Le Moniteur du Commerce international, 31/8/2009:
EDF et Areva ont confirmé conjointement l'information de l'association Sortir du nucléaire qui révélait le 27 août que le chantier de deux réacteurs nucléaires EPR avait pris du retard. Selon Areva, la cérémonie de coulée du « premier béton », prévue en août, a été retardée pour des raisons météorologiques et administratives. Mais l'association remet en cause cette version. Selon elle, les autorités chinoises avaient, dès le mois de juin, fait savoir à François Fillon qu'il ne serait pas accueilli pour cette cérémonie. Sortir du nucléaire avance que la Chine pourrait même annuler complètement le projet. D'autant plus que la justice chinoise soupçonne les deux groupes français d'avoir corrompu l'ancien chef du programme nucléaire chinois Kang Rixin pour décrocher le contrat.
28/8/2009 - La cérémonie de coulée du "premier béton" sur le chantier de construction de deux réacteurs nucléaires EPR en Chine a été retardée, a-t-on appris vendredi de sources concordantes.
Le réseau associatif Sortir du nucléaire a révélé dans un communiqué que la cérémonie, prévue selon lui le 27 août, avait "été annulée sans qu'aucune autre date ne soit avancée". Les groupes publics EDF et Areva qui doivent construire les deux réacteurs ont confirmé ce retard à l'AFP.
Le groupe nucléaire Areva a indiqué qu'une cérémonie avait bien été envisagée "en août" mais qu'elle avait été différée pour des raisons météorologiques et administratives. "Deux typhons sont passés dans la région", a souligné un porte-parole. "La coulée du premier béton est prévue prochainement", a-t-il ajouté. "Le programme de construction se poursuit à Taishan" (province du Guangdong, sud de la Chine).
Le groupe Electricité de France (EDF), qui doit exploiter les deux réacteurs, a aussi confirmé que la coulée du premier béton était "retardée". Elle "devrait avoir lieu dans quelques semaines", a précisé une porte-parole.
"Il est désormais fort possible que les projets d'EPR soient définitivement annulés par les autorités chinoises", estime Sortir nucléaire dans son communiqué, en évoquant "les flops des chantiers EPR et les accusations de corruption contre Areva et EDF".
Selon certains médias chinois, les autorités de Pékin cherchent à établir si l'ex-numéro un du nucléaire chinois, limogé à la mi-août, a reçu de l'argent d'Areva afin de pouvoir aider ce dernier à obtenir un contrat de fourniture de deux EPR.
Les deux réacteurs nucléaires
[dit]
de 3e génération EPR ont été vendus
en novembre 2007 à la Chine par Areva pour 8 milliards
d'euros, combustible compris. Leur construction à Taishan
(province du Guangdong) est prévue à l'automne 2009
pour une mise en service de la première unité fin
2013 et la seconde en 2015.
14/8/2009 - Le numéro un du nucléaire chinois, sous le coup d'une enquête, a été officiellement limogé, a rapporté vendredi la presse chinoise, selon laquelle il aurait détourné des fonds publics et reçu des pots-de-vin pour un montant total de plus de 180 millions d'euros.
Kang Rixin, né en août 1953, a été démis de ses fonctions de secrétaire général du Parti communiste et directeur général de l'entreprise publique China National Nuclear Corporation (CNNC), selon l'agence Chine Nouvelle.Il est poursuivi pour une éventuelle "violation grave de la discipline", terme qui désigne habituellement des affaires de corruption.
Selon certains médias chinois, les autorités cherchent à établir s'il a reçu de l'argent du groupe nucléaire français Areva afin de pouvoir aider ce dernier à obtenir un contrat de fourniture de deux EPR. Areva avait remporté ce contrat en novembre 2007 pour un montant de 8 milliards d'euros.
Contactée par l'AFP, Areva a rejeté ces allégations."Areva considère comme totalement sans fondement ces allégations de soupçons de corruption car la société n'a pas signé ce contrat en Chine avec CNNC, mais avec l'électricien chinois CGNPC (China Guangdong Nuclear Power Company)", a déclaré Patricia Marie, porte-parole d'Areva, basée à Paris.
Selon les médias chinois, M. Kang aurait également détourné de l'argent public destiné à la construction de trois centrales nucléaires pour l'investir sur le marché boursier, provoquant de lourdes pertes lors de la crise financière. Sun Qin, 56 ans, actuel numéro deux de l'Administration nationale de l'énergie, a été nommé à sa place.
CNNC est responsable à la fois des activités nucléaires civiles et militaires, telles que la production des armes nucléaires, celle d'électricié et la gestion des déchets. Le régime chinois mène régulièrement des opérations anticorruption.
Le Monde, 12/8/2009:
Président de la China National Nuclear Corporation (CNNC) et grand chef du nucléaire chinois civil et militaire, Kang Rixin est le dernier des grands patrons chinois à être poursuivi pour corruption. Selon la presse chinoise - dont le quotidien Chongqing Shibao citant une source proche de l'enquête, M. Kang devrait être entendu sur des faits de détournement de près de 1,8 milliard de yuans (200 millions d'euros).
Il lui serait reproché d'avoir interféré dans des procédures d'appel d'offres (le groupe français Areva est nommément cité) ainsi que d'avoir procédé à des placements boursiers avec de l'argent destiné à la construction de trois centrales nucléaires. La procédure d'enquête est secrète et interne au parti, et les fuites dans la presse sont largement "autorisées" pour une personnalité de cette stature. M. Kang, qui dirige depuis six ans la CNNC, ancien ministère de l'énergie atomique reconverti en conglomérat technico-militaro-industriel, fait partie de l'actuel Comité central du Parti communiste.
C'est le plus haut gestionnaire épinglé à ce jour dans ce qui apparaît être une campagne de remise au pas des dirigeants de société publique. Début août, l'ancien président de l'entité qui gère, entre autres, les aéroports de Pékin était exécuté, et il y a quelques semaines, l'ancien patron du groupe pétrolier chinois Sinopec était condamné à mort avec sursis.
Les sommes détournées ne portaient alors que sur quelques dizaines de millions d'euros. Les enjeux du nucléaire en Chine sont tout autres. La capacité nucléaire du pays a explosé et la Chine, qui cherche à mettre au point ses propres technologies, a jusqu'alors largement fait appel à la technologie étrangère.
DEUX RÉACTEURS
C'est dans le cadre de la fourniture à la Chine de deux réacteurs EPR de troisième génération qu'Areva avait signé en novembre 2007, lors de la visite de M. Sarkozy en Chine, un contrat de 8 milliards d'euros. En lice, en 2004, au côté des Américains pour la fourniture de quatre tranches de génération 3, dans le Guangdong (Yangjiang) et le Zhejiang - la Chine veut alors choisir une seule technologie -, Areva est écartée au profit de Westinghouse et de l'AP 1000.
Or, en 2006, une délégation d'officiels de l'Agence de planification, qui pilote la politique industrielle chinoise, se rend en France : "Cette visite décidée par la Chine avait bien pour but de rassurer la France sur le fait qu'au vu des besoins électriques de la Chine, d'autres constructions de réacteurs nucléaires seraient décidées", dit-on chez Areva, où l'on s'étonne que la presse chinoise lie l'attribution surprise, deux mois après, de l'un des sites concernés à Areva, à des soupçons de corruption.
La China Guangdong Nuclear Power Corporation (CGNPC), partenaire historique des Français, a en effet repris des négociations pour que le site de Yangjiang échoie au Français. Un autre site est choisi pour Westinghouse dans le Shandong. L'Américain a pour partenaire la CNNC et un électricien chinois pour le contrat de quatre tranches qu'il a remporté.
L'opération à Yangjiang avec Areva sera de nouveau suspendue mi-2007 - les besoins pressants en électricité poussent la province à l'équiper plus rapidement avec des réacteurs classiques - et la CGNPC propose un site alternatif, Taishan, près d'Hongkong. "Tout un pan de l'industrie s'inquiétait de l'adoption de la technologie AP 1000. La CGNPC n'en voulait pas, elle se positionne d'ailleurs en concurrent de la CNNC. Stratégiquement, la Chine ne veut pas non plus dépendre des Américains", signale un proche du dossier.
Ce n'est pas la première fois que l'appel
d'offres de 2004 donne lieu à des allégations dans
la presse chinoise. Il a déjà conduit à l'ouverture
d'une enquête contre Jiang Xinsheng, le président
de la China National Technical Import & Export Co. (CNTIEC),
qui a organisé l'appel d'offres de 2004, ainsi que contre
Shen Rugang, le vice-président de la CGNPC, tous deux arrêtés
fin 2007. Une vingtaine d'autres suspects auraient été
entendus selon Caijing, qui indique que M. Jiang est soupçonné
d'"avoir révélé les informations sensibles
à Areva durant la bataille des offres avec Westinghouse".
20/5/2009 - La bataille pour dominer le secteur en plein boom de la construction de centrales nucléaires en Chine n'est pas terminée et Pékin réserve son jugement sur une technologie étrangère de réacteur qui n'a pas encore été testée, a déclaré un responsable du français Areva .
