Charlie Hebdo, 6/5/2009:
Des courriers émanant du parquet de Paris, dont Charlie a obtenu copie, révèlent que le principal animateur du réseau Sortir du nucléaire fait l'objet d'une enquête préliminaire dont les délais défient les lois du genre.
Selon ces documents, depuis au moins trois ans, les services de sécurité français de la DCRI (ex-DST) surveillent le militant antinucléaire Stéphane Lhomme sans que son avocat ait jamais eu accès au dossier.
Contacté sur ce point, le bâtonnier de Paris, Christian Charrière-Bournazel, a estimé que de tels délais « sont contraires à la notion de procédure juste et équitable». Stéphane Lhomme résume: « J'ai déjà eu droit à deux descentes de police et je n'ai toujours pas pu prendre connaissance du dossier constitué contre moi. »
Ce contestataire réclame l'abandon de l'utilisation du nucléaire pour produire de l'électricité. Les policiers l'ont placé en garde à vue le 16 mai 2006 et le 17 mars 2008 à la suite de la publication, sur le site Web de son association, d'une note classifiée consacrée à la sécurité des installations d'EDF.
Longue de neuf pages, cette note estampillée « confidentiel défense » présente les arguments de l'opérateur d'électricité pour que les futurs réacteurs EPR résistent à une attaque terroriste menée à partir d'avions civils. Sa présence sur Internet a entraîné, en toute logique, des investigations pour « diffusion d'un document ayant le caractère d'un secret de la Défense ».
Plus surprenante, en revanche, la durée de la procédure spécifique déclenchée à cette occasion, dite d'enquête préliminaire. Pendant son déroulement, l'accusation mène seule les investigations, sans privilégier de démarche contradictoire, et sans que l'avocat ne connaisse les charges qui pèsent contre son client. Trois ans au moins dans l' "affaire Stéphane Lhomme". Son défenseur, maître Benoist Busson, s'en est déjà inquiété auprès du parquet de Paris.
Il y a près d'un an, le 4 avril 2008, le vice-procureur chargé de cette enquête préliminaire, Alexandre Plantevin, lui a écrit pour l'informer que la communication du dossier « devrait être effectuée sous quinzaine » (voir fac-similé ci-dessous). Depuis, pas de nouvelles. Interrogé en début de semaine par Charlie, Benoist Busson confirme n'avoir toujours rien reçu de la part du parquet.
Et de préciser : « Je saisirai dans les prochains jours le procureur général pour que cette situation cesse. » Pour lui, « cette enquête préliminaire qui s'éternise et dont nous ne connaissons pas les détails vise surtout à maintenir une pression contre ce militant antinucléaire». Nous avons souhaité que le parquet de Paris réagisse à ces informations. Il n'a pas répondu à nos sollicitations.
Réseau "Sortir du nucléaire" - Fédération
de 810 associations
URGENT
Communiqué de presse du samedi
22 mars 2008
Le Réseau "Sortir du nucléaire",
Fédération de 810 associations, proteste contre
la nouvelle mise en cause de son porte-parole Stéphane
Lhomme par la DST (Direction de la surveillance du territoire)
qui le convoque dans ses locaux de Levallois-Perret mardi 25 mars
à 14h.
Il s'agit des suites de l'affaire du document "confidentiel
défense" qui reconnaît que, contrairement à
ce que prétendent EDF, AREVA et les autorités françaises,
le réacteur nucléaire EPR n'est pas conçu
pour résister à un crash suicide réalisé
avec un avion de ligne.
Le 16 mai 2006, sur ordre de la section antiterroriste du Parquet
de Paris, la DST avait fait irruption à Bordeaux
chez Stéphane Lhomme, porte-parole du Réseau
"Sortir du nucléaire", l'avait placé en
garde à vue, soumis à interrogatoire pendant 15
heures, avait perquisitionné son appartement et saisi du
matériel informatique et des dizaines de documents, dont
une copie du fameux document "confidentiel défense".
Depuis, l'affaire semblait avoir été oubliée
par la police et la justice, mais il apparaît clairement
qu'il n'en est rien. Pour la seule détention de ce document"Confidentiel
défense", Stéphane Lhomme risque 5 ans de prisons
et 75 000 euros d'amende.
En réaction à l'intervention liberticide de la DST, le Réseau
"Sortir du nucléaire", de nombreuses autres associations,
et plusieurs parlementaires avaient publié, dès
le lendemain 17 mai 2006, une copie numérisée
du document en question sur leurs sites web respectifs.
Le Réseau "Sortir du nucléaire" estime
que c'est pour lui un devoir absolu de faire connaître aux
citoyens la vérité - fût-elle classifiée
"secret défense" - sur un sujet aussi crucial
que l'énergie nucléaire et les risques extrêmes
qu'elle fait courir.
