Igor Kostine, photographe à Tchernobyl
(Les funestes séquelles des photographes de Tchernobyl)


"]e voudrais qu'on n'oublie jamais le sacrifice de ces hommes."

Photographe à l'agence Novosti, Igor Kostin décide d'accompagner un groupe de liquidateurs sur le toit du bloc n°3, adjacent au réacteur éventré: "Il y avait d'énormes champs d'irradiation. Je n'aurais jamais pu y pénétrer sans un éclaireur équipé d'un compteur Geiger. Nous nous déplacions à tâtons en cherchant à nous protéger d'un mal fatal mais invisible." Sur le toit, des équipes de huit liquidateurs se relaient toutes les... quarante secondes. Harnachés de tabliers de plomb, les hommes se ruent, une pelle à la main, dès que la sirène hurle. Le temps d'enfourner une pelletée de débris nucléaires pour les jeter dans la fosse creusée par l'explosion.

En une semaine, le photographe retourne cinq fois sur le toit, avec une durée moyenne de deux à trois minutes: "Tous les films que je développais étaient noirs. Alors, j'ai emmailloté mes Nikon dans des plaquettes de plomb et découpé mes pellicules en bandelettes de vingt centimètres en variant le temps d'exposition. Aujourd'hui, quatre de mes appareils sont enterrés dans le cimetière des déchets radioactifs." Et d'exhiber la photo de Tchernobyl: on y voit trois liquidateurs dans un décor apocalyptique. Au bas de l'image, des traînées blanches qui montent irrésistiblement: "Ce sont les flots de la radioactivité. Je voudrais que jamais on n'oublie le sacrifice de ces hommes..."

Il dit que Tchernobyl est sa "drogue", en se versant une énième rasade de vodka glacée. Puis il brandit avec une rage volubile les dizaines de photos étalées devant lui. À ses côtés, Alla, sa jeune épouse, l'écoute en silence: "J'espère que mon travail épargnera l'horreur aux générations futures." Sa première photo de la catastrophe, Igor Kostin la prend quelques [11] heures après l'explosion. Tandis qu'il survole les décombres du réacteur, il dévisse la porte de l'hélicoptère et grille littéralement plusieurs clichés. Sa "folie" lui vaudra un World Press en 1987.

Depuis, il a "tout photographié", avec une minutie obsessionnelle: les poulains à huit pattes, la mutation des pommes ou des arbres. Et les enfants mort-nés, avec des doigts palmés qui sortent des épaules, bébés sans bras ni jambes, bambins atteints d'un cancer de la thyroïde (800 cas recensés), liquidateurs souffrant de leucémie (60 000 seraient déjà décédés) ou de "stress post-traumatique ".

1988, dans un orphelinat biélorusse "J'enregistre tout", dit Igor Kostin. "Aux scientifiques de faire leur boulot."

Hospitalisé à plusieurs reprises, dont un mois à Hiroshima "pour un problème de thyroïde", il reste évasif sur son état de santé: "J'ai reçu cinq fois la dose tolérée, mais les Moldaves meurent centenaires!" Ses projets? "Trouver un éditeur pour un livre et avoir un enfant avec Alla... Nous en sommes, murmure-t-il, à notre troisième fausse couche..."

Extrait de "100 Photos du siècle" de Marie-Monique Robin, Edition du Chêne, 1999.

 

 

 



Igor Fedorovitch Kostine à Tchernobyl.


Libération, 28/05/96:

Portrait:

Igor Kostine, 59 ans, est l'homme qui a photographié Tchernobyl pendant dix ans.

Pour se présenter, il dit: « Igor n'a peur de rien ni de personne», et vous assène aussi sec une grande claque dans le dos. Au premier coup d'oeil, on voit mal, en effet, ce qui pourrait intimider ce géant moustachu qui parle fort, boit la vodka au litre, conduit à toute allure, mais cède toujours le passage aux dames. Parfois, la fanfaronnade frise la folie.