"Nous pensons que le facteur le plus important est de savoir comment les projets actuels vont marcher. Ce sont des projets énormes", a expliqué Eric Neisse, vice-président d'Areva en Chine. Des spécialistes du secteur avaient estimé en 2007 qu'Areva avait été défavorisé en Chine, après la sélection de son plus grand concurrent, l'américain Westinghouse, comme principal fournisseur pour la conception de centrales nucléaires de "troisième génération".
Mais Areva a depuis remporté un contrat pour fournir ses propres réacteurs au projet Taishan, dans la province du Guandong, dans le sud-est de la Chine. L'industrie nucléaire, confrontée à des questions concernant la sécurité en Europe et à un moratoire pour la construction de de nouvelles centrales aux Etats-Unis, s'est tournée notamment vers la Chine pour croître et tester de nouveaux réacteurs. Pékin se retrouve en position de force pour exiger des transferts technologiques, ce qui suscité au départ des réticences de la part d'Areva, qui a ensuite accepté.
En 2007, Westinghouse, détenu par le japonaise Toshiba, a remporté un contrat de construction des quatre premiers réacteurs de troisième génération, en acceptant un grand accord de transfert de technologie. Le premier réacteur AP1000 de Westinghouse est construit à Sanmen, dans la province du Zhejiang, et devrait être achevé en 2013. Un deuxième réacteur de ce type doit entrer en fonction un an plus tard à Haiyang, dans la province du Shandong. La Chine est très impliquée dans la construction et espère pouvoir construire toute seule des réacteurs AP1000 d'ici 2020.
L'EPR D'AREVA Areva, qui a accepté des transferts de technologie peu après Westinghouse, a bataillé pour convaincre la Chine des qualités de ses propres réacteurs de troisième génération. Pékin a abandonné les discussions avec Areva pour la fourniture par le français de sa propre technologie, l'European Pressurised Reactor (EPR), au site de Yangjiang, dans le Guangdong, insatisfait par le rythme des négociations. Areva a finalement signé un contrat pour fournir un EPR au projet de Taishan, également dans le Guangdong. "Il y a un transfert de technologie (dans l'accord Taishan)", a expliqué Neisse.
"Je sais que nos concurrents font beaucoup de bruit sur leurs transferts de technologie mais nous aussi nous le faisons." Quand la première unité de Taishan entrera en service à la fin 2013, elle sera le troisième EPR au monde, après les deux autres en construction à Flamanville, dans le département français de la Manche, et à Olkiluoto, en Finlande. Même si Westinghouse semble avoir la main, le temps seul parlera en Chine, estime Neisse.
"L'AP1000 est peut-être plus rapide ou nous sommes peut-être plus rapides. Peut-être rencontreront-ils des problèmes. Nous apprenons de notre expérience à Olkiluoto et ils apprennent ici avec leur AP1000. Avec l'AP1000, ils ont mené des transferts de technologie sur des choses sur lesquelles ils poursuivent leur apprentissage", ajoute-t-il. "Nous pensons en termes de risques, il y a bien plus de risques avec le projet AP1000 qu'avec l'EPR."
La Chine, qui veut diversifier ses approvisionnements en énergie et moins dépendre du charbon, essaye de porter la totalité de sa capacité nucléaire installée à au moins 60 gigawatts d'ici fin 2020, contre 9,1 gigawatts à fin 2008.
Vingt-quatre nouveaux réacteurs nucléaires sont actuellement en construction en Chine, utilisant de la technologie venue du Canada, de Russie, de France et des Etats-Unis. Neisse juge que la Chine sera un marché clé pour le secteur dans les prochaines années. "Il est dans l'intérêt de tous que l'industrie nucléaire réussisse car si quelqu'un échoue, cela pourrait menacer la renaissance nucléaire", estime-t-il.
17/1/2008 - Areva a "démenti catégoriquement tout problème avec le contrat" des réacteurs nucléaires EPR vendus à la Chine fin novembre, a affirmé jeudi un porte-parole du groupe nucléaire français. Une source proche du dossier avait affirmé mardi que les partenaires chinois d'Areva avaient conditionné l'exécution du contrat EPR à un engagement "irréversible" du groupe français dans un transfert de technologie de retraitement du combustible usé. Le contrat sur les EPR "est en cours d'exécution depuis plusieurs mois et avance conformément au planning", a précisé le porte-parole d'Areva. "Les discussions sur l'aval du cycle (retraitement de l'uranium, ndlr) continuent aussi sans aucun problème", a-t-il ajouté. L'accord signé fin novembre prévoit la vente à la Chine, pour 8 milliards d'euros, de deux réacteurs nucléaires de troisième génération EPR, du combustible uranium et des services nécessaires pour les faire fonctionner. Le partenariat prévoit aussi, en aval, qu'Areva et le groupe chinois CNNC (China National Nuclear Corporation) mènent des "études de faisabilité" pour la construction d'une usine de traitement-recyclage de l'uranium usé, un projet évalué par Areva à 15 milliards d'euros.
16/1/2008 - Les autorités chinoises ont refusé de commenter mercredi les informations selon lesquelles un haut responsable du groupe français Areva est retenu depuis novembre en Chine, sans faire l'objet d'aucune procédure judiciaire. Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a indiqué "ne pas connaître le dossier". Ses homologues des ministères de la Sécurité publique et de la Justice ont demandé à ce que les questions soient envoyées par écrit. Selon des sources concordantes, Paul Felten, directeur marketing du pôle réacteurs nucléaires d'Areva, est retenu dans le cadre d'une enquête visant notamment un haut responsable de CGNPC, partenaire chinois du leader mondial du nucléaire. M. Felten ne fait l'objet d'aucune procédure judiciaire mais ne peut pourtant quitter le pays, pour répondre aux questions des enquêteurs chinois, ont indiqué ces sources. Mercredi soir, une source proche d'Areva indiquait cependant que M. Felten pourrait quitter la Chine très prochainement. Son nom figurait parmi d'autres, "de représentants d'entreprises françaises relevés dans des documents appartenant à une société de consultation locale", avait précisé mardi une autre source proche d'Areva. L'enquête en Chine porte sur des cas de corruption présumée "il y a plusieurs années" et viserait notamment un vice-président du groupe public China Guangdong Nuclear Power Corp (CGNPC), soupçonné de prévarication. Paul Felten, 63 ans, a débuté sa carrière au Commissariat à l'énergie atomique avant de rejoindre Framatome en 1992. Deux ans plus tard, il était nommé délégué général du groupe en Chine. Il est directeur marketing de Framatome ANP (groupe Areva) depuis 2003. Il a été un des négociateurs de contrats passés avec la Chine. Le dernier contrat d'Areva avec le géant asiatique, annoncé au cours de la visite à Pékin du président Sarkozy fin novembre, porte sur la vente à CGNPC, pour huit milliards d'euros, de deux réacteurs nucléaires de troisième génération EPR, avec le combustible uranium et les services nécessaires pour les faire fonctionner.
15/1/2008 - Les partenaires chinois d'Areva ont conditionné
l'exécution du contrat sur les réacteurs EPR à
un engagement "irréversible" du groupe nucléaire
français dans un transfert de technologie de retraitement
du combustible usé, a-t-on appris mardi de source proche
du dossier. "Le contrat (EPR) ne sera pas mis en oeuvre tant
qu'Areva ne s'engagera pas de manière irréversible
dans ce transfert", a indiqué cette source. L'accord signé fin novembre prévoit
la vente à la Chine, pour 8 milliards d'euros, de deux
réacteurs nucléaires de troisième génération
EPR, du combustible uranium et des services nécessaires
pour les faire fonctionner. Le partenariat prévoit aussi,
en aval, qu'Areva et le groupe chinois CNNC (China National Nuclear
Corporation) mènent des "études de faisabilité"
pour la construction d'une usine de traitement-recyclage de l'uranium
usé, un projet évalué par Areva à
15 milliards d'euros. "Sachant que les Chinois ont besoin
de cette technologie, et n'ont pas d'autre choix que de se tourner
vers les Français qui sont les seuls capables de faire
du retraitement à l'échelle industrielle, Areva
a agité la carotte du retraitement pour mieux vendre ses
centrales", a expliqué cette source. "Maintenant,
les Chinois lui renvoient la balle et veulent des gages de bonne
volonté avant d'exécuter le reste du contrat",
a-t-elle ajouté. Selon cette source, une quinzaine d'années
pourrait s'écouler entre l'accord de principe et la réalisation
du projet de retraitement, comme le montre l'exemple de l'usine
de Rokkasho au Japon, construite avec l'aide d'Areva. "Le
retraitement du combustible, il n'y a pas plus lourd et plus compliqué",
a expliqué cette source, rappelant que cette technologie
était "duale", c'est-à-dire utilisable
à des fins civiles mais aussi à des fins militaires,
dont un transfert nécessite l'accord des autorités
nationales.
Communiqués de presse, Sortir du Nucléaire, 6/1/2008:
- Nouveaux retards sur le chantier EPR en Finlande
- Les ventes d'EPR dans le Golfe sont virtuelles
- L'EPR de Flamanville (Manche) est en sursis
Alors que M. Sarkozy, EDF et Areva ont annoncé avec tambours et trompettes, le 26 novembre dernier, la vente à la Chine de deux réacteurs nucléaires de type EPR, il apparaît que cette vente est très virtuelle, voire même définitivement annulée. En effet, les Chinois conditionnent maintenant l'achat des deux EPR à un "engagement irréversible" d'Areva à faire un transfert de technologie concernant le retraitement du combustible usé.