La vulnérabilité du réacteur EPR en cas de
crash suicide est une raison supplémentaire - en plus des
tares bien connues du nucléaire : risques d'accident, production
de déchets radioactifs, prolifération - pour ne
pas construire ce réacteur : loin de céder devant
les terroristes, il s'agit au contraire de ne pas leur offrir
de cible pouvant convenir parfaitement à des gens aussi
déterminés que mal intentionnés.
En conclusion, il est parfaitement injuste que Stéphane
Lhomme et le Réseau "Sortir du nucléaire"
soient inquiétés par les autorités françaises
et la justice :ils devraient au contraire être félicités
pour exercer courageusement leur mission citoyenne en faveur de
l'environnement et de la démocratie.
Contact presse (Stéphane Lhomme) : 06 64 100 333
Rappel le problème du Secret défense: Sortir du nucléaire a publié la lettre d'EDF - Pétition nationale pour l'abrogation de l'arrêté - Le gouvernement "précise" ses intentions - Saisie du conseil d'Etat - Des peines d'amendes - L'arroseur arrosé.
22/3/2008 - Le Réseau "Sortir du nucléaire" proteste contre la nouvelle mise en cause de son porte-parole Stéphane Lhomme par la DST (Direction de la surveillance du territoire) qui le convoque dans ses locaux de Levallois-Perret mardi 25 mars à 14h.
Il s'agit des suites de l'affaire du document "confidentiel défense" qui reconnaît que, contrairement à ce que prétendent EDF, AREVA et les autorités françaises, le réacteur nucléaire EPR n'est pas conçu pour résister à un crash suicide réalisé avec un avion de ligne.
Le 16 mai 2006, sur ordre de la section antiterroriste du Parquet de Paris, la DST avait fait irruption chez Stéphane Lhomme, porte-parole du Réseau "Sortir du nucléaire", l'avait placé en garde à vue, soumis à interrogatoire pendant 15 heures, avait perquisitionné son appartement et saisi du matériel informatique et des dizaines de documents, dont une copie du fameux document "confidentiel défense".
Depuis, l'affaire semblait avoir été oubliée par la police et la justice, mais il apparaît clairement qu'il n'en est rien. Pour la seule détention de ce document"Confidentiel défense", Stéphane Lhomme risque 5 ans de prisons et 75 000 euros d'amende.
En réaction à l'intervention liberticide de la DST, le Réseau "Sortir du nucléaire", de nombreuses autres associations, et plusieurs parlementaires avaient publié, dès le lendemain 17 mai 2006, une copie numérisée du document en question sur leurs sites web respectifs.
Le Réseau "Sortir du nucléaire" estime que c'est pour lui un devoir absolu de faire connaître aux citoyens la vérité - fût-elle classifiée "secret défense" - sur un sujet aussi crucial que l'énergie nucléaire et les risques extrêmes qu'elle fait courir.
La vulnérabilité du réacteur EPR en cas de crash suicide est une raison supplémentaire - en plus des tares bien connues du nucléaire : risques d'accident, production de déchets radioactifs, prolifération - pour ne pas construire ce réacteur : loin de céder devant les terroristes, il s'agit au contraire de ne pas leur offrir de cible pouvant convenir parfaitement à des gens aussi déterminés que mal intentionnés.
En conclusion, il est parfaitement injuste que Stéphane Lhomme et le Réseau "Sortir du nucléaire" soient inquiétés par les autorités françaises et la justice :ils devraient au contraire être félicités pour exercer courageusement leur mission citoyenne en faveur de l'environnement et de la démocratie
AFP - 21 mars
2008 - PARIS (France) - Le porte-parole du Réseau "Sortir
du nucléaire", Stéphane Lhomme, est convoqué
mardi par la Direction de la surveillance du territoire (DST),
a annoncé vendredi l'organisation écologiste qui
dénonce cette "nouvelle mise en cause". Cette
convocation fait suite à l'affaire du document "confidentiel
défense", que s'était procuré Sortir
du nucléaire et dont il ressortait que les réacteurs
de type EPR n'étaient pas conçus pour résister
au choc d'un avion de ligne.
Le 16 mai 2006, la DST avait fait irruption au domicile de Stéphane
Lhomme, l'avait placé en garde à vue, avait perquisitionné
son appartement et saisi une copie de ce document confidentiel
défense. Pour la seule détention de ce document,
Stéphane Lhomme risque 5 ans de prison et 75.000 euros
d'amende, indique le réseau.
Dès le lendemain de cette intervention, le 17 mai 2006,
Sortir du nucléaire et d'autres associations avaient décidé
de publier une copie numérisée de ce document sur
leurs sites internet. Un réacteur nucléaire de troisième
génération EPR est en construction à Flamanville
(Manche). L'EPR est développé par le groupe français
Areva et exploité par Electricité de France (EDF).