Quelques heures après l'explosion du réacteur n°4 de Tchernobyl, il était parmi les premiers sur les lieux de la catastrophe. Depuis, Igor Kostine y retourne régulièrement, consacrant sa vie à photographier les effets des radiations. Il est comme enchaîné à ce sujet qui abrégera son existence aussi sûrement qu'il l'a rendu célèbre.

Ce sens inné de la bravoure, il dit tenir ça de sa mère. Pendant la guerre, elle glissait des seaux de bortsch aux prisonniers allemands sous les barbelés. «Elle savait que si on la surprenait, on la fusillerait sur place.» Mais elle nourrissait l'espoir fou que son mari, soldat de l'armée Rouge donné pour mort aux portes de Kichinev, était vivant quel-que part et, pourquoi pas, parmi les prisonniers. Kostine a commencé par être ingénieur. Il concevait des machines-outils. La dernière en date servait à creuser des tranchées militaires dans la glace et dans le roc. A 36 ans, il choisit d'être photographe, effectue des petits reportages locaux, puis à l'étranger. Sans jamais devenir un grand de la
profession.

27 avril 1986, il reçoit un coup de fil d'un ami pilote d'hélicoptère : il se passe quelque chose à Tchernobyl, il ne sait pas très bien quoi, mais on lui a donné l'ordre de s'y rendre. Il embarque. L'hélicoptère est recouvert d'une carapace de plomb. Quand le pilote annonce qu'ils sont cinquante mètres au-dessus du réacteur, il dévisse la porte de l'appareil et braque ses objectifs sur les ruines en contrebas. «Rétrospectivement, c'est la seule chose que je regrette. C'était vraiment de la folie.» Ils sont alors au coeur du nuage radioactif qui s'échappe de la centrale. Ses deux Nikon F3 ne tardent pas à rendre l'âme. De cette journée, seuls un ou deux clichés subsiste! nimbés d'une lumière vert sale. Les rayons gamma ont surexposé tous ses films.

Depuis, il y retourne sans cesse. «Il est totalement obsédé», confie James Rupert, correspondant du Washington Post à Kiev. Une obsession dont ni lui ni ses interlocuteurs n'arrivent à cerner la nature profonde. Il enveloppe ses appareils comme on emmaillote des nouveau-nés. Il découpe ses films en bandes de 20 centimètres et leur applique des temps de développement variables pour réussir à sauver quelques photos. Il photographie au pas de course, prenant juste le temps de faire la mise au point. A chaque retour de voyage, il tue les radiations à grandes rasades de vodka glacée. Et lorsque la fatigue se fait trop grande, il décroche et part se faire soigner dans un hôpital de Kiev ou de Moscou.

Après l'accident, des milliers d'hommes sont appelés pour remplacer les machines dont l'électronique a grillé sous l'effet des radiations. «Sans le robot Vassia, sans le robot Piotr, je ne sais pas ce qui serait advenu de notre civilisation. Beaucoup d'entre eux sont malades aujourd'hui. Il y en a aussi qui craquent et qui se pendent. Je pourrais me mettre à genoux devant eux.» En l'espace d'une semaine, Kostine sort cinq fois sur le toit de la centrale pour photographier ces hommes au tablier de plomb. Entre deux et trois minutes à chaque fois, alors que les soldats n'y restent que quarante secondes. A sa dernière sortie, on lui demande de réaliser une vue panoramique du toit pour faciliter le travail à venir. Pour cet acte de bravoure, il sera cité à l'ordre du mérite. «J'ai photographié des guerres, le Viêtnam, la Yougoslavie, l'Afghanistan. Dans les guerres, on sait toujours d'où vient le danger. A Tchernobyl, il est partout, invisible et impalpable.» Alors, inlassablement, il accumule les preuves: poissons morts sur la rive, poulain à huit pattes, pin à l'arborescence délirante, enfant dont les doigts palmés sortent des épaules.

