France 24, 2024:
Exposition à la radioactivité :
les Navajos, victimes des "Trinity tests" (sur Youtube)
Censored News, 28 février 2024:
Par Brenda Norrell (traduction Christine Prat,
CSIA-Nitassinan)
WASHINGTON La Commission Interaméricaine des Droits
Humains a entendu des témoignages de Navajos, Utes, et
Lakota Oglala, sur les impacts de l'exploitation d'uranium sur
les droits humains des Peuples Autochtones, à Washington,
le 28 février 2024.
« Nahasdzáán
Shimá Notre Mère la Terre fournit tout
ce dont nous avons besoin pour nous maintenir en vie les
quatre choses dont les Navajos parlent l'air, l'eau, le
sol et la lumière et c'est chez nous »
dit Edith Hook, Présidente de l'Association de la Communauté
de la Route de Red Water Pond.
« Nous avons vécu avec ce tueur silencieux sans
en connaitre les dangers. Après le début de l'extraction,
après que la mine ait été creusée,
nous ne nous sommes pas rendu compte que nous étions contaminés. »
« Quand nous étions enfants et jouions et gardions
les moutons, nous ne comprenions pas que nous étions exposés
à des radiations dangereuses » dit Edith Hood.
Elle remercia la commission pour l'avoir entendue et ajouta « Notre
propre gouvernement tribal ne nous écoute pas. »
La Commission Interaméricaine des Droits Humains avait
été d'accord pour une audience thématique
sur comment les politiques d'exploitation de l'uranium avaient
conduit à des violations des droits humains dans les communautés
Autochtones dans tout le pays. Ça coïncide avec la
recrudescence de l'extraction d'uranium, dit le représentant
du Centre de Droit Environnemental du Nouveau-Mexique.
« Comme les États-Unis ont mis les bouchées
doubles sur la base de l'idée fausse selon laquelle l'énergie
nucléaire serait une solution à la crise climatique,
l'industrie de l'uranium commence à bénéficier
de cadeaux de généreux contribuables à toute
l'industrie nucléaire. »
« Des
subventions du gouvernement Biden ont stimulé l'extraction
d'uranium au point de rouvrir 3 mines en quelques mois, en Utah,
dans le Wyoming et en Arizona, près du Grand Canyon. Comme
ça a toujours été le cas depuis l'aube de
l'Age Atomique, les effets de l'extraction d'uranium ont été
largement mis de côté dans le débat sur l'énergie
nucléaire. »
Energy Fuels dit accroitre la production d'uranium aux États-Unis,
comme les prix atteignent leur niveau le plus haut depuis 16 ans.
Energy Fuels avait dit en décembre que la production d'uranium
serait augmentée dans trois mines, Pinyon Plain près du Grand Canyon, et La Sal et Pandora dans le sud-est de l'Utah.
Le minerai des trois mines, en 2024, sera entassé
à l'usine d'Energy Fuels de White Mesa, en Utah, pour être traité en 2025.
Ils préparent aussi deux mines, Whirlwind dans le sud-est
de l'Utah, et Nichols Ranch au centre du Wyoming, pour démarrer
la production d'uranium d'ici un an, dit Energy Fuels.
L'extraction
d'uranium a commencé à Pinyon Plain et menace maintenant
l'eau des Havasupai qui vivent dans le Grand Canyon. La mine menace
aussi les Navajos, les Hopis, les Utes et les résidents
du sud-ouest, le long de la
route de transport du minerai d'uranium,
du Grand Canyon à l'usine d'Energy Fuels dans le sud-est
de l'Utah.
Le Centre de Droit de l'Environnement du Nouveau-Mexique dit :
L'audience thématique doit permettre aux communautés
Autochtones, qui vivent depuis des générations avec
les déchets de l'extraction et du traitement de l'uranium
historiques, de tenir les officiels du gouvernement des États-Unis
pour responsables de n'avoir jamais pris de mesures pour régler
le problème des déchets de la production d'uranium
efficacement.
- Pour Red Water Pond, Edit Hood, Diné dit «
Il n'y avait pas de respect pour les gens qui vivaient sur ces
terres, et certainement pas de respect pour notre Mère
la Terre. Le gouvernement connaissait les risques et les dangers
mais a négligé d'en informer notre peuple. »
- Yolanda Badback, Ute de
Ute Mountain, décrivit ce que c'était de vivre à
côté de l'usine de White Mesa, au sud-est de l'Utah.
Les représentants des États-Unis prétendent
que le gouvernement Biden a entamé une consultation et
que la Commission de Régulation Nucléaire est attachée
aux droits des Autochtones ce ne sont que des camouflages
de ce long héritage de cancers et de morts de l'extraction
d'uranium, des déchets radioactifs et de la décharge
de l'industrie nucléaire dans les terres Autochtones.
- Tonia Sands, Oglala, dit
« Des gens viennent du monde entier pour partager la
connexion que nous avons avec l'eau, la terre et nos parents maintenant
silencieux ». Tout en décrivant la beauté
de la culture Lakota, elle souligne que l'extraction d'uranium
conduit à un accroissement des cérémonies
de guérison et à la contamination par les radiations
de ceux qui participent à la cérémonie. Et
maintenant, il y a la menace de nouvelle extraction d'uranium.
Elle dit, qu'alors que l'eau pompée dans la rivière
Missouri est supposée sauver les Lakotas de la contamination
de leur propre eau, en fait ça apporte de l'eau contaminée
par l'uranium du Wyoming à cause du manque de filtrage.
- Carletta Tilousi, Havasupai,
a témoigné de l'exploitation d'uranium qui menace
maintenant l'eau Supai dans le Grand Canyon. « C'est
un problème grave et urgent » dit-elle à
la Commission Interaméricaine des Droits Humains. La Tribu
Havasupai demande que la Commission présente leur affaire
à la Cour Interaméricaine pour obtenir un ordre
exigeant l'adoption de mesures provisoires. L'héritage
de l'extraction d'uranium dans le sud-ouest, c'est la mort par
cancer et les mines d'uranium abandonnées non nettoyées.
Maintenant, la contamination menace le Colorado. C. Tilousi demande
à la Commission de faire pression pour que les États-Unis
changent la loi de 1872 qui autorise les compagnies internationales
à s'emparer de terres publiques pour leurs mines.
- Big Wind Carpenter, Northern
Arapaho. « Ils ont redéfini le nucléaire
comme énergie verte » dit Big Wind Carpenter
à la Commission Interaméricaine sur les droits humains.
« Les dommages fait à notre terre natale sont
loin d'être verts. Nos communautés et notre terre
ont souffert assez longtemps. » En territoire Arapaho,
dans le Wyoming, l'extraction et le traitement d'uranium ont empoisonné
la terre et laissé des impacts éternels pour des
sites sacrés, l'eau et les générations futures.
Les partisans du nucléaire ont souvent réduit au
silence les voix de ceux qui souffrent le plus de ses effets.