Désormais, soit Areva fait allégeance et transfère aux Chinois la technologie de retraitement, ce qui parait très improbable, soit la vente des deux EPR sera définitivement annulée. Cette hypothèse est d'autant plus vraisemblable que, comme la plupart des pays qui ont des projets nucléaires, la Chine a constaté que l'EPR est un réacteur archaïque. Certes, tous les réacteurs sont dangereux et, selon nous, devraient être fermés au plus vite, mais il apparaît que l'EPR est le pire de tous les réacteurs existants.
D'ailleurs, le chantier du seul EPR exporté, en Finlande, compte désormais plus de deux ans de retard : le 28 décembre dernier, information qui n'a hélas pas été diffusée en France, un retard de 6 mois supplémentaires a été déploré par les autorités finlandaises. Les pertes financières du chantier dépassent désormais le milliard d'euros, facture qu'Areva est tentée de faire acquitter au moins partiellement par l'argent public français dans le cadre d'une garantie Coface(*).
Par ailleurs, les annonces récentes du VRPrésident Sarkozy, concernant la vente de réacteurs EPR dans certains pays méditerranéens (Libye, Abu Dhabi), ressemblent fort à des effets d'annonce tant la construction de ces réacteurs semble lointaine voire improbable : on ne fait pas surgir des réacteurs nucléaires dans des pays où n'existent ni cadre légal, ni autorité de sûreté, ni réseaux électriques adaptés.
Finalement, les différents effets d'annonce concernant de supposées ventes d'EPR à l'étranger semblent avoir pour seul objet de rendre acceptable aux yeux de l'opinion publique française la construction d'un EPR à Flamanville (Manche). Il se trouve néanmoins que ce réacteur, dont la construction a tout juste commencé, est en sursis : dans quelques semaines, la Cour administrative d'appel de Nantes rendra son verdict suite au recours déposé par le Réseau "Sortir du nucléaire" contre le permis de construire de l'EPR.
Dans tous les cas, le Réseau "Sortie du nucléaire" demande aux citoyens de prendre acte de ce que, sans même parler des risques, des déchets, de la prolifération, l'industrie nucléaire est condamnée à moyenne ou brève échéance par l'épuisement des réserves d'uranium (le combustible des réacteurs).
D'ores et déjà, le prix de l'électricité nucléaire flambe - la France paye désormais au Niger un prix plus élevé de 50% - et pourrait rapidement devenir extrême. Il serait très sage d'annuler la construction de l'EPR prévu à Flamanville, de programmer la sortie du nucléaire et de lancer immédiatement un grand plan d'économies d'énergie et de développement des énergies renouvelables.
(*) La Coface est une institution française qui garantit, en particulier avec l'argent public, les contrats industriels à l'exportation dans les pays instables. Il est d'ailleurs incompréhensible qu'Areva ait bénéficié d'une garantie Coface pour une exportation en Finlande ! (Cf http://www.coface.fr/_docs/gc2_04.pdf )
Les Echos, 27/11/2007:
En plus de la vente de deux EPR, un partenariat de long terme se dessine entre le groupe nucléaire français et son client chinois, CGNPC. Une société commune d'ingénierie va voir le jour et Areva s'engage à fournir le combustible nécessaire au fonctionnement des deux futurs réacteurs jusqu'en 2026.
Un petit parfum de revanche. Après quatre ans de négociations acharnées et la perte, en décembre dernier, d'une première commande très convoitée au profit de l'américain Westinghouse, Areva tient enfin son grand contrat chinois.
Dans le cadre de la visite de Nicolas Sarkozy en Chine, le groupe présidé par Anne Lauvergeon a jeté hier les bases d'un partenariat « historique » avec l'électricien local, CGNPC. Un interlocuteur de longue date, puisqu'il avait déjà choisi la technologie française pour équiper les centrales de Daya Bay et Ling Ao, voilà plus de vingt ans.
Historique, le contrat en question l'est à la fois par son montant - 8 milliards d'euros, du jamais-vu dans le nucléaire civil - et par son contenu. Si la négociation a été longue et parfois « un peu rude », comme le reconnaît la patronne d'Areva, les deux parties en ont profité pour élargir le champ de leurs discussions : en plus des deux réacteurs de troisième génération (EPR), CGNPC souhaitait nouer à cette occasion un partenariat « global », couvrant à la fois l'approvisionnement en combustible, divers services associés et le transfert de technologie.
Concrètement, l'accord signé hier prévoit la construction de deux réacteurs EPR à Taishan, dans le Guangdong. Sur place, il est prévu que les travaux commencent à l'automne 2009, pour une mise en service aux alentours de 2014. S'agissant de l'approvisionnement, Areva fabriquera et enrichira tout le combustible nécessaire au fonctionnement des deux futures tranches nucléaires, et ce, jusqu'en 2026.
Cerise sur le gâteau : son client chinois s'est engagé à acheter 35 % de la production d'uranium de la société Uramin, contrôlée depuis l'été par le groupe français et possédant des intérêts en Afrique du Sud, Namibie et République centrafricaine.
Les écologistes crient au bradage
A la faveur de cet accord, Areva et CGNPC entendent mettre sur
pied « une coopération globale et durable ».
Ils projettent de créer prochainement une société
commune d'ingénierie, qui sera détenue par chacun
d'eux à 50 %. C'est dans le cadre de ce consortium que
sera transférée la technologie française.
Une façon, selon Areva, de « maîtriser » au moins en partie le processus, à l'inverse de Westinghouse, qui avait accepté le transfert complet de son savoir-faire à l'occasion de la vente de l'AP1000, son propre modèle de troisième génération. Au-delà, cette coentreprise est susceptible d'ouvrir de nouveaux marchés au groupe français, qui pourrait se retrouver associé à la construction d'autres centrales sur le sol chinois.
Visiblement ravie des conditions financières et du montage global de l'accord, Anne Lauvergeon parlait, hier, d'une « étape majeure » dans l'histoire d'Areva, renforçant sa présence « sur l'un des marchés les plus prometteurs des décennies à venir ».
A l'instar de Greenpeace ou du Réseau Sortir du nucléaire, les militants antinucléaires, eux, n'ont pas ménagé leurs critiques à l'encontre de ce contrat « fourre-tout », supposé masquer le « bradage » des réacteurs EPR, vendus moitié moins cher qu'en France ou en Finlande. Le groupe français a effectivement dû consentir d'importants efforts financiers pour emporter la mise.
Mais il est logique qu'un réacteur construit et assemblé en Chine, avec une main-d'oeuvre recrutée sur place, coûte moins cher qu'en Europe. Selon les estimations circulant dans la profession, Areva ne pouvait, dans le meilleur des cas, espérer guère plus que 2 milliards d'euros par EPR. Il semble que les deux modèles aient finalement été facturés à 3,6 milliards...
Outre l'accord de long terme signé hier avec CGNPC, le leader mondial du nucléaire va également renforcer ses liens avec la China National Nuclear Corporation (CNNC), ouvrant ainsi la voie à une « coopération industrielle dans l'aval du cycle ». Une attente forte des autorités chinoises. Ensemble, Areva et CNNC vont former une société commune produisant du zirconium (un métal léger qui entoure les gaines abritant le combustible, à l'intérieur des réacteurs).
Projet à l'étude dans le recyclage
Ils se sont surtout engagés à réaliser des
études de faisabilité pour la construction d'une
usine de traitement et de recyclage des combustibles usés
en Chine. Dans l'euphorie du moment, hier, Nicolas Sarkozy semblait
considérer comme acquis ce projet estimé à
une quinzaine de milliards de dollars.
Mais les discussions ne font que commencer.
Pour l'heure, comme le souligne Anne Lauvergeon, il s'agit seulement
« d'étudier la taille éventuelle, la capacité
et la localisation du futur site ». Sachant que les Chinois
ne sont pas particulièrement pressés : avec seulement
11 réacteurs nucléaires en service, les électriciens
locaux n'ont pas encore trop de déchets à gérer,
et peuvent se contenter de les stocker « en piscine »,
dans leurs propres centrales.