Un poulain à huit pattes. Entre 1988 et 1990, un pic de naissances d'animaux-monstres a lieu près de Jitomir, une région particulièrement touchée par l'irradiation. Igor Kostine a envoyé des photos de ces mutants, qui ne restaient en vie que quelques heures, au président Gorbatchev. Il n'a obtenu aucune réponse.

«Mes photos, ce sont des documents, pas des oeuvres d'art. C'est le cri de ceux qui n'ont pas de voix pour crier: la terre, les enfants, les pauvres
gens.» Dans un film sur Kostine réalisé en 1991 (1), on voit ses photos d'enfants mal formés circuler dans les rangs du Parlement ukrainien. «Aujourd'hui, on dépense des millions pour faire croire au monde entier que Tchernobyl est la centrale la plus sûre qui soit, et les enfants de la zone continuent à boire du lait contaminé. Au mois de novembre dernier il y a eu un autre incident (2). On ne l'a appris que cinq mois plus tard. Je dois être fou pour croire que ce que je fais sert à quelque chose.»

Dans le coin d'un hall des Nations unies à New York, des photos de Kostine et d'autres photographes célèbrent le sinistre anniversaire. «Je voulais que les gens de la rue voient ces photos, mais ici il n'y a que des fonctionnaires pressés avec des dossiers sous le bras.» Une délégation tibétaine échange des saluts profonds et passe sans s'attarder. Le «machin» est au bord de la faillite, Kostine a dû payer ses tirages lui-même, l'exposition n'est annoncée dans aucun journal. Cette fois encore, Kostine a le sentiment de s'être fait blouser. Comme en 1990, lorsque l'agence de presse italienne Imago organise la première exposition de ses photos à Milan et en profite pour revendre ses négatifs à l'agence Sygma en France. Il se débat comme un beau diable pour les récupérer.

De ces dix années, Kostine a retiré beaucoup d'honneurs, des prix, une santé précaire, mais de l'argent, somme toute, très peu. Il roule en Lada et vit dans un deux pièces dans le centre de Kiev. Comment faire ! sa place sur le marché de la photo quand on ne parle pas un mot d'anglais, quand le mot «avocat» ne vous évoque rien de précis ? Malgré les déceptions, Kostine persiste. Il y a un mois, il est retourné à Tchernobyl. Sans autorisation, il est allé dans la salle du réacteur photographier la dalle de béton soufflée par l'explosion. «Cette photo me manquait. Et puis j'étais en commande pour Stern», dit-il, comme pour se justifier. Il en est revenu fatigué et nerveux. Il n'avait même pas pris la peine d'enfiler un tablier de plomb, alors que le taux de radiation est à cet endroit extrêmement élevé. «Cela m'aurait gêné dans mes mouvements et j'aurais pu trébucher» explique-t-il. Sur son état de santé, il reste très évasif. En décembre 1990, il a passé un mois dans un hôpital à Hiroshima. Le diagnostic ? « Igor vivra jusqu'à 150 ans comme tous les Moldaves», répond-il en rigolant. Ses yeux se voilent lorsqu'il évoque les trois fausses couches de sa femme, Alla. Et lorsqu'on lui demande comment il va occuper les quatre-vingt-dix ans qui lui restent à vivre, Kostine assure qu'il ne retournera plus à Tchernobyl; qu'il veut maintenant faire un livre de ses photos. «Et puis après, je veux dormir au soleil.» Il joint le geste à la parole, ferme doucement les yeux et tourne la tête vers un astre imaginaire.

(1) L'Album interdit. Documentaire réalisé par Victor Kriptchenko et Vladimir Taratchenko.
(2) Une fuite de troisième catégorie sur l'échelle [médiatique] Ines qui en compte sept.


Igor Kostine en six dates :

27 décembre 1936 : Naît à Chisinau (à l'époque Kichinev) en Moldavie.
1955. Travaille comme ingénieur, tout en poursuivant ses études.
1972. Devient photographe.
1974. Photographe pour l'agence Novosti.
1987. Reçoit le World Press, alors qu'il est soigné dans une clinique de Moscou.
1989. Première exposition de ses photos à l'Ouest (Milan).

