Le Monde, 20/10/2009:
Depuis la terrasse du bâtiment d'accueil de la centrale de Tchernobyl, on voit des silhouettes s'activer au pied du sarcophage d'acier qui recouvre le réacteur n° 4 éventré lors de l'explosion du 26 avril 1986. "Ces ouvriers sondent la résistance du sol", explique Alexander Novikov, adjoint du directeur chargé de la sûreté de la centrale. Il invite à ne pas s'attarder en plein air : "Ici la radioactivité est soixante fois plus élevée que le niveau naturel."
Un dernier coup d'oeil pour distinguer les tranchées qui devront accueillir les rails sur lesquels glissera l'arche géante destinée à recouvrir le premier sarcophage construit à la hâte et au prix de la santé, parfois de la vie, de milliers de "liquidateurs" peu après la catastrophe. Mais en cette fin septembre, dans le désordre du chantier, nulle trace encore des pieux et fondations censés s'y trouver.
Mauvaises surprises
Il y a un an, une lettre interne de la société Vinci annonçait pour la fin 2009 l'érection des premiers tronçons de l'arche. A l'évidence, cet engagement sera difficile à tenir pour le groupe français qui, avec Bouygues, a constitué le consortium Novarka, chargé de concevoir et construire le second sarcophage. L'arche métallique, assemblée à l'écart du réacteur n°4 pour limiter les doses radioactives des ouvriers, devrait être poussée au-dessus du réacteur en 2012. Mais déjà le projet a pris du retard. Novarka ne souhaite pas s'en expliquer : "C'est le client, la centrale, qui centralise toutes les réponses."
Les raisons du retard semblent multiples. Sur le terrain, les équipes ont de mauvaises surprises. Lors du creusement des premières tranchées, les plus éloignées du réacteur, les engins ont buté sur des déchets et des outils très irradiants : "Notamment, un morceau de grue plus grand que cette salle, raconte Alexander Novikov. Chaque fois, il faut stopper le chantier, remplacer les ouvriers qui ont reçu en une fois la dose annuelle. Cela va devenir plus difficile à mesure qu'on s'approchera du réacteur."
A ces impondérables s'ajoutent les incertitudes sur le design final de l'arche. Pas question de prendre le moindre risque, après les déconvenues survenues en cours de construction du centre d'entreposage à sec des combustibles usés des trois réacteurs de Tchernobyl, dont le dernier a été stoppé en 2000. Framatome, chargé du projet, a dû payer des pénalités et passer la main à l'américain Holtec. Sans cet équipement, impossible de fermer définitivement la centrale, où les combustibles usés attendent dans diverses piscines.
"La construction du sarcophage redressera l'opinion défavorable que certains auraient pu avoir de l'ingénierie française, veut croire Andrei Selskiy, l'administrateur de la zone d'exclusion de Tchernobyl. Les décisions sur le concept général ont été prises, mais les options techniques concrètes ne sont pas toutes arrêtées. Elles devraient être soumises aux autorités avant la fin de l'année."
C'est aussi l'espoir de Vince Novak, responsable des questions nucléaires à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. La BERD a été chargée, en 1997, par le G7 et l'Union européenne, d'administrer un fonds permettant d'assurer la construction du second sarcophage. Pour M. Novak, "les retards sont sérieux, mais le projet n'est pas en train de sombrer".
Failles ouvertes
Quel sera le prix final de celui-ci ? La dernière estimation connue date de 2007. On tablait alors sur 0,93 milliard d'euros (1,39 milliard de dollars). A la fin mars 2008, le fonds avait reçu 765 millions d'euros - dont 52,4 de la France. Plus de 300 ont déjà été déboursés, notamment pour stabiliser le premier sarcophage et améliorer l'accueil des travailleurs. Mais l'addition totale n'est pas encore connue. "Elle sera fonction des cours des matières premières du moment, mais aussi de ceux des monnaies, indique M. Novak. Au printemps, nous serons en meilleure position pour préciser le prix. Et pour demander aux donateurs de donner plus."