26/11/2007 -
Le français Areva a remporté
lundi en Chine le plus gros contrat de l'histoire du nucléaire
civil, un an après son revers dans ce pays face à
l'américain Westinghouse et malgré ses déboires
en Finlande. Pour 8 milliards d'euros, Areva a vendu à
l'électricien chinois CGNPC deux réacteurs nucléaires
de troisième génération (EPR, European Pressurised
water Reactor), plus puissants que les réacteurs construits
dans les années 80, avec le combustible uranium et les
services nécessaires pour les faire fonctionner. Le contrat
sera en partie libellé en euros, ce qui permettra à
Areva de limiter les risques de change. Les réacteurs seront
réalisés à Taishan, près de Hong Kong,
dans le Guangdong par une société d'ingénierie
commune, qui reste à créer. Le partenariat prévoit
aussi, en aval, des "études de faisabilité"
pour la construction d'une usine de traitement-recyclage de l'uranium
usé. Ce projet est évalué à 15 milliards
d'euros, selon Areva. CGNPC (China Guangdong Nuclear Power Company)
a obtenu de son côté de pouvoir acheter 35% de la
production des mines d'uranium du canadien Uramin, racheté
cet été par Areva et présent dans trois pays
africains, l'Afrique du Sud, la Namibie, et la République
centrafricaine. L'électricien chinois, l'un des plus importants
en Chine, est le partenaire historique d'Areva et d'EDF dans ce
pays. Il exploite les centrales de deuxième génération
de Daya Bay et Ling Ao (Sud), à la construction desquelles
Areva et EDF ont participé dans les années 80 et
90. Mais les discussions avec Pékin ont été
ardues. "Un petit peu rudes", a reconnu lundi la patronne
d'Areva, Anne Lauvergeon Areva s'est d'abord fait souffler, à
la mi-décembre 2006, un contrat de plusieurs milliards
de dollars par l'américano-japonais Westinghouse pour la
construction en Chine de quatre réacteurs de troisième
génération, de 1.000 MW chacun. Cette fois le français
souligne avoir conclu un contrat "plus large" que son
concurrent, car il comprend le combustible, avec un transfert
"maîtrisé" de la technologie, Areva restant
partenaire de la construction, contrairement à Westinghouse.
Mais, selon une source proche du dossier, Areva a dû renoncer
à vendre ses EPR "clés en mains", sur
le modèle du chantier finlandais, CGNPC préférant
qu'Areva intervienne comme simple fournisseur des réacteurs
(sans la maîtrise d'ouvrage), comme à Flamanville
en France. L'architecte de la centrale qui abritera ces réacteurs
sera CGNPC, en partenariat avec EDF, l'électricien français
prenant un tiers d'une coentreprise pour construire et exploiter
ces réacteurs. Un dernier accroc a eu lieu fin juillet.
Alors que la ministre de l'Economie française Christine
Lagarde s'apprêtait à partir en Chine pour la lettre
d'intention, le partenaire chinois avait alors changé le
lieu de construction des EPR, qui devaient initialement être
érigés à Yangjiang. Reste à savoir
si les retards pris par le chantier du premier EPR
en Finlande ont pesé dans ces négociations.
L'exploitation du premier EPR devrait démarrer en 2011
au lieu de mi-2009 comme prévu initialement, et a déjà
obligé Areva à enregistrer des provisions qui ont
freiné la croissance de ses résultats. En Chine,
la mise en service est prévue pour 2014. Le contrat chinois,
qui s'appuie sur la technologie d'Areva et de son partenaire allemand
Siemens, est par ailleurs "emblématique" de "l'ancrage
nécessaire de Siemens chez Areva", estime un analyste
de CM-CIC, alors que l'Elysée songe à refondre le
capital d'Areva et que le gouvernement a évoqué
une possible sortie de Siemens si l'Allemagne abandonnait le nucléaire.
La commande est aussi bienvenue au moment où Areva cherche
à vendre son EPR aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne.
24/11/2007 - Sortir du nucléaire accuse samedi Nicolas Sarkozy de subterfuge commercial pour amener la Chine à acquérir deux réacteur EPR - "le pire" des réacteurs nucléaires selon le réseau. "C'est à moitié prix que ces deux réacteurs sont proposés aux Chinois: 3,6 milliards d'euros les deux alors qu'un seul EPR par exemple celui qu'EDF veut construire à Flamanville (Manche) coûte 3,5 milliards", accuse le mouvement dans un communiqué. A la faveur de la visite d'Etat du président français à Pékin, Areva doit signer un contrat avec la China Guangdong Nuclear Power Corp sur la livraison de deux réacteurs nucléaires EPR et du combustible nécessaire à leur fonctionnement pendant au moins 15 ans. Le réseau attire l'attention sur le "subterfuge des autorités françaises qui tentent de masquer cette vente à perte dans le cadre d'un contrat global - il serait question de 7 milliards - concernant, outre les deux EPR, des accords sur le combustible nucléaire et les services". Si les Chinois signent aujourd'hui, c'est "en profitant du cadre d'un accord global sans lequel les chinois n'auraient jamais pris d'EPR qui est "le pire de tous" les réacteurs nucléaires "comme le montrent les graves déconvenues d'Areva sur le chantier du seul EPR qu'elle ait réussi à vendre à ce jour en Finlande.
Les Echos, 17/10/2007:
La vente de 2 EPR devrait être officialisée à l'occasion de la visite de Nicolas Sarkozy en Chine, le 25 novembre. En plus de ces réacteurs, le groupe français assurera pendant plus de vingt ans la fourniture du combustible nucléaire. Au total, le montant de ce contrat devrait avoisiner les 5 milliards d'euros.
Tout est prêt. Négocié depuis de longs mois, le grand contrat nucléaire chinois d'Areva n'attend plus que la visite de Nicolas Sarkozy, le 25 novembre, pour être signé. De sources concordantes, c'est à cette occasion que les autorités chinoises et françaises ont convenu d'officialiser la vente de 2 réacteurs EPR au premier électricien nucléaire du pays, China Guangdong Nuclear Power Corp. (CGNPC). La fin d'un marathon diplomatico-industriel de cinq ans pour le groupe français. Une forme de revanche, aussi, après la perte du contrat portant sur 4 réacteurs de troisième génération, remporté l'an passé par l'américain Westinghouse.
Depuis lors, l'entreprise présidée par Anne Lauvergeon se raccrochait à l'espoir d'un joli lot de consolation. C'est pratiquement chose faite et le camp tricolore a tout lieu de se réjouir : l'accord qui se dessine ira en effet plus loin qu'une simple fourniture de réacteurs nucléaires. Comme le souhaitait Pékin, un « partenariat global » devrait être annoncé le mois prochain entre Areva et CGNPC. Son premier volet prévoit la livraison de deux EPR sur le site de Taishan, non loin de Macao et de Hong Kong. Outre les « chaudières » elles-mêmes, Areva sera chargé de fournir la plupart des éléments composant l'îlot nucléaire, qu'il se procurera auprès de différents fournisseurs. A lui seul le montant de ce contrat serait compris entre 3,5 et 4 milliards d'euros.
Mais ce n'est pas tout. Au cours des derniers mois, les négociateurs de CGNPC ont beaucoup insisté pour inclure dans l'accord un volet « combustible ». Une véritable obsession pour la Chine, qui a récemment multiplié les contacts à l'étranger (Australie, Afrique du Sud, Canada, Kazakhstan...) afin de sécuriser son approvisionnement en uranium enrichi. Dans le cadre du partenariat à venir, Areva s'est donc engagé à fournir pendant plus de vingt ans le combustible nécessaire au fonctionnement des 2 EPR.
Cet accord couvre à la fois la fourniture de l'uranium naturel, son traitement chimique (conversion) et son enrichissement, autrement dit toutes les étapes con-duisant à la fabrication du combustible nucléaire. Selon les estimations, ce volet « amont » représenterait entre 1,5 et 2 milliards d'euros de contrats supplémentaires. Au total, le montant de ce grand accord chinois pourrait donc dépasser les 5 milliards d'euros, ce qui en ferait l'un des plus gros jamais signés par une entreprise française dans ce pays.
Il est trop tôt, en revanche, pour parler de l'aval du cycle, un autre axe stratégique pour les autorités chinoises. Dans le cadre de leur nouveau partenariat nucléaire, Paris et Pékin devraient simplement acter la volonté de poursuivre des discussions dans le domaine du traitement et du recyclage du combustible.
De possibles retombées. Vingt ans après la construction des centrales de Ling Ao et Daya Bay, soeurs jumelles des centrales françaises, la commande de 2 EPR ouvre un nouveau chapitre de la coopération franco-chinoise en matière nucléaire. Comme ils l'ont fait pour les réacteurs de deuxième génération, les constructeurs locaux finiront par s'approprier complètement cette nouvelle technologie, mais pour l'heure, ils ont besoin des ingénieurs d'Areva.
Plus largement, cet accord pourrait avoir des
retombées positives pour les autres acteurs de la filière
tricolore. C'est le cas d'EDF, qui espère s'impliquer dans
ce chantier. C'est aussi celui d'Alstom, qui apparaît bien
placé pour fournir des éléments clefs de
la partie conventionnelle des futures centrales, à commencer
par les deux turbines qui produiront de l'électricité
à Taishan.
La Tribune, 2/9/2007:
Selon la ministre de l'économie et des
finances, le contrat chinois devrait donc se conclure. Il avait
subit des ratés au mois de juillet.
Le groupe nucléaire Areva doit vendre à la Chine
deux réacteurs nucléaires de troisième génération
EPR "dans des délais très
rapprochés", a déclaré dimanche soir
la ministre de l'Economie, Christine Lagarde, lors de l'émission
Le Grand Rendez-Vous d'Europe 1/Le Parisien TV5.