JDD, 21/3/2008:
Le porte-parole du Réseau Sortir du nucléaire, Stéphane Lhomme est convoqué mardi par la Direction de la surveillance du territoire (DST). Selon l'organisation, cette convocation fait suite à l'affaire du document confidentiel que le réseau s'était procuré, et disait que "les réacteurs nucléaires de type EPR n'étaient pas conçus pour résister au choc d'un avion de ligne". Dans son communiqué, Sortir du nucléaire estime que c'est pour lui "un devoir absolu de faire connaître aux citoyens la vérité - fût-elle classifiée secret défense - sur un sujet aussi crucial que l'énergie nucléaire et les risques extrêmes qu'elle fait courir".
Le Figaro, 2 juin 2006:
Les hommes du renseignement concèdent
qu'il est impossible d'exclure tout risque terroriste contre les
centrales françaises.
UN COMMANDO attaquant une centrale nucléaire et lui causant
des dommages irréparables. Pour les spécialistes
du terrorisme islamiste, habitués aux scénarios
les plus noirs, la scène tient de l'Apocalypse. Pis, sous
le sceau de l'anonymat, ils ne se font guère d'illusion
sur la prétendue invulnérabilité de ces installations.
Le seul précédent d'un attentat contre une installation
nucléaire date de 1982 : plusieurs roquettes avaient été
tirées par des militants d'extrême gauche armés
par le groupe Carlos contre le surgénérateur Superphénix
à Creys-Malville (Isère). Mais cette centrale au
plutonium n'était qu'en construction.
Vingt-cinq ans plus tard, les experts pensent que la menace principale
vient du ciel : un avion de ligne détourné ou un
ultraléger motorisé (ULM) quasi indétectable.
Les services de renseignement occidentaux savent que les terroristes
ont de tels projets dans leurs cartons. A la fin 2003, les Etats-Unis
déclenchaient une alerte de niveau maximal sur le transport
aérien transatlantique. Selon un policier français,
des terroristes «envisageaient, parmi d'autres objectifs,
de précipiter des gros porteurs sur des centrales nucléaires
ou sur des barrages hydroélectriques».
Des jumbo-jets transformés en avions suicides
Concernant les ULM, la DST et d'autres services européens
ont repéré depuis des années des achats en
Europe par des groupes palestiniens. Ces engins ont été
envoyés au Liban pour tenter des incursions sur le territoire
israélien. «C'est bien la preuve que des terroristes
ont intégré ce mode d'action, remarque un spécialiste
du renseignement, même s'il faut souligner que toutes
les tentatives de pénétration se sont soldées
par l'élimination des intéressés bien avant
d'atteindre leur cible.» En Asie du Sud, les fanatiques
des Tigres de l'Eelam Tamoul utilisent également des ULM.
Face à ces menaces, quelles sont les parades efficaces
? Les experts prônent la prévention. Nul ne sait
si une centrale résisterait à un impact de gros
porteur ou si des kamikazes venus en ULM pourraient y pénétrer.
Sur la résistance du béton, un courrier confidentiel
d'EDF, diffusé par des antinucléaires en 2003, ne
dissipe pas le doute. Après avoir conclu, sans plus de
précision, que les réacteurs de nouvelle génération
présenteraient «une grande robustesse»,
l'auteur de la lettre ajoute : «Nonobstant l'aptitude
du projet EPR à faire face à des chutes d'avion,
il convient de noter qu'EDF n'envisage pas d'assurer une capacité
de résistance vis-à-vis de tout acte de guerre ou
tout acte terroriste envisageable. La prévention de ceux-ci
ou la limitation de leur effet relève essentiellement de
la puissance publique.» Un membre d'un service de renseignement
précise «que l'on parle ici du réacteur
et pas des piscines de refroidissement des produits, beaucoup
moins bien protégées».
«Contre des jumbo-jets transformés en avions suicides,
assure un policier, le dispositif, encore renforcé
après le 11 septembre 2001, devrait permettre d'éviter
une catastrophe. Les radars déployés assurent une
veille jusqu'à une très basse altitude. Des Mirage
2000 et des hélicoptères sont en alerte permanente.»
Face aux ULM, ou aux parachutes motorisés, qui partent
de petits aérodromes, le dispositif a des failles. Dans
ce cas, un expert souligne que seul le renseignement peut éviter
le pire. «C'est efficace et pas trop coûteux»,
lâche un militaire qui ajoute : «Si un objectif
est totalement protégé, les terroristes choisiront
autre chose : barrages, usines chimiques...»
Jean Chichizola
Le Figaro, 20/05/2006:
Le futur réacteur d'EDF n'offrirait pas de garantie de résistance à la chute d'un avion de ligne, affirme un expert britannique mandaté par Greenpeace. Le groupe Areva dément.
