Ouverture :
Des souvenirs davoir eu une information quelconque sur les
produits avec lesquels vous alliez travailler ? Oui
on me disait quil ny avait pas de problèmes,
que ce nétait pas dangereux. On insistait sur les
problèmes électriques, mais ça on connaissait.
Bon on nous disait quil fallait avoir des chaussures de
sécurité à cause des clous. Voilà,
mais ça on sait aussi (rires). Quil fallait avoir
des ceintures de sécurité quand on montait dans
les étages
Mais sur luranium, non, il ny
avait pas de problème, ce nétait pas dangereux...
Voix off "Le fait de soumettre une
personne en abusant de sa vulnérabilité ou de sa
situation de dépendance à des conditions de travail
incompatibles avec la dignité humaine est puni de deux
années demprisonnement et de cinq mille francs damende".
[Article L225-14 du code pénal].
"Chaque année en France
20 à 30 000 travailleurs interviennent en sous-traitance
dans lindustrie nucléaire. Intérimaires, travailleurs
temporaires, ils effectuent des missions ponctuelles dans les
centrales EDF ou dans les usines COGEMA de traitement de luranium.
Le plus souvent ils sont affectés aux tâches de maintenance
des centrales. Cest un travail peu qualifié mais
indispensable pour la sûreté des réacteurs.
Selon une étude de lINSERM publiée lannée
dernière (1) les travailleurs extérieurs
du nucléaire reçoivent 80 % de la dose collective
annuelle dirradiation dans le parc nucléaire français.
Michel Leclerc et Luis Garcia ont travaillé
pendant plusieurs années dans lusine de traitement
duranium de la COMURHEX, une filiale de la COGEMA sur le
site de Malvési à côté de Narbonne.
Travailleurs intérimaires ils ont été engagés
par une société de sous-traitance, la SERCI".
[La COMURHEX reçoit, en provenance des mines, luranium
sous forme de concentré et le traite pour en faire de luranium
métal et du fluorure duranium UF4 qui est une poudre.
Elle traite aussi luranium qui vient des centrales après
avoir été utilisé comme combustible].
( ). [Par lintermédiaire dun ami, Michel Leclerc, mécanicien-auto, est embauché comme mécanicien industriel à lusine denrichissement duranium].
Zoé Varier sadressant à
Michel Leclerc :
Vous, vous arrivez. Vous avez quel âge à cette
époque ? Cétait en 80 donc
javais 30 ans. Donc vous arrivez, vous croisez votre
ami qui vous dit " Viens je vais te faire embaucher
comme mécanicien industriel " Voilà.
Et vous vous pointez le lendemain Je me pointe le
lendemain dans cette usine, donc à la SERCI. On enregistre
mon nom
Alors la SERCI, cest quoi par rapport à
la COMURHEX ? Cest une entreprise en sous-traitance
qui fait de la sous-traitance pour COMURHEX cest-à-dire
dans les grandes usines la maintenance elle se fait par dautres
entreprises.
Quest-ce quon vous dit quand on vous embauche ?
Il y a eu une séquence de 2 heures, on a travaillé
un petit peu sur la sécurité. Mais elle ne sest
pas faite tout de suite, elle sest faite environ au bout
de 8 jours. Et puis surtout on a cherché, bon je lai
réalisé un petit peu après, on a cherché
à minimiser les risques de luranium. On nous a expliqué
quici on enrichissait de luranium, quil ne fallait
pas tellement en avoir peur. Et la personne qui nous faisait ce
cours relativement court de 2 heures, ne nous a rien expliqué
sur les acides, quon pouvait retrouver de luranium
sous forme liquide dilué dans les solvants [dissous
dans les solvants]. Et il manipulait aisément une barre
duranium à la main pour nous faire voir quil
ny avait pas de risque.
Et vous y avez cru ?
Dans la mesure où cest un danger quon
ne voit pas, quon ne sent pas, on ne voit pas les risques
On na pas la même notion du danger. Ouvrier, on est
formé à avoir du danger, du danger physique :
par un objet qui tombe, par
Et ça, là cest
insidieux comme danger.
Donc vous ne saviez pas, vous ne pouviez pas savoir si vous
vous mettiez en danger ou pas ?
Voilà, on ne savait pas si on se mettait en
danger ou pas. Et on lavait mal expliqué, parce que
je pense que la volonté cest de ne pas faire peur
aux ouvriers, pour que les ouvriers ils travaillent bien consciencieusement.