« Nous exigeons la justice environnementale »
dit Carpenter, pressant la Commission de tenir pour responsables
ceux qui exploitent les ressources.
Jonathan Perry, coordinateur de l'Alliance Multiculturelle pour
un Environnement Sûr, dit « C'est une bonne occasion
pour les communautés Autochtones de la ligne de front,
de faire connaitre les injustices qu'ils continuent d'endurer.
L'héritage de l'industrie de l'uranium continue de frapper
beaucoup d'Autochtones à travers le continent, sans vraies
solutions du gouvernement des États-Unis. »
Larry King, ENDAUM, dit "Nous n'avons qu'une Terre Mère,
et en tant que gardiens, nous avons TOUS la responsabilité
de protéger notre Mère la Terre si nous voulons
laisser un environnement sain à nos générations
futures.
Eric Jantz, directeur du Centre de Droit Environnemental du Nouveau-Mexique,
dit « Depuis des décennies, le lamentable record
du gouvernement des États-Unis concernant les droits humains
liés à l'exploitation d'uranium dans les communautés
Autochtones, a été ignoré. C'est la première
fois que le gouvernement des États-Unis est appelé
à expliquer pourquoi la politique d'extraction d'uranium
des États-Unis continue à détruire les communautés
Indigènes. »
Paris Match, 30/5/2020:
Church Rock, au Nouveau-Mexique, est une importante réserve de ce minerai nécessaire à la fabrication des armes atomiques et des instruments de recherche sophistiqués. Il y a quarante ans, une fuite d'eau contaminée provenant de la mine a touché le peuple des Amérindiens dans leur chair. Aujourd'hui, devant la prolifération des cancers, les habitants se mobilisent, en vue d'une dépollution du site. Pour l'heure, ils affrontent la mauvaise volonté de l'entreprise et des autorités. En France, on n'est guère mieux protégés. Enquête.
Red Water Pond, dans la réserve navajo non loin de Gallup, Nouveau-Mexique. Pour accéder au lieu-dit, qui ne figure sur aucune carte ni GPS, prendre à droite à la borne kilométrique 11 et suivre une route en terre battue. Edith Hook, Larry King et d'autres résidents, réunis dans une cabane en bois, sont désabusés. «Vous auriez dû venir en juillet, grommelle Edith, fervente militante de la Red Water Pond Road Community Association. Nous étions près de 200 et il y avait des gens du monde entier, des Mongols et des Japonais. Bref, toutes les personnes touchées par les méfaits de l'uranium.»
1 000 tonnes de déchets radioactifs et des centaines de millions de litres d'eau contaminée
Un mois après le 40e anniversaire de la commémoration de l'accident de la mine de Church Rock, les habitants commencent à désespérer de voir la situation évoluer. «La seule chose qui a changé depuis la rencontre avec les membres de l'UNC [United Nuclear Corporation, exploitant de la mine], ce sont mes habits», ironise Larry King. L'homme aux cheveux gris, casquette vissée sur la tête, est au centre de la lutte. Le 16 juillet 1979, il était aux premières loges quand la paroi du bassin de rétention des déchets radioactifs a cédé. Depuis son jardin, un de ses chiens dans les bras, il montre du doigt la zone concernée. Comme à son habitude, le géomètre souterrain se rendait sur le site de bonne heure. Ce matin-là, aux alentours de 5h30, il entend comme une explosion. Dans les minutes qui suivent, près de 1000 tonnes de déchets radioactifs et des centaines de millions de litres d'eau contaminée se déversent dans les bassins attenants à la mine, puis atteignent la rivière Puerco, rendant l'eau impropre à la consommation. De retour chez lui, non loin du site, Larry King assiste au désastre, pendant plusieurs heures. «La population n'a pas tout de suite été prévenue des risques encourus, rembobine le sexagénaire. Je me souviens du grand nombre de cadavres de bêtes mortes après avoir ingéré une eau jaunâtre et nauséabonde.»
La mine a été fermée en 1982. Pour l'heure, le site n'est toujours pas entièrement dépollué.
La mine de Church Rock ne sera fermée
que trois ans plus tard. Les années suivantes, la
catastrophe tombe dans l'oubli. Malgré des dommages colossaux
et irréversibles. Aujourd'hui, le lit de la rivière
est toujours contaminé et l'eau de la réserve non
potable.
Pour les scientifiques qui se sont
penchés sur la question, l'incompréhension est totale.
Ils ne conçoivent pas que rien n'ait jamais été
fait, ou très partiellement, alors que la dangerosité
du site est avérée. Dans les années 2000,
Chris Shuey, directeur de l'Uranium Impact Assessment Program
au Southwest Research and Information Center (Sric), a dirigé
des analyses de terrain pour en mesurer la toxicité et,
suite à cela, l'UNC avait promis de dépolluer les
lieux au plus vite. Deux décennies plus tard, ce n'est
toujours pas fini. «Et la végétation n'est
jamais revenue, comme vous pouvez le constater», regrette
Larry King, en indiquant une colline dénudée au
milieu d'autres plus arborées.
En mars 2019, une audience est organisée pendant deux jours dans un gymnase de Gallup par l'UNC, en collaboration avec la NRC (Nuclear Regulatory Commission). Le but de cette rencontre Présenter le dernier projet de déplacement des déchets radioactifs. Sur les fascicules distribués aux participants, la société se vante d'avoir déjà retiré près de 200 000 tonnes de déchets, de les avoir stockés de manière sûre et d'oeuvrer pour que le reste soit déplacé dans les mêmes conditions. De petits graphiques détaillent le procédé pour les quatre années à venir. On y voit notamment un monticule marron passer de l'intérieur à l'extérieur de la réserve. Mais à quelques kilomètres à peine du lieu actuel de stockage. Le tout sera acheminé par camions bâchés pour ne pas semer des poussières radioactives entre le point A et le B. Puis recouvert d'un habillage pour contenir la pollution. Face à ces belles promesses, les habitants et les membres de l'association communautaire sont sur le pied de guerre pour s'assurer d'avoir enfin gain de cause.
Cancers en tout genre et maladies respiratoires
Le danger représenté par Church Rock ne se limite pas aux conséquences de l'accident du 16 juillet 1979. Pendant des années, de nombreux hommes et femmes ont travaillé à la mine et au moulin pour extraire le minerai et le transformer en «yellow cake», poudre jaune vif, produit final du procédé. Chacun ignore les dangers encourus par la manipulation de cette substance, et personne ne bénéficie d'équipement de protection. On ne compte plus ceux qui ont contracté des cancers en tout genre ou des maladies respiratoires, sans jamais avoir été fumeurs. Après quarante ans de lutte, les anciens employés de la mine suffoquent. Ils réclament justice, réparation et surtout l'achèvement de la dépollution.
