Médiapart, 14/8/2009:
Avec le recul, la gaffe politique du PDG d'EDF, Pierre Gadonneix, prend sa véritable dimension: il a juste commis l'erreur de vendre la mèche à l'opinion publique. Car derrière les 1,9% de hausse de tarifs de l'électricité une hausse raisonnable comme l'a soutenu avec aplomb la ministre des finances, Christine Lagarde , se cache en fait une révolution tarifaire que le gouvernement n'a pas le courage politique d'assumer.
En pleine crise, il met à bas une partie du système français. A la lecture de leurs prochaines factures, de nombreux ménages vont commencer à mesurer l'ampleur de la cachotterie. Pour eux, les augmentations pourraient s'élever à 6% voire 10% par an. Dans la droite ligne des 20% de hausses sur trois ans demandés par Pierre Gadonneix.
Tout s'est concocté dans la plus grande discrétion. Sans débat public, sans la moindre concertation, le gouvernement a entrepris dans le secret de ses cabinets de rebâtir tout le système tarifaire régulé de l'électricité en France. L'objectif officiel de cette refonte est de mieux prendre en compte, comme le demandait la Commission de régulation de l'énergie (CRE) les coûts réels de transport et de distribution, afin d'augmenter les tarifs et de favoriser une meilleure concurrence en France. En sous- main, il s'agit en fait de la pierre angulaire du nouveau système visant à en finir à plus ou moins brève échéance avec les tarifs régulés.
Pour comprendre l'ampleur des changements, il faut se reporter aux années précédentes. L'an dernier, trois lignes seulement avaient suffi dans le Journal officiel du 14 août 2008 pour donner les augmentations des principaux tarifs d'électricité, ceux pour les particuliers augmentant alors de 2%. Cette année, il n'y a pas moins de vingt pages dans le Journal officiel du 14 août détaillant les différents tarifs pour les particuliers, les professionnels, les entreprises, les prix outre-mer, ou les tarifs entre les heures creuses et heures pleines. Une remise à plat totale.
Il faudra du temps pour pouvoir mesurer la portée réelle des modifications apportées à un système tarifaire par nature complexe, et aujourd'hui volontairement obscurci. Des tarifications ont été supprimées, les modes de calcul pour d'autres ont été totalement révisés. Mais les changements apportés au système de base pour les particuliers donnent déjà un petit aperçu de ce qui se prépare. Ainsi le prix de l'abonnement (hors taxes) pour les plus petites installations (3 kVA) passe de 21,48 euros à 58, 42 euros, soit 172% d'augmentation. Pour EDF, ces petits compteurs coûtent cher. De plus, rappelle-t-il, ils ne représentent que 8% de l'électricité consommée.
Mais il en va de même pour les abonnements pour la puissance juste supérieure (6kVA) qui forme une bonne partie des abonnements des particuliers ne se chauffant pas à l'électricité: ils passent de 54,48 euros à 67, 47 euros, soit 24% de hausse. On est très loin de l'esprit de la charte de service public signé en 2005 entre l'Etat et EDF qui stipulait que les prix ne devaient pas dépasser l'inflation. Mais le gouvernement ne semble guère se sentir tenu par la signature de l'Etat.
Les petits consommateurs vont payer pour les gros
Dans son avis sur cette réforme tarifaire, la CRE d'ailleurs ne le cache pas. «Les tarifs bleus résidentiels de petites puissances (3 et 6 kVA) connaissent des augmentations de facture d'autant plus élevées que la consommation du site est faible(plus de 10 % sur des consommations inférieures à 1 000 kWh)», reconnaît-elle. En revanche, remarque-t-elle, «la facture baisse d'autant plus que la consommation s'élève». De fait, les abonnements de base pour des puissances élevées diminuent de 15%, quand le prix de kWh pour ces catégories augmente à peine. En clair, le gouvernement a délibérément choisi de d'imposer les plus faibles, ceux qui consommaient le moins, particuliers comme petites entreprises, au profit des plus gros, dans un calcul parfaitement cynique, au mépris de la crise.
Selon les premières estimations de la CRE, cette réforme tarifaire pour les particuliers et les toutes petites unités professionnelles devrait se traduire par une baisse allant jusqu'à 15% pour 22% des sites qui ont souscrit à de tels abonnements. Pour les 78% restants, la hausse serait de l'ordre de 2 à 15% une grande majorité étant entre 2 et 6% , ce qui représente un surcoût annuel de 20 à plus de 60 euros. Au total, 3 millions de sites pourraient subir des augmentations supérieures à 10% et 1,5 million au-delà de 15%.
Le même mouvement se confirme pour les tarifs industriels: les petits vont payer pour les gros, comme le confirme l'avis de la CRE. «Les baisses de facture les plus importantes sont concentrées sur les sites ayant de fortes consommations. Les hausses de facture les plus importantes concernent essentiellement les clients à faible consommation.» Manifestement, le gouvernement et en particulier le ministère de l'écologie qui a supervisé tout le processus tarifaire, n'a pas vu de contradiction entre ce dispositif et le Grenelle de l'environnement. Le thème des économies d'énergie reste pour les estrades publiques.
Mais ce n'est pas la seule aberration du système. Alors que EDF est désormais importateur net d'électricité, connaît de grandes difficultés à fournir l'ensemble du réseau en périodes de pointe en hiver, il a décidé de revoir sa politique sur les tarifs dit d'effacement (EJP). Lors de période de pointe, certains gros consommateurs acceptent de ne plus utiliser d'électricité de s'effacer du réseau en contrepartie, ils disposent de prix privilégiés le reste du temps. EDF semble juger aujourd'hui que ce système lui est préjudiciable: les tarifs EJP vont donc augmenter de plus de 6% afin de dissuader les nouveaux candidats. EDF explique qu'il lui fallait revoir ces tarifs qui ne reflétaient pas la réalité des coûts de transport et de distribution. Mais cela ne change en rien, assure-t-il, sa politique pour les économies d'énergie.
Vers un démantèlement des tarifs régulés.
Qui a imaginé ce nouveau système? Quel responsable politique l'a supervisé? Pour l'instant tout le monde se cache derrière la technicité de la question pour ne pas en revendiquer la responsabilité, en espérant que tout s'oublie. L'édifice qui se construit sous nos yeux, toutefois, est tout sauf innocent. Car c'est bien la fin des tarifs régulés qui sous-tend toute cette révision.
Il faut s'y préparer, soutient le gouvernement, en rappelant que les tarifs régulés sont prévus par la loi jusqu'en 2010. Mais contrairement à ce qu'il dit, le système régulé n'est pas interdit par la Commission européenne. L'Autorité de la concurrence le rappelle dans son avis très sévère sur la modification des tarifs. «Quinze pays de la communauté appliquaient des tarifs réglementés pour la vente de l'électricité au 1er juillet 2009», insiste-t-elle. Certains, poursuit-elle, ont annoncé des aménagements comme l'Espagne. Mais ce dernier pays a choisi de les remettre en cause pour les industriels et de le conserver pour les particuliers.
Le gouvernement français, lui, semble privilégier la voie inverse. Les modes de calcul qu'il met en place paraissent en tout cas l'indiquer. Comme le remarque l'Autorité de la concurrence, la péréquation est désormais en voie d'implosion. Edf n'a plus l'obligation de couvrir ses coûts dans son ensemble mais pour chaque catégorie tarifaire. Celles-ci sont désignées par arrêté ministériel, sans que l'on sache quels coûts lui sont rapportés. Tout est fait dans l'opacité, dépendant de l'arbitraire étatique ou de la technostructure. «Une telle solution n'est pas satisfaisante, car elle ne répond pas à l'objectif de transparence assigné au texte et prive les consommateurs de sécurité juridique», note-t-elle.
