Dauphiné Libéré, 8 septembre
2006:
Enquète: Des buches de chauffage en provenance de pays de l'Est sont au coeur du débat. Et si le bois était contaminé ?
Depuis quelques temps, des centrales d'achats de grandes surfaces comme des négociants sont contactés par des sociétés de négoce intermediaires, souvent polonaises, qui leur proposent des bois de chauffage sous former de buches ou de buchettes provenant d'Ukraine, de Bielorussie ou de Russie, à des prix défiant toute concurrence.
L'arrivée sur le marche français de ces bois qui proviennent de pays qui ont été balayés par le nuage de Tchernobyl ne semble pas poser de problèmes particuliers aux autorités. " Nous sommes dans un système de libre échange. Et nous n'avons pas reçu de consigne particulière pour contrôler les bois de chauffage provenant des pays de l'Est, " confirme le service des douanes de Chambéry. ". " Il n'existe pas de règlementation restrictive pour l'importation des bois sauf lorsqu'il s'agit d'espèces protègées. " précise encore Ludovic Frere de Greenpeace France. La direction de la concurrence, de la consommation et des repressions des fraudes de l'Isère explique de son côte que la provenance des bois n'a pas obligatoirement à figurer sur les lots mis en vente.
Autrement dit, le consommateur ne peut pas
savoir, sauf à exiger une garantie de provenance ou à
s'equiper d'un compteur Geiger, si les buches qu'il enfourne chaque
soir dans sa cheminee sons suspectes ou non. Ces échanges
commerciaux avec l'Europe et la France sont-ils significatifs
? " Il m'est difficile d'estimer la quantité de bois
provenant des pays de l'Est sur le marche français. Ce
que l'on peut dire, c'est que les flux sont suffisamment importants
pour destabiliser les prix !, confirme un expert français
qui collabore au programme europeen CORE d'aide a la Bielorussie pour l'amelioration
des conditions de vie en territoires contamines.
On ne peut pas savoir, sauf à s'équiper d'un compteur
Geiger.
" En principe, le gouvernement biéorusse est vigilant et impose des normes d'autant plus sévères que les produits sont destinés a l'exportation [plaisanterie !]", précise-t-il. Maintenant, certains lots, une faible proportion à mon avis, doivent effectivement être contaminés. Je ne sais pas dans quelle mesure mais le danger ne vient pas seulement de l'Est. Il y a du radon en Haute-Loire [quel rapport entre ce gaz et le bois ??] et les essais nucléaires de l'après-guerre ont également occasionnés des dégats [en Ukraine, Bielorussie et Russie, c'est: essais nucléaires + Tchernobyl]. "
Les professionnels de la filière bois
ne sont pas vraiment surpris : " C'est un sujet récurrent.
On avait eu quelques cas dans le passé, les douanes avaient
renforcé leurs contrôles aux frontières mais
cela concernait surtout le bois d'oeuvre qui bénéficie
d'une meilleure valeur ajoutée que le bois de chauffage.
Les coûts de transport sont tels que pour un bois en buches
vendues en moyenne 80 Euros le stère, si même le
marché est très porteur, les importations depuis
ces pays-la ne devraient pas être assez rentables et se
jouent sur des volumes à mon avis, peu significatif. Il
s'agit souvent d' ''opérations spots'' à l'approche
de l'hiver. On a beaucoup plus d'importations sur le charbon de
bois ", releve Thierry Charloux, en charge du bois énergie
à la fédération nationale du bois qui représente
1 750 entreprises de la filière.
En France, il appartient aux exploitants de procéder aux
analyses et vérifications d'usage ; le rôle de l'administration
est de vérifier que ces contrôles ont été
effectués. Aussi, 'Les professionnels, en principe, vérifient
l'origine de leur produit. " Ils ont également un
label NF bois de chauffage qui garantit la qualité de leur
produit. " Et ce label implique un controle de la radioactivité
[plaisanterie]. "
Frédérique VERNAERGNE
Les réserves
Le bois est une des
premières richesses économiques de Biélorussie, 40 % du territoire est couvert par la forêt.
Il s'agit surtout du bois d'oeuvre de qualité. Près
de 180 000 hectares de forêts couvrent la région
de Tchernobyl où des " programmes d'exploitation forestière
se développent avec l'appui des autorités ",
revelait le quotidien belge, " Le Soir " dans son édition
du 7.02.05. Le journal estimait à 11 000 mètres cubes la production de bois réalisée
dans les six premiers mois de l'année 2005 dans la seule
région de Tchernobyl.
L'étendue des dégats
La Pravda publiait en 1989 une carte montrant que la zone contaminée
était bien plus étendue qu'on ne l'avait annoncé.
D'après le quotidien russe, 28 000 km2 sont concernés
par d'importantes retombées radioactives de 5 a 15 curies
de césium 137 par kilomètre carré en Biélorussie,
en Russie et en Ukraine.
La Drome et la Savoie concernées
" Nous avons déjà été alertés
il y a un an par la DDE d'Annecy, a propos de vieux bois d'importation
contaminés qui provenaient d'isbas de villages abandonnées
de la region de Tchernobyl. Les bois avaient été
démontés pour être réutilises pour
la construction de chalets à Mégève. Un particulier a porté plainte. Nous avons
eu aussi une dizaine de demandes d'analyses qui n'ont rien donné
de suspect, ce qui ne veut pas dire que le problème n'existe
pas. Il y a de grandes quantités de bois importées
et nous n'en analysons qu'une infirme partie. ", intervient
Roland Desbordes. Le président de la Commission de Recherches
et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité
(CRIIRAD)
à Valence s'était renseigné sur les normes
en vigueur à l'ambassade de France à Minsk. "
Ils acceptaient jusqu'à 10 000 becquerels par kilo ; ce
qui est très élevé pour les bois d'ouvrages,
ce qui est tres élevé mais permet d'échapper
à la règlementation européenne qui fixe justement
la barre du déchet radioactif à 10 000 becquerels.
La norme étant plus basse de l'ordre de 10 becquerels,
pour les bois de chauffage mais quand vous brulez 100 tonnes de bois dans une
chaudière industrielle, il vous reste à l'arrivée
une tonne de cendres qui concentrent la radioactivité qui
était contenue dans les 100 tonnes au départ. Cette concentration dans les cendres
est telle que des portiques détecteurs de radioactivité
se sont déclenchés dans des décharges de
la Drome comme de la Savoie, au contact
des résidus, et il ne s'agissait pas forcement de bois
provenant d'Ukraine. "
F.W.
Le danger de la cheminéeé
Toutes les régions d'Ukraine ne sont pas suspectes : "
Les forêts situées au sud de Tchernobyl, par exemple,
n'ont pas été touchées par le nuage radioactif
", rectifie Yannick Rousselet, chargé des dossiers
'nucléaires' pour Greenpeace France. " Mais c'est
vrai aussi que dans la zone interdite dans les 30 kilomètres
autour de la centrale, vous avez des trafics de toutes sortes assez connus
d'ailleurs et tenus par la mafia ukrainienne, champignons, gibiers,
métaux, vieux bois "
Une exposition au bois contaminé peut présenter
des risques pour la santé, mais le danger est bien plus
important quand le bois est brulé. Il dégage alors
des particules volatiles contenant du césium 137 "
qui vont se propager dans l'organisme par irradiation '' sous
la forme des cendres stockées dans la cheminée -
ou par inhalation des fumées ", explique Michele Rivasi,
biologiste et fondatrice de la CRIIRAD. On considère qu'il
faudra 300 ans pour effacer toute trace de l'accident de Tchernobyl.
F.W.