A en croire les ingénieurs de la centrale, la carapace rafistolée du réacteur n° 4 peut encore attendre ce qu'ils appellent la "merveille du monde", l'arche de 250 mètres de long et 108 de haut. Selon Vladimir Koushtanov, adjoint au directeur chargé du projet de sarcophage, il ne reste plus que 150 mètres carrés environ de failles, ouvertes aux intempéries, dans cette enveloppe d'acier : "Les doses reçues pour les colmater ne seraient pas justifiées." Mille personnes sont intervenues, avec une dose moyenne inférieure à la limite d'exposition pour les travailleurs du nucléaire, assure-t-il. Mais tous les personnels ne font pas l'objet d'un suivi dosimétrique individuel "avant-après", "car ces contrôles coûtent très chers".
Le second sarcophage doit éviter ces
expositions humaines. Il sera assemblé dans une zone bétonnée,
où le niveau de rayonnement autorise une journée
de travail normale. Quand il sera en place, la partie la plus
délicate de l'opération débutera : la récupération,
grâce à des ponts roulants téléopérables,
du coeur fondu et des déchets radioactifs, pour les mettre
en stockage géologique, vers 2030. Reste-t-il encore 95
% des matériaux radioactifs initiaux dans les décombres,
ou bien moins, comme certains le prétendent
? "On ne pourra le dire qu'une fois l'opération terminée",
répond Andrei Selskiy.
25/9/2009 - Quelques ouvriers déblaient le terrain sur lequel doit être construit le nouveau sarcophage de Tchernobyl, sous la menace permanente de la radioactivité nichée dans le sol et dans le réacteur en ruines. Devant l'ampleur du défi, technique et environnemental, le chantier a déjà pris dix mois de retard. "On tombe parfois sur des sources très radioactives et tous les ouvriers doivent alors être remplacés" après avoir reçu en une seule fois le seuil annuel d'exposition admissible, explique Alexander Novikov, directeur technique adjoint chargé de la sûreté.
Le premier sarcophage, commencé dans les jours qui suivirent la plus grande catastrophe du nucléaire civil de l'histoire, le 26 avril 1986, a été achevé l'an dernier. Mais 150 m2 de trous restent impossibles à combler sans mettre des vies en danger. Le toit en tôle est déjà attaqué par la corrosion, laissant l'eau s'infiltrer à l'intérieur et contaminer davantage encore les sols.
L'appel d'offres pour la nouvelle enceinte de confinement, une grande arche de plus de 100 mètres de haut et d'un poids de 18.000 tonnes, a été remporté en 2007 par les sociétés françaises Bouygues et Vinci. Financé par un fonds international, le coût du chantier a été estimé à 1,3 milliard d'euros, dont 432 millions pour la seule arche.
La structure sera assemblée sur un terrain contigu au réacteur, puis glissée sur des rails afin de recouvrir le premier sarcophage, actuellement surplombé par une cheminée qui devra être enlevée. Avant de mettre en place l'arche de confinement, "nous devons enlever six à sept mètres d'épaisseur de terre afin d'atteindre un niveau de rayonnement acceptable", explique Julia Maroussitch, du département relations internationales de la centrale. "Parfois, il faut aussi casser des blocs de béton", ajoute-t-elle.
Les concepteurs se heurtent aussi à une série de casse-tête techniques pour le déblaiement des déchets qui gisent encore à l'intérieur du réacteur et leur retraitement ultérieur. "On n'a pas encore décidé de manière définitive en quoi seraient faites les fondations", relève Andryi Selskyi, administrateur de la zone d'exclusion de Tchernobyl, une aire de 30 km autour du site où il est interdit de vivre en permanence.
Le deuxième sarcophage, d'une durée de vie prévue de cent ans, sera une "infrastructure pour déconstruire ce qui est à l'intérieur du réacteur, extraire les masses de combustible usé de manière à pouvoir ensuite les stocker comme déchets radioactifs", explique-t-il. Ces opérations pourraient toutefois s'avérer extrêmement délicates, notamment le déblaiement des "masses fondues qui contiennent à la fois du combustible et d'autres éléments et sont très, très radioactives", souligne M. Selskyi.
Le combustible est normalement plongé dans une "piscine" située à proximité immédiate du réacteur pendant plusieurs années avant d'être retraité ou stocké comme déchet. A Tchernobyl, le combustible du réacteur n°4 s'est mêlé à des pièces métalliques ou de béton dont il ne peut être séparé.