Ces remarques n'ont pas été entendues.
Le gouvernement a désormais les mains libres pour organiser
le marché de l'électricité comme il l'entend.
Les appétits privés qui lorgnent sur la rente nucléaire
que se sont constitués les Français depuis les années
1970 vont pouvoir intensifier leurs pressions. Ils ont toutes
les chances d'être satisfaits.
[1] http://www.mediapart.fr/files/Michel Dalloni/800px-Pylones_electriques_6107.jpg
[2] http://www.mediapart.fr/files/jo._pdf.pdf
[3] http://www.mediapart.fr/files/09810AvisTarifsVenteElectricite1.pdf
Le Monde, 17/7/2009:
Quand il roulera à vélo sur les routes en lacets du Var, durant ses vacances d'août, une question va sans doute trotter dans la tête de Pierre Gadonneix : son renouvellement, en novembre, à la présidence d'EDF. Les spéculations fleurissent depuis que le PDG du groupe d'électricité a réclamé une augmentation de 20 % des tarifs des particuliers étalée sur trois ou quatre ans (Le Monde du 10 juillet).
Les critiques de la gauche, des syndicats et des associations de consommateurs se sont immédiatement abattues sur "Gado", comme celles d'une partie de la droite et de certains ministres. Celles-ci sont d'autant plus étonnantes que le gouvernement prépare une révision - et probablement une hausse - des tarifs à la suite de la remise du rapport de la commission Champsaur sur "l'organisation du marché de l'électricité" aux ministres de l'économie et de l'écologie, Christine Lagarde et Jean-Louis Borloo.
Le sort du patron d'EDF est scellé, il ne sera pas reconduit, affirme le journal en ligne Mediapart, tout comme Le Canard enchaîné du 15 juillet, qui évoque la colère du président de la République, Nicolas Sarkozy, après les déclarations de M. Gadonneix. "C'est l'actionnaire qui décide des hausses. Oui, cette déclaration a irrité le président", reconnaît un de ses proches conseillers, tout en refusant d'établir un lien entre ce dossier sensible et l'avenir de M. Gadonneix à la tête d'EDF. Un limogeage ? "Cette information n'est pas fondée", réplique une source gouvernementale citée par l'agence Reuters.
Il reste que les motifs de mécontentement s'accumulent : mauvaise communication sur la hausse des tarifs, polémique sur l'endettement du groupe (24,5 milliards d'euros fin 2008), grève dans les centrales nucléaires en mai et juin, qui coûtera plusieurs centaines de millions d'euros à EDF. M. Gadonneix s'en expliquera le 29 juillet, en présentant les résultats d'EDF au premier semestre 2009.
Les critiques sont venues de l'entourage même de M. Sarkozy. "Il serait anormal de faire payer au consommateur français des erreurs d'investissement à l'étranger", a lancé son conseiller spécial, Henri Guaino, dans un récent entretien au Parisien, sans préciser les investissements en cause. S'agit-il des opérations que François Roussely, prédécesseur de M. Gadonneix, avait réalisées en Amérique du Sud ? Son successeur les avait jugées "hasardeuses" dès sa nomination en 2004 et il a cédé les filiales argentine et brésilienne en2006 et 2007.
A moins que M. Guaino évoque l'acquisition de 50 % de l'activité nucléaire de l'américain Constellation Energy et surtout le rachat des centrales nucléaires de British Energy, la plus grosse opération de croissance externe de l'histoire d'EDF (13,5 milliards d'euros). Une telle accusation est étonnante de la part d'un proche conseiller de M. Sarkozy. L'Etat, actionnaire à 85 % du groupe, dispose en effet de plusieurs représentants au sein du conseil d'administration.
Certains analystes jugent néanmoins que ces acquisitions ont été cher payées et qu'elles obligent aujourd'hui EDF à augmenter ses tarifs. Il y a encore deux ans, industriels, banquiers et analystes s'interrogeaient sur la prudence du groupe français - et de son PDG - au moment où le secteur européen de l'énergie était "en fusion" : rachat de l'espagnol Endesa par l'italien Enel, expansion de l'allemand E.ON, mariage de Gaz de France avec Suez... EDF liquidait alors ses activités sud-américaines et bouclait le périlleux rachat d'une partie de l'italien Edison.
Réputé d'une grande prudence, M. Gadonneix n'a de plus aucun intérêt à irriter ainsi l'Elysée. A 66 ans, il peut être reconduit jusqu'à 68 ans à la tête du groupe. Il préfère défendre une conviction : sans un effort des consommateurs eux-mêmes, EDF ne pourra pas maintenir le patrimoine nucléaire en l'état. Quarante ans d'efforts pour bâtir un système performant seraient perdus [Oui, 40 ans d'efforts des citoyens par leurs impos... pour le CEA, EDF...]. Et la capacité de la France à exporter son savoir-faire dans l'atome civil, notamment dans les cinq pays choisis par EDF (Chine, Etats-Unis, Afrique du Sud, Royaume-Uni, Italie), plaide-t-il.
Il reste sourd aux critiques des mouvements antinucléaires qui jugent que le prix de l'électricité est "de loin le plus cher" si l'on y intègre l'investissement initial, la gestion des déchets et les charges de démantèlement des centrales. Gauche et syndicats pensent que M. Gadonneix souhaite, en fait, vendre son électricité à des prix européens, plus élevés, sans tenir compte de l'avantage que le nucléaire procure à la France.
Preuve que sa demande de hausse des tarifs n'est pas un dérapage, M. Gadonneix l'a de nouveau justifiée, mercredi 15 juillet, devant les députés de la commission des affaires économiques, tout en distinguant les activités françaises et internationales. Les bénéfices des filiales européennes couvrent le service de la dette, affirme-t-il, et British Energy apportera une contribution positive aux résultats, comme les autres filiales.
La situation est différente en France, où le retard d'investissement est considérable. Il faut en effet moderniser les lignes à haute tension et surtout le réseau de distribution, construire des centrales thermiques pour éviter d'importer lors des pointes de consommation, porter la durée de vie de trente à quarante ans, voire soixante ans, d'une partie des 58 réacteurs nucléaires, plaide-t-il.
Mme Lagarde en est consciente. Quelques heures
après l'intervention du patron d'EDF, la ministre de l'économie
indiquait aux députés que "les tarifs ne seront
augmentés qu'à concurrence de l'augmentation des
coûts nécessaires pour produire notre électricité
en France". L'écart entre le tarif des particuliers
et celui qui permettrait de financer ces investissements est de
20 %, affirme-t-on chez EDF. Les 20 % qui ont déclenché
la polémique. Le gouvernement tranchera à la rentrée.
Le Monde, 17/7/2009:
Annoncer aux consommateurs, comme pour les remercier d'avoir prêté à EDF la bagatelle de 3,2 milliards d'euros, une augmentation des tarifs d'électricité de 20 % sur trois ou quatre ans, c'est un bien étrange renvoi d'ascenseur. PDG depuis septembre 2004 d'une entreprise publique désormais soumise à la concurrence, Pierre Gadonneix a commis une maladresse de communication.
Mais le patron d'EDF assume sa stratégie : l'entreprise, très endettée (24,5 milliards d'euros fin 2008), doit, pour garantir la sécurité énergétique du pays, poursuivre son développement, et donc rattraper son retard d'investissement, qu'il juge élevé.