LA POLÉMIQUE sur le réacteur nucléaire EPR qu'EDF projette de construire à Flamanville, dans le Cotentin, continue. Elle se concentre cette fois encore autour d'un document classé secret défense portant sur la capacité du réacteur à résister au crash d'un avion suicide. Ce document n'est plus secret depuis mercredi, il est en ligne sur les sites du réseau Sortir du nucléaire, de Greenpeace et des Verts européens. Il avait été transmis en novembre 2003 par une «taupe» d'EDF à Stéphane Lhomme, le porte-parole du réseau. Greenpeace a fait appel à John Large, un expert britannique indépendant, pour interpréter le contenu de ce dossier technique de neuf pages. Hier, ce dernier a rendu public son verdict. «Ce document est secret non pas parce qu'il révèle des détails hautement sensibles pour la sécurité, mais parce qu'il manifeste un manque presque total de préparation pour se prémunir contre une attaque terroriste.»
Le décret de construction n'est pas encore signé
Depuis 1991, la réglementation américaine qui s'applique au niveau international impose que les réacteurs nucléaires puissent résister à la chute d'un avion militaire. Mais les attentats du 11 septembre 2001 et le terrorisme international ont changé la donne. John Large a justement publié plusieurs études sur les conséquences du 11 septembre sur la conception des centrales nucléaires. Or, le principal grief qu'il fait aux industriels français, c'est de se contenter d'extrapoler l'impact d'une attaque suicide d'un avion de ligne à partir des conséquences de la chute d'un avion militaire. Pour lui, il faut tout reprendre à zéro.
John Large fait valoir que l'échelle entre les deux événements est sans commune mesure. La masse d'un Airbus est presque dix fois supérieure à celle d'un appareil militaire alors que leur vitesse peut être identique. Le premier peut embarquer dix fois plus de kérosène, ce qui accroît considérablement le risque d'explosion, une hypothèse que le document d'EDF ne prend pas en compte. «Dans les piscines où sont entreposés les combustibles usés, il y a parfois dix fois plus de radioactivité que dans le réacteur. Mais ces piscines sont protégées par des bâtiments conçus juste pour empêcher la pluie», déclare l'expert. Il a fait part de sa surprise de voir que les bâtiments entourant l'EPR qui sera bientôt construit en Finlande ne comportent pas de modifications par rapport au projet initial antérieur au 11 septembre. L'enceinte du réacteur dépasse en hauteur les autres bâtiments.
Le réacteur EPR a été adapté à la chute éventuelle d'un avion de ligne, a déclaré à l'AFP le groupe Areva. En septembre 2004, le gouvernement avait considéré de son côté que «sur la base de l'examen réalisé par la Direction générale de la sûreté nucléaire (DGSNR) et par le Groupe permanent d'experts pour les réacteurs nucléaires placé auprès de la DGSNR, les options de sûreté retenues satisfont à l'objectif d'amélioration de la sûreté par rapport aux réacteurs actuellement exploités». La DGSNR indique par ailleurs que le décret autorisant la construction de l'EPR n'a pas encore été signé. L'enquête publique devrait être lancée au cours de l'été, comme l'a annoncé lundi le premier ministre.
C'est cette annonce qui a d'ailleurs relancé la polémique, Stéphane Lhomme ayant été placé le lendemain en garde à vue durant douze heures. La Direction de la surveillance du territoire (DST) recherchait le document classé secret défense afin d'identifier l'origine de la fuite. «Il y a à EDF des personnes que le projet EPR dérange», a affirmé Stéphane Lhomme, présent hier dans les locaux de Greenpeace.
Yves Miserey
PARIS (19/05/2006 ) - Un expert britannique mandaté par Greenpeace,
John Large, a émis vendredi de "sérieux doutes"
quant à l'aptitude du réacteur EPR à résister
à une attaque terroriste par des avions de ligne, mettant
en cause l'analyse faite par EDF sur le sujet après les
attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis.
John Large, expert indépendant de questions nucléaires,
s'est vu soumettre par Greenpeace un document classé "confidentiel
défense" émanant d'EDF et portant sur la résistance
de l'EPR (European Pressurized Reactor), le réacteur de
troisième génération, aux chutes d'avions
de ligne. "L'analyse
d'EDF semble être technique et solide, mais quand on regarde
en détail, elle ne tient pas",
a tranché l'expert.
"Le projet (EPR) a été conçu d'entrée
de jeu pour faire face à la chute d'un avion militaire",
écrit notamment l'un des dirigeants d'EDF dans une lettre
accompagnant ce document, publié par le réseau "Sortir
du nucléaire" et Greenpeace.
"Ces dispositions générales confèrent
au projet EPR une grande robustesse vis-à-vis de l'impact
potentiel d'un avion de type commercial et sont donc maintenues
sans changement", ajoute la lettre datant de 2003.
