Krasnoïarsk-26
est l'une des cités atomiques interdites du complexe militaro
industriel, trois réacteurs en tout point identiques à
ceux de Tchéliabinsk-40, assurent la production de plutonium
pour l'armement nucléaire. Ou plutôt assuraient,
car deux d'entre eux sont arrêtés depuis la fin de
l'été 1992. L'autre alimente en chaleur et en électricité
le combinat minier et métallurgique de Krasnoïarsk,
ainsi que la ville secrète qui lui est rattachée
(une ville de 90 300 habitants). Mais cette unité
de production nucléaire continue d'être refroidie
avec l'eau du fleuve, laquelle est renvoyée sans la moindre
épuration, avec tous les radionucléides dont elle
s'est chargée. [...] Par endroits, la radioactivité
atteint jusqu'à 160 curies par kilomètre carré,
c'est-à-dire davantage que dans certains secteurs de la
zone interdite autour de Tchernobyl...
C'est au début des années 1950 que, sur ordre de
Staline, des détenus ont creusé par 250 mètres
de profondeur, sous le fleuve, cette gigantesque caverne de 7
millions de mètres cubes. Pour se faire une idée
de ce que cela représente, il faut savoir que c'est trois
fois et demie le volume de la pyramide de Chéops ! Pas
moins de 100 000 ouvriers et trois ans de travail ont été
nécessaires pour édifier sous terre cet ouvrage
secret. Krasnoïarsk-26 est un endroit extraordinaire, avec
des installations impressionnantes, un véritable réseau
routier, et de vastes salles, le tout construit à l'intérieur
de la montagne pour rester à l'abri d'une éventuelle
attaque nucléaire. C'est le seul endroit au monde où
l'on trouve des centrales nucléaires souterraines.
Le site de stockage, lui, correspond à la "boite postale"
Krasnoïarsk-45 [il est associé à une
ville de 63 000 habitants], et comprend également une usine
de retraitement. L'endroit s'appelle Dodonovo, c'est le plus grand
dépôt de déchets radioactifs. Il a été
construit sur ordre de Nikita Khrouchtchev à 50 kilomètres
au nord-est de la ville interdite de Krasnoïarsk-26, près
du fleuve Iénisseï. Là, sous les collines,
ont été creusés des réseaux de tunnels
dix fois plus longs que toutes les lignes du métro de Moscou
réunies ! Un nouveau
site de stockage, à 700 mètres de profondeur,
est prévu pour 1998, à 20 kilomètres du complexe,
sur l'autre rive du fleuve.