En décernant au film " Le Sacrifice
" le prix du meilleur documentaire scientifique et d'environnement,
deux Festivals ont honoré les liquidateurs de Tchernobyl et mis en question la vérité
scientifique officielle sur les effets de la plus grande catastrophe
technologique de l'Histoire.
"Le sacrifice" (youtube) A voir absolument, le documentaire de 24 mn de Wladimir Tchertkoff (2003), prix du meilleur documentaire scientifique et d'environnement. Dans les mois qui suivirent la catastrophe de Tchernobyl,un million de liquidateurs ont été réquisitionnés pour tenter de confiner le réacteur en feu. Le témoignage de quelques-uns d'entre eux, la mort de la plupart dans l'indifférence générale. En format Windows Media Player: 251 kb (41 Mo) |
Le film " Le Sacrifice " sur les liquidateurs de Tchernobyl a reçu, en novembre 2004, le Prix du meilleur documentaire du FESTIVAL DU FILM D'ENVIRONNEMENT de la Région Ile de France. Au cours de la cérémonie de la remise des prix dans la grande salle du Conseil Régional à Paris, lecture a été donnée des motifs qui ont inspiré le choix du festival :
" Savoir d'où l'on vient, dans quel monde on vit. Un cinéaste est témoin du monde dans lequel il vit. A un instant donné, il est le reflet d'un environnement qui l'a construit, qui l'a façonné ou d'un environnement vers lequel il tend. Etre cinéaste c'est s'engager, c'est être quelque part, avoir un passé, une histoire propre. Chaque film est le reflet d'une éducation, d'une culture, d'une politique, d'un refus ou d'un désir. L'important est de témoigner. Chaque film nous emmène dans des environnements différents qui nous bousculent, nous indignent, et ne nous laissent pas tranquille. "
Deux jours auparavant, le même film a reçu le prix du meilleur documentaire du Festival du Film Scientifique d'Oullins, A NOUS DE VOIR. Les intentions du festival, qui inaugurait une nouvelle formule avec l'édition de 2004, sont ainsi formulées:
Le cinéma scientifique est en perpétuelle évolution. Le festival, au travers de cette nouvelle forme de concours, souhaite ne plus être un simple lieu de validation de films, mais un chantier de réflexion.
L'équipe du festival A NOUS DE VOIR Science et cinéma, a choisi d'articuler cette 18ème édition autour de la notion de légitimité. [...] Ce que nous voudrions affirmer avant tout, c'est la légitimité de renouveler sans cesse le débat, de se poser des questions, d'impulser une appropriation sociale des réflexions entourant les thèmes de la science et de l'image.[...]
Il est d'abord question de la place de la science dans notre société, de cette idée diffuse qui laisserait aux scientifiques, souvent malgré eux, le " monopole du savoir légitime ", de la sacralité entourant le champ scientifique, lui conférant un pouvoir qui dépasse fréquemment le domaine de la connaissance. [...]
Sur le film de science lui-même, s'il
est conçu comme une courroie de transmission entre dépositaires
du savoir et les autres, comme legs d'une vérité
ontologique qu'il s'agirait d'absorber passivement, se pose également
un problème de légitimité, celle du mode
de transmission. Le film est légitime s'il est une création
assumée, s'il est pensé comme un regard porté
et sublimé, une oeuvre subjective offrant la possibilité
d'une remise en cause D'autant que le film possède, comme
toute oeuvre de création, le droit d'aborder tous les sujets
et la chance de le faire de toutes les manières possibles.
Pourquoi alors, lorsqu'il s'agit de science, la plupart des auteurs
de films documentaires abandonneraient-ils la possibilité
d'aborder ces sujets de manière sensible ? [...].
Oser le dialogue entre science et cinéma, comme deux procédés,
deux langages pour parler du monde qui nous entoure. Dans une
société qui réduit les crédits de
la recherche et de la création et oriente sa politique
scientifique et culturelle en fonction de critères marchands,
la culture scientifique, proposée comme un espace de (re)définition
collective de ce qui nous entoure nous semble plus que jamais
légitime.
Que dit le film ?
Le graphite et l'uranium répandus sur le toit de la centrale de Tchernobyl irradiaient jusqu'à 20 000 Roentgens/heure. Un morceau de graphite tenu entre les mains transmettait en une seconde et demie la dose accumulée pendant une vie entière, en condition de radioactivité naturelle. Un million d'hommes, appelés liquidateurs, ont été lancés contre le réacteur, pour le recouvrir avec un "sarcophage " improvisé en condition de radioactivité terrifiante, et pour effacer les conséquences de la catastrophe partout dans les territoires. Ils ont combattu les radionucléides à mains nues, avec des pelles et des jets d'eau. Des dizaines de milliers sont morts et continuent de mourir.