Le pari de M. Gadonneix est d'autant plus audacieux qu'il provoque un inévitable bras de fer avec l'Etat, actionnaire à hauteur de 85 %, à quatre mois de l'éventuel renouvellement du mandat du PDG. Nicolas Sarkozy a fait connaître son irritation, rappelant que c'est à l'Etat de décider des hausses de tarif. Un mauvais signal pour M. Gadonneix, qui souhaite être reconduit tout en sachant qu'à 66 ans il n'ira pas au terme d'un nouveau mandat.
L'inquiétude des consommateurs devant la perspective d'une hausse de 20 % est légitime, même si, depuis 2006, les tarifs d'EDF évoluent déjà chaque année comme l'inflation. Mais M. Gadonneix ne manque pas d'arguments. Il a chargé un peu la barque en prétendant que l'électricité en France est "30 % à 40 % moins chère que la moyenne des autres pays européens". En réalité, selon Eurostat, l'écart est de 23 %. Cet avantage est dû principalement au parc nucléaire français, que M. Gadonneix veut moderniser pour que la France garde son avance. Mais pourquoi faudrait-il que les prix français s'alignent sur les prix européens alors que, grâce au nucléaire, EDF a des coûts de production inférieurs ?
La hausse des tarifs serait-elle destinée à faire payer aux consommateurs des "erreurs d'investissement à l'étranger", évoquées par Henri Guaino, conseiller de M. Sarkozy ? L'acquisition des centrales nucléaires de British Energy - un gigantesque coût de plus de 13 milliards d'euros que d'aucuns jugent bien cher payé - est en cause. M. Gadonneix s'en défend.
Les revenus des filiales européennes seront affectés au service de la dette. Ce qu'il veut financer, c'est la modernisation des lignes à haute tension et le renouveau du parc nucléaire. L'apparent consensus français sur la place du nucléaire tient beaucoup au fait qu'il a favorisé des tarifs bas. S'ils augmentent, ils risquent d'effriter ledit consensus.
14/7/2009 - Parmi les plus bas d'Europe, les prix de l'électricité bénéficient en France de coûts de production particulièrement compétitifs, grâce notamment aux énormes investissements réalisés par EDF dans le nucléaire dans les années 80. L'électricité française est "30 à 40% moins chère que dans les autres pays européens" avançait la semaine dernière le PDG d'EDF, Pierre Gadonneix, en plaidant pour une hausse des tarifs de 20% en trois ans.
Selon l'institut européen des statistiques Eurostat, le prix de l'électricité française (taxes comprises) était inférieur de 26,3% à la moyenne européenne en 2007 mais une dizaine de pays faisait mieux qu'elle, principalement en Europe de l'Est. Un ménage européen moyen payait 45 euros par mois pour sa fourniture d'électricité, contre 35 euros en France, 19,25 euros en Bulgarie (la moins chère d'Europe) et 75 euros au Danemark (la plus chère).
En tenant compte des différences de pouvoir d'achat entre pays européens, le score de la France s'améliore sensiblement. Le prix de l'électricité y est alors un des moins chers d'Europe, juste après la Finlande et la Grèce. La faiblesse des tarifs français s'explique d'abord par la source de production de l'électricité, à 80% nucléaire et 12% hydraulique.
Selon la Direction générale de l'énergie et du climat, qui dépend du ministère de l'Energie, le nucléaire est en effet "la filière la plus compétitive pour la production électrique en base" avec des coûts inférieurs de plus de 50% par rapport aux centrales au gaz.
Cette analyse est toutefois vigoureusement contestée par les antinucléaires. "Le prix de l'électricité en France ne comprend pas les investissements publics massifs dont a bénéficié le nucléaire depuis 50 ans, ni le coût réel qu'il faudra payer tôt ou tard pour le démantèlement des installations et pour les déchets", souligne le réseau Sortir du nucléaire, dans un communiqué publié lundi. "En réintégrant ces sommes, le prix de l'électricité nucléaire est de loin le plus cher", ajoute-t-il.
La France a mis en service 58 réacteurs nucléaires entre 1977 et 1999 pour un coût de 281 milliards de francs (43 milliards d'euros), selon un rapport réalisé en 1999 par l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques. Construits sur une courte période et standardisés, ces réacteurs ont pu bénéficier d'un effet de série, qui a fait baisser leur coût.
EDF, qui a financé une grande partie de cet investissement par endettement, a en outre profité de conditions d'emprunts particulièrement avantageux pour financer leur construction. Les taux d'intérêt réels ont été négatifs pendant de nombreuses années, en raison d'une inflation élevée dans les années 70 et 80. Enfin, autre facteur de modération des prix, "c'est le gouvernement qui fixe les tarifs", explique Colette Lewiner, analyste chez Capgemini. "Or le gouvernement est attentif au pouvoir d'achat des citoyens et à l'inflation."
Ainsi, les prix français de l'électricité ont augmenté moins vite que l'inflation au cours des dernières années, souligne régulièrement le patron d'EDF, qui estime qu'ils devraient être "40% plus cher" s'ils avaient suivi la hausse générale des prix. "Cette vision des choses est peut-être par trop simpliste si l'on compare plusieurs biens avec les prix de l'électricité et tout particulièrement l'électronique, l'informatique, etc. qui ont largement plus baissé que les tarifs de l'électricité", remarque cependant Patrice Lambert de Diesbach, analyste au CM-CIC.
Médiapart, 9/7/2009:
Après France Télécom en 2002, va-t-on assister à un scandale EDF dans les mois qui viennent? C'est le scénario noir qui semble agiter le gouvernement depuis quelque temps. De plus en plus alarmé sur la situation qui prévaut dans l'entreprise publique, Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée, a pris le dossier en main. Il a demandé une analyse approfondie sur l'état de l'entreprise.
Les premiers résultats font ressortir un constat accablant: en l'état actuel, même si EDF parvient à réaliser, comme il l'a prévu, un programme de cession d'actifs de 5 milliards d'euros, l'endettement du groupe public doublera d'ici à la fin de l'année, passant de 24,5 à 50 milliards d'euros. Un chiffre inavouable et insupportable, même pour un groupe aussi puissant qu'EDF.
Une première décision semble avoir déjà été arrêtée à l'Elysée: contrairement à ce que le gouvernement prévoyait il y a encore trois mois, Pierre Gadonneix ne sera pas renouvelé à la tête d'EDF en octobre. Son successeur n'est pas encore choisi. Une très courte liste de candidats possibles a été dressée. «Quel que soit le nom, ce sera un industriel. EDF est un sujet trop important pour le laisser dans des mains inexpertes», assure un proche du dossier.
Pierre Gadonneix est-il déjà au courant de cette décision? Certaines confidences faites à ses proches ces derniers jours pourraient le laisser croire. Cela expliquerait alors son étrange comportement. Le jour même où le groupe public vient de lever 3,2 milliards d'euros trois fois plus que ce qu'il avait prévu à l'origine auprès des particuliers, il annonce qu'il a un besoin urgent d'argent!
Passant délibérément sous silence le contrat de service public qui lie EDF à l'Etat, et qui stipule que «l'évolution des tarifs aux particuliers ne sera pas supérieure au taux de l'inflation» jusqu'à la fin de 2010, Pierre Gadonneix demande une augmentation de 20% sur trois ans afin de financer ces besoins d'investissements. Argument qui avait déjà été avancé au moment du lancement de l'émission obligataire du groupe. «Ce rattrapage est pour pouvoir assurer à nos enfants et à nous-mêmes que la réussite du projet industriel d'EDF soit pérennisée. Sinon, dans dix ans, tout le succès du nucléaire sera derrière nous», précisait ce jeudi le PDG d'EDF sur RTL.