Edith Hook, 70 ans, prend la parole. Les joues creusées, elle arbore un visage défait, reflet d'années de lutte et de maladie. Native de Church Rock, elle fut embauchée à la mine dans les années 1970, comme beaucoup de ses voisins. De même que ses collègues, elle ne s'équipait que d'un simple imperméable et de bottes en caoutchouc, et rentrait chez elle avec ses vêtements pleins de boue sans avoir pris soin de les nettoyer. Encore moins de les décontaminer. «Je n'ai travaillé que six ans avant d'être remerciée», explique-t-elle. Pourtant, cette poignée d'années au contact d'une matière chimique des plus redoutables, sans protection, aura raison de sa santé. Edith développe un lymphome qui mettra longtemps à être soigné. «Les risques cancérogènes de l'uranium n'ont été réellement reconnus que dans les années 1980», explique Paul Robinson, de l'Uranium Impact.
Lutter pour les générations futures
Aujourd'hui, Edith et ses amis n'ont plus beaucoup d'espoir quant à la reconnaissance de leur souffrance où au versement de potentielles indemnités. Si elle continue à militer, «c'est pour les générations futures, précise-t-elle. Nous sommes ici chez nous, et, même s'ils souhaitent nous voir quitter la réserve, nous ne les laisserons pas gagner». Sa modeste maison en préfabriqué est en effet située au pied de l'ancienne mine. Dans un décor époustouflant où l'ocre de la pierre se mêle au bleu azur du ciel. Edith y vit avec son mari, ils élèvent leurs petits-enfants. Outre la lutte pour la décontamination du site, elle passe beaucoup de temps à jardiner et à nettoyer les déchets abandonnés dans la nature par des passants négligents.
Protéger la terre mère, un devoir sacré pour les Navajos
A quelques centaines de mètres, l'habitation d'Annie Benally est, elle aussi, aux premières loges. Constituée de trois pièces spacieuses, elle abrite l'Américaine de 62 ans et ses trois petits-enfants. A l'extérieur, des poules caquettent à l'ombre d'un arbre et, dans un champ, quelques vaches noires broutent paisiblement au soleil. «Ce sont les miennes», lance fièrement Annie. Même si des taches orange sont récemment apparues sur ses bras Edith en est aussi victime , elle n'a pas non plus prévu de céder face aux alléchantes propositions de relogement du gouvernement. Pour elle, lever le camp aboutirait inexorablement à une reprise des activités de la mine ou à l'abandon des déchets radioactifs. Impossible de l'envisager. «Tous les jours, je passe devant cette cheminée industrielle et ça me rend plus forte pour protéger la terre mère. C'est notre devoir. Nous sommes toujours debout et nous nous battons pour toutes les communautés», répète Annie, comme une incantation. Quand la mine a ouvert, elle avait une vingtaine d'années. Pour 6 dollars de l'heure, elle se fait embaucher. Habitant à quelques centaines de mètres du site, c'était pratique.
A l'arrêt de l'activité, Annie commence à travailler à l'hôpital indien de Gallup. Elle y voit défiler ses anciens collègues. Certains ne ressortiront pas de l'hôpital. A cette époque, Annie réalise alors que la dangerosité de leur travail a été minimisée. Elle se refuse à passer des tests. «Je ne veux pas savoir si je suis malade ou pas, je préfère me concentrer sur la décontamination du site pour que mes petits-enfants puissent en hériter et y vivre même quand on ne sera plus là.»
Retour au gymnase de Gallup. D'autres habitants de Church Rock prennent tour à tour la parole avec une émotion palpable, laissant parfois échapper leurs larmes. Venus de Washington DC, des fonctionnaires écoutent à peine, confortablement assis au fond de la salle, les yeux rivés sur leurs téléphones portables. Face à si peu de considération, Annie bondit de sa chaise. «Vous devriez être au premier rang et agir avec nous! s'énerve-t-elle. On dirait vraiment que vous n'en avez rien à faire de ce qu'on vous raconte.» Tonnerre d'applaudissements.
Plus résignée, Terry Cita, mère de quatre enfants, a récemment accepté l'offre de relogement en dehors de la réserve. Elle a élu domicile dans une spacieuse maison toute équipée des hauteurs de Gallup. Moquette, grand volume et vue magnifique. Hors de question de faire courir des risques à sa famille plus longtemps. «J'ai fait de nombreuses fausses couches et un de mes fils est né avec un souffle au coeur, donc je voulais protéger les autres», admet Terry. En plus des fausses couches, elle a multiplié les problèmes respiratoires et souffert de démangeaisons cutanées.
Dans les années 2000, on lui découvre un virus pouvant aboutir à un cancer des cervicales. L'équipe médicale tente des traitements qui finissent par en venir à bout. «Je ne sais pas comment j'aurais accusé le coup si la maladie s'était déclarée, reconnaît Terry. Elle marque une courte pause, regarde sa petite dernière s'amusant avec ses jouets. «De toute façon, c'est simple, quand nous habitions là-bas, les problèmes de santé étaient récurrents.»
A Gallup, Leona Morgan, la trentaine, port de tête haut et démarche assurée, se présente au pupitre avec le dossier de la NRC sur le projet de nettoyage de la réserve. Depuis sa première manifestation en 2012 à Washington, Leona est sur tous les fronts contre le nucléaire. Elle décortique chaque page et pointe des incohérences. «Vous prévoyez de déplacer les déchets de 1 mile juste pour les stocker en dehors de la réserve, mais quelles garanties avons-nous que le couvercle prévu pour un siècle résistera au temps et aux intempéries» questionne-t-elle. Autre sujet embarrassant: le stockage prévu par-dessus un premier tas de déchets enfouis dans le sol. Ainsi disposés, ils infiltreront les terres et atteindront la nappe phréatique. La pollution ne sera donc en rien endiguée. Leona militait initialement aux côtés de Larry King avec l'association Endaum (Eastern Navajo Diné Against Uranium Mining) qui a précédé la Red Water Pond Road Community Association. La mine de Church Rock et ses méfaits, elle les connaît sur le bout des doigts. Son implication contre le nucléaire trouve son origine dans la défense du mont Taylor, sacré pour les Navajos, près duquel une mine, toujours en activité, a été ouverte. «Puis j'ai entendu que ça touchait ma région, et donc je me suis investie dans la défense de ma famille.»
Parmi les siens, beaucoup ont développé des cancers. Comme Terry et d'autres, ils avaient toujours vécu dans la région contaminée, sans avoir travaillé à la mine. Nul doute, l'extraction d'uranium affecte beaucoup plus de personnes que les seuls employés des entreprises concernées.
Pour faire vivre leur culture malgré tout, la transmettre aux jeunes générations, les Navajos organisent de nombreux « pow-wow ».