Une analyse que John Large conteste point par point. Selon l'expert,
il est "totalement
faux" de dire que la "résistance du réacteur"
est la même pour un "petit avion militaire" que
pour "un grand avion commercial".
"La vitesse de l'impact est la même", a soutenu
John Large lors d'une conférence de presse dans les locaux
de Greenpeace à Paris. Or, un avion militaire pèse entre 2 et 5 tonnes,
tandis qu'un appareil commercial avoisine les 220 tonnes. De même
le premier transporte 1,5 à 3 tonnes de kérosène,
le second jusqu'à 180 tonnes.
Dans son rapport, EDF soutient que le kérosène à
bord d'un avion de ligne formerait une boule de feu de 90 mètres
de diamètre qui s'éteindrait en deux minutes. "Ils ne prennent pas en compte
la formation de gaz et de vapeurs qui peuvent s'introduire dans
les bâtiments et provoquer une explosion", soutient John Large.
De même, EDF néglige
à son avis le risque d'une attaque contre les bâtiments
voisins du réacteur, notamment celui abritant les piscines
pouvant contenir jusqu'à 1.200 tonnes de combustible radioactif,
contre 100 tonnes pour le réacteur.
"Le réacteur est construit pour résister à
des chocs, les autres bâtiments sont conçus pour
que la pluie reste dehors", a-t-il plaisanté.
Pour John Large, le problème fondamental réside
dans le mode de calcul du risque terroriste calqué sur
celui des inondations ou des tremblements de terre. "Ce sont des accidents",
a-t-il estimé. "Or un attentat n'est pas un accident,
mais un acte intelligent qui cherchera à exploiter les
failles du système".
Le risque zéro dans la conception des réacteurs
n'existe donc pas. D'où l'intérêt de "discuter
avec les Français pour savoir quelles exigences on se fixe",
a souligné Hélène Gassin, chargée
de campagne Energie chez Greenpeace France.
Dominique de Villepin a annoncé lundi que l'enquête
publique sur la construction du réacteur EPR sur le site
de Flamanville (Manche) sera lancée "avant l'été".
"Pour l'instant, on n'a rien, aucune information", a
dénoncé Hélène Gassin.
D'autant que le rapport EDF souligne qu'un "vol à
très basse altitude" pour heurter un réacteur
de plein fouet est "à peu prèsque impossible
à envisager sauf peut-être pour certains sites en
bord de mer".
Or le premier EPR français "sera situé en bord
de mer", rappelle Stéphane Lhomme de Sortir du nucléaire,
qui a passé plusieurs heures en garde à vue mardi
à Bordeaux après son interpellation par la Direction
de la surveillance du territoire (DST). Il est accusé d'avoir
possédé le rapport confidentiel EDF analysé
depuis par John Large.
Les études semblent
d'autant plus vaines à John Large qu'en cas de chute d'un
avion de 220 tonnes "qui tombe sur l'enceinte en béton,
elle s'écroule". C'est selon lui "ce qui n'est
pas pris en compte pas EDF".
19/05/2006 :
"Au moment où le pouvoir politique marque sa volonté de rappeler le respect dû au secret défense en faisant interpeller Stéphane Lhomme, il est regrettable qu'il ignore les conclusions d'un très sérieux groupe de travail mis en place par la Commission Nationale du Débat Public, sur les obstacles à l'accès à l'information dans le domaine du nucléaire et sur les voies possibles pour progresser vers une véritable transparence. Les débats publics sur les déchets nucléaires et le futur réacteur EPR à Flamanville, qui viennent de s'achever, ainsi qu'une enquête menée à cette occasion sur les pratiques en matière de transparence dans divers pays occidentaux, démontrent la nécessité de pouvoir accéder aux documents d'expertise pour permettre une véritable démocratie participative en accord avec la Convention d'AARHUS ratifiée par la France.
Ces travaux ont montré l'intérêt d'une concertation sur ces questions et fait émerger des pistes de réflexions. Cette voie doit être poursuivie pour construire un dialogue argumenté sur des sujets complexes, touchant à un domaine aussi sensible que l'avenir énergétique, et pour éviter la radicalisation des positions à laquelle on assiste.
Il ne suffit pas de ratifier des conventions ou de voter des lois pour que la transparence se fasse."