Zoé Varier sadressant à
Luis Garcia :
Vous avez été embauché par une entreprise
sous-traitante aussi ? Voilà. Une entreprise
extérieure. Et vous étiez quoi ? Quest-ce
que cétait votre qualification ? - Tout
dépend des missions : ou jétais chaudronnier
ou jétais tuyauteur ou jétais soudeur.
Pendant combien dannées ? Jai
travaillé de 1980 à 87 et jai fait des missions
qui duraient jusquà 3 ou 4 mois. Vous étiez
intérimaire ? Jétais intérimaire,
oui.
Vous dites que dans les intérimaires il y a une hiérarchie.
Oui il y a une hiérarchie. Au début je faisais
nimporte quoi et au bout de 2 ou 3 missions le responsable
ma dit : "mais cette fois on te connaît, on va
pas te faire aller à cet endroit qui est très pollué
donc on enverra les nouveaux".
Vous vous êtes posé des questions au moment où
on vous a dit ça ?
Euh oui on se pose des questions, mais il y a quelque
chose dassez curieux cest que quand on est à
lintérieur de la COMURHEX on na plus peur de
luranium. Moi je sais que je nai jamais refusé
un travail, même dans des endroits pollués.
Peut-être, bêtement, parce que si vous refusiez
vous étiez virés, non ?
Eh ! Oui. De toute façon si on avait refusé
on était viré. Déjà lagence
intérimaire qui envoie quelquun à la COMURHEX
sil refuse dy aller il na plus de boulot. Donc
Donc vous ne pouviez pas, non plus, refuser.
Non. Non on ne pouvait pas non plus refuser. Non.
Est-ce que vous pouvez expliquer les conditions de travail
et quel type de travail vous avez pu faire ?
M. L. On travaille à réparer, à
remplacer de la tuyauterie qui souvent, par le fait quelle
était abîmée, était bouchée.
Donc elle était pleine duranium. Et donc quand on
coupait cétait bourré duranium ou de
liquide ou dun tas de produits dont on ignorait souvent
le nom.
Ça veut dire que vous vous êtes retrouvés,
des fois, DANS luranium ; à travailler avec
de luranium partout autour de vous, de la poussière
duranium sur vous.
- -Ah ! oui, sur la tête, dans les poches, il y
en avait partout. On était couvert duranium.
Vous dites que des tuyaux bourrés duranium se
sont vidés sur vous.
Oui bien sûr. Cétait courant. Pratiquement
à chaque fois. Pour nous cétait normal. Donc
du moment que tout le monde nous voyait faire et que ça
arrivait pratiquement tous les jours
en principe il ny
avait aucun problème
Vous aviez des gants ? Ah ! on avait des
gants oui. Et un masque ? Euh ! pas toujours,
parce que, bon, un masque au bout de 10 minutes il est saturé
par lhumidité, on a besoin de respirer
on lenlève.
Non, non on navait pas toujours de masque. Et puis souvent
quand luranium est sous forme soluble, quand on démonte
une pompe, ce sont des particules "vaporisées"
[ça forme des aérosols].
Mis à part les masques, quest-ce que vous aviez
dautre ? Des gants ?
On avait des gants en cuir ou des gants en caoutchouc
sil restait de lacide. De temps en temps quand on
devait intervenir dans un four, une combinaison blanche en papier,
comme ils les ont, jetable donc. Enfin de toute façon ça
ne protégeait pas des radiations
Non.
Et puis comme on nest pas conscient du
danger, cest surtout le manque dinformation, il est
total pour les entreprises, surtout pour les intérimaires
des entreprises sous-traitantes. On arrive en bout de chaîne,
on compte pour rien et puis surtout, on dilue les risques puisque
le gars il va venir travailler 1 mois, 2 mois, 3 mois, 6
mois puis il va travailler ailleurs. Donc cest un gars qui
passe.
Voix off :
Selon lINSERM, de lavis même de la direction
des installations nucléaires, en cas dincident, les
industriels sont incapables de dire exactement qui sont ces salariés
intérimaires et quel est le lien avec la société
sous-traitante qui intervient sur le site.
Le directeur de lusine de traitement de luranium de
la COMURHEX dans laquelle Michel Leclerc et Luis Garcia ont travaillé,
déclarait en 1996 "Il ny a pas de radioactivité
possible, à moins de manger le produit à la petite
cuillère".
M. L. Il y a des fours qui sappellent
des fours COMESAC, qui sont pour le séchage du produit.
Le produit cest luranium [un composé duranium].