Une nation marquée par l'histoire et les matières premières
La Nation navajo, appelée aussi Nation diné, est la plus grande réserve amérindienne des Etats-Unis. Sa superficie, plus importante que 10 des 50 Etats américains, est de 71 000 kilomètres carrés (un peu plus que l'Irlande) pour environ 170 000 habitants. Ce territoire semi-automne s'étend du sud de l'Utah au nord-ouest du Nouveau-Mexique. Il a officiellement été créé en 1868, après la «Long Walk», au cours de laquelle les Indiens navajos ont été contraints de parcourir plus de 500 kilomètres à travers le désert d'Arizona. Une déportation qui fit des centaines de victimes. Au terme d'années d'enfermement et de marches forcées, le gouvernement américain a finalement accordé une terre à ce peuple amérindien.
En 1921, on y découvre du pétrole, et des droits d'exploitation sont imposés. Puis en 1944, sur le même principe, des mines d'uranium sont ouvertes (plus d'un millier dans la réserve), fermées pour la plupart dans les années 1980. Plus de 500 seraient toujours laissées à l'abandon.
En France aussi, un scandale d'Etat
Entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et 2001, pour son programme nucléaire militaire puis civil, la France a extrait 52 millions de tonnes de minerai de son sol, pour 76 000 tonnes d'uranium. Des centaines de mines, réparties sur 27 départements, ont été exploitées, générant des dizaines de millions de tonnes de déchets radioactifs, et la pollution de l'air, de l'eau, des sols.
Des riverains exposés à des doses de radiation très supérieures aux normes sanitaires
A la fin des années 1990, le laboratoire de la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) a effectué une étude sur plusieurs sites et constaté une situation alarmante: présence de déchets miniers radioactifs sur le domaine public (cour d'école, parking de foyer de ski de fond, maison d'habitation, lieu de travail), pollution de réserves en eau potable, comme celle de Limoges, ou de certains plans d'eau de loisirs (Saint-Pierre dans le Cantal, Saint-Pardoux en Haute-Vienne). Les chercheurs ont détecté une exposition des riverains à des doses de radiation très supérieures aux normes sanitaires. Il a aussi été rapporté que le dispositif d'autocontrôle sous-estimait fortement les risques.
Pour faire pression, la Criirad a été à l'origine d'une médiatisation du dossier, en particulier en 2009, ce qui a conduit à un certain nombre d'avancées. Mais aucune solution satisfaisante n'est proposée pour contenir les écoulements contaminés de mines pourtant fermées depuis quarante ans (site des Bois Noirs, dans la Loire) ou garantir le confinement de résidus d'extraction d'uranium. Toujours selon la commission, il s'agirait d'un héritage empoisonné pour des milliards d'années.
"La pollution à l'uranium est éternelle : 4,5 milliards d'années!"
Paris Match. Quels sont les risques liés
à l'extraction du minerai ?
Bruno Chareyron. L'uranium est un métal
radioactif qui est accompagné d'une dizaine d'autres substances
radioactives, dont certaines sont très radiotoxiques par
inhalation et ou par ingestion. L'extraction du minerai provoque
la dispersion de ces substances dans l'air, les eaux, les sols
et la chaîne alimentaire. Cela entraîne des risques
sanitaires (cancers, en particulier) pour les travailleurs exposés
mais aussi pour les riverains, y compris des décennies
après la fermeture des mines. L'uranium a une période
physique de 4,5 milliards d'années. Il s'agit d'une pollution
durable.
Pourquoi, selon vous, les mineurs n'ont-ils
pas été informés des risques encourus et
n'ont-ils pas été équipés ?
Pendant trop longtemps, les Etats, les experts officiels et les
industriels ont négligé les dangers liés
à la radioactivité, et en particulier à la
radioactivité d'origine naturelle. A la fois par ignorance
(dans certains cas) et par désinvolture (dans d'autres
cas), car protéger correctement les travailleurs a un coût
et n'est manifestement pas toujours la priorité. Idem dans
le scandale de l'amiante.
Qu'en est-il des sites désormais
fermés ?
Ils sont rarement "réaménagés"
de manière satisfaisante. On constate en France des situations
anormales de pollution radioactive des eaux, de l'air, des sols,
y compris au plus près des habitations.
Quelle serait la solution ?
Que toutes les matières radioactives (déchets solides,
liquides, sols et outillages contaminés) soient identifiées,
récupérées, reconditionnées et stockées
sur des sites spécifiques avec confinement garanti pendant
des durées considérables. C'est quasi insoluble.
Il aurait été préférable de laisser
l'uranium dans le sous-sol.
Louise Audibert
Discussions du 10 juillet 2019 avec Petuuche Gilbert:
Le 3 juin 2019, à l'initiative de
Daniel, les Amis de la Terre en Savoie organisaient au cinéma
Victoria à Aix les Bains une projection du film « Le
couvercle du soleil ». Daniel avait invité Sonia
et Kurumi, représentantes de l'association « Nos
voisins lointains 3.11 », à animer un débat
après la projection du film. C'est à cette occasion
que Kurumi nous informa de la visite en France de Petuuche Gilbert,
militant opposé aux mines d'uranium et à l'enfouissement
des déchets nucléaires au Nouveau Mexique. Le 10
juillet, nous avons été invités par Kurumi
à Miribel les Echelles, au pied du massif de la Chartreuse,
pour une discussion avec Petuuche. En voici un résumé.
Petuuche fait partie du peuple Acoma Pueblo du Nouveau Mexique
et vit à Sky City à proximité du Mont Taylor
qui est « la montagne sacrée » de
plusieurs peuples autochtones du district de Grants.
C'est dans cette région du Nouveau-Mexique qu'a été
fabriquée et testée la première bombe atomique (Trinity) le 16 juillet 1945 à
Alamogordo. L'uranium nécessaire à sa fabrication
venait alors du Canada et plus précisément du Saskatchewan
(les Etats-Unis ont réalisé plus de 200 « essais »
atmosphériques de bombes atomiques entre 1945 et 1962 et
plus de 1 000 essais au total dont deux en souterrain au Nouveau-Mexique
et dans le Colorado).
C'est aussi dans le sud-ouest des
Etats-Unis, et dans une quinzaine d'états dont ceux dits
« des 4 coins » (Nouveau-Mexique, Utah,
Colorado, Arizona), qu'ont été exploitées
près de 15 000 mines d'uranium entre 1940 et la fin des
années 1990. Ces mines et les usines de traitement de minerai
d'uranium servaient alors l'industrie des armes atomiques et du
nucléaire « civil ». Les compagnies
minières employaient principalement des autochtones, pas
ou mal protégés, exposés aux émanations
de radon et qui ramenaient avec leurs vêtements des particules
radioactives dans leurs habitations. Les mines sont désormais
fermées et ont été abandonnées par
les compagnies minières qui, pour la plupart, ont disparu.
Les peuples indiens Pueblos, Navajo, Apaches, habitent dans les
zones où la concentration de mines abandonnées est
la plus forte.
A côté des mines et des usines de traitement de minerai
ont été stockés des déchets radioactifs,
solides et liquides. Le 16 juillet 1979, à Church Rock
au Nouveau Mexique, la digue du bassin de décantation de
l'usine de traitement de minerai céda et contamina une
rivière et la nappe phréatique.