En demandant l'alignement des pratiques françaises sur le reste de l'Europe, Pierre Gadonneix s'inscrit dans un débat politique, semblant forcer l'Etat à tirer toutes les leçons sur l'ouverture du marché électrique à la concurrence. Christine Lagarde en a pris acte, d'ailleurs, évoquant hier de possibles «hausses tarifaires».
Une conduite calamiteuse
Pourtant, c'est bien de sa conduite de l'entreprise dont il faut parler. A la lumière de l'état d'EDF, celle-ci se révèle calamiteuse. Pierre Gadonneix explique ainsi que les augmentations tarifaires s'imposent pour relancer les investissements en France. Les dépenses d'investissement sont en effet tombées à un seuil critique dans le groupe. Au cours des dix dernières années, EDF a vécu sur sa rente, engageant moins de quatre milliards d'euros par an pour l'entretien et le renouvellement de ses équipements. Résultat? Des manques criants partout. Un réseau de distribution au bord de l'apoplexie, un parc nucléaire souffrant de pannes à répétition et allant jusqu'à manquer de pièces de rechange indispensables [c'est le management à flux tendus qui veut ça, ce n'est pas un problème d'investissement!].
La situation n'est pas nouvelle. Et pendant les quatre premières années à la tête d'EDF, Pierre Gadonneix n'a rien fait pour la changer, continuant à maintenir au plus bas niveau les investissements français. L'affichage de résultats en constante augmentation, la conquête des marchés internationaux, la tenue du cours de Bourse, étaient prioritaires. La prise de conscience de la nette dégradation de son système électrique est venue il y a à peine un an. Brusquement, la direction d'EDF a réalisé la vulnérabilité de sa position: le groupe public est devenu acheteur net d'électricité, et dépense désormais des milliards pour assurer l'approvisionnement de la France. Déstabilisées par le manque d'investissement et une organisation inadaptée (lire EDF: les salariés du nucléaire en fusion), ses centrales affichent un taux de disponibilité calcul économique qui mesure l'efficacité industrielle et économique en baisse constante. D'un peu plus de 80%, ce taux est tombé officiellement à 79%, dans les couloirs du groupe, on évoque même le chiffre de 75%. Un point de moins signifie des milliers de KWh en moins, des dizaines de millions d'euros envolés.
D'où la nécessité de dégager d'importants moyens financiers pour réorganiser une entreprise totalement déréglée. Mais EDF n'a plus la flexibilité financière nécessaire pour le faire. «Tous les bénéfices de la rente nucléaire ont été reversés aux Français» [Non faux!], explique Pierre Gadonneix pour expliquer l'impasse dans laquelle se trouve le groupe public aujourd'hui. Dans les faits, il n'en est rien. Les consommateurs français ont certes profité d'une électricité bon marché, alignée sur l'inflation mais désindexée de coûts pétroliers et gaziers. Mais c'était l'objectif même du programme nucléaire lancé à partir de 1975.
La rente nucléaire a surtout servi à payer la conquête internationale du groupe. Entre le rachat de l'allemand EnbW, du britannique London Electricity et de l'italien Edison, EDF a dépensé plus de 20 milliards d'euros entre la fin des années 1990 et 2005. Sans parler des 10 milliards investis dans les années 1990 dans des sociétés en Amérique du Sud (Brésil et Argentine) qui se sont révélées des opérations calamiteuses et ont été liquidées dans des conditions tout aussi désastreuses. Contrairement à ce qu'assure Pierre Gadonneix, aucune des filiales internationales du groupe ne s'auto-finance, et l'endettement lié à ces acquisitions n'a toujours pas été remboursé.
Fuite en avant financière
Si Pierre Gadonneix s'en était tenu à cette diversification internationale, EDF pourrait sans doute financer la relance des investissements en France. Mais 2008 a été la folle année d'expansion. En dépit de toutes les mises en garde, le président d'EDF a décidé de racheter le groupe nucléaire britannique British Energy pour 13,9 milliards d'euros. Selon certains experts, EDF a payé environ trois fois le prix normal pour cette entreprise en perte, exploitant huit centrales nucléaires en fin de vie. Pierre Gadonneix a justifié cette opération, au nom de la promotion du savoir-faire nucléaire français: British Energy devant servir de base pour l'implantation de quatre EPR en Grande-Bretagne.
Il n'est même pas sûr que cette opération puisse voir le jour. Comme l'a révélé le Times le 1er juillet, l'autorité de sûreté nucléaire britannique a émis les plus grandes réserves sur certaines parties du réacteur, les jugeant pas assez sûres. Elle a demandé des modifications très importantes des technologies. Elle subordonne son autorisation d'implantation à ces changements. Ce qui signifie des mois voire des années de travail. En attendant, EDF se retrouve avec une entreprise déficitaire et une dette supplémentaire de plus de 10 milliards d'euros.
Il en va de même aux Etats-Unis. Pariant sur un renouveau du nucléaire qui est très loin d'être acquis , EDF s'est d'abord porté acquéreur de 9% du groupe américain Constellation, qui aimerait construire des EPR sur le territoire américain. Fin 2008, asphyxié par la crise, Constellation a frôlé la faillite. Pour EDF, cela se serait traduit par une perte de 750 millions d'euros. Plutôt que d'avouer cette perte, la direction du groupe a décidé, au contraire, de doubler la mise. Il s'est porté acquéreur de la moitié de Constellation pour 5 milliards d'euros. La transaction n'est pas encore conclue. Au gouvernement, on souhaite qu'elle ne le soit jamais.
Les charges financières de cette folle expansion ne cessent de s'envoler. Et Pierre Gadonneix n'a rien fait pour les endiguer. Pour continuer de faire croire à la bonne santé du groupe, il a choisi de s'endetter pour payer le milliard d'euros de dividendes à ses actionnaires, alors qu'EDF n'était pas en situation de l'honorer, affichant un autofinancement négatif. De même, par pur opportunisme et politique de communication, il a lancé son emprunt obligataire auprès des particuliers au lieu de lever de l'argent dans des conditions plus intéressantes sur le marché. Pour EDF, ce sera 150 millions d'euros de frais financiers supplémentaires pendant cinq ans.
Mais le voile commence à se déchirer. Les agences de notation s'inquiètent de cette situation et réfléchissent à abaisser la note d'EDF, ce qui renchérirait encore le coût de sa dette. Et, dans le plus grand secret, la division financière du groupe travaille sur des scénarios noirs de stress financier.
9/7/2009 - La
hausse de 20% des tarifs de l'électricité réclamée
par EDF est "une tentative de renflouement" de l'entreprise
"plombée par ses investissements insensés"
dans le nucléaire, dénonce jeudi le réseau
"Sortir du nucléaire" dans un communiqué.
Le réseau conteste la justification invoquée par
le patron d'EDF, Pierre Gadonneix, d'une nécessité
d'investir et estime que l'entreprise "est menacée
d'un crash industriel et financier". Le groupe public a demandé
mercredi une hausse de 20% des tarifs de l'électricité
sur 3 ans ou plus, expliquant la nécessité d'"un
rattrapage" pour financer ses investissements. Pour Sortir
du nucléaire, les investissements récents d'EDF
au Royaume-Uni et aux Etats-Unis sont "insensés".
