International Herald Tribune, 18-19/8/90:
Matthew L. Wald (New York Times Service)
Les experts américains qui ont étudié
le programme de bombes atomiques soviétiques fournissent
un tableau de contamination radioactive intense de l'environnement
et de doses d'irradiation très élevées pour
les travailleurs de ces usines.
L'URSS a récemment confirmé que durant les premières
années de son programme atomique, les déchets radioactifs
étaient directement rejetés dans la rivière Techa, au point que des
traces en sont décelables dans l'océan arctique
(d'après les experts américains).
En 1951, les déchets ont été rejeté
dans le lac Karatchaï, un réservoir d'eau sans débouché
de 40 ha. L'opération a été arrêtée
quand il y a eu 120 millions de curies déversées
(cela représenterait deux fois et demi les rejets de Tchernobyl).
D'après Thomas Cochran, un physicien du Natural Resources
Defense Council, une association privée de Washington,
ce lac serait l'endroit le plus pollué de la planète.
Sur une plage proche de la conduite déversant les déchets,
on enregistrerait 600 roentgen/heure (d'autres scientifiques,
qui ont fait un voyage récent à Tchéliabinsk
ont compris que le taux serait de seulement six roentgen par heure).
Les soviétiques s'efforceraient de réduire l'étendue
contaminée en diminuant la surface du lac. [lire: Contamination nucléaire en Sibérie]
De leur côté, les Etats-Unis doivent débourser
100 milliards de dollars pour nettoyer la pollution provoquée
par les usines d'armement nucléaire. Les niveaux de contamination
aux Etats-Unis seraient beaucoup moins élevés qu'en
URSS.
Un chercheur de Harvard, Alexandre Shlyakhter, ancien membre de
l'institut de Physique nucléaire de Léningrad, a
traduit un article paru en février dans la revue trimestrielle
"Priroda" ("Nature" en russe, NdR).
Son auteur, M. Nekipelov, affirme que les travailleurs des usines d'armement atomique ont
souvent reçu plus de 100 rems (et
qu'ils connaissent un taux de cancer de 8,1 % au lieu de 4,1 %
pour le reste de la population). Cette dose semble en générai
avoir été reçue en quelques mois ou quelques
années. L'article dit également que la dose moyenne reçue par les
travailleurs du plutonium aurait été en 1949 (une
année record) de 94 rems. 1,8 % de ces travailleurs aurait
reçu plus de 400 rems. Comme il
s'agit toujours d'un site soumis au secret militaire, on ne peut
savoir combien de travailleurs ont subi ce sort (mais Shlyakhter
l'estime à 6 000 - 6 500).
"La dose collective semble supérieure à celle
reçue par les Japonais", a-t-il dit en parlant des
survivants des bombes d'Hiroshima et de Nagasaki.
La méthode de fabrication des bombes au plutonium était
fondamentalement semblable à celle utilisée par
les Etats-Unis à l'usine de Hanford (état de Washington).
Les déchets de Hanford ont été concentrés
et des effluents liquides ont été déversés
dans des bassins en terre, dans l'hypothèse
erronnée que le sol fixerait les matières radioactives.
Le restant a été mis dans des réservoirs
dont beaucoup ont fui, et dont quelques-uns menaçaient
d'exploser.