Cet accident est considéré comme ayant entraîné
le plus fort relâchement de radioactivité dans l'environnement
aux Etats-Unis (en tous cas plus que l'accident de Three Mile Island survenu quelques mois auparavant).
Chaque année le 16 juillet est organisée une commémoration
de cet accident.
En France un incident similaire s'est produit sur l'ancien site
minier des « Bois Noirs » à Saint
Priest La Prugne (département de La Loire) avec pollution de la rivière La Besbre.
L'explosion atomique de 1945 à Alamogordo, l'extraction
de l'uranium, le traitement du minerai, les transports de minerai
concentré (yellow cake), les stockages de déchets
miniers et des usines de traitement du minerai, ont disséminé
dans l'air et dans l'eau des produits chimiquement toxiques et
radiotoxiques. Les sols, les plantes et les aquifères sont
contaminés. La santé des habitants, principalement
des peuples indigènes, est durablement affectée.
Les femmes, les enfants et les bébés sont plus particulièrement
touchés. Les principales maladies sont des maladies du
sang, des maladies cardiovasculaires, des maladies génétiques
et des cancers. Mais l'Etat du Nouveau-Mexique n'a diligenté
aucune étude scientifique et épidémiologique
sur les conséquences de l'exploitation des mines et usines
de traitement du minerai d'uranium. Certains pensent qu'il n'y
a pas de problème et qu'il est donc possible d'ouvrir de
nouvelles mines. Pourtant il y a de nombreux témoignages
de victimes de l'uranium et notamment à l'occasion du festival international du film sur l'uranium
organisé depuis 2011 dans différentes villes du
monde.
Actuellement il n'y a plus de mine, ni d'usine de traitement de
minerai d'uranium en activité au Nouveau Mexique. Mais
il y a un projet de nouvelle mine, « Roca Honda »,
à proximité du Mont Taylor (montagne sacrée
pour les indiens). Ce projet était mené à
l'origine par un groupement de deux entreprises, une canadienne
et l'autre japonaise. L'entreprise japonaise Sumitomo a abandonné
le projet suite à la visite au Japon d'une délégation
d'habitants du Nouveau-Mexique opposés au projet.
Celui-ci est assez avancé, l'étude d'impact a été
réalisée en 2011-2012 et le dossier soumis aux autorités
fédérales (voir le site internet de la compagnie
actuellement à la tête du projet : http://www.energyfuels.com/).
Deux autres compagnies ont des projets de mine dans la même
région, notamment près du Grand Canyon en Arizona,
mais le prix de l'uranium est trop bas actuellement pour les réaliser.
La communauté indigène (19 peuples concernés)
est mobilisée pour préserver le site du Mont Taylor
qui est considéré comme propriété
culturelle traditionnelle (TCP). Le Rio San José est aussi
considéré comme « rivière sacrée ».
Le Mont Taylor produit de l'eau potable depuis une seule source
qui coule toute l'année. Il y a des manifestations de la
communauté indigène contre le projet de mine et
pour protéger le Mont Taylor et le Rio San José.
La gouverneure actuelle du Nouveau-Mexique est opposée
au projet mais le gouvernement fédéral est pour.
Trump veut relancer l'exploitation de mines d'uranium aux Etats-Unis
et interdire l'importation. En 2009 l'uranium utilisé aux
Etats-Unis venait, par ordre d'importance, d'Australie, du Canada,
de Russie, des Etats-Unis, de Namibie, du Kazakstan, du Niger,
d'Ouzbekistan. Mais comme les cours actuels sont très bas
produire aux Etats-Unis coûtera plus cher et le nucléaire
sera encore moins compétitif par rapport aux autres énergies,
renouvelables et gaz de schiste. La motivation de Trump semble
être essentiellement nationaliste et militaire.
A l'autre bout de la chaîne, deux centres de stockages de
déchets à très haute activité (combustibles
usés) sont prévus au Texas et au Nouveau-Mexique.
En effet, après l'échec de Yucca Moutain à côté de
Las Vegas, le gouvernement cherche un site pour stocker définitivement
ces déchets et en attendant un site d'entreposage pour
100 ans.
Les combustibles usés, après refroidissement en
piscines, sont actuellement stockés à sec à
proximité des centrales dans des enveloppes métalliques
enrobées de béton.
Cela conduit à des conflits entre les antinucléaires,
ceux de Californie par exemple ne veulent pas conserver les combustibles
usés à proximité des centrales et ceux du
Nouveau-Mexique ne veulent pas de l'enfouissement.
Le projet au Texas près de la ville d'Eunice est développé
par la compagnie WCS (Waste Controls Specialists). Le projet au
Nouveau-Mexique, entre les villes de Carlsbad et Hobs, est développé
par la compagnie HOLTEC
International, spécialisée dans la « décontamination »
après arrêt définitif des réacteurs
et dans le démantèlement.
Cette compagnie achète actuellement des centrales nucléaires
en fonctionnement ou définitivement arrêtées
(il y a 99 réacteurs nucléaires en fonctionnement
aux Etats-Unis). C'est également cette compagnie qui développe
le concept de « Small Modular Reactor ».
Une association mondiale des peuples indigènes est intervenue
à trois reprises auprès de l'ONU pour s'opposer
à ces projets sous l'angle :
- des droits civiques et politiques,
- des discriminations raciales,
- des droits politiques universels.
Dans les 3 cas l'assemblée de l'ONU a demandé au
gouvernement américain de respecter ces droits (mais que
respecte le gouvernement américain?).
Il serait sans doute possible de saisir également l'UNESCO
sous l'angle de la préservation du patrimoine culturel
mondial.
Petuuche nous indique qu'avec l'extraction du charbon de l'uranium
est aussi ramené à la surface et les mineurs exposés
à la radioactivité. Par ailleurs les nouvelles techniques
de fracturation pour l'extraction de pétroles et gaz de
schiste utilisent des charges explosives à l'uranium appauvri.
L'eau utilisée pour réaliser les forages puis remontée
à la surface est contaminée.
Conclusion de Petuuche : Du fait de notre relation
sacrée à la Terre Mère, quand la santé
de la terre est respectée la vie de tous les peuples l'est
également. Nous sommes tous des peuples indigènes.