Le rachat par EDF de British Energy fin 2008 s'est effectué
"au prix fort" alors que le groupe devra "à
nouveau dépenser de lourdes sommes... qu'elle ne possède
pas" pour construire des réacteurs nucléaires
de 3è génération EPR en Grande-Bretagne.
L'acquisition d'une partie des activités nucléaires
de l'américain Constellation "dans le but de construire
des EPR" est un "investissement absurde" car "l'EPR
n'est pas certifié aux USA et ne le sera certainement jamais",
ajoute-t-il. "EDF est aussi en grande difficulté concernant
le nucléaire français", évoquant "le
taux de disponibilité du parc nucléaire", trop
bas, et les difficultés de construction de l'EPR de Flamanville
(Manche), assure-t-il également.
8/7/2009 - EDF souhaite une hausse de 20% des tarifs d'électricité sur trois ans ou "un peu plus" pour que le groupe cesse de s'endetter, a dit son PDG Pierre Gadonneix, dans un entretien publié mercredi sur le site internet de l'hebdomadaire Paris Match. "Pour cesser de nous endetter, il faudrait une hausse de 20% des tarifs. Mais elle peut s'étaler sur trois ans, par exemple, ou même un peu plus", déclare M. Gadonneix. "Si nos tarifs n'augmentent pas, l'an prochain EDF réduit ses investissements", ajoute-t-il. Le patron d'EDF explique qu'en France, le groupe est "contraint" de s'endetter, car "(ses) tarifs ne suivent pas l'inflation". "Si, depuis vingt-cinq ans le prix de l'électricité avait suivi cette dernière, il serait 40% plus cher", affirme M. Gadonneix.
A l'été 2008, les tarifs de l'électricité avaient été augmentés de 3% en moyenne, avec des hausses différentes selon les types de consommateurs. Pour les particuliers, l'augmentation avait été limitée à 2%. Une porte-parole d'EDF a précisé que "le PDG de l'entreprise a exprimé les besoins de l'entreprise dans la durée". "La décision et le calendrier de mise en oeuvre appartiennent évidemment aux pouvoirs publics", a-t-elle ajouté, précisant que la question des tarifs était "régulièrement" abordée avec le gouvernement. La revalorisation des tarifs réglementés d'électricité est décidée chaque année par le gouvernement, qui reçoit une demande non contraignante d'EDF et un avis consultatif de la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
Un porte-parole du ministère de l'Economie a indiqué qu'à l'heure actuelle "EDF n'a fait aucune demande d'évolution tarifaire". Mi-juin, Pierre Gadonneix avait à l'inverse assuré sur RMC qu'il allait demander au gouvernement une augmentation "modérée" des tarifs de l'électricité. Cette demande d'une hausse de 20% "me paraît totalement disproportionnée", a réagi Thierry Saniez, délégué général de l'association de consommateurs CLCV, qui demande "beaucoup plus de transparence" sur la revalorisation des tarifs. "Il ne faudrait pas que les consommateurs financent des investissements hasardeux en France, comme à l'étranger", a-t-il ajouté, réclamant par ailleurs que les tarifs réglementés et leur réversibilité soient pérennisés.
De son côté, Alain Bazot, président de l'UFC Que Choisir, s'est dit "un peu perplexe" devant les propos "flous" du PDG d'EDF, lui faisant penser à "une provocation". "Nous sommes d'accord sur le fait que le tarif régulé doit être réaliste, couvrir les coûts et les capacités d'investissement, mais de là à accepter une augmentation aussi importante sans justification, il y a un pas !", a ajouté M. Bazot.
Pour financer ses investissements et acquisitions, EDF s'est lourdement endetté, son endettement ayant explosé de 50% à 24,5 milliards d'euros en 2008. Le groupe a récemment clos un emprunt obligataire auprès des particuliers qui lui a permis de collecter plus de 2,5 milliards d'euros, le chiffre définitif n'étant pas connu. EDF, que Pierre Gadonneix présente comme "de loin le premier investisseur industriel du pays", prévoit d'investir en 2009 12 milliards d'euros, dont 7,5 milliards d'euros en France, contre 9,7 milliards en 2008, dont 5,2 milliards en France.
Les Echos, 6/7/2009:
Edito - Philippe Escande
Phénomène assez rare, EDF n'a pas encore débouché le champagne qu'il souffre déjà d'une sévère gueule de bois. Peut-être est-ce la vue de toutes ces bouteilles bien rangées qui attendent que l'on fête avec elles le formidable succès populaire du grand emprunt. Plus de 2,5 milliards d'euros levés au lieu de 1, performance étonnante pour une opération sans risque, mais sans grand intérêt non plus. Cela confirme l'attachement des Français à leur entreprise préférée et accessoirement leur adhésion au nucléaire, socle indispensable de toute la filière.
Alors pourquoi cette tête lourde ? Trois clignotants se sont allumés ces derniers mois. D'abord les grèves, qui ont désorganisé la belle mécanique, démontré la vulnérabilité de l'outil de production - des importations massives ont été nécessaires - et rappelé que le dialogue social reste compliqué. Puis s'est allumé le voyant de la conjoncture. La baisse de la demande industrielle et des exportations, les deux principales machines à profit de l'entreprise, laisse présager une dégradation des comptes malvenue à un moment où la dette explose.
Le troisième clignotant est venu de l'étranger, avec les démêlés administratifs autour de la reprise de l'américain Constellation. C'était attendu, mais cela montre que la voie du développement industriel à l'international est semée d'embûches. Tous ces petits signaux faibles exhalent comme un parfum d'automne. Chez EDF, on cherche un nouveau souffle. Et il ne se trouve pas plus au fond d'un emprunt spectaculaire qu'au fond d'une bonne bouteille, même la plus belle du monde.
Les Echos, 6/7/2009:
Avec les fortes chaleurs, la France a dû importer jeudi et vendredi de grosses quantités d'électricité. Un coût pour EDF lié aux grèves, qui pénalisent la disponibilité des centrales nucléaires.
Mauvaise passe pour EDF en Bourse. L'électricien public a affiché vendredi la plus forte baisse du CAC 40, avec un recul du titre de 4,5 %, à la suite des changements de recommandation d'analystes, du retard du projet américain Constellation et des importations de courant réalisées par le groupe. Depuis le début de l'année, EDF a ainsi perdu 23 %, alors que le CAC n'a cédé que 3 %.
Premier point : le coût de la grève dans les centrales nucléaires. Jeudi, la France enregistrait un solde importateur net de près de 4.400 mégawatts entre 14 heures et 15 heures, selon RTE. Vendredi, il a culminé à 3.600 mégawatts. Pourquoi de telles importations alors que l'Hexagone est un exportateur traditionnel d'électricité ? Du fait de la conjonction de températures dépassant les normales saisonnières de 2 à 5 degrés Celsius et de la disponibilité réduite du parc nucléaire d'EDF à cause de la grève.
Inquiétude des analystes. Tout cela a un prix, mais EDF se refuse à le chiffrer avant la publication des résultats semestriels, le 30 juillet. Dans une note publiée vendredi, Per Lekander, analyste chez UBS, estime le coût de la grève à 650 millions d'euros, dont 559 millions d'euros liés au manque à gagner de production sur les comptes des deuxième et troisième trimestres, et une centaine de millions liés aux compensations que pourraient toucher les sous-traitants pour le report de leurs travaux de maintenance.