Le 22 août, l'association écologiste "Sortir
du Nucléaire" affirmait, selon des informations venant
d'une source gouvernementale chinoise, que la commande de deux
réacteurs nucléaires aurait été annulée
sur le site initialement prévu, dans le Guangdong, au sud
de la Chine, mais pourrait être proposée pour un
autre site, à Taishan, à 140 km à l'ouest
de Hong Kong. Areva avait démenti alors "très
clairement la cessation de discussions pour la fourniture de réacteurs
EPR à la Chine, les discussions se poursuivent normalement"
Le contrat porte sur la construction de deux réacteurs
à eau sous pression (European Pressurised water Reactor,
EPR), plus puissants (1.600 mégawatts chacun) que les réacteurs
construits dans les années 80. Areva ne serait pas maître
d'ouvrage mais fournirait les réacteurs et leur combustible
(uranium), ainsi que les services associés, soit toute
la chaîne de valorisation du minerai. "Sortir du Nucléaire"
avait révélé le 30 juillet que les Français
avaient proposé les deux EPR pour cinq milliards de dollars
(3,66 milliards d'euros), "soit deux pour le prix d'un",
une information confirmée à l'AFP par une source
proche du dossier.
Fin juillet, on avait appris de source proche du dossier qu'Areva
et son partenaire chinois CGNPC devaient signer à Pékin
une "lettre d'intention" pour la construction des deux
réacteurs. La signature avait ensuite été
reportée, officiellement pour des raisons "techniques
et d'agenda".
Boursier.com, 23/8/2007:
Flottement autour du "contrat du siècle"
en Chine pour Areva. Pékin aurait décidé
de construire 4 réacteurs nucléaires classiques
à Yangjiang, au lieu des 2 EPR qu'Areva comptait y installer...
Des considérations importantes, alors que les EPR pourraient
finalement être construits dans une autre ville de la même
région, Taishan, explique le journal 'Les Echos' du jour.
Le nouveau site ne bouleverserait cependant en rien le cours des
négociations qui sont déjà très avancées
selon Areva. Une façon de s'inscrire en faux aux affirmations
du Réseau "Sortir du nucléaire" qui soutient
de son côté que la Chine a définitivement
annulé son projet de construire deux réacteurs nucléaires
français EPR à Yangjiang, dans le Guangdong. "Annoncée
par les français pour le 31 juillet dernier, la signature
du contrat, à Pékin et en présence de la
ministre de l'économie Christine Lagarde, n'a pas eu lieu...
et est définitivement annulée" indiquait ainsi
hier sur son site internet 'Sortir du Nucléaire'.
A la place, l'électricien CGNPC (China Guangdong Nuclear
Power Corp.) construirait quatre réacteurs CPR-1000, réacteurs
de 2ème génération, tels que ceux qui ont
été construits par Framatome à Ling Ao ou
Daya Bay dans les années 1980, croit savoir le réseau
anti-nucléaire. Le CPR-1000 a justement été
mis au point grâce aux transferts de technologie que les
Chinois ont imposés aux Français.
Et si les Chinois évoquent l'hypothèse que les deux
EPR soient proposés à Taishan, à 140 km à
l'ouest de Hong-Kong "Areva ferait bien de ne pas se faire
d'illusion" à ce sujet, selon Sortir du nucléaire
qui pense qu'il s'agit simplement d'une manoeuvre de diversion.
22/8/2007 : La commande de deux réacteurs nucléaires EPR en Chine aurait été annulée sur le site initialement prévu, a affirmé mercredi le réseau écologiste "Sortir du Nucléaire", ce que le groupe nucléaire Areva a démenti. "Selon des informations fiables", le réseau "est en mesure de révéler que la Chine a définitivement annulé son projet de construire deux réacteurs nucléaires français EPR à Yangjiang, dans le Guangdong", a indiqué l'organisation dans un communiqué. L'information aurait été obtenue auprès d'une source gouvernementale chinoise, a précisé son porte-parole. Interrogé par l'AFP, Areva a démenti ces informations. "Nous avions récemment évoqué des discussions avancées, elles se poursuivent", a indiqué un porte-parole. "Les discussions se poursuivent", a aussi assuré Bercy. "Annoncée par les Français pour le 31 juillet, la signature du contrat, à Pékin et en présence de la ministre de l'Economie Christine Lagarde, n'a pas eu lieu et est définitivement annulée", affirme le réseau. "A la place, l'électricien CGNPC (China Guangdong Nuclear Power Corp.) construirait quatre réacteurs chinois CPR-1000", ajoute "Sortir du Nucléaire". "Habitués à toujours laisser un peu d'espoir à leurs +partenaires+, les Chinois évoquent l'hypothèse que les deux EPR soient proposés à Taishan, à 140 km à l'ouest de Hong Kong", poursuit le réseau. Il avait révélé le 30 juillet que les Français avaient proposé les deux EPR pour cinq milliards de dollars (3,66 milliards d'euros), "soit deux pour le prix d'un", ajoute Sortir du nucléaire. Le coût du premier EPR qu'Areva construit en Finlande, où le groupe public est maître d'ouvrage et fournisseur, est évalué par les spécialistes à environ 3 milliards d'euros. En Chine, Areva ne serait pas maître d'ouvrage mais doit fournir les réacteurs et leur combustible (uranium), ainsi que les services associés, soit toute la chaîne de valorisation du minerai. "Même à prix cassé, les Chinois ne veulent pas de l'EPR", insiste Sortir du nucléaire. Fin juillet, on avait appris de source proche du dossier qu'Areva et son partenaire chinois CGNPC devaient signer à Pékin une "lettre d'intention" pour la construction des deux réacteurs, avant la signature formelle d'un contrat en novembre. La signature avait ensuite été reportée, officiellement pour des raisons "techniques et d'agenda". Le contrat porte sur la construction de deux réacteurs à eau sous pression (European Pressurised water Reactor), plus puissants (1.600 mégawatts chacun) que les réacteurs construits dans les années 80, à Yangjiang, dans la province du Guangdong (sud).
Libération, 27/7/2007:
Areva devrait signer le plus gros contrat de son histoire.
Et de quatre. Le leader mondial du nucléaire
civil, le Français Areva, est sur le point de ?signer un
précontrat avec les autorités chinoises pour la
livraison de deux réacteurs EPR. Après la Finlande
et la France, la Chine porte donc à quatre le nombre de
réacteurs nucléaires de troisième génération
de type EPR vendus par le groupe français dans le monde.
Ce qui commence à constituer un début d'argumentaire
commercial pour contrer les commentateurs de la chose nucléaire
jugeant la technologie de l'EPR «déjà dépassée
ou n'apportant aucune avancée technologique importante».
«Lettre d'intention». Il va sans dire que chez Areva,
on bombe le torse. Pensez donc, voila un vrai retournement de
situation. Depuis que l'américain Westinghouse avait remporté
fin 2006 un premier appel d'offres pour quatre réacteurs
de troisième génération, on pensait qu'Areva
avait définitivement perdu la grande bataille du nucléaire
chinois. Depuis hier, on sait que c'est un peu plus compliqué
que cela.
En début de semaine prochaine, le plus gros contrat nucléaire
jamais remporté par le groupe français doit donc
être signé à Pékin avec son partenaire
historique : la China Guangdong Nuclear Power Corporation. Les
détails étaient encore en cours de finalisation
mais Christine Lagarde, la ministre de l'Economie, a prévu
d'accompagner, mardi, la patronne d'Areva Anne Lauvergeon pour
la signature d'une «lettre d'intention». Les deux
réacteurs EPR (à eau pressurisée), d'une
capacité de 1600 mégawatts chacun, seront construits
dans la province méridionale du Guangdong, sur le site
de Yangjiang. Ils s'ajouteront à ceux, voisins, de Ling'ao
et de Daya Bay où quatre réacteurs ont déjà
été réalisés par les industriels français.
Difficile d'estimer la somme du contrat. Il pourrait dépasser
les cinq milliards d'euros sachant que le réacteur EPR
finlandais, livré clés en main, a coûté
plus de trois milliards d'euros. Les autorités chinoises
ont insisté pour qu'il y ait un transfert de technologie
et qu'une large partie des installations (jusqu'à 70 %)
soit de fabrication chinoise.
Espérons que la nucléocratie française ne
sera pas suffisamment ingrate pour oublier celui sans qui ce contrat
n'aurait jamais existé : Jacques Chirac. Car pour comprendre
ce rebondissement, il faut remonter au moins à octobre
2006. Lorsque Jacques Chirac débarque en Chine en visite
officielle, personne ne se fait beaucoup d'illusion sur les chances
d'Areva de rattraper son retard. Malgré la longue coopération
franco-chinoise en matière de nucléaire civile,
l'américain Westinghouse est sur le point de refourguer
sa technologie. Mais en grand VRP, Chirac ne lâche pas.
Et propose alors à Pékin un deal qui peut se résumer
ainsi : « Vous nous dites que vous êtes intéressés
par un partenariat global avec la France dans le domaine nucléaire,
contrat qui inclut la fabrication du combustible et son retraitement.
D'accord, mais pour cela, il faut acheter notre EPR.» Deux
mois plus tard, quand Pékin annonce comme prévu
que l'américain Westinghouse remporte l'appel d'offres,
beaucoup observateurs concluent que le pari de Chirac a échoué.
D'autant que les chinois avaient été très
clair : il n'y aura qu'une seule technologie nucléaire
pour la troisième génération qui sera ensuite
déclinée dans toute la Chine. Donc pas de lot de
compensation pour Areva.