Traduction et photos Christine Prat:
Petuuche Gilbert expliqua comment l'uranium s'introduisait dans l'organisme. "Que ce soit par la peau, les cheveux, ou en buvant. Les ouvriers qui travaillaient dans les usines de traitement pour broyer le minerai, avaient de la poussière d'uranium dans leurs vêtements." A l'époque, les ouvriers Autochtones, principalement Navajos, n'avaient aucune protection, ni masque ni combinaison. "Ils ramenaient leurs vêtements chez eux, ça contaminait leurs femmes et leurs enfants, et, bien sûr, leur maison." "En plus, le minerai d'uranium produit du gaz radon." Le radon est un gaz produit dans les mines d'uranium, dès que l'uranium est remué et entre en contact avec l'air. Le radon a une existence très courte, moins de 3 jours, après quoi il se change en infimes particules, appelées 'les filles du radon', qui sont assez fines pour pénétrer les poumons et d'autres organes très profondément. "Ensuite, après que l'uranium ait été transformé en 'yellow cake', les déchets se retrouvent entassés à proximité. L'uranium nuit à la santé, les radiations nuisent à la santé. Et il est dit que quand l'uranium s'introduit dans l'organisme, ça peut prendre beaucoup d'années avant que des maladies, comme différentes sortes de cancer, ne se déclarent. Et si l'uranium est laissé sur le sol, ou après des tests de bombes atomiques, ça continue d'affecter l'environnement et les gens 50 ans après. Actuellement, ils font des tests sur des femmes et des bébés, qui montrent qu'il y a de l'uranium dans leur sang et leur urine. L'uranium cause toutes sortes de maladies." "Les gens qui vivent à proximité des zones, les gens eux-mêmes, ont dit de quoi ils souffraient : de cancers des poumons et des os, de leucémie, de maladies des reins, de maladies cardiaques, de tension trop haute, de diabète, de maladies auto-immunes ; conséquences de l'uranium et des produits chimiques utilisés pour séparer l'uranium de la roche. Beaucoup de gens ont eu des problèmes pulmonaires, ou de thyroïde, de reins, d'estomac, etc. à cause de ce qu'ils respiraient." "Certaines de ces usines étaient à 100 m des maisons. Les gens qui vivaient dans les villages autour de l'usine ont eux-mêmes établi une carte qui montrait combien de gens de la région étaient morts de cancers."
White Mesa - Utah (usine de traitement de l'uranium).
Aux Etats-Unis, il n'y a plus qu'une
usine de traitement, où ils produisent le 'yellow cake',
elle se trouve dans l'Utah. Autrefois, près des mines d'uranium,
il y avait cinq usines de traitement, pour le minerai d'uranium,
pour faire le 'yellow cake'. A l'époque, quand on extrayait
l'uranium, il fallait qu'il y ait des usines de traitement.
Dans la région de Cameron, dans la Nation Navajo, les gens n'avaient pas d'autre eau que celle des puits irradiés. Même après qu'ils s'en soient aperçus, ils ne pouvaient pas vivre sans eau, dans un climat désertique. Il y a quelques années encore, les endroits radioactifs n'étaient pas indiqués, et des enfants jouaient dans des déchets d'uranium. Petuuche ajoute "Même après des décennies d'extraction d'uranium, la radioactivité nuit toujours aux gens. Le gouvernement des Etats-Unis et l'état du Nouveau-Mexique n'ont jamais fait d'études sérieuses sur la santé des gens touchés. Alors, aujourd'hui, il n'y a toujours pas d'études scientifiques fiables qui montrent comment et pourquoi les gens meurent de cancers."
Actuellement, des compagnies minières
présentent de nouveaux projets d'extraction d'uranium dans
la région. "C'est ce
contre quoi nous nous battons" dit Petuuche. "Etant
donné qu'il n'y a pas d'études sanitaires montrant
que l'extraction et le traitement d'uranium nuisent à la
santé et à l'environnement, certains trouvent très
bien de rouvrir des mines d'uranium, parce que les gens veulent
de l'argent et du travail."
"Cette compagnie [Strathmore] est l'une de celles
qui veulent exploiter de nouvelles mines d'uranium : le projet
s'appelle Roca Honda. Ainsi, depuis dix ans, ils ont mené
une étude, gouvernementale, pour s'approprier cette nouvelle
mine. A l'époque, la firme Sumitomo, du Japon, possédait
environs 40% de la mine Roca Honda. Puis nous sommes allés
au Japon, et nous leur avons dit que nous nous opposions à
ce qu'ils soient propriétaires de cette mine. Finalement,
Les Japonais ont vendu leurs intérêts. Mais le gouvernement
des Etats-Unis, qui est propriétaire du terrain où
la mine Roca Honda sera construite, ont réussi à
faire dire au Service des Forêts des Etats-Unis, qu'il allait
accorder un permis pour la mine. Mais il y a encore deux autres
mines d'uranium qu'ils veulent exploiter, dans le même secteur.
Et la seule raison pour laquelle ils n'extraient pas d'uranium
aujourd'hui, c'est que le cours de l'uranium est trop bas. Pour
ma tribu, c'est sur notre territoire et la mine sera là,
sur la portion gérée par le Service des Forêts.
C'est sur le flanc ouest de notre Montagne Sacrée, le Mont Taylor." "Cette montagne n'est pas seulement
sacrée pour notre tribu, elle l'est aussi pour les Navajos,
les Zuni, les Laguna et les 19 autres tribus du Nouveau-Mexique.
C'est pourquoi les tribus l'appellent une Propriété
Culturelle Traditionnelle, TCP." [Ce statut est reconnu
par la loi Américaine]. "Ça n'empêche
pas l'extraction minière, mais ça nous donne un
siège à la table de négociations. Toutes
les terres autour, sont des territoires Autochtones. Cette montagne,
le Mont Taylor, produit de l'eau, qui vient de ses sources,
[qui coulent dans le Rio San Jose]. C'est la seule eau qui
coule chaque jour de chaque année. Et c'est une toute petite
rivière. C'est de l'eau sacrée. Alors nous continuons
de nous battre pour protéger ce peu d'eau que nous avons".
"Un autre exemple est la mine qu'ils veulent exploiter près du Grand Canyon." Ça concerne directement les Havasupai, qui vivent au fond du Grand Canyon et vivent de l'eau des sources qui s'y jettent.
Et pour eux, Red Butte juste à côté de la mine est leur Montagne Sacrée. Mais les Hopi et d'autres tribus se sentent aussi concernés par cette région. Petuuche dit "Ils ont beaucoup d'amis dans tout les Etats-Unis, qui protègent le Grand Canyon et disent 'Non aux mines d'uranium'. Le Président Obama avait gelé l'extraction d'uranium dans la région du Grand Canyon, mais le Président Donald Trump l'a à nouveau autorisée."
"Aujourd'hui, nous nous battons au
Nouveau-Mexique, où ils veulent entreposer les déchets
des centrales nucléaires au Nouveau-Mexique et au Texas.
Le nom sur le t-shirt que je porte, est celui de la compagnie,
Holtec International. Ils travaillent avec une compagnie Canadienne.
Ils sont du New-Jersey, et ils achètent des centrales pour
récupérer les déchets. C'est pourquoi ils
se sont intéressés à Yucca Mountain, mais
l'état du Nevada n'en veut pas. Alors, ils cherchent toujours
un endroit, et disent qu'ils veulent un site de stockage temporaire,
temporaire pour 10 ou 150 ans ! L'un de ces sites est au Nouveau-Mexique."
Le Monde, 3 avril 2014:
Le groupe américain Anadarko a accepté de payer cette amende après qu'une de ses filiale a abandonné sans les décontaminer des dizaines de sites dans l'ensemble des Etats-Unis.