Selon l'analyste, ce coût pourrait même déraper en cas de canicule, car les prix de l'électricité sur le marché de gros devraient alors augmenter. Tous les analystes ne sont pas aussi alarmistes. Ceux de Morgan Stanley estiment que la grève devrait coûter 300 millions à EDF. Mais, ils s'inquiètent par ailleurs du recul de la consommation dû à la crise. De janvier à fin mai, la France a utilisé 3,1 % d'électricité de moins qu'un an auparavant. Chez les gros industriels, la chute atteint 13,7 %.
« De notre point de vue, le consensus [boursier] ne reflète pas complètement l'impact des grèves et la destruction de demande en France depuis le début de l'année »,estiment les analystes de Morgan Stanley, qui ont abaissé vendredi leur recommandation à « conserver ». Compte tenu de ces facteurs, et de l'augmentation de la dette ou de l'ajustement de prix de récentes acquisitions, ils ont réduit leurs propres prévisions de bénéfice net de 25 % pour 2009 et de 21 % pour 2010.
Troisième élément négatif, le retard du projet de société commune dans le nucléaire avec l'américain Constellation Energy. Jeudi soir, un juge a confirmé que la Commission des services publics du Maryland pourra mener une enquête approfondie afin de déterminer si le projet avec EDF « est dans l'intérêt public ». Cette décision signifie que le bouclage de l'opération de 4,5 milliards de dollars devrait glisser sur 2010. Selon Patrice Lambert de Diesbach, chez CM-CIC, « le manque à gagner d'un décalage d'intégration sur 2010 sur les comptes serait d'environ 125 millions d'euros sur le résultat opérationnel de 2009 ».
Autant d'éléments qui devraient peser sur l'exercice en cours. Mais les analystes restent dans l'ensemble positifs à plus long terme. Ils évoquent le rapport Champsaur et les bénéfices qu'EDF pourrait en tirer en termes de tarifs, mais aussi les projets d'allongement de la durée de vie des centrales atomiques. Ou encore l'avantage compétitif de l'électricien français, qui produit essentiellement à partir de nucléaire, alors que ses concurrents européens utilisent davantage de charbon ou de gaz et devraient être pénalisés par le prix du CO.
3/7/2009 - La France a importé massivement de l'électricité jeudi, journée la plus chaude de la semaine, au moment du pic de consommation de 13H00, lorsque les appareils de climatisation tournent à plein régime, a indiqué vendredi le gestionnaire de lignes à haute tension RTE.
Les importations nettes d'électricité de la France ont atteint jeudi lors de la traditionnelle pointe de consommation de 13H00 une fourchette de "4.000 à 4.500 mégawatts (MW)", a dit Clotilde Levillain, directrice du Centre national d'exploitation du système (Cnes), qui pilote le réseau nationale de lignes électriques de 400.000 volts. Cela "correspondent à la puissance de cinq centrales nucléaires", a précisé un porte-parole de RTE.
La France avait déjà importé des volumes d'électricité quasiment similaires en début de semaine et début juin, a dit Mme Levillain. Le pic de consommation de jeudi, journée la plus chaude de la semaine, est lié à l'utilisation intensive par les ménages et les entreprises de leurs appareils de climatisation, gourmands en électricité, alors que les températures extérieures montaient. Cette semaine a été caractérisée par "des températures supérieures aux normales saisonnières dans une fourchette de 2 à 5 degrés", a affirmé Clotilde Levillain. "En pointe journalière, un degré de plus entraîne la consommation de 400 MW supplémentaires, soit la consommation d'une ville de la taille de Grenoble pour une journée d'été", a-t-elle précisé.
Les grèves qui ont provoqué des retards dans les opérations de maintenance des réacteurs nucléaires d'EDF ont aussi "conduit à une réduction de la disponibilité prévisionnelle du parc de production d'EDF", a-t-elle en outre rappelé. EDF, qui a autorisé ses directeurs de centrales à réquisitionner les grévistes, a confirmé vendredi que "le travail reprenait sur les sites concernés". Toutefois, la situation connue jeudi "est globalement en ligne avec ce qui a été prévu", a souligné Clotilde Levillain: "il n'y a pas de problème d'équilibre entre offre et demande d'électricité".
Dans un bilan prévisionnel, RTE avait estimé mi-juin que la France devrait importer de l'électricité cet été afin de couvrir la consommation nationale, conséquence notamment de la grève. Le gestionnaire du réseau de lignes à haute tension avait estimé les besoins probables à quelque 500 MW à la mi-juillet pour des températures normales. La maintenance des centrales nucléaires ayant été perturbée, EDF a annoncé à RTE "une diminution de leur disponibilité de 5 à 6.000 MW", soit l'équivalent de 5 à 6 réacteurs à l'arrêt, avait alors précisé RTE.
Malgré les importations de cette semaine, "le système respire", a fait valoir Mme Levillain: la France a certes importé de l'électricité jeudi, de Grande-Bretagne, d'Allemagne et d'Espagne, mais elle en a aussi exporté vers l'Italie. "Nous ne sommes pas dans un scénario de forte chaleur ou de canicule", a-t-elle aussi souligné, Météo France prévoyant le retour de températures conformes aux normales saisonnières à partir de ce week-end.
En cas de canicule (températures supérieures de 7 degrés à la normale pendant plusieurs semaines), RTE estime que la France pourrait devoir importer jusqu'à 8.000 MW d'électricité à la mi-juillet. Un scénario qui n'a toutefois qu'1% de chance de se produire, selon le gestionnaire.
Médiapart, 23/6/2009:
La campagne pour la présidence d'EDF est lancée. Bien que le mandat de Pierre Gadonneix n'arrive à expiration qu'en novembre, en coulisses, les prétendants ou leurs soutiens commencent à s'activer : le groupe public suscite bien des convoitises politiques et personnelles. Dans le bureau de Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, qui réunit régulièrement une poignée d'experts et de dirigeants pour réfléchir à l'avenir énergétique de la France, on se presse donc pour avancer ses pions.
Pierre Gadonneix souhaite naturellement son renouvellement. Bien qu'il soit âgé de 65 ans, il avait pris la précaution, dès le changement de statut, de faire modifier le règlement afin de pouvoir rester jusqu'à 69 ans. Mais la greffe n'a jamais pris chez EDF. Pratiquant un pouvoir solitaire et soupçonneux, Pierre Gadonneix est isolé. Et son bilan, entaché par les rachats internationaux et l'affaire Greenpeace, ne convainc guère.
A l'exception de Raymond Soubie, vieil ami de Pierre Gadonneix (photo Souderegger/ Flickr), pour qui il a joué le conseiller social à GDF comme à EDF, personne ne le défend vraiment à l'Elysée. Les mouvements sociaux qui agitent le groupe depuis plus de deux mois contribuent encore à lui aliéner des soutiens. Le ministère des finances commence à s'inquiéter de la dégradation de la situation. Le gestionnaire du réseau de transport d'électricité (RTE), qui avait publié une étude nuancée en mai sur les prévisions de l'été (voir ici), fait désormais des pronostics plus alarmistes (là), invoquant la possibilité de devoir recourir à des importations massives pendant l'été. De son côté, la CGT ne veut plus de ce président, qui la place dans une position des plus inconfortables. Selon nos informations, celle-ci aurait demandé sa tête ces dernières semaines à l'Elysée.
«Vous savez que vous êtes le candidat favori de la CGT ?» C'est ainsi que le secrétaire général de l'Elysée accueillit Henri Proglio, PDG de Veolia, en mars lors d'une entrevue. Depuis, la rumeur de sa nomination circule régulièrement dans les couloirs du siège d'EDF, certains se demandant s'il était vraiment judicieux de nommer un des concurrents d'EDF à sa tête. Officiellement, Henri Proglio n'a pas été pressenti par le pouvoir. Il semble hésiter entre abandonner un groupe dans lequel il travaille depuis 1972 et une présidence qu'il est difficile de refuser.