Les autorités chinoises avaient alors justifié leur
choix par des raisons économiques, et par l'offre d'un
généreux transfert de technologies par la partie
américaine. C'était également au plus fort
d'une crise des relations économiques avec les Etats-Unis.
La realpolitik semblait alors avoir eu raison de l'offre française.
Mais quelques semaines après la victoire de l'américain,
Pékin envoie des signaux à Areva pour négocier
la vente de deux EPR à l'électricien China Guangdong
Nuclear Power Corporation, dans le cadre du partenariat global
évoqué par Jacques Chirac. Car en plus des deux
centrales, Areva devrait fournir l'uranium, son enrichissement
et probablement - dans un deuxième temps - assurer le retraitement
du combustible usagé. Six mois tard, Areva revient par
la fenêtre avec le contrat du siècle.
Marché énorme. Le développement économique
effréné de la Chine est si glouton en énergie
que l'Etat a décidé de construire trente nouveaux
réacteurs d'ici à 2020 (contre dix en activité
aujourd'hui) et seize provinces ont fait des demandes pour. quatre-vingt-six
réacteurs d'ici à 2050. Un marché énorme
que se partagent la Chine et les étrangers (Russie, Japon,
Canada, Etats-unis et France principalement). Avec ce contrat,
la France reprend donc un coup d'avance. Depuis le milieu des
années 80, quatre centrales ont été construites
et plus de cinq cents spécialistes chinois de l'atome ont
été formés à la française.
L'hexagone a aussi fourni les technologies de première
et deuxième génération qui ont permis la
construction, dans l'est du pays, de la première centrale
atomique entièrement made in China, en activité
depuis cinq ans.
Reste une question. Pourquoi Pékin a subitement changé
d'avis en faisant finalement cohabiter deux technologies concurrentes
? Est-ce, comme veut le croire un industriel français,
«pour les faire vivre en parallèle» ? Ou faut-il
comprendre l'achat de ces deux EPR comme la concession chinoise
pour accéder au savoir-faire français en matière
de gestion du cycle de vie du combustible nucléaire ? La
réponse à cette question vaut des milliards de dollars.
Le Monde, 20 décembre 2006:
Il est probable que le groupe nucléaire
français Areva n'a pas perdu entièrement la partie
chinoise et qu'il gagnera dans le futur des contrats de construction
de centrales dans l'empire du Milieu. La Chine envisage de se doter d'au moins trente
réacteurs dans les vingt ans à venir et sa sécurité
lui impose de ne pas dépendre d'un seul fournisseur. Mais
il n'empêche, la victoire du groupe américain Westinghouse
pour la construction des quatre premières centrales est
une défaite.
D'un point de vue industriel, le groupe français, qui propose
une technologie nouvelle appelée EPR (European Pressurised
Water Reactor), n'était pas le mieux placé puisqu'il
refuse de transférer en Chine l'intégralité
de ses technologies, comme le demande Pékin. A l'inverse,
le groupe américain est plus souple parce que son réacteur,
encore dans les cartons (il ne sera prêt qu'en 2011), est
en théorie plus facilement " transférable "
en sécurité. Cette décision d'Areva a pu
faire débat mais, quand on connaît le peu de respect
des Chinois pour les droits industriels, on ne peut que la soutenir.
En outre, que restera-t-il comme emplois en France si on transfère
toutes les technologies sans restrictions ?
L'échec est bien entendu d'abord imputable à Areva
lui-même. Le tort français est sans doute d'avoir
espéré l'emporter quand même en se plaçant
sur le terrain politique. Car le poids américain y est
écrasant. Le contrat a été annoncé,
samedi 16 décembre, lors de la visite à Pékin
d'une forte délégation venue de Washington. Les
deux géants se rencontraient pour la première des
réunions du " dialogue économique stratégique
" qu'ils ont engagé pour tenter de résoudre
l'immense déséquilibre de leurs relations commerciales.
Ce contrat nucléaire en faveur des Américains va
créer 5 500 emplois aux Etats-Unis, a déclaré
la délégation américaine, qui n'a pas obtenu
grand-chose d'autre, sur le plan monétaire notamment, de
son voyage en Chine.
En ce sens, les gestes et accommodements de Jacques Chirac vis-à-vis
du régime de Pékin étaient commercialement
inutiles en plus d'être diplomatiquement critiquables. La
diplomatie économique française a été
en échec aussi par désunion. Côté industriel,
une meilleure coordination avec EDF eût été
souhaitable.
Côté politique, pourquoi le ministre de l'économie,
Thierry Breton, s'empresse-t-il de dire qu'Areva rencontre des déboires
dans la construction d'un EPR en Finlande (alors que le problème
n'est pas dû au groupe français mais au gros oeuvre)
et qu'il traverse " une mauvaise passe " ? Propos inopportun,
la veille de la visite d'un délégué chinois
qui veut examiner la suite des contrats. La France a de gros atouts
dans l'industrie de l'énergie. Elle n'a pas tant de points
forts qu'elle les gâche par des jeux personnels.
Libération, 18 décembre:
Certes, Anne
Lauvergeon était préparée à la
perte du contrat chinois. Mais la patronne d'Areva aurait sans
doute préféré que l'annonce de cette décision
ne se télescope pas avec cet autre mauvais coup : le nouveau
retard dans la construction du premier réacteur nucléaire
de troisième génération, l'EPR, celui-là
même qui doit servir de vitrine commerciale.
La semaine dernière, Areva a dû admettre devant son
client, l'électricien finlandais TVO, que le calendrier
contractuel d'Olkiluoto était trop tendu. Initialement
prévue pour mi-2009, la mise en service du premier EPR
jamais construit dans le monde est désormais prévue
pour 2011. «Mettre cinq ou six ans au lieu de quatre pour
une tête de série reste une prouesse, relativise-t-on
chez Areva, au regard de l'enjeu commercial futur. On se fait
les dents, mais on acquiert une expérience énorme.»
Reste que les Finlandais sont agacés. Et que, avec ces
deux avanies successives, Lauvergeon libère les critiques
de ses détracteurs, nombreux à Bercy : «Les
Chinois nous ont dit que c'était à cause des retards
en Finlande qu'ils avaient renoncé à l'EPR.» Réplique
immédiate d'un observateur proche d'Areva : «C'est
au mieux de l'ignorance, au pire de la malveillance.»
Le lien, de fait, ne va pas de soi. Pourtant, en ne respectant
pas ses délais en Finlande, Lauvergeon prête le flanc
à ceux qui lui reprochent son obstination à vouloir
imposer un nouveau modèle industriel dans le domaine nucléaire
: le clés en main. «Les retards en Finlande n'ont
pas été de nature à convaincre les Chinois
de la pertinence de ce modèle et de la maîtrise qu'en
ont les Français», ironise un spécialiste.
Dans l'immédiat, ces retards ont un coût : on évoque
des chiffres entre 600 millions et 700 millions d'euros. De quoi
donner au conseil de surveillance d'Areva cette semaine matière
à débat entre la présidente et son actionnaire,
l'Etat.
Nicole Pénicaut
[Les contribuables français
payeront des millions d'euros ... car Areva a obtenu des garanties de la Coface (Compagnie française d'assurance pour le commerce
extérieur). Celle-ci garantie pour le compte de l'Etat
les exportations des industriels français vers des pays
à risque a accordé à Areva une garantie de
610 million d'euros, c'est le second plus important montant de
garantie accordé à un projet et surtout la seule
et unique garantie jamais accordée pour une exportation
vers un pays membre de l'Union Européenne et réputé
particulièrement sans risque économique ou politique.
Par ailleurs, le contrat entre TVO et Areva étant à
coût fixe, les très probables dépassements
seront à la charge d'Areva encore détenue à
près de 85% par l'Etat français. http://www.greenpeace.fr/EPR/actu20050217.php3].
Libération, 18 décembre 2006:
Correspondante à Pékin
La bataille franco-américaine pour le
mégacontrat chinois des quatre premiers réacteurs
nucléaires de troisième génération
est terminée. Samedi, la Chine a choisi Westinghouse au
détriment d'Areva ; 8 milliards de dollars échappent
au français, numéro 1 mondial. «Un jour formidable
pour l'industrie nucléaire américaine», a
dit Samuel Bodman, le secrétaire d'Etat américain
à l'Energie, juste après avoir signé l'accord.
Selon lui, ce contrat va créer 5 000 emplois aux Etats-Unis
et Westinghouse a accepté de fournir à la Chine
des technologies qui lui permettront de construire d'autres réacteurs.
Les futures centrales fournies par Westinghouse ont une capacité
de 1,1 gigawatt chacune. La Chine, deuxième consommateur
mondial d'énergie, a évalué ses besoins futurs
en nucléaire à 40 gigawatts, soit une trentaine
de centrales, et compte investir 40 milliards d'euros dans ce
secteur qui ne fournit actuellement que 2,3 % de son électricité.
Le but est de parvenir à 4 % dans vingt ans.
Tout n'est donc pas perdu pour Areva. La France, par la voix du
ministère des Finances, s'est contentée de dire
qu'elle «prend note». Un émissaire du
gouvernement chinois devrait être reçu à Paris
demain «pour faire le point».