Les scientifiques soviétiques calculaient que, si l'incendie de Tchernobyl n'était pas éteint pour le 8 mai, le combustible nucléaire en fusion aurait percé la dalle de béton sous-jacente, serait précipité dans le bassin de refroidissement et aurait amorcé une explosion atomique vingt à cinquante fois supérieure à celle de Hiroshima. L'Europe aurait été inhabitable. Le 6 mai l'incendie était maîtrisé grâce au sacrifice extrême des liquidateurs. Mais ils ont été mal récompensés : la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie les ont abandonnés à eux- mêmes. L'Occident les ignore.
Les agences des Nations Unies, responsables de la santé et de la radioprotection, ne reconnaissent pas la cause radiologique des nouvelles pathologies dont souffrent et meurent les centaines de milliers de liquidateurs de Tchernobyl, abandonnés à eux-mêmes. Officiellement, la catastrophe n'a causé que 31 décès, dont 2 par traumatismes et un par arrêt cardiaque, 203 expositions à irradiations aiguës et 2000 cancers de la thyroïde facilement évitables chez les habitants des territoires contaminés. Cette trahison, commise et acceptée au plus haut niveau des institutions internationales, est rendue possible grâce à un pacte officiel d'omerta et à un tour de passe-passe pseudo-scientifique, qui consiste à identifier les effets de deux désastres atomiques majeurs, Hiroshima et Tchernobyl, qui n'ont en commun que le fait d'être atomiques.
Le pacte. Dans un film précédent, " Controverses nucléaires ", l'ex directeur général de l'Organisation Mondiale de la Santé, Hiroshi Nakajima, nous a révélé l'existence d'un conflit d'intérêts entre l'OMS et l'AIEA (Agence Internationale de l'Énergie Atomique), directement responsables de la gestion des conséquences de la catastrophe de Tchernobyl pour la santé des populations contaminées. Un accord signé en 1959 entre ces deux institutions spécialisées de l'ONU, empêche l'OMS d'agir librement dans le domaine nucléaire, si elle n'a pas l'assentiment de l'AIEA. Formée de physiciens et non de médecins, cette dernière, dont l'objectif principal est la promotion des centrales nucléaires dans le monde, est la seule agence qui dépende directement du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Elle impose son diktat à l'OMS, dont le but, exprimé au Chapitre I de sa Constitution, est pourtant " d'amener tous les peuples au niveau de santé le plus élevé possible ". Aucune recherche scientifique sérieuse n'est entreprise sur la corrélation entre la radioactivité et les pathologies nouvelles de Tchernobyl, sous le prétexte que les doses reçues par les personnes exposées seraient trop " faibles ". Elle est même entravée puisque le Professeur Bandajevsky, qui a consacré les recherches de son Institut à cette corrélation, s'est trouvé en prison. Aucune aide économique prophylactique et sanitaire sérieuse n'est apportée ni aux liquidateurs ni aux millions de personnes, qui vivent dans les territoires contaminés, en proie à une épidémie multiforme, qui croît d'année en année. Comment est-ce scientifiquement justifiable ?
Le tour de passe-passe " scientifique " consiste à utiliser l'expérience de Hiroshima pour expliquer Tchernobyl. Il est erroné de comparer ces deux désastres. Il n'y a pas eu d'explosion atomique à Tchernobyl. Tchernobyl a connu une explosion thermique et un incendie qui a duré 10 jours. Des tonnes d'éléments radioactifs ont été déversées sur les territoires au gré des vents et des pluies, dont certains ne disparaîtront qu'au bout de plusieurs siècles. Ils ont détruit la santé et la vie de centaines de milliers de jeunes hommes en pleine santé et contamineront les générations futures.
Pour comprendre la différence avec Hiroshima
il faut connaître les paramètres régnant dans
les explosions atomiques. Il existe plusieurs types d'explosion
selon l'altitude:
1. explosion souterraine ;
2. explosion sur la surface du sol (la plus polluante donnant
le maximum de retombées radioactives ou " fallout
") ;
3. explosion aérienne basse (entre le sol et l'altitude
égale au rayon de la boule de feu)
donnant du fallout local ;
4. explosion aérienne moyenne (cas de Hiroshima,
à 600 mètres) en altitude supérieure
au rayon de la boule de feu. Peu de fallout local ;
5. explosion à haute altitude, bien au-delà du rayon
de la boule de feu. Uniquement fallout mondial.