Derrière, la liste des prétendants est infinie. Grand ordonnateur de l'opération British Energy, Vincent de Rivaz, responsable de toutes les activités britanniques d'EDF, voit bien cette mission comme un tremplin vers de plus hautes fonctions. A l'extérieur, Thierry Breton a commencé à faire une campagne active pour défendre sa cause. L'ancien ministre des finances rêvait déjà d'EDF quand il était à Bercy. Après une traversée du désert, il s'est recasé non sans mal à la tête de la société informatique Atos mais il piaffe d'impatience depuis : la présidence d'EDF serait enfin un rôle à sa mesure. «Il n'y a que lui qui croit à ses chances», ironise un connaisseur du dossier. Thierry Breton «dément catégoriquement la rumeur» d'un intérêt pour EDF. Selon lui, ces bruits «n'ont aucun fondement. Personne ne m'a jamais parlé d'EDF et je n'ai jamais parlé d'EDF à personne» précise-t-il.
L'ancien ministre (PR) des postes et des télécommunications,
Gérard Longuet, qui postulait déjà en 2004
pour le poste, a fait savoir discrètement qu'il était
à la disposition de l'Etat. Henri Guaino, conseiller de
Nicolas Sarkozy, lorgne toujours aussi le groupe public. Anne
Lauvergeon, présidente d'Areva, pourrait être aussi
intéressée, mais l'Elysée ne le lui a jamais
proposé. Et puis, tant d'autres encore.
Confusion stratégique et contraintes financières
Le grand risque est que l'Elysée arrête son choix final au dernier moment, dans la précipitation et plus sur des critères d'allégeance au pouvoir que sur des choix stratégiques. Pourtant, l'urgence est bien celle-ci : que doit être EDF à l'avenir ? Miné par l'ouverture des marchés à la concurrence, totalement désorganisé et sans avoir su inventer un nouveau dialogue social, le groupe public a besoin de lignes claires.
«EDF n'a pas choisi de stratégie. Il continue à agir, comme s'il pouvait tout faire», relève un ancien cadre du groupe. Le groupe entend ainsi être le champion du nucléaire dans le monde et accélérer son développement international. Mais il se veut aussi le promoteur de toutes les énergies renouvelables, subventionnant sans restriction les grandes fortunes, à la recherche d'allégements fiscaux, qui ont choisi l'éolien comme terre d'accueil ou rachetant six fois le prix l'électricité produite dans le photovoltaïque.
Il faut compter aussi avec les obligations imposées par les législateurs et les régulateurs : les uns lui demandent de fournir aux entreprises une énergie peu chère, hors des prix de marché, les autres de ne pas tirer le bénéfice des investissements passés, en en rétrocédant une partie à ses concurrents.
La responsabilité de cette confusion est collective. Mais la situation n'est pas tenable. Aussi riche soit-il, EDF est en train de crouler sous les différentes contraintes. D'autant qu'il lui faut faire face aussi à ses propres carences. Ayant renoncé depuis des années à l'exercice difficile de la prévision, le groupe public a continué à vivre sur la croyance qu'il était largement équipé. Il ne s'est pas aperçu que la révolution informatique accélérait la consommation électrique.
De plus, le développement du chauffage électrique a rendu le groupe particulièrement dépendant des conditions climatiques : un degré de moins en hiver se traduit par une consommation supplémentaire de 2.100 MW (ce qui correspond à plus de deux tranches nucléaires). Résultat : EDF ne répond plus à la demande française. Il est désormais acheteur net d'électricité en Europe. S'il continue à exporter, c'est en période creuse à des prix alignés sur les contrats long terme. Mais il importe pendant les périodes de pointe au prix du marché, quand ceux-ci sont le plus élevés. La balance est désormais toujours en sa défaveur. [Lire: Le nucléaire en France, c'est déjà 12 à 15 réacteurs de trop !]
Les finances d'EDF explosent. En 2008, son
bénéfice net a diminué de 39% pour tomber
à 3,5 milliards d'euros. Mais ce n'est pas le plus grave.
Le groupe ne dégage plus un autofinancement suffisant pour
financer ses investissements. L'an dernier, il affichait un cash-flow
négatif de près de 2 milliards. Le 1,2 milliard
d'euros de dividendes versés aux actionnaires, et en premier
lieu à l'Etat, n'a été en réalité
qu'une fiction : ils ont été payés à
crédit.
Doutes sur l'EPR
L'avenir s'annonce encore plus sombre. D'un côté, le gouvernement, qui a téléguidé le rapport Champsaur sur l'ouverture à la concurrence, s'apprête à organiser la vente virtuelle d'une partie du parc nucléaire français, privant ainsi le groupe public d'une partie de ses recettes en lui laissant les charges futures. De l'autre, le groupe doit assumer désormais le coût de ses folles acquisitions anglaise et américaine : un peu moins de vingt milliards d'euros ont été dépensés en un an dans cette grande conquête internationale.
Mais le sujet qui terrorise le plus les cadres est celui du développement nucléaire. L'EPR, que les ingénieurs d'EDF ont contribué à concevoir, est devenu la grande affaire d'EDF. Pierre Gadonneix souhaite implanter au moins dix réacteurs EPR dans le monde dans les prochaines années. Selon ses calculs, le groupe est tout à fait en mesure de faire face à un tel développement : son programme ne représenterait qu'un engagement de 1,5 milliard d'euros par an.
Pourtant, au fur et à mesure que le premier chantier de Flamanville (Manche) avance, certains responsables de douter: «Nous avons construit ce réacteur sur des critères de compromis, en additionnant les contraintes et les réglementations françaises et allemandes. Il est vieux, gros et ultra-sophistiqué», confie un cadre, qui s'interroge sur son fonctionnement futur. «Cette affaire est une tragédie. J'ai moi-même pris des décisions sur le développement de l'EPR et j'ai sans doute commis des erreurs monumentales», a confié récemment un dirigeant directement lié au dossier à un autre responsable. Mais personne n'ose rompre ce secret, si lourd de conséquences, en dehors du groupe. Au sommet de l'Etat comme dans les cercles dirigeants, le nucléaire est présenté comme la grande chance industrielle de la France, sa grande filière d'avenir.
Aux difficultés techniques s'ajoutent les problèmes financiers. La facture de l'EPR risque d'être beaucoup plus élevée que prévu. Au début des années 2000, lorsque EDF voulait promouvoir le lancement du réacteur de troisième génération, le groupe public chiffrait le seuil de rentabilité à 29 euros le MW/h. De révision en révision, le calcul est passé à 35 euros, puis 40, aujourd'hui il est à 46 euros le MW/h. Mais certains pensent que l'addition pourrait encore monter.
«Personne n'en est conscient. Mais le nucléaire nous fait courir un péril mortel. EDF risque l'effondrement, en se plaçant sous le double impératif du défi technologique et de la conquête internationale. Il faut repenser la politique nucléaire, et élargir le débat. En tout cas, il y a une chose de sûre : il faudra choisir entre l' EPR et la Bourse. Les deux sont inconciliables», assure un haut cadre du groupe.