Enfin, aucune solution n'est encore en vue
pour le stockage définitif de déchets radioactifs
après un éventuel démantèlement du
site. Un stockage géologique profond, considéré
par les experts comme la solution la plus sûre mais pour
lequel aucun site n'a encore été trouvé,
n'est pas envisagé avant les années 2030, estime
M. Selskyi.
16/2/2009 - La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) a signé lundi à Kiev un accord pour financer notamment la construction d'une nouvelle enceinte de confinement à la centrale de Tchernobyl, théâtre en 1986 d'une catastrophe nucléaire. La contribution de la Berd se monte à 135 millions d'euros, dont 58 millions d'euros destinés à la construction d'une nouvelle chape d'acier, baptisée "sarcophage", autour du réacteur accidenté de la centrale. Le coût total est estimé à plus de 600 millions d'euros. Le reste du don, soit 77 millions de dollars, servira à la construction d'un stockage pour le combustible nucléaire à Tchernobyl. "Cela nous permet d'espérer que les travaux sur le sarcophage seront finalement achevés et que le territoire autour de la centrale de Tchernobyl sera enfin sûr", s'est félicitée le Premier ministre ukrainien Ioulia Timochenko après la signature de l'accord avec la Berd. Les projets finaux des deux installations doivent être prêts cette année et leur construction achevée vers 2012, selon un communiqué de la Berd. Le 26 avril 1986, le réacteur numéro 4 de la centrale de Tchernobyl avait explosé, contaminant une bonne partie de l'Europe, mais surtout l'Ukraine, le Bélarus et la Russie. Le réacteur accidenté a été recouvert à la va-vite d'une chape de béton plusieurs mois après la catastrophe, mais elle est aujourd'hui fissurée et menace de s'effondrer. La durée de vie de la nouvelle protection est estimée à une centaine d'années.
23/5/2008 - Le
don de 135 millions d'euros de la BERD pour le nouveau sarcophage
de Tchernobyl a permis cette semaine une visite sur le site-même
de la catastrophe, où s'activent de manière étonnamment
ordinaire des centaines d'ouvriers, à l'ombre de la carcasse
lugubre du réacteur 4 accidenté. En casque de chantier
orange, ils préparent le double projet auquel la Banque
européenne de reconstruction et de développement,
déjà trésorière des fonds internationaux
destinés aux travaux, a décidé de participer
directement, lors de sa réunion annuelle tenue à
Kiev, à 110 kilomètres de la centrale.
Il s'agit de construire sur le site une unité de stockage
des matières nucléaires provenant des réacteurs
1, 2 et 3, dont le dernier n'a cessé de fonctionner qu'en
2000, et d'autre part d'enfermer sous une arche d'acier le réacteur
4, afin de le démanteler à son tour car il contient
encore des dizaines de kilos de matières nucléaires.
Le premier projet a été confié à l'américain
Holtec, le second à un consortium français Vinci-Bouygues.
Le président de la BERD Jean Lemierre a estimé mardi
que "les travaux étaient en bonne voie". A 30
kilomètres de la centrale, on arrive à une sorte
de poste-frontière, simple barrière sur une petite
route de campagne.
Une fois produites les autorisations, on entre dans la zone d'exclusion
polluée dont la centrale est le centre, traversant des
villages toujours vides d'habitants vingt-deux ans après,
envahis par la végétation. Trois cents personnes
seulement sont revenues vivre dans la région malgré
des prescriptions contraires, surtout des personnes âgées.
Du coup, après des dizaines de kilomètres de désert
verdoyant, on est surpris de l'activité qui règne
à la centrale.
Mais c'est là qu'on risque le moins, en raison de la surveillance
constante des radiations. Alexander Novikov, vice-directeur de
la sécurité, fait quand même constater une
mesure à 300 microroentgen par heure, dix à vingt
fois la normale. On est aussi invité à se laver
les mains, à ne pas marcher dans la poussière, et
on passe au détecteur en partant.
Pour le reste tout paraît banal : le visiteur déjeune
à la cantine dans le bâtiment administratif, au milieu
du personnel, bortsch, poulet-macaroni et pâtisserie pour
tout le monde. Pas d'eau du robinet, mais de la bière ou
du jus de pomme. Les officiels de la BERD sont photographiés
devant le monument aux morts, des ingénieurs expliquent
les travaux, cartes à l'appui. On croirait n'importe quelle
visite ministérielle. Mais non, c'est Tchernobyl.
