutions, nécessitent de rendre de plus en plus confus le débat sur l'avenir de l'énergie nucléaire.

Il apparaît clairement que personne ne veut mettre en avant de son argumentation la possibilité d'accidents nucléaires graves. Tout le monde reste dans le domaine économique. Le fric rien que le fric. A partir d'arguments uniquement financiers on ne peut, à l'évidence, justifier la mise à l'arrêt rapide des réacteurs allemands. Mais il faut que les Verts allemands apparaissent comme de farouches et irréductibles antinucléaires tout en acceptant que les réacteurs continuent à fonctionner jusqu'à la fin de leur vie (40 ans). L'affaire du non retraitement des combustibles allemands à La Hague est apparue comme une porte de sortie honorable. Cela perturbait les finances nucléaires françaises sans mettre en cause la vie des réacteurs allemands. Beaucoup de bruit, des déclarations fracassantes cela conforte les Verts dans leur position antinucléaire. Chez nous on n'ose pas dire " on a gagné ", on se contente de dire " ils ont gagné ". Puis le temps passe et on voit se pointer une phase de négociations. Le débat a été escamoté au profit de coups de gueule bien médiatisés et le nucléaire va pouvoir continuer tranquillement, à moins que...

 

La Suisse renonce au nucléaire à l'horizon 2025

C'est le titre d'une brève dans Le Monde du 28 octobre 1998.

Quelle est la situation des réacteurs nucléaires suisses ? 5 réacteurs sont en fonctionnement. Le plus vieux a été couplé au réseau en 1969 et le plus récent en 1984. Si ce dernier est mis hors jeu en 2025 il aura vécu 40 ans. S'il en est de même pour les autres la première mise à l'arrêt devra attendre 2009.

Il s'agit là d'une décision fondée uniquement sur des considérations économiques et les lois du marché. Le danger du nucléaire et les conséquences pour la population des accidents nucléaires graves ne sont pas pris en compte dans cette décision. Il n'y a pas lieu de pavoiser.

Roger Belbéoch, 27 janvier 1999.