Sans le formuler aussi précisément, les salariés d'EDF pressentent le danger. Certains commencent à s'alarmer de cette fuite en avant technologique et financière. Ils craignent trop d'en connaître le dénouement : l'achèvement du démantèlement et la privatisation des morceaux de choix. La financiarisation du secteur de l'énergie y pousse, les groupes privés étant de plus en plus attirés par «ce secteur aussi giboyeux», selon l'expression de l'ancien président d'EDF, Marcel Boiteux.
Selon divers témoignages, personne à l'Elysée ou au sommet du gouvernement n'a pris la mesure de l'urgence des questions qui se posent dans le groupe. L'Etat choisira de réinventer EDF ou de laisser aller à vau-l'eau? Ce sera alors le moment de juger si la référence aux idéaux du Conseil national de la Résistance, devenue de mise depuis le discours présidentiel à Versailles le 22 juin, est une simple figure du style. Ou si le pouvoir considère qu'il est aussi impératif qu'hier d'avoir en main la maîtrise de son avenir énergétique.
Le Figaro, 13/2/2009:
Pierre Gadonneix revient à la charge contre un système de subvention qui fait plonger son bénéfice net.
Les résultats 2008 ont agi comme une douche froide sur les marchés boursiers. L'action d'EDF, réservée un temps à la baisse, a cédé près de 7% hier après la publication du bénéfice net en chute de 39,5%, à 3,4 milliards d'euros. La faute en revient au mécanisme de tarif réglementé, le «Tartam», a expliqué Pierre Gadonneix, PDG d'EDF.
La prolongation jusqu'en juin 2010 de ce système, qui permet aux entreprises ayant opté pour le prix de marché en choisissant un fournisseur concurrent d'EDF de bénéficier quand même d'un tarif réglementé, a contraint le groupe à provisionner 1,2 milliard d'euros. En effet, ce sont les producteurs d'énergie, à savoir EDF et GDF Suez, qui financent cette subvention.
Pierre Gadonneix a, du coup, plaidé pour un abandon de ce mécanisme. Il ne favorise «pas la concurrence et c'est pour cela que Bruxelles s'en inquiète», a-t-il précisé. Il faut de toute façon augmenter l'ensemble des prix de l'électricité, estime Pierre Gadonneix qui tente un donnant-donnant avec l'État. Les tarifs doivent refléter la décision d'EDF de relancer ses investissements et donc l'emploi, laisse-t-il entendre.
En 2009, EDF dépensera 7,5 milliards d'euros en France pour améliorer la capacité de production et les réseaux de distribution, soit près de 50% de plus qu'en 2008. Ces dépenses contribueront à créer 20 000 emplois directs et indirects. En dehors de ces investissements opérationnels, suffisamment importants pour empêcher le bénéfice net de croître en 2009, Pierre Gadonneix entend calmer les ardeurs de son groupe cette année.
Nouveau potentiel. EDF a orchestré deux importantes acquisitions en 2008 : d'une part, le premier électricien britannique, British Energy, acheté pour 13,5 milliards d'euros et, d'autre part, la moitié des actifs nucléaires de l'américain Constellation, (4,5 milliards de dollars). Maintenant, EDF entend profiter de ce nouveau potentiel. En Grande-Bretagne, aux États-Unis, mais aussi en Chine, l'électricien a l'ambition de construire dix EPR dans les dix prochaines années.
Mais, «2009 sera l'année de la croissance organique et de la consolidation de nos acquisitions», assure le PDG. EDF compte aussi alléger sa dette nette, qui a fait l'an dernier un saut de 50% à 24,5 milliards d'euros et en fait l'une des entreprises énergétiques les plus endettées. Pour y parvenir, le groupe public (l'État détient environ 85% de son capital) cédera d'ici à fin 2010 environ 5 milliards d'euros d'actifs situés en France ou à l'étranger.
Le Figaro, 1/12/2008:
Le groupe français souhaite un geste de l'État pour appuyer le plan de relance du gouvernement.
Pas de répit pour EDF. Après
avoir consacré une bonne partie de l'année à
prendre le contrôle de British Energy, le groupe français
planche actuellement sur un autre dossier épineux, au moins
aussi politique qu'économique : une augmentation de
ses tarifs. Une telle décision relève de l'État*,
actionnaire d'EDF à hauteur de 87%, mais qu'il ne prend
jamais facilement, compte tenu de son caractère forcément
impopulaire. D'ailleurs, dans le domaine de l'électricité,
les révisions tarifaires interviennent régulièrement
au coeur de l'été, à un moment où
les consommateurs ont d'autres préoccupations.
Cette fois-ci, il n'y a pas d'échéance aux discussions
qui se sont engagées entre les deux parties, mais EDF souhaite
vivement être fixé avant la fin de l'année.
Le moment est particulier car la crise économique limite
la marge de manoeuvre du gouvernement qui, s'il accède
à la requête d'EDF, devra faire preuve de pédagogie.
Dans ce dossier, l'électricien n'arrive toutefois pas les
mains vides. À l'heure où le ralentissement économique
conduit beaucoup d'énergéticiens à freiner
leurs investissements, EDF n'a pour l'instant rien changé
à son programme initial. Mieux, il fait valoir à
son actionnaire qu'une entreprise de son envergure a les moyens
d'appuyer une politique de relance. Avec un chiffre qui donne
à réfléchir : chaque milliard d'euros
investi correspond à la création de 7 500 emplois,
directs ou indirects. Alors que la France vient de repasser la
barre symbolique des deux millions de chômeurs, l'argument
a du poids.
Rénovation d'infrastructures
À travers sa politique d'investissement,
l'électricien français peut notamment participer
à la construction ou à la rénovation d'infrastructures.
L'EPR de Flamanville, le réacteur nucléaire de nouvelle
génération, en fait évidemment partie. Mais
le groupe travaille également sur des grands chantiers
de maintenance ou de restauration des installations. Par exemple,
la disponibilité du parc nucléaire s'est érodée
au fil des années. Pour améliorer le taux d'efficacité
des centrales, des investissements conséquents sont nécessaires.
De même, EDF a mis plus de 500 millions d'euros sur
la table pour moderniser son parc hydraulique. Certes, depuis
quelques années déjà, le groupe a retrouvé
des marges de manoeuvre financières, mais une augmentation
de ses tarifs lui donnera un peu plus de confort.
En attendant une décision, EDF n'est pas la seule entreprise
énergétique à réclamer une hausse
de ses tarifs. En milieu de semaine, GDF Suez, annonçant
le lancement d'un programme d'économies d'un montant d'un
milliard d'euros pour réagir « énergiquement
au changement rapide de l'environnement économique »,
en a profité pour souligner que les prix réglementés
du gaz ne prenaient pas en compte l'inflation du baril observée
avant l'été. Depuis 2004, GDF Suez estime ce manque
à gagner à 1,1 milliard d'euros. Là
encore, les discussions avec le gouvernement s'annoncent serrées.
Frédéric de Monicault
* Un cadre réglementé : En matière d'évolution tarifaire, EDF suit une feuille de route.
Le contrat de service public qui lie l'entreprise à
l'État prévoit que l'augmentation des prix réglementés
ne soit pas supérieure au rythme de l'inflation. La dernière
majoration obtenue par l'entreprise, à hauteur de 2 %,
remonte au mois d'août. La question tarifaire est d'autant
plus importante chez EDF qu'elle juge que ses prix réglementés
sont depuis longtemps inférieurs de 15 % en moyenne
aux prix de marché. Par ailleurs, EDF souligne l'ampleur
des investissements nécessaires dans ses installations.
Autrement dit, le groupe estime que le moment est opportun pour
obtenir une réévaluation de ses tarifs malgré
la conjoncture.