Des personnalités ayant participé aux débats publics déchets et EPR:
Pierre Barbey - Membre de l'Association de
Contrôle de la Radioactivité dans l'Ouest
David Boilley Membre de l'Association de Contrôle
de la Radioactivité dans l'Ouest
Jean-Claude Delalonde Président de l'Association
Nationale de CLI
Danielle Faysse - Membre de la Commission Particulière
du débat Public EPR
Bernard Laponche - Expert indépendant, Global Chance
Yves Marignac Directeur de Wise-Paris
Jean-Luc Mathieu Membre de la Commission Nationale du Débat
Public et président de la Commission Particulière
du débat public EPR
François Rollinger Représentant CFDT au CSSIN
Monique Sené Présidente du Groupement des
Scientifiques pour l'Information sur l'Energie
Annie Sugier Membre de la Commission Particulière
du débat Public EPR
[lire: Polémique autour du futur
réacteur EPR]
Françoise Zonabend - Membre de la Commission Particulière
du débat Public EPR
Libération, 19/05/2006:
INTERVIEW · Yves Marignac, président d'une organisation internationale spécialisée dans l'énergie, pointe les difficultés à définir ce qui peut être rendu public en matière de sûreté et de sécurité · Un débat relancé cette semaine par la mise en examen d'un militant antinucléaire ·
Mardi, Stéphane Lhomme, un militant antinucléaire, a été mis en examen dans le cadre d'une enquête préliminaire pour «compromission du secret de la défense nationale». Son délit? Avoir largement diffusé un document classé secret-défense qui révèle que le futur réacteur EPR ne résisterait probablement pas au crash d'un avion de ligne sur l'enceinte de protection. Cette garde à vue suscite le débat: qu'est-ce qui doit être tenu secret en matière de sécurité et de sûreté nucléaire? Epineuse question à laquelle tente de répondre Yves Marignac, président de Wise Paris, organisation internationale spécialisée dans l'énergie.
Où en sommes-nous aujourd'hui sur
les aspects sécurité du futur EPR?
- Après le débat public sur l'EPR, EDF a promis
de sortir avant l'été un rapport préliminaire
de sûreté à destination du public. Mais le
doute subsiste sur ce que sera la version publique: une réécriture
«pédagogique» d'un document technique ou bien
la version originale du document dépouillée des
parties les plus confidentielles? Aujourd'hui, le document rendu
public par Sortir du nucléaire suscite un tel débat
parce que globalement on manque d'informations techniques sur
le réacteur EPR.
Aucune donnée n'est disponible sur
la résistance du futur réacteur?
- Cacher ou publier le document, qu'est-ce qui est le plus dangereux
pour la sûreté? C'est une question très complexe.
Tout ce que l'on voit avec la crise qui a eu lieu cette semaine,
c'est que l'approche judiciaire du problème ne fait que
radicaliser les positions. Au cours du débat public sur
l'EPR, nous avons travaillé pendant trois mois dans un
groupe sur ces questions. J'ai été rapporteur pour
ce groupe de travail. Nous sommes arrivés à un constat
commun sur les difficultés que pose le secret-défense.
Nous savons aussi que c'est à travers un dialogue qu'on
peut améliorer la compréhension de tous les points
de vue. On a déterminé plusieurs pistes.
Lesquelles?
- Par exemple, on pourrait faire un effort dans la rédaction
des documents pour rassembler toutes les informations confidentielles
en annexe et disposer ainsi systématiquement d'une version
publique. Nous avons également évoqué l'établissement
d'un référentiel public de ce qui doit être
classé ou non. Toute la difficulté de ce problème
réside dans le fait que l'on n'a pas la même notion
du secret selon que l'on soit dedans ou dehors. Or, pour avoir
une meilleure compréhension de ce qui doit, ou ne doit
pas, être secret, il faut une vue plus claire de la frontière.
Et quand vous savez ce qui doit rester secret, vous êtes
dans le secret...
Logiquement, toute information susceptible
d'aider des personnes malveillantes doit rester secrète,
non?
- Ce principe fait consensus, mais à partir de quand une
information technique donnée aide effectivement un terroriste
à commettre un acte de malveillance? Si on sait répondre
à cette question, c'est que l'on connaît la faiblesse
du système. C'est paradoxal. Par exemple, l'épaisseur
de l'enceinte en béton autour du réacteur doit être
tenue secrète si elle est insuffisante, et rendue publique
si elle est suffisante. Mais du coup, qu'elle soit secrète
ou pas, on a déjà une information. Une information
qui livre une faiblesse doit rester secrète, mais si on
publie d'autres informations, on révèle par défaut
où sont les faiblesses. Cette logique pousse à tout
rendre secret.
Mais est-ce réellement souhaitable?
- Pour établir la confiance, il faut justement sortir de
cette logique et définir un périmètre secret/public
mieux délimité. Sur le fonds du problème,
c'est à dire la résistance du futur EPR à
un crash d'avion, la confiance est entamée...
L'enjeu est bien d'établir la confiance à travers
une concertation. Il faut travailler à deux niveaux: quels
critères de résistance se fixe-t-on aujourd'hui
et quelles garanties donne-t-on au public qu'ils sont respectés?