Et suite à une reprise [du travail] de lusine, les
fours étaient chargés et avaient commencé
à travailler. Quand le four sest bloqué nous
sommes intervenus à partir de 7 heures le soir. Nous avons
travaillé toute la nuit et comme le four avait été
mis en route il faisait très, très chaud, situation
irrespirable, cette odeur âpre de luranium nous prenait
à la gorge, cétait
Comment vous faisiez pour respirer ?
Ben il faisait très, très chaud, il
devait faire 60°, 70°, cétait lenfer
donc. Alors on entrait, on travaillait 3, 4 minutes, on sortait
une minute, et
Et vous rentriez ! Oui
on re-rentrait et toute la nuit comme ça.
Vous dites que vous avez travaillé en apnée par
moments.
Oui ça mest arrivé, ça mest
arrivé une fois. On travaillait sur une tuyauterie dacide
fluorhydrique, donc il y avait des vapeurs dacide fluorhydrique.
Et il y avait un masque avec de loxygène et il sétait
tout de suite déchiré.
Et en dessous il y avait votre bleu ?
En dessous il y avait notre bleu, oui.
Un jour un camion une citerne a été
trop rempli duranium, de poudre du produit et le camion
ne pouvait plus partir parce quil était vraiment
trop lourd. On a fait venir les intérimaires qui sont rentrés
à lintérieur de la citerne, avec des pelles,
pour vider par le trou, donc, du camion. Et ils étaient
simplement habillés avec la combinaison en papier.
Qui se déchirait ?
Qui se déchirait oui. On les a fait spécialement
venir pour ça. Donc ils ont travaillé un jour, quoi,
cest tout.
Moi
on était directement en contact avec le produit.
Quand on démontait les fours où il y avait de luranium
qui restait partout, donc on marchait dedans, cétait
volatil. Cest une poussière assez volatile [ce
composé duranium est une poudre fine qui vole
facilement dans lair]. Donc on était dedans
quoi, on pataugeait dans le produit. Il peut y avoir 2 cm, 5 cm,
ou on est couvert dune simple pellicule de poussière,
mais il y en avait partout, y en avait partout. Le bleu on était
obligé de lépousseter, il y en avait sur nous.
Cest des situations quasi journalières.
Vous mangiez en bleu le midi ? Oui, oui. Cest
à dire votre bleu recouvert de poussière ?
Voilà. Casse-croûte ? Casse-croûte
oui. A la poussière duranium ?
A la poussière duranium oui. Tous les midis on mangeait
sur place dans latelier. Cétait interdit, mais
enfin tout était bien organisé pour quon mange
sur place. Comme ça on gagnait du temps.
Et puis quoi dautre ?
Le balayage du vendredi après-midi. Là
on nettoyait latelier à grands coups de balai avec
de la poussière partout. Pas dextracteur de poussières.
On était envahi de poussière. Duranium oui.
Vous aviez des dosimètres, enfin des
?
Oui on avait un dosimètre, mais le dosimètre
ne mesure pas tout. Cet uranium, il ne "tape" pas tellement,
donc le dosimètre ne le prend pas. (
) Le risque principal,
on risque dingérer de luranium
Et dinhalation ?
Dinhalation. Et à ce moment-là
il se fixe sur les os et à partir de là il est dangereux.
Il émet en permanence à lintérieur
du corps.
Vous dîtes aussi dans votre déposition que quand
les tuyaux se vidaient sur vous, on vous disait dessuyer
votre dosimètre. Oui. Parce que vous aviez
"chargé". - Oui ils tenaient à ce
que le "badge", du moins, soit propre, pour pouvoir
dire quil ny avait pas de problème. Le badge,
cest le dosimètre ? Oui voilà.
[On disait aux intérimaires "dessuyer leur
dosimètre", les ouvriers y souscrivaient volontiers
"parce que si le badge avait été très
pollué (
) on perdait notre travail".]
Mais à la fin de chacune de vos journées de travail
est-ce que lon regardait ? Est-ce quil y avait
des agents de sécurité qui regardaient vos dosimètres
pour savoir quelle dose vous aviez pu
Non, nos dosimètres étaient relevés
tous les mois ; nous avions des analyses durine tous
les 15 jours et une prise de sang tous les 6 mois.
Et ça, vous ne vous posiez pas de questions ? Vous
ne vous disiez pas "ça doit quand même être
dangereux pour quon prenne toutes ces précautions-là" ?