 

 

Le Monde, 24 juin 2015:

La mort d'Igor Kostin, l'oeil de Tchernobyl

Le photographe Igor Kostin, qui fut le premier photographe à se rendre à la centrale de Tchernobyl, en 1986, est mort le 9 juin 2015.

Il fut le premier photographe à se rendre sur les lieux de l'explosion du réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en avril 1986. L'Ukrainien Igor Kostin est mort le 9 juin 2015 dans un accident de voiture à Kiev, à l'âge de 78 ans. L'annonce a été faite par son épouse, Alla, le 24 juin.

A l'occasion de sa mort, nous republions ici le portrait paru en 2006 dans « Le Monde ».

Cette photo de 1986 montre le photographe Igor Kostin dans le costume de protection utilisé pour se rendre sur les lieux de l'explosion du 4e réacteur de Tchernobyl.

De son séjour à Tchernobyl, Igor Kostin a gardé des problèmes de santé, de fréquents accès de déprime et « un goût de plomb entre les dents » dont il ne parvient pas à se débarrasser. Premier photographe à se rendre sur les lieux de l'explosion du réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire, le 26 avril 1986, il a ensuite passé deux mois aux côtés des « liquidateurs », ces hommes envoyés de toute l'URSS pour nettoyer le périmètre irradié. Des années après, le reporter, dont les clichés ont été publiés dans le monde entier, ne s'est jamais remis de ce qu'il a vu. Sa colère est intacte. Tout y passe : le cynisme des autorités, leur indifférence, l'amnésie de l'opinion.

Le 26 avril 1986 à l'aube, Igor est réveillé par le téléphone. Un ami lui propose de l'emmener en hélicoptère à la centrale nucléaire de Tchernobyl où, selon la rumeur, un incendie s'est déclaré. Sur place, rien ne laisse supposer la gravité de l'accident. Collé au hublot, Igor, alors photographe pour l'agence Novosti, traque l'image.

La photo, c'est sa passion, une toquade venue sur le tard, une sorte de deuxième vie pour ce gamin né en Moldavie avant la seconde guerre mondiale et qui connut la faim sous l'occupation. Sa survie, il la doit au fait d'avoir mâché le cuir des bottes allemandes, enduit de graisse de poisson. Sa mère en faisait de la soupe, un brouet « abominable ». « Nous serions morts sans cela », dit-il. Après la guerre, il n'a pour horizon que le foot, la rapine et les bagarres de rue. Mais, bientôt, à force de volonté, il se hisse au rang de « constructeur en chef ». Son salaire est garanti, ses vacances le sont aussi, mais il s'ennuie. Il va tout lâcher pour une idée fixe : devenir photographe.

 Lueur rougeâtre

Au dessus du réacteur de la centrale de Tchenrobyl, éventré par l'explosion. La photo (IGOR KOSTIN) a été prise le 26 avril 1986.

Le voilà, donc, dans cet hélicoptère qui survole la centrale, et la photo qu'il doit faire s'impose. Le toit du réacteur n° 4 - une dalle de béton armé de 3 000 tonnes - « a été retourné comme une crêpe ». Au fond du trou béant, brille une lueur rougeâtre : le coeur du réacteur en fusion. En bon professionnel soucieux d'« éviter les reflets », Igor ouvre le hublot et prend des photos. « Une bouffée d'air chaud remplit la cabine de l'hélicoptère. Aussitôt, j'ai envie de racler le fond de ma gorge. » Très vite, son appareil s'enraye. Au développement, un seul cliché sera utilisable. Les autres, attaqués par la radioactivité, seront noirs, comme si la pellicule avait été exposée en pleine lumière.

