Humour noir 6

 

L'efficacité dans l'information du public

 

A l'Hôtel Intercontinental à Paris s'est tenu, les 13, 14 et 15 janvier 1977, un très sérieux colloque sur le thème : " Implications psychosociologiques du développement de l'industrie nucléaire " Cette brillante réunion a donné lieu à un épais compte rendu des débats de 562 pages, édité par la Société Française de Radioprotection. Nous conseillerons volontiers à nos lecteurs de lire cet ouvrage, malheureusement son prix élevé est assez dissuasif. Mais rassurez-vous, nous essaierons de vous en dégager les meilleurs morceaux.

Cependant, nous ne résistons pas au plaisir de vous donner un extrait de la dernière page où M. le professeur Tubiana clôt ces journées studieuses :

" Un des points qui ressort de ces débats est la nécessité pour les scientifiques de reconsidérer la façon dont est faite l'information. Il faut que nous cessions de voir celle-ci à travers un schéma simpliste et rationaliste, mais l'acceptions telle qu'elle est. Il est nécessaire que nous réfléchissions sur la façon dont nous considérons le public, il faut que nous étudions la façon dont se forme l'opinion publique, et la façon dont doit être abordée l'information du public, en tenant compte de l'existence des mythes, sans sous-estimer leur importance et leur influence, et en sachant qu'il est toujours plus difficile d'extirper une idée fausse, d'empêcher la propagation d'un mythe, que de répandre des informations exactes. "

Après tout, cela n'est pas faux, il faut en effet réfléchir à la façon de faire comprendre aux technocrates que le salut par le nucléaire c'est un mythe (au sens de M. Tubiana). Mais poursuivons la lecture :

" Il faut que nous recherchions l'efficacité dans l'information du public au lieu de nous contenter d'une information éthérée parfaitement satisfaisante mais inintelligible ou inefficace. Au début de la dernière guerre, il y avait en France un Ministre de l'information qui s'appelait M. Giraudoux et en Allemagne un Ministre de l'information qui s'appelait M. Goebbels. Sans aucun doute, Jean Giraudoux était beaucoup plus intelligent, beaucoup plus subtil que M. Goebbels, et l'écouter était un délice, mais je crains que M. Giraudoux n'ait jamais fait changer d'opinion à une seule personne, alors que l'efficacité de M. Goebbels était redoutable. "

Nous ne ferons pas de commentaires, cela serait superflu !... Et pour ne pas nous faire accuser de couper au bon endroit, nous vous donnons la fin du texte :

" Sans faire de transposition, c'est une leçon dont il faut se rappeler. L'information doit être honnête et elle doit être rigoureuse. Mais il ne faut pas non plus oublier qu'une information, pour être efficace, doit s'effectuer selon certaines règles et qu'on ne peut pas négliger ces règles. C'est pourquoi tout ce qui peut nous aider à comprendre comment se construit une opinion publique, comment chemine l'information, est à la fois utile et intéressant si l'on veut éviter que ne s'approfondisse le fossé entre les scientifiques et l'opinion publique. "

La Gazette Nucléaire n° 20 septembre 1978

 


Le nucléaire et la stabilité de l'emploi


Deux petits textes parus dans le Canard Enchaîné (25 juin 1997 et 9 juillet 1997) tentaient de rassurer les manifestants de Malville contre la fermeture de Superphénix. Le Canard précisait " La durée de vie du plutonium étant de 24 000 ans il y aura des boulots de vigiles pour ... 240 siècles ". En réalité au bout de ces 240 siècles seule la moitié du stock de plutonium aura disparu et il ne serait pas prudent de laisser ce qui reste sans surveillance. Après 2400 siècles le stock aura notablement diminué, il n'en restera plus que 0,1%.

Serait-il alors prudent de licencier les vigiles ? Non car quand le plutonium 239 disparaît il donne naissance à de l'uranium 235. Ce radioélément n'est pas officiellement classé parmi les radioéléments à forte radiotoxicité mais il a, parmi ses descendants, le protactinium 231, redoutable radiotoxique (plusieurs fois plus radiotoxique que le plutonium) qui sera présent dans le stock avec sa ribambelle de descendants tous bien dangereux, tant qu'il y aura de l'uranium 235 présent.

De plus cet uranium 235 est un excellent produit pour confectionner des bombes de bonne qualité (voir l'effet sur Hiroshima). La moitié de l'uranium 235 ne disparaît qu'au bout de 7 millions de siècles et au bout de 70 millions de siècles le stock aura beaucoup diminué il n'en restera plus que 0,1% de la quantité initiale. On pourrait alors envisager le licenciement des vigiles mais pas avant d'avoir fait quelque chose pour empêcher le gros paquet de plomb du bout de la chaîne de polluer définitivement la région. Voilà qui devrait réjouir tout ceux qui sont à la recherche d'un "développement durable" pour limiter le chômage...


Le nucléaire et les gouvernements socialistes


Les gouvernements socialistes sous Mitterrand après la victoire de 1981 ont démarré les travaux sur 15 réacteurs nucléaires soit 22,4% du parc actuel. Si l'on tient compte de la puissance de ces réacteurs socialistes ils représentent 33% de la puissance électronucléaire installée en France.

Rappelons que le parti socialiste signait en 1979 avec huit autres organisations une pétition nationale exigeant quelques mesures radicales dont " la suspension du programme électronucléaire actuel tant que le débat démocratique n'aura pas été conduit à son terme ". La pétition exigeait aussi la levée du secret entourant l'énergie nucléaire.

C'était avant les élections qui portèrent la gauche au pouvoir. En fait de débat démocratique on a eu quelques débats bidons où les problèmes spécifiques de l'énergie nucléaire n'ont pas été posés en particulier la possibilité d'un accident majeur sur nos réacteurs. Il est vrai que les élus socialistes ne sont pas les seuls responsables, il ne faudrait pas oublier la responsabilité (voire la complicité) des médias. Et après le traditionnel " On a gagné, on a gagné ", le programme nucléaire s'est poursuivi pour atteindre le record mondial de surcapacité.

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Roger Belbéoch