C'est un coup dur, mais Areva s'y attendait. Depuis le printemps,
l'EPR, réacteur de troisième génération
déjà acheté par EDF [pour mieux le vendre à l'export..] et par la Finlande, n'était plus favori. Pour
des raisons politiques plus que techniques, assurait-on dans le
camp français, où l'on s'est beaucoup moqué
du «réacteur de papier» américain,
encore à l'état de projet [et l'EPR alors ???]. «Les
experts chinois sont séduits par l'offre américaine
car ils espèrent se l'approprier», assurait-on
chez Areva quand tout n'était pas encore perdu.
Pour s'aligner, Areva avait dû revoir sa copie en jouant
sur de plus importants transferts de technologies. La Chine est
davantage à la recherche de partenaires que de vendeurs.
Selon Areva, Westinghouse avait besoin d'arracher ce contrat,
sous peine de sortir du marché du nucléaire civil.
De même que Jacques Chirac a défendu Areva lors de
sa visite en Chine, en octobre, Washington n'a pas ménagé
sa peine pour défendre Westinghouse, récemment racheté
par Toshiba. L'énorme déficit commercial entre la
Chine et les Etats-Unis aurait aussi joué en sa faveur.
Au moins symboliquement : Westinghouse n'étant pas
constructeur de centrales, ce n'est pas 8 milliards de dollars,
mais quelques centaines de millions qu'il empochera pour le transfert
de sa technologie.
Bien implanté en Chine, Areva a déjà fourni
quatre réacteurs et contribué à la réalisation
de Qinshan II, conçu sur la base de la technologie française.
Le groupe est aussi impliqué dans la duplication de la
technologie de Ling
Ao, filière qui sera, à terme, contrôlée
par les Chinois. Le transfert de technologies n'est donc pas une
nouveauté pour les Français. Mais les Américains
sont allés encore plus loin.
Pascale Nivelle
Nouvelobs, 18/12/2006:
La patronne d'Areva et le ministre de l'economie se font la guerre par rédactions interposées.
Ca n'allait déjà pas très
fort. Cette fois, entre Thierry Breton et Anne Lauvergeon, c'est
la guerre, par rédactions interposées. Ce qu'ils
se reprochent ? Le premier semble convaincu que la patronne d'Areva
ne fait pas le poids. La deuxième, que le ministre veut
sa place ! Voilà des mois que le feu couve, régulièrement
entretenu à coup de petites phrases assassines. Le locataire
de Bercy n'a jamais caché son animosité pour "Atomic
Anne", dont il a cherché, à maintes reprises,
à obtenir la tête.
Pour beaucoup d'observateurs, celle-ci était suspendue
à l'obtention du contrat en Chine. Patatras ! C'est finalement
le concurrent américain Westinghouse qui a remporté
le contrat. Un très mauvais coup pour Areva déjà
plombé par un gros retard dans la construction de l'EPR
en Norvège. C'est en tout cas ce que rappellent depuis
deux jours une avalanche d'articles plutôt sévères
pour Areva. Pour l'entourage d'Anne Lauvergon, qui voit là,
la main de Thierry Breton, pas de doute : Bercy a sauté
sur l'occasion pour déterrer, une nouvelle fois, la hache
de guerre.
D'ailleurs, au siège du géant français du
nucléaire, on en est convaincu : les services du ministre
auraient passé le week-end à appeler toutes les
rédactions pour lier ces deux dossiers qui n'auraient,
d'après les proches d'Anne Lauvergeon, rien à voir.
Mais ils auraient aussi ainsi entaché l'avenir d'Areva
en Chine, où le groupe Nucléaire nourrit encore
de très grosses ambitions
Le Figaro, 18 décembre 2006
L'ANNÉE s'achève sans fanfare
ni trompette pour Areva. Même si l'appel d'offres chinois
ne laissait entrevoir qu'un très mince espoir de succès,
le groupe français leader mondial du nucléaire voulait
y croire jusqu'au bout. Il doit maintenant gérer un échec
important pour son image - en plus des retombées économiques
-, au terme d'une compétition qui aura duré plus
de deux ans. La tâche s'annonce d'autant plus difficile
qu'Areva est déjà mobilisé sur un autre front,
celui du chantier de l'EPR finlandais. Là aussi, la situation
se révèle problématique, ce qui fait dire
à Thierry Breton, le ministre de l'Économie, qu'Areva
traverse «une passe difficile». Avant l'été,
le groupe nucléaire, maître d'oeuvre du projet, avait
déjà officialisé un retard d'un an. Au début
du mois de décembre, c'était au tour du client,
la compagnie d'électricité finlandaise TVO, de souligner
que la livraison du réacteur de troisième génération,
au coût estimé de 3 milliards d'euros, devrait
accuser un retard de dix-huit mois. Autrement dit, il ne sera
pas opérationnel avant 2011.
Et encore, certains observateurs avancent aujourd'hui un retard
de deux ans, avec la nécessité pour Areva de passer
une provision de 700 millions d'euros. Chez Areva, on veut
couper court à toutes ces rumeurs : « Un
point très précis a été effectué
voici quelque temps, il nous a conduits à reconnaître
que nous avions été un peu trop ambitieux en matière
de délais. Une durée de six ans (jusqu'en 2011 donc)
est désormais requise pour mener à bien Olkiluoto
3, c'est-à-dire
une perspective tout à fait normale puisqu'aucun réacteur
nucléaire dans le monde n'a jamais été fabriqué
en moins de six ans. » Sachant
que dans le cas de l'EPR finlandais, il s'agit, en outre, d'un
prototype. [Areva prétendait
pourtant le faire en... 4 ans]
Quant au montant de la provision passé pour faire face
à ce retard, Areva refuse de donner la moindre indication.
On sait cependant que les résultats de l'entreprise, qui
seront publiés en mars prochain, devraient être comparables
à ceux de l'exercice 2005. Autrement dit, le coût
du retard finlandais devrait être compensé par la
bonne tenue des autres branches d'activités.
« Ignorance et malveillance »
Reste que les adversaires d'Anne Lauvergeon, présidente
du directoire d'Areva, ont beau jeu de mettre en concomitance
les deux dossiers, chinois et finlandais. Sur le thème
: si Pékin a finalement préféré Westinghouse,
c'est parce que la Chine était préoccupée
par le retard pris en Finlande. « Ces rumeurs sont
aussi malveillantes que placées sous le signe de l'ignorance.
Les deux cas sont totalement distincts : non seulement la
chronologie de l'appel d'offres chinois est bien antérieure
aux difficultés rencontrées en Finlande, mais à
aucun moment le modèle industriel de l'EPR n'a été
contesté, par personne », souligne Jacques-Emmanuel
Saulnier, porte-parole d'Areva.
D'ailleurs, l'EPR doit servir de socle à la relance du
programme nucléaire français. Le site de Flamanville,
dans la Manche, ayant été retenu pour abriter la
construction d'un prototype (prévu pour être opérationnel
en 2012) dans le cadre d'un chantier dont EDF est le maître
d'oeuvre. Areva, qui réalisera la partie nucléaire
de ce futur réacteur, compte profiter au maximum du retour
en grâce du nucléaire dans de nombreux pays, flambée
du pétrole oblige. Les États-Unis, l'Inde ou encore
l'Afrique du Sud sont autant de pays cibles. Reste à savoir
comment l'échec en Chine peut influer sur la stratégie
d'expansion internationale d'Areva : cette donnée-là
est pour le moment difficilement quantifiable.
F de M
Le Figaro, 18 décembre 2006:
Westinghouse a obtenu la construction des quatre réacteurs nucléaires de nouvelle génération chinois. La France veut croire à une commande complémentaire
PÉKIN a confié ce week-end à l'américain
Westinghouse la mise au point de 4 réacteurs de 1 100
mégawatts, privant le concurrent européen Areva
d'un rôle décisif dans le programme électronucléaire
chinois, le plus vigoureux lancé dans le monde depuis trente
ans.
La firme de Pittsburgh, contrôlée par le groupe japonais
Toshiba, a mis fin à deux ans de suspense en signant samedi
à Pékin un contrat « de plusieurs
milliards de dollars » sur la fourniture de quatre
réacteurs à eau pressurisée de type AP-1 000.
Le gouvernement chinois a confirmé la commande. Il a indiqué
que le projet américain a été préféré
au rival européen EPR en raison « de la technologie
elle-même, du transfert de savoir-faire, de la méthode
de coopération, ainsi que les problèmes d'autosuffisance
et de localisation ».
La perte de ce marché est un coup dur pour Areva. Il y
voyait, comme son concurrent américain, le ticket d'entrée
sur un chantier nucléaire sans précédent
depuis les programmes massifs lancés aux États-Unis
et en France
à partir des années 1960. La Chine prévoit
de consacrer 50 milliards de dollars à la construction
d'au moins trente réacteurs de troisième génération
d'ici à 2020. Les centrales Westinghouse entreront en service
à partir de 2013 au sud-est de la Chine, à Sanmen
(province du Zhejiang) et à Yangjiang (Guangdong).
Superbe vitrine
L'AP-1 000 n'existe que sur le papier à la différence
de l'EPR [qui existe où
???], en construction en Finlande et en
France (Flamanville). C'était le vrai point faible du réacteur
Westinghouse. Pékin vient de lui offrir une superbe vitrine,
à l'heure où de nombreux pays s'interrogent sur
une relance du nucléaire afin de pallier la hausse du coût
de l'énergie et de limiter le réchauffement climatique.