Il est intéressant de noter que l'exploitant, c'est-à-dire
EDF, n'a aucune obligation réglementaire de démontrer
au public que sa future installation résistera à
un avion de ligne, ou à tout autre chose d'ailleurs. Nous
ne connaissons pas les menaces de référence sur
lesquelles les ingénieurs travaillent, même si le
11 septembre a changé la donne.
Laure NOUALHAT
TF1.fr, 19/05/2006 :
La nouvelle génération de réacteur nucléaire EPR peut-elle résister au crash d'un avion de ligne ? Non, affirme un expert britannique ; oui, rétorque le groupe Areva. Un débat d'autant plus sensible qu'il porte sur des informations classées "confidentiel défense".
"Les enceintes de l'EPR ne sont pas conçues pour résister à l'impact d'un avion suicide". Pour John Large, la vulnérabilité du projet de réacteur nucléaire ne fait aucun doute. Cet expert britannique du nucléaire a analysé pour Greenpeace un document d'EDF classé "confidentiel défense" dans lequel l'opérateur français assure que le nouveau réacteur n'est pas menacé par un attentat comparable à ceux du 11 septembre 2001.
Ce document a été mis en ligne sur Internet par plusieurs organisations écologistes et politiques, françaises et internationales, pour dénoncer la garde à vue de 14 heures d'un militant anti-nucléaire. Le rapport, selon John Large, "dévoile ce qui ressemble à un manque quasi total de préparation pour se prémunir d'une attaque terroriste". Les conclusions d'EDF sur une attaque à l'aide d'un appareil commercial sont extrapolées du choc que représenterait un avion militaire, d'une masse bien moindre, a-t-il noté.
D'autre part, EDF ne prend en compte ni "l'énergie thermique considérable" que dégagerait l'explosion du kérosène, ni les risques d'explosion du réacteur en cas d'infiltration de vapeurs de ce kérosène dans son coeur. Enfin, a rappelé le spécialiste, le réacteur n'est pas le seul vulnérable dans une centrale : les combustibles radioactifs usés sont entreposés dans une piscine située dans un bâtiment voisin dont la structure est beaucoup moins résistante. Or, "EDF ne parle absolument pas de ces bâtiments, qui sont un problème pour l'EPR comme pour les centrales actuelles".
Conception "adaptée"
"Bien que l'analyse d'EDF paraisse technique et approfondie, elle ne tient pas si l'on examine les détails", a encore affirmé John Large. Il a rappelé "l'imagination des terroristes pour faire échec aux systèmes mis en place" pour contrecarrer leurs plans. Or, "les centrales nucléaires n'ont jamais été planifiées en fonction de cette imagination", a-t-il souligné.
"La conception initiale de l'EPR prenait en compte, à la demande conjointe des autorités de sûreté française et allemande, l'impact éventuel d'un avion militaire", a réagi le groupe Areva, qui a conçu le réacteur. Le bâtiment protégeant le réacteur ainsi que "certains des bâtiments périphériques" ont été dotés "d'une coque extérieure en béton armée", a indiqué l'industriel français. "Dans le contexte post 11 septembre et notamment dans le cadre de l'appel d'offre lancé en 2002 par la Finlande pour son 5e réacteur, il a été exigé que les modèles puissent résister à la chute d'un avion de ligne. La conception de l'EPR a donc été adaptée", a assuré Areva.
EPR : objectif 2011
L'EPR (European Pressurised water Reactor) est présenté
comme le réacteur nucléaire de troisième
génération. Il est destiné à prendre
le relais des 58 réacteurs qui équipent actuellement
les 19 centrales nucléaires françaises. Si le prototype,
dont la construction devrait débuter en 2007 à Flamanville
(Manche) pour une mise en service à l'horizon 2011, est
conforme aux attentes, EDF devrait lancer d'ici 2015 la construction
d'une dizaine de réacteurs EPR pour qu'ils soient opérationnels
en 2020, au moment où les centrales actuelles devront être
démantelées. EDF sera maître d'oeuvre de la
construction entière de la centrale, tandis qu'Areva fournira
la chaudière nucléaire.
Libération, 18/05/2006:
Nucléaire. Le militant est accusé d'avoir dévoilé des documents confidentiels.
Libéré mardi à 23 heures, après quinze heures de garde à vue, Stéphane Lhomme, porte-parole du réseau Sortir du nucléaire, a contre-attaqué. Sortir du nucléaire, Greenpeace et les Verts européens ont mis en ligne sur leurs sites le fameux document confidentiel-défense que la justice et la DST reprochent à Lhomme de détenir et surtout d'avoir diffusé dès 2003. Ce document d'EDF n'a rien d'anodin : il met en doute la capacité de résistance du futur réacteur nucléaire EPR à des attentats de type 11 septembre. «On a voulu "collectiviser" notre action, afin de montrer que les citoyens sont inquiets», nous a expliqué Lhomme. Tous s'exposent à une amende de 75 000 euros et un emprisonnement de cinq ans.