Pfft ! dans le monde ouvrier, malheureusement on se
pose pas tellement ces questions. Non, on avait tous besoin de
travailler.
Mais il y avait quand même quand vous regardiez les fûts
je ne sais pas si cétait des fûts
mais il y avait écrit "radioactivité"
Ah ! oui bien sûr. Les étiquettes
Il y avait des étiquettes "radioactivité"
quand on entrait dans les ateliers. Il y avait le sigle "radioactif".
En entrant dans les ateliers tout nous rappelle que cest
radioactif. Mais dans la mesure où on nous lexpliquait
pas, où on ne nous disait pas
Jamais on ne nous faisait
remonter une information que quelquun, que des personnes
étaient tombées malades. Il y avait bien quelques
employés de lusine qui nous disaient : "attention !
ce nest pas du chocolat les gars, vous ne faites pas assez
attention". Donc eux, les gars qui travaillent depuis 20
ans
et puis ils avaient une meilleure information. Linformation
des salariés de la COMURHEX nest pas du tout la même
que linformation des entreprises de sous-traitance, ça
je lai découvert après. Ils ont des formations
permanentes ; aujourdhui jai les documents qui
en attestent. Et puis les gars ils travaillent sur des postes
de travail, cest à dire sur des chaînes, ils
avaient un pupitre, un pupitre de commande. Donc eux ils nintervenaient
pas directement sur les produits comme nous le faisions. Mais
enfin ils nous disaient "là il faut pas
, il
faut éviter de rester", ils nous disaient "ça
tape fort là".
[Cest en 1983 que Michel Leclerc ressent
les premiers symptômes de la maladie]
En 1983 jai eu un gros coup de fatigue, énorme.
Bon, jétais jeune à lépoque,
javais 32, 33 ans et donc javais mal dans les os,
les jambes étaient sciées de fatigue, jen
pouvais plus, je me couchais le soir, je récupérais
pas. Et donc en octobre 83 jai été consulter,
jai été hospitalisé pendant trois jours
pour faire des examens. Ils ont conclu en 83, à cette époque
là, que javais eu une "intoxication au tabac",
donc qui avait fait monter les globules blancs. Donc javais
arrêté de fumer et les globules blancs étaient
redescendus
oh ! je ne sais pas si cest dû
au repos ou autre
Mais enfin on navait pas du tout
moi
javais fait un petit peu cette relation avec luranium
mais
Pas plus que ça
Pas plus que ça, non,
ça mavait pas
Les docteurs ne mavaient
pas tellement alarmé sur le fait. Seulement, le médecin
qui a fait le rapport écrit bien : "ce patient
se plaint, depuis six mois environ, de fatigue". Et donc
quand jai, bien plus tard, quand je suis tombé malade,
jai appris quen avril 83 javais dépassé
les normes dans les urines, mais énormément hein.
[Michel Leclerc ne fut pas informé de cet énorme
dépassement des normes de contamination par luranium
dans les urines. Il ny eut pas danalyses ni dexamens
complémentaires comme cela aurait dû être fait
dans ces cas-là. Aucun médecin ne relia sa fatigue
à son métier].
Donc quand vous êtes sorti de lhôpital, six
mois après, vous avez recommencé à travailler
?
Eh oui, jai recommencé à travailler
sur le même site, dans les mêmes conditions et sans
que ça choque le médecin qui faisait la Médecine
du travail sur place, intégrée à lusine.
Médecine du travail qui nest pas tout à fait
indépendante, qui est payée par la COMURHEX.
Voix off :
Michel Leclerc a continué à travailler pendant un
an encore, jusquen 1984, dans lusine de traitement
duranium de la COMURHEX, comme mécanicien. En 1991,
à la suite dune opération bénigne dont
il narrivait pas à se remettre, il apprend quil
est atteint dune leucémie myéloïde chronique.
Le médecin qui la opéré lui conseille
de se procurer son dossier médical du temps où il
travaillait à la COMURHEX.
Cest en rencontrant le médecin de lusine que
Michel Leclerc a appris quen 1983 il avait dépassé
les doses. Quand il a demandé à voir son dossier
médical, le médecin a refusé prétextant
la confidentialité. Pendant plus dun an Michel sest
battu pour récupérer son dossier médical.
Excédé par les refus successifs des autorités
médicales, il la volé. Dans ce dossier, joint
aux résultats des analyses, il y avait une note qui expliquait
que ce nétait pas ses urines qui étaient contaminées
mais le flacon dans lequel on les avait prélevées
Cest
en lisant cela que Michel Leclerc a décidé, contre
lavis de tous, dentamer une procédure en "faute
inexcusable" de lemployeur.