Il faut savoir en outre que dans une explosion atomique la température peut monter à 100 millions de degrés centigrades, soit beaucoup plus que dans le soleil, dont la surface a une température d'environ six mille degrés. Ceci a comme conséquence qu'une explosion atomique à altitude moyenne (Hiroshima) forme immédiatement une sorte de " cheminée de feu " avec évacuation vertigineuse deux fois la vitesse du son de la plus grande partie des éléments radioactifs vers la stratosphère, et leur dispersion à partir du " champignon " sur le reste du globe terrestre (avec retombées verticales minimes, sur le site, si on les compare à Tchernobyl).
Au Japon les Américains ont fait seulement la moitié du travail scientifique nécessaire pour connaître toutes les conséquences de l'explosion. Ils ont laissé passer 5 ans avant d'aller reconstruire les doses reçues par les cohortes de survivants de Hiroshima et de Nagasaki dans la minute de l'explosion. Ils ne se sont pas souciés de ce qui s'est passé dans les heures et les jours suivants, ni du sort des populations qui ont subi les retombées globales, dites " faibles ", au loin. C'est ainsi que le " modèle de Hiroshima " a été établi et circonscrit. C'est le seul qui existe officiellement pour reconnaître les pathologies causées par la radioactivité. Il ne considère que le flash de rayons gamma, suivi, une fraction de seconde plus tard, d'une chaleur intense et d'un souffle violent, qui n'ont rien de nucléaire.
Ainsi, Hiroshima et Tchernobyl ne sont pas comparables. Dans le premier cas il s'agit d'une très forte exposition externe au flash de rayons gamma, dans le second, d'une contamination à faibles doses incorporées dans l'organisme par ingestion et par inhalation de radionucléides et de particules chaudes (rayons alpha, bêta, gamma). Mais officiellement, le second cas n'existe pas pour la " science ". Hors des paramètres du " dogme Hiroshima ", pour le consortium atomique mondial, qui réunit Pentagone, Conseil de Sécurité, AIEA, UNSCEAR, CEA, OMS, aucune corrélation n'a été observée entre pathologies et radioactivité, : ni à la périphérie des deux villes japonaises pulvérisées, ni aux îles Bikini, ni à Tchernobyl, ni en Irak/1-Yougoslavie-Afghanistan-Irak/2 bombardés par l'uranium " appauvri ", ni évidemment sur toute la planète, suite aux centaines des tests d'armes nucléaires par explosions dans l'atmosphère. La corrélation n'a pas été observée, car elle n'a pas été cherchée. La science, si elle a étudié en secret (défense) les conséquences de ces calamités sur la santé et sur l'environnement, ne semble pas encore intentionnée, dans ses institutions officielles, à en faire bénéficier les populations de la planète. Pour les experts détenteurs du " savoir légitime " seules les doses très élevées du flash gamma sont pathogènes. A Tchernobyl, selon leur narration, la corrélation ne peut pas exister à priori, car les doses sont trop faibles.
Que disent les liquidateurs ?
Borovsky
Nous
décontaminions les villages. On décapait la terre
avec les pelles, on la chargeait sur les camions à la main.
Évidemment la poussière volait sur nous et nous
la respirions. En tant qu'officier, j'ai pu observer que les hommes
étaient conscients que c'était une tâche importante:
"Oui, nous sommes en train de sauver". Et nous comptions
que nous ne serions pas oubliés non plus. Mais il s'est
avéré que nous sommes inutiles. Nous sommes un poids.
Nous dérangeons parce que nous demandons. Nous demandons
simplement un traitement humain.
Groudino
Maintenant je suis déjà un invalide de seconde catégorie.
Les maladies sont si nombreuses qu'on ne peut pas les énumérer.
Comme un vieillard de 70 ans, à 35 ans.
Que dit le liquidateur Anatoli Saragovietz quelques mois avant de mourir, à l'age de 39
ans, treize ans après la catastrophe?
En novembre j'ai perdu la sensibilité de la main gauche,
puis du bras gauche, puis du côté gauche, puis les
jambes se sont paralysées. Ils
ne savaient pas quoi faire. Ils ne reconnaissaient pas la cause
radiologique. J'allais travailler. Je conduisais le trolleybus
et je ne disais rien, parce que je devais nourrir la famille.
Je conduisais avec une main et un pied. Jusqu'au jour où
j'ai perdu connaissance et on m'a amené à la maison.
Maintenant je ne peux pas marcher, les jambes ne marchent plus.
À la maison je me tiens au mur.