Une filiale du groupe américaine
Anadarko est accusée d'avoir, pendant près d'un
siècle, abandonné sans les décontaminer des
dizaines de sites dans l'ensemble des Etats-Unis.
Le groupe pétrolier américain Anadarko a accepté de payer 5,15 milliards de dollars (3,7 milliards d'euros), dont 4,4 milliards pour décontaminer des sites pollués que sa filiale avait abandonnés et tenté de dissimuler à travers une réorganisation frauduleuse.
La société pétrochimique Kerr-McGee, filiale d'Anadarko, « a laissé, durant presque un siècle, un paysage de contamination et de désastre environnemental dans son sillage », a fustigé le procureur fédéral de New York, Preet Bharara.
Kerr-McGee est accusée d'avoir, pendant quatre-vingt-cinq ans, abandonné sans les décontaminer des dizaines de sites d'exploitation dans l'ensemble du pays, certains ayant été « dangereusement » pollués par des substances radioactives comme l'uranium et le thorium, d'autres par des toxines ayant pénétré des terrains et de l'eau.
« DES PILES DE DÉCHETS RADIOACTIFS »
« Il s'agit du plus important redressement judiciaire pour le nettoyage d'une contamination de l'environnement de l'histoire du ministère de la justice », s'est félicité James Cole, ministre adjoint de la justice américain. « Nous croyons à un principe très simple : si vous semez la pagaille, vous nettoyez derrière vous », a ajouté Cynthia Giles, administratrice adjointe de l'Agence fédérale de protection de l'environnement (EPA).
Des travailleurs Navajo dans
une mine d'uranium de Kerr-McGee, en 1953.
La nation amérindienne Navajo en porte un lourd tribut, a ajouté le procureur de New York. Kerr-McGee a laissé « des piles de déchets radioactifs » sur les terrains où ils vivent, chassent et organisent leurs cérémonies religieuses. Leur eau potable et celle bue par le bétail sont polluées et les enfants navajos sont alertés des dangers de nager dans les eaux contaminées. Mais au lieu d'honorer ses « responsabilités légales » et de s'engager dans la décontamination, Kerr-McGee a tenté de « laisser une gigantesque note de nettoyage aux contribuables américains », à travers « une réorganisation complexe en plusieurs étapes », a encore expliqué M. Cole.
« DISSIMULATION FRAUDULEUSE »
Dans un premier temps, Kerr-McGee a transmis ses milliards de dettes environnementales à la société Tronox, qui a fini par faire faillite en 2009. Dans le même temps, Kerr-McGee, débarrassée de ses obligations en matière de décontamination, a continué à faire fructifier ses avoirs dans le pétrole et le gaz et a été rachetée en 2006 par Anadarko pour 18 milliards de dollars, ont accusé les autorités. Mais le tribunal des faillites a découvert la « dissimulation frauduleuse », selon M. Cole, et, le 13 décembre, un juge new-yorkais a estimé qu'Anadarko avait orchestré la réorganisation de Kerr-McGee, afin de se défausser sur elle de toutes ses obligations environnementales.
« Cette affaire est bien plus que la résolution d'un simple cas de faillite », a estimé M. Cole, elle représente « une nouvelle étape cruciale dans nos efforts pour combattre la mauvaise conduite des entreprises ».
Pour Anadarko, « cet accord fait disparaître l'incertitude que ce contentieux a engendrée et l'argent va servir à financer les travaux de dépollution », a commenté le PDG du groupe pétrolier, Al Walker, cité dans un communiqué.
Anadarko s'était toujours refusé à assumer ces responsabilités, jugeant que les dommages causés l'avaient été au début des années 2000, soit bien avant qu'il ne mette la main sur Kerr-McGee. Anadarko risquait une amende entre 5 et 14,5 milliards de dollars. Mais le ministre adjoint a assuré que les 5,15 milliards auxquels le groupe est condamné « seront suffisants » pour couvrir tous les dégâts environnementaux.
Les Echos, 14/2/2008:
Dans un éditorial, le « New York Times » tire la sonnette d'alarme : la nation navajo, la plus grande communauté indienne vivant aux Etats-Unis entre l'Arizona, le Nouveau-Mexique et l'Utah, est menacée par l'industrie nucléaire. Une compagnie minière vient de déposer une demande de permis pour une nouvelle mine d'uranium située au Nouveau-Mexique. Celle-ci a beau être prévue juste à l'extérieur des frontières d'une réserve indienne, elle est néanmoins considérée comme située dans ce qui est considéré comme le territoire navajo.
Pour le quotidien new-yorkais, « les autorités de tutelle de l'industrie ne doivent pas donner leur autorisation tant que les graves dommages, dus à d'anciennes activités minières, n'auront pas été totalement réparés ». Selon le journal, les habitants des terres navajos redoutent toujours les risques de radiation émis par plusieurs [centaines] de mines abandonnées à la fin de la guerre froide.
Les sociétés minières qui exploitaient ces mines n'ont jamais accepté leurs responsabilités de dépollution des sites, en dépit des risques de cancers et d'autres maladies liés à certains éléments toxiques contenus dans le minerai ramené à la surface. Le gouvernement fédéral s'est aussi comporté de « façon honteuse » face à ce que l'on peut appeler une « tragédie américaine », poursuit le journal. « Alarmés par l'augmentation du nombre de morts par cancer, les anciens des tribus indiennes avaient finalement interdit toutes les activités minières. » Mais jusqu'à présent, l'aide du gouvernement fédéral a consisté « au mieux à faire du saupoudrage », avec la fermeture hermétique de la moitié seulement des mines.
Le « New York Times » soutient
la demande faite par une commission de surveillance du Congrès
américain de lancer un plan sur cinq ans pour la décontamination
des sites. Le gouvernement fédéral, conclut le journal,
« doit faire face à ses responsabilités pour
recouvrir les mines et traiter tous les dangers. Le projet d'ouvrir
même une seule nouvelle mine - qui, bien entendu, pourrait
conduire à l'installation d'autres - n'est qu'une injure
de plus à ce qui a déjà été
fait ».
France-science.com, 29/10/2007:
Le comité sur la supervision et la réforme de l'administration a tenu une audition le 23 octobre sur la gestion par l'administration fédérale des conséquences des opérations d'extraction et de traitement du minerai d'uranium qui se sont déroulées sur le territoire Navajo de 1944 à 1986.
Afin d'alimenter ses besoins en uranium pendant les années de guerre froide, le gouvernement américain a loué des terrains riches en uranium situés sur les terres Navajo à des compagnies privées. Suite à une baisse du cours de l'uranium, ces activités diminuèrent petit à petit pour totalement s'arrêter dans les années 80. Les mines et les installations de traitement du minerai furent alors laissées à l'abandon sans que des dispositions particulières ne soient prises pour gérer les déchets. On recense aujourd'hui plus de 600 mines et 4 sites de traitements du minerai à l'intérieur ou à moins de 2km du territoire Navajo.