Le programme chinois « entraînera à
coup sûr une renaissance de l'industrie nucléaire
mondiale », avance le gouvernement chinois dans
un communiqué.
Pour Areva, le danger est de rester sur la touche. Pionnier du
nucléaire chinois, il y a quinze ans avec les réacteurs
de Daya Bay et de Ling'ao, le groupe d'Anne Lauvergeon croit encore
pouvoir amortir le choc par une commande complémentaire :
celle de deux EPR, au bout d'une négociation discrètement
engagée par Jacques Chirac, en octobre à Pékin.
« Nous avons perdu, mais le dossier n'est pas définitivement
bouclé », assurait hier au Figaro
une source bien placée. Le ministre Thierry Breton attend
d'ici quelques jours la visite à Paris d'un responsable
du programme chinois.
Sous l'angle technique, c'est le transfert de technologie qui
a fait trébucher Areva dans ce que des professionnels ont
appelé « le marché nucléaire
du siècle ». À l'image d'Airbus qui
s'apprête à lancer une chaîne d'assemblage
de la famille A 320 à Tianjin, Anne Lauvergeon était
prête à partager le savoir-faire. Mais pas sa totalité
dès la première coulée de béton. Cet
automne, le dossier comparatif établi par les experts chinois
donnait déjà clairement la préférence
à l'AP-1 000 américain. Ils en soulignaient
de plus la simplicité, la sûreté et la conception
avancée.
Un geste politique fort
Mais, c'est le jeu stratégique qui a donné le coup
de pouce final à Westinghouse. À la question « que
choisir ? » s'ajoutait une seconde, au moins
aussi déterminante : « Qui ne pas décevoir ? »
Vu de Pékin, Paris pesait moins lourd que Washington malgré
le front commun défendu par Jacques Chirac et Anne Lauvergeon.
Les Chinois ne s'en cachent même pas. Le contrat sino-américain
a été signé au dernier jour de la visite
d'une équipe de responsables incluant le secrétaire
au Trésor Henry Paulson, le président de Réserve
fédérale Ben Bernanke et le secrétaire à
l'Énergie Samuel Bodman.
La commande à Westinghouse, évaluée entre
5 et 8 milliards de dollars, est pour la Chine un geste politique
fort au moment où les États-Unis lui font porter
le blâme d'un nouveau creusement du déficit bilatéral
(240 milliards de dollars sans doute cette année).
Pékin cherche visiblement à déjouer un dérapage
protectionniste au Congrès, au moment où les Démocrates
s'apprêtent à en prendre le contrôle face à
un président diminué.
Dans sa vision à long terme, l'équipe de Hu Jintao
a aussi tout intérêt à impliquer Washington
dans son programme de centrales. Même à usage civil,
les réacteurs restent un sujet sensible des relations internationales.
Dans tout scénario de confrontation future, la Chine redoutait
des sanctions américaines, entre autres sur l'approvisionnement
en combustible de son parc nucléaire. En mettant Westinghouse
dans sa poche, Pékin pense avoir réduit aussi ce
risque-là.
Les Echos, 18 décembre 2006:
Après plus de deux ans de compétition
acharnée, les autorités chinoises ont confié
ce week-end à l'américain Westinghouse la construction
de 4 réacteurs [dit] de troisième génération. Un marché
estimé autour de 6 milliards de dollars. Un sérieux
revers pour Areva. Mais pour ménager Paris, Pékin
pourrait tout de même commander 2 EPR au groupe français.
Areva va devoir oublier très vite cette fin d'année
2006. Après avoir concédé un nouveau retard
de six mois sur le chantier de l'EPR finlandais, le leader mondial
du nucléaire vient de perdre le contrat qui faisait saliver
toute la profession : celui des réacteurs chinois de troisième
génération. Comme on le pressentait (« Les
Echos » du 15 mars 2006), l'américain Westinghouse
est sorti vainqueur, ce week-end, de l'appel d'offres lancé
voilà plus de deux ans par les autorités chinoises,
et portant sur la construction de 4 nouvelles centrales dans le
sud du pays. Un marché estimé à un peu moins
de 6 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros).
C'est une très grosse
déconvenue pour la filière nucléaire française.
Apprenant la nouvelle, le ministre de l'Economie, Thierry Breton,
a sobrement « pris note » du choix effectué
par Pékin. Mais le revers subi par Areva est apparemment
très mal vécu à Bercy. Dans l'entourage du
ministre, on regrettait ouvertement, samedi, que le groupe français
n'ait pas mis toutes les chances de son côté, en
démarrant aussi mal son chantier finlandais, vitrine revendiquée
du futur réacteur EPR. Propos « malveillants et ignorants
», rétorque-t-on chez Areva, où l'on rappelle
les spécificités du cas finlandais : un contrat
clefs en main, alors que les Chinois souhaitaient une simple livraison
de réacteur.
L'échec du lobying français. De fait, les autorités
chinoises n'ont pas attendu leur dernière visite de chantier
en Scandinavie pour faire pencher la balance du côté
américain. A l'échelon industriel, les décideurs
avaient opté depuis longtemps pour Westinghouse et son
modèle AP1000, qui n'a encore jamais été
construit (ses études de design ne seront pas achevées
avant 2011) et se prête, de ce fait, plus facilement à
des transferts de technologies. Surtout, l'appel d'offres lancé
par Pékin s'est rapidement teinté de considérations
politiques. Portés par Washington depuis le début
de la compétition, les 4 réacteurs proposés
par Westinghouse (qui a été acheté, en début
d'année, par le japonais Toshiba) contribueront clairement
à rééquilibrer la balance commerciale entre
les Etats-Unis et la Chine.
Le fait que Pékin ait choisi d'officialiser son choix lors
de la visite de l'impressionnante délégation dirigée
par Henry Paulson, le secrétaire au Trésor américain,
montre assez bien que les aspects industriels du dossier n'étaient
pas les seuls en jeu. Et de ce point de vue, l'échec d'Areva
est aussi celui du lobbying exercé depuis des mois par
les plus hautes autorités de l'Etat français. En
octobre, le président de la République, Jacques
Chirac avait même fait du dossier nucléaire l'un
des enjeux prioritaires de sa visite en Chine. Il avait alors
martelé à ses interlocuteurs qu'il s'agissait d'une
« décision capitale », et clairement laissé
entendre que la France n'aiderait plus les Chinois à développer
leur propre filière nucléaire s'ils tournaient le
dos à Areva. Le 1er décembre dernier, à l'occasion
d'une visite de quelques heures, Thierry Breton était,
lui aussi, venu répéter ce message de fermeté
aux autorités chinoises.
Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Une petite chance de rebondir.
Car, dans le cadre de sa stratégie de « partenariat
global », le groupe français croit encore en ses
chances en Chine. Un émissaire du gouvernement chinois
sera justement demain à Paris pour explorer de nouvelles
collaborations dans le domaine nucléaire. La duplication
des réacteurs existants sera l'un des sujets à l'ordre
du jour, tout comme un éventuel partenariat dans le traitement
du combustible, qui pourrait permettre à la Chine de se
doter, dans un avenir lointain, de sa propre filière dans
« l'aval du cycle ». Mais la visite de l'émissaire
chinois réservera peut-être une autre surprise.
Selon nos informations, Pékin serait en effet soucieux
de ménager les susceptibilités françaises,
et envisagerait de commander à Areva 2 réacteurs
EPR, en plus des 4 AP1000 de Westinghouse. Un lot de consolation,
en quelque sorte, pour éviter que vingt années de
coopération franco-chinoise dans le nucléaire ne
partent en fumée.
16/12/06 - Le
Réseau "Sortir du nucléaire" estime samedi
dans un communiqué que l'avenir du réacteur européen
à eau sous pression (EPR) est "définitivement
obéré", après la perte par le groupe
Areva d'un contrat pour la construction de quatre réacteurs
nucléaires de troisième génération
en Chine.
"Il ne reste plus qu'à annuler le réacteur
prévu à Flamanville (Manche) et à reverser
immédiatement les investissements prévus vers les
plans d'économies d'énergie et de développement
des énergies renouvelables", affirme le Réseau.
La Chine a choisi samedi le réacteur à eau pressurisée
AP1000 de Westinghouse, groupe racheté au début
de l'année par Toshiba, au détriment de l'EPR du
groupe français Areva. Tout en "dénonçant
tous les projets de construction de réacteurs nucléaires,
qu'ils soient français, américains ou autres",
le Réseau "Sortir du nucléaire", qui revendique
plus de 700 associations membres, "se félicite
de l'échec du réacteur EPR en Chine".
Le Réseau annonce l'organisation le 17 mars 2007 de manifestations
à Rennes, Lille, Strasbourg, Lyon, et Toulouse pour obtenir
des candidats à l'élection présidentielle
"l'annulation de la construction de l'EPR à Flamanville
ou ailleurs". Les premiers travaux de terrassement du
chantier de Flamanville ont débuté cet été.
La construction de l'EPR, dont le coût est estimé
à 3,3 milliards d'euros, doit réellement débuter
fin 2007.