Reste la question de fond : depuis la rédaction du document, l'EPR a-t-il été «durci» pour résister à une attaque ? Fin 2004, le directeur de l'Autorité de sûreté nucléaire estimait dans une lettre à EDF que «les options de sûreté retenues» satisfaisaient «globalement», sous réserve que des améliorations soient apportées. EDF ayant entériné, début mai, le lancement de l'EPR, un décret d'autorisation de construction est attendu et, avec lui, une vraie enquête.
Alexandra SCHWARTZBROD
Aujourd'hui en France, 18/05/2006:
Nucléaire : un rapport secret défense publié
sur internet
TF1 - LCI, 18/05/2006 :
Les Verts, Greenpeace et le réseau Sortir du nucléaire ont mis en ligne sur Internet un document sur l'EPR classé "confidentiel défense". Un mouvement de solidarité en réaction à la garde à vue d'un militant anti-nucléaire pendant 14 heures par la DST.
Le réacteur du projet de centrale nucléaire EPR pourrait-il résister au crash d'un avion de ligne ? Un document émanant d'EDF et classé "confidentiel défense" qui aborde cette question est disponible depuis jeudi sur Internet. Il a été mis en ligne par des associations anti-nucléaires mais aussi par plusieurs élus de la République, comme la sénatrice Dominique Voynet et le député Yves Cochet, tous deux membres des Verts.
Ce "mouvement de désobéissance civile", comme l'appelle Hélène Gassin (Greenpeace France), a été décidé mercredi soir après la garde à vue pendant près de 14 heures de Stéphane Lhomme, porte-parole du Réseau "Sortir du nucléaire". Le matin même, "à 8 heures, une dizaine de membres de la DST [Direction de la surveillance du territoire] et autant de policiers bordelais ont débarqué à mon domicile", raconte Stéphane Lhomme à LCI.fr. "Vous ne fermez pas votre porte à clé et les policiers rentrent chez vous, c'est ça, l'insécurité !", plaisante-t-il, en précisant plus sérieusement que les forces de l'ordre ont été "très correctes".
"Pourquoi ne se sont-ils réveillés que maintenant ?"
Le militant a été placé un epremière fois en garde à vue chez lui, pendant 5 heures : "ils ont épluché tout ce qu'ils trouvaient" avant de saisir documents, téléphone mobile, ordinateur portable et disque dur. Stéphane Lhomme a ensuite été conduit au commissariat central de Bordeaux, où il a été placé en garde à vue pendant encore 9 heures. Il a longuement été interrogé sur la provenance du document d'EDF, que le réseau a rendu public dès 2003.
"Pourquoi ne se sont-ils réveillés que maintenant ?, demande le porte-parole de Sortir du nucléaire. Je ne sais pas mais il est hors de question de livrer des noms." Ces documents émanent de collaborateurs d'EDF, poursuit-il, "éventuellement de gens haut placés". Car, "en off, les dirigeants d'EDF trouvent le projet trop coûteux", assure-t-il. Stéphane Lhomme est désormais en attente d'être convoqué par la DST et le Parquet de Paris. "On nous accuse de mettre en danger les gens en divulguant ces informations, précise-t-il, et nous répondons qu'on ne met personne en danger puisque l'EPR n'est pas encore construit !"
"Pied de nez"
Les anti-nucléaires ont été nombreux à dénoncer le sort réservé à Stéphane Lhomme. La mise en ligne du document d'EDF et l'appel à sa publication généralisée constituent "une manifestation de solidarité à l'égard de Stéphane ainsi qu'un pied de nez à cette opacité qui entoure le nucléaire en France", explique à LCI.fr Sergio Coronado, le porte-parole des Verts. Le document est ainsi présenté sur le site du parti ainsi que sur ceux de certains de ses élus (Dominique Voynet, Yves Cochet, Jean Desessard), de Greenpeace, de Sortir du nucléaire, de la Confédération paysanne et même d'ONG étrangères. "Poursuivre en justice tout le monde serait ridicule, pointe Sergio Coronado. En même temps, le gouvernement, qui a considérablement durci ses positions sur le nucléaire ou les OGM, est prêt à tout."
"Sur l'EPR, Iter ou les déchets nucléaires, les Français ont droit à un débat", justifie Hélène Gassin, de Greenpeace France. Or, pointe-t-elle, "le gouvernement et les industriels du nucléaire n'en tiennent pas compte". Et les anti-nucléaires estiment que la transparence est impossible depuis qu'un arrêté ministériel d'août 2003 interdit la divulgation d'informations sur le nucléaire jugées sensibles.
Matthieu DURAND