Sur les sites de traitements, les résidus du minerai ont été depuis recouverts d'argile et de roches, sans qu'aucun revêtement ne protège les nappes phréatiques situées en dessous. Les eaux souterraines sont aujourd'hui contaminées. En ce qui concerne les mines et les tas de déchets associés, beaucoup de puits ont été scellés mais une seule mine a fait l'objet d'une évaluation sanitaire et environnementale suffisamment poussée pour être en accord avec les normes du programme Superfund de l'Environmental Protection Agency (programme de gestion et de réhabilitation des sites pollués dangereux).
L'exposition aux résidus de l'exploitation de l'uranium est dangereuse comme l'a expliqué lors de l'audition le Dr Brugge un professeur de Tufts University School of Medicine : le minerai d'uranium ramené à la surface contient divers éléments toxiques tel l'arsenic (à l'origine de cancers du poumon et de la peau et également neurotoxique), les produits de la désintégration de l'uranium, principalement le thorium et le radium qui sont tous les deux radioactifs (à l'origine de cancers des os et des sinus, ainsi que de leucémies). La désintégration radioactive du radium produit également le radon, un gaz radioactif pouvant causer un cancer du poumon. L'uranium en lui-même peut provoquer des dommages aux reins et des anomalies congénitales.
Le Department of Energy, dont un représentant témoignait devant le comité, a dépensé 137 millions de dollars pour nettoyer le sol des sites de traitements de minerais. Il dépense actuellement 3,26 millions de dollars par an pour nettoyer et protéger les eaux souterraines passant sous ces sites. L'U.S. EPA est également active dans la région et vient de finir, en 2007, une évaluation de l'étendue des contaminations dans la région. Cette étude est actuellement dans les mains de l'Environmental Protection Agency de la nation Navajo, afin qu'elle puisse déterminer, en prenant en compte les facteurs culturels, quels sont les sites prioritaires à traiter. L'EPA a également nettoyé un ensemble de 6 mines au début des années 1990 et plus récemment (cet été), a enlevé près de 5000 m3 de sols contaminés par le radium. Cependant ces actions sont, de l'avis des Représentants présents à l'audition et des membres de la nation Navajo qui témoignaient, tardifs et très insuffisants, et elles ne supportent pas la comparaison avec les actions entreprises par l'administration dans des cas similaires touchant des communautés non Navajo.
Le récit de leurs conditions de vie par les membres de la nation Navajo qui témoignaient devant le comité : maisons construites à partir de matériaux radioactifs, niveaux de radiation gamma et d'uranium jusqu'à 30 fois supérieurs aux normes dans certaines propriétés privées, enfants qui jouent au milieu des résidus, bétail qui pâture sur les sites des mines car ceux-ci sont mal isolés,... tranchent en effet avec les règles environnementales en vigueur dans le reste du pays. Les représentants Navajo ont appelé à une action immédiate et à un investissement d'au moins 500 millions de dollars pour nettoyer le territoire Navajo. Ils demandent également un moratoire sur toute nouvelle activité d'extraction de l'uranium jusqu'à ce que le territoire Navajo ait été nettoyé et les victimes de cette contamination indemnisées. Enfin une étude sanitaire complète sur l'exposition de la nation Navajo à l'uranium et ses effets serait souhaitable.
Plusieurs Représentants, dont le président du comité, Henry Waxman (Californie), se sont déclarés honteux de l'inaction de l'administration. Les représentants des diverses agences officielles impliquées : l'EPA, le DoE, l'U.S. Nuclear Regulatory Commission, l'Indian Health Service et le Bureau of Indian Affairs devront se concerter pour coordonner leurs actions et sont re-convoqués pour une réunion avec le président du comité le 12 décembre.
Rédacteur :
Elodie Pasco, deputy-envt.mst@ambafrance-us.org
Source :
"Hearing on the Health and Environmental Impacts of
Uranium Contamination in the Navajo Nation" House of
Representative, October 2007 lien vers les témoignages:
https://oversight.house.gov/story.asp?ID=1560
"Navajo seek funds to clear uranium contamination",
Los Angeles Times, 10/2007
https://www.latimes.com/features/health/la-na-navajo24oct24,1,1243068.story?ctrack=3&cset=true
Dossier du Los Angeles Times sur les mines d'uranium sur
le territoire Navajo, 11/2006
https://www.latimes.com/news/nationworld/nation/la-na-navajo-series,0,4515615.special?coll=la-home-headlines
La page web de l'EPA sur les mines d'uranium sur le territoire
Navajo :
https://yosemite.epa.gov/r9/sfund/overview.nsf/0/d502c488f1841dc488256aee007c11bc?OpenDocument
Libération, 6 décembre 1979:
Pieds nus sur la terre irradiée
Le Monde, 18 mai 1979:
New-York (A.F.P.). - Trois femmes et trois hommes sont enfermés depuis le mardi 15 mai après-midi dans une salle du tribunal d'Oklahoma-City (Oklahoma), pour délibérer sur un dossier de contamination au plutonium particulièrement mystérieux, l'affaire Karen Silkwood.
Après dix semaines de débats, qui ont vu défiler une centaine de témoins, ils doivent décider dans quelle mesure cette ancienne laborantine d'une usine nucléaire a été contaminée au plutonium par la faute de ses employeurs, quelques semaines avant de mourir dans un accident de voiture inexpliqué, en novembre 1974. Cette thèse est du moins celle des plaignants - la famille de Karen - qui ont mis cinq ans à faire aboutir le dossier, et réclament 11,5 millions de dollars de dommages et intérêts.
La version de l'employeur, la société Kerr-McGee, est différente : Karen Silkwood, qui était une " espionne et une intrigante ", s'est contaminée délibérément, en volant du plutonium dans l'usine. Karen Silkwood, âgée de vingt-huit ans à l'époque, était employée dans le laboratoire de l'usine de Crescente (Oklahoma) où l'on fabriquait des barres de combustible destinées aux centrales nucléaires. Début octobre 1974, elle apprenait qu'elle était contaminée par du plutonium, et atteinte d'un cancer généralisé. Quelques jours auparavant, elle avait porté plainte contre Kerr-McGee pour négligences graves dans la sécurité, et malfaçons dans la mise au point des barres de combustible.
Un rendez-vous avec un journaliste
De plus, elle avait rendez-vous avec un journaliste du New-York
Times le jour même de l'accident de voiture où elle
devait trouver la mort, le 13 novembre 1974.
S'est-elle endormie au volant avant d'aller
s'écraser sur un talus, comme le soutient la défense,
ou bien, comme l'affirme son syndicat, sa voiture a-t-elle été
poussée hors de la chaussée par un autre véhicule,
sur cette portion d'autoroute déserte, non loin de l'usine
? Une chose est certaine : aucun des documents qu'elle emportait
avec elle, pour les remettre au journaliste, n'a été
retrouvé.