Je ne faisais que tomber, et tomber. Ma femme m'a dit: mets-toi dans le fauteuil roulant. Je m'y suis mis, et voilà. Je suis de fauteuil roulant. Un cauchemar. L'homme est fichu, c'est tout. Il ne reste qu'à se résigner à tout. L'âge est encore jeune, 38 ans. On peut même dire 60, quelle différence? Avant j'étais un homme. Avant je marchais. Avant je conduisais la voiture. Mais maintenant ni de ci, ni de là. Moi, désormais, je me suis résigné durant ces années de Tchernobyl.
Vodolajsky est mort. Migorok Klimovitch est mort. Lionka Zaturanov est mort. Bref, on est restés Kolka Verbytsky et moi. Des cinq qu'on était, je suis resté comme un corbeau blanc, un divers.
Anatoli Saragovetz s'est marié en 1983. Il a eu deux enfants, un garçon et une fille. En '86 il était déjà à Tchernobyl. Treize ans plus tard il mourait.
Sa veuve raconte.
Il est resté couché
six mois, après quoi il s'est décomposé vivant.
Tous ses tissus ont commencé à se décomposer,
au point que les os iliaques étaient visibles. Je le soignais
moi-même, en suivant les recommandations du médecin.
Jusqu'au moment où le coeur s'est arrêté.
Tout s'en allait Le dos tout entier les os étaient à nu. L'os de l'articulation du fémur pouvait être touché avec la main. J'introduisais ma main couverte d'un gant, et je désinfectais l'os. J'extrayais de là des résidus d'os qui s'en allaient, de l'os décomposé, pourri. Nous nous sommes adressés à tous ceux que nous pouvions interroger. Ils ont dit: "Nous ne connaissons pas cette maladie. Nous pouvons aider seulement à diminuer la souffrance". Devant cette décomposition de la moelle osseuse ils restaient interdits. Ils ne pouvaient pas aider.
Il demandait de mourir rapidement, pour que ces souffrances cessent. Il disait que ça faisait très mal Quand je le retournais d'un côté sur l'autre, parfois il serrait les dents, d'autres fois il gémissait. En réalité il ne criait pas, il supportait. Il avait une grande force de volonté.
Les évidences du film " Le Sacrifice " accusent la science officielle d'ignorance et d'omission de secours à personnes en danger. Nous savons par les déclarations du Dr. Hiroshi Nakajima (Conférence de Kiev, juin 2001), dont la Conférence internationale de 1995 sur les effets sanitaires de Tchernobyl a été censurée, que cette ignorance est intentionnelle. Pour ne pas compromettre la réputation de l'industrie atomique, le lobby nucléaire et la médecine officielle condamnent sciemment, depuis bientôt 20 ans, des centaines de milliers de cobayes humains à expérimenter dans leur corps des pathologies inconnues.
Il incombe aux profesionnels de l'information, de la culture, de la science et de la médecine d'inciter l'opinion publique mondiale à condamner ce crime et à exiger des gouvernements les financements nécessaires pour des recherches scientifiques et médicales indépendantes dignes de ce nom.
Les liquidateurs vont-ils avoir droit à l'attention et à la reconnaissance qu'ils méritent, aide aux familles pour ceux qui vivent encore, honneurs posthumes pour ceux qui sont morts dans des souffrances parfois atroces comme en font foi les trop rares témoignages qui viennent jusqu'à nous? Une reconnaissance de la part de l'Europe, qui a été menacée, qui est directement concernée par leur sacrifice?
Le jury du Festival d'Oullins a motivé en ces termes sa décision :
" Jean-Luc Godard demandait dans ses
théories du cinéma de la manière la plus
sérieuse :
Qu'est-ce que le cinéma ?
Et il répondait : Rien.
Puis : Que veut le cinéma ?
Et il répondait : Tout.
Enfin : Que peut le cinéma ?
Quelque chose.
Emanuela Andreoli et Wladimir Tchertkoff ont avec " Le Sacrifice
" réalisé un film bouleversant, qui nous a
incités à la fois à toute la réalité
du monde et à la vérité du cinéma.
Film hommage à Andrei Tarkovski, bien sûr, dont il
est le terrible avènement, mais surtout film s'obligeant
à déployer pendant ces 17 longues années
d'enquête la parole nue de témoins dont le corps
rongé par la maladie ne fera jamais effet de preuve dans
le réel.
Sans doute n'y a-t-il pas de plus juste témoignage de la
catastrophe nucléaire de Tchernobyl que cette spiritualisation
des corps ordinaires et de sujets anonymes. "
Emanuela Andreoli et Wladimir Tchertkoff,
ENFANTS DE TCHERNOBYL BELARUS,
association Loi 1901,
20 rue Principale, 68480 Biederthal (France)