Transmise à l'agence Novosti, l'unique photo de la centrale dévastée ne sera pas publiée. On est en URSS et, officiellement, il ne s'est rien passé à Tchernobyl. Les autorités vont mettre trois jours à reconnaître « un accident », dix jours à donner l'ordre d'évacuation des civils. C'est par La Voix de l'Amérique, radio honnie du pouvoir soviétique, qu'Igor apprend qu'« une catastrophe nucléaire majeure » vient de se produire.

Aux premières heures du drame, 800 000 « liquidateurs » - ouvriers, paysans, soldats, pompiers - sont réquisitionnés à travers toute l'URSS pour décontaminer. Savent-ils ce qui les attend ? Munis de protections dérisoires, ils se mettent à l'ouvrage, enhardis par les promesses de primes, d'appartements ou de démobilisation anticipée. Mineurs chargés de creuser un tunnel sous le réacteur, soldats qui déblaient les poussières radioactives, ouvriers invités à plonger dans la réserve d'eau lourde de la centrale pour tenter de la vidanger : Igor les a, pour la plupart, côtoyés. « Grâce à eux, le pire a été évité, ils se sont sacrifiés », dit-il, la voix brouillée. Il raconte comment, occupés à ramasser le graphite sur le toit du réacteur n° 3, au plus près du feu nucléaire, ils trichaient régulièrement sur les doses absorbées par leurs organismes.

Il se remémore leurs conversations d'alors, « pleines des voitures et des maisons » qu'ils pensaient pouvoir acheter. Neuf mois plus tard, le photographe et les liquidateurs irradiés se retrouvent côte à côte à l'hôpital n° 6 de Moscou, un établissement militaire « fermé ». « La radioactivité les rongeait de l'intérieur. Ils souffraient tant qu'ils se cramponnaient aux barreaux métalliques. La chair de leurs mains y restait collée. Parler de tout cela me rend malade », raconte Igor.

Une des rares photos prises par Igor Kostin, d'un "liquidateur" sur le toit de la centrale. Les raies blanches en bas de l'images sont dues à la radioactivité, réagissant avec la pellicule.

Longtemps après, une chose est sûre : l'indifférence envers ces « robots biologiques », comme Igor les appelle, est totale. « Qui a jamais téléphoné à Vania, Piétia ou Volodia pour leur demander comment ils allaient ? Au contraire, on les a laissés tomber. Leurs pensions ont été réduites et le peu qu'ils perçoivent suffit à peine à couvrir leurs besoins en médicaments », déplore Igor. Combien sont morts ? Combien sont malades ? Nul ne le sait précisément, aucune étude épidémiologique sérieuse n'a été menée. Après l'explosion de Tchernobyl, celle de l'URSS, survenue cinq ans plus tard, les a éparpillés de l'Ukraine au Kazakhstan en passant par la Russie. Le contact a été rompu.

A Kiev, où vit Igor, Tchernobyl est rarement évoqué. « Aucun journaliste ukrainien n'a cherché à me rencontrer », constate le photographe, sanglé dans un costume impeccable. Il avait tenté de publier un livre de ses photos, mais la censure s'en était mêlée. La récente publication de son ouvrage en Europe lui met du baume au coeur. Des entretiens sur le sujet, ce géant de 1,98 mètre ressort épuisé.

Bien que malade de Tchernobyl, il ne perd pas une occasion d'y retourner. Située à une centaine de kilomètres de son domicile de Kiev, la « zone », comme on dit ici, l'attire. Depuis l'évacuation de ses habitants (environ 120 000 personnes), le périmètre interdit a été envahi par les herbes folles et les animaux sauvages. Ces dernières années, des centaines de « samosiolki » (littéralement « ceux qui se sont installés ») sont revenus y habiter, coupés de tout, subsistant des produits de la chasse et de leurs potagers. Igor aime leur rendre visite. Il ne manque pas une occasion de saluer son copain Serioja, un ancien liquidateur devenu responsable du périmètre irradié. Dans la « zone », Igor se sent chez lui : « Là-bas, tout le monde me connaît, même les chiens. »

Marie Jégo