On vous a fait une greffe. Quand est-ce
quon vous a fait une greffe de la moelle osseuse ?
On ma fait une greffe
de la moelle osseuse en novembre 1993 qui sest relativement
bien passée, mais enfin cest très lourd comme
traitement. Cest deux mois de chambre stérile, cest
une radiothérapie de préparation, une irradiation
corporelle (jai reçu 12 grays pour ça), ça
abîme tout. Enfin
je fais partie des 50 % de personnes
qui sen sortent. Donc ça maide à continuer
mon combat.
Il ny a pas que le dépassement dans les urines quils
mont caché. Quand jai découvert mon
dossier médical, il y a une analyse de sang qui manque
au dossier. Après avril 83 il ny a plus eu danalyses
de sang
Oh ! je ne me souviens pas si on les a faites,
si on les a pas faites. Mais enfin les résultats ne sont
pas au dossier. Alors, ou on na pas pratiqué les
analyses, ou bien alors on les a enlevées... Elles ne sont
pas au dossier donc cest une faute parce que dans le suivi
médical il est marqué comme quoi on doit avoir les
analyses durine tous les 15 jours, des prises de sang tous
les 6 mois. Du moment quelles ne sont pas au dossier, moi
je considère que cest une faute.
[Michel Leclerc a déposé une
plainte pour "faute inexcusable" auprès du Tribunal
de la sécurité sociale contre son employeur la SERCI
en mettant aussi en cause la COMURHEX "en tiers". Ce
tribunal a reconnu que la COMURHEX a commis des fautes graves
et lourdes mais ne peut statuer et donc indemniser M. Leclerc
- car la "faute inexcusable" doit être imputable
à lemployeur, cest à dire la SERCI et
pas à un tiers, la COMURHEX
.
Cette fois laffaire est renvoyée devant le Tribunal
civil, seul habilité, avec plainte contre la COMURHEX.
Sa maladie professionnelle a été reconnue par la
sécurité sociale en 1992 mais dix ans après
il nest toujours pas indemnisé par la SERCI. La sécurité
sociale a estimé le préjudice et les séquelles
à 62 %. Aujourdhui il ne peut plus travailler
et reçoit 5400 francs mensuels de rente en attendant le
jugement].
[M. L. et L. G. Des collègues
ont des problèmes de santé mais ils doivent continuer
à travailler. (
). Le risque est nié :
"La COMURHEX en sous-traitant les risques se déresponsabilisait
des risques".
Michel Leclerc, malgré la fatigue et la tristesse inhérentes
à son état se bat pour quon lui rende au moins
justice.] :
M.L. Cest nous prendre pour pas grand chose, oui.
Des hommes sans valeur, des hommes qui sont là pour servir,
et puis quand on ne peut plus rien tirer deux, eh bien on
les remplace.
Maintenant je pense quon est moins importants que des machines,
parce que les machines, elles, étaient préservées
ou de la chaleur ou de lhumidité. Les ordinateurs
étaient placés dans des pièces spéciales
avec air conditionné, alors que les intérimaires
nont rien du tout. (
)
A la question finale de Z. Varier "Vous nêtes pas en colère
hein ?" Il répond "Non non, ça
ma passé ; ça ma passé parce
que la colère cest un moment. Et le combat il ne
doit pas se faire dans la colère, il doit se poursuivre ;
ça fait dix ans
donc il faut agir dans le temps.
Dix ans que vous vous battez -Dix ans que je me bats donc
pour faire reconnaître la maladie professionnelle -
faute inexcusable de lemployeur. Voilà. Donc
ce nest pas un sentiment de colère, cest un
sentiment plutôt dindignation. Et ce sentiment dindignation,
la meilleure façon cest de continuer jusquau
bout.
Voix off : Si vous souhaitez en savoir plus vous pouvez contacter lassociation MANES, cest une petite association de malades et accidentés de lindustrie nucléaire et chimique. Ils sont à Pierrelatte, dans le sud. Leur numéro de téléphone 0475041161. Merci à Michel Leclerc et à Luis Garcia, merci à Henri Pèzerat et Annie Thébaud-Mony.
[En date du 15 janvier 2002 le cas de Michel
Leclerc nest toujours pas réglé
]
________________
Annie Thébaud-Mony Lindustrie
nucléaire. Sous-traitance et servitude. Ed. Inserm,
2000, (collection Questions en Santé publique).