Dès l'arrivée, un bâtiment rouge est là
pour le rappeler, en construction croirait-on. C'est en fait ce
qui devait devenir le réacteur 5, figé là
où il en était le 26 avril 1986, entouré
de ses grues radio-actives devenues inutilisables. Et le regard
a du mal à ne pas revenir sans cesse vers le réacteur
4. Le bâtiment se reconnaît de loin, avec sa tour,
son sarcophage de ciment construit à la va-vite après
l'explosion pour tenter d'étouffer les rayonnements, et
l'échaffaudage ajouté depuis 2006 pour stabiliser
le toit qui menaçait de se fissurer.
On peut s'en approcher à 200 mètres en se postant
près d'un monument érigé pour le 20e anniversaire
de la catastrophe, point de vue sinistre depuis lequel on s'abîme
à coup sûr en pensées pour les dizaines de
dizaines de milliers d'hommes envoyés sans précaution
pour nettoyer le site juste après la catastrophe, et morts
lentement des radiations reçues.
De telles visites de prise de conscience sont encouragées
par le président ukrainien Viktor Iouchtchenko lui-même
: "Des millions de personnes doivent voir de leurs propres
yeux le réacteur" et les villages désertés
"où poussent des buissons", avait-il dit il y
a deux ans.
Le Monde, 17/9/07:
Plus de vingt ans après l'explosion du réacteur n° 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, le 26 avril 1986 en Ukraine, une solution pérenne de confinement de la radioactivité encore présente dans le bâtiment détruit est en vue.
Lundi 17 septembre, le consortium Novarka, conduit par les sociétés françaises Vinci et Bouygues, devait signer avec les autorités ukrainiennes un contrat de 430 millions d'euros, prévoyant la construction d'une arche englobant le réacteur et le sarcophage assemblé en urgence après l'accident.
Les dimensions de l'ouvrage seront impressionnantes
: 260 mètres de large, 150 mètres de long et 105
mètres de haut, 18 000 tonnes de charpente métallique
contre 7 300 tonnes pour la tour Eiffel. "Cette
arche aura deux fonctions, décrit Pierre Berger, président
de Vinci Construction Grands Projets. Elle assurera le confinement
du réacteur. Et elle soutiendra un pont roulant et des
outils robotisés qui permettront aux Ukrainiens de lancer
la déconstruction du sarcophage."
Ce dernier avait été édifié en sept
mois par des milliers de "liquidateurs" [en fait de 800 000 à 1 000 000 de liquidateurs
et pour eux, 21 ans après, c'est déjà de
25 000 à 100 000 morts et plus de 200 000
invalides], afin de protéger la région déjà
contaminée par les 190 tonnes estimées de combustible
nucléaire restant dans l'enceinte éventrée.
Il n'est pas étanche aux intempéries et on estime
à 100 m2 la surface des interstices ouverts dans sa structure
de béton et d'acier. Il a en outre rapidement montré
des signes de fragilité, une menace inacceptable compte
tenu des quelque quatre tonnes de poussières radioactives
susceptibles d'être propulsées dans l'environnement.
RAILS DE BÉTON
Il a déjà fallu consolider la cheminée d'aération
commune aux réacteurs 3 et 4, et renforcer les poutres
couvrant le toit. Ces opérations, tout comme l'arrêt des autres réacteurs
(en 2000), ont mobilisé la communauté internationale.
Celle-ci, à l'instigation de l'Ukraine, du G7 et de l'Union
européenne, a adopté, en 1997, un plan plus ambitieux
pour la couverture de Tchernobyl. Aujourd'hui doté de quelque
800 millions d'euros, le fonds destiné à le mettre
en oeuvre est géré par la Banque européenne
de reconstruction et de développement.
Mais ces financements ont été longs à assembler
et l'instabilité politique en Ukraine n'a pas facilité
la conclusion du marché. Novarka l'a emporté face
à la firme américaine CH2M Hill.
"Cela va permettre
de démontrer le savoir-faire français, se félicite Pierre Berger,
dans un secteur la déconstruction nucléaire
qui offrira d'énormes débouchés au
cours des cinquante prochaines années."
Les travaux, qui devraient durer trois ans, ne débuteront
pas avant 2009, le temps d'affiner le projet. Pour limiter l'exposition
des ouvriers aux rayonnements, l'arche, faite de poutres d'acier
boulonnées, sera assemblée à proximité
du réacteur, puis glissée au-dessus de celui-ci
sur des rails de béton.
Le chantier devrait mobiliser un millier d'ouvriers, essentiellement
ukrainiens, et une centaine d'expatriés pour le compte
de Novarka.
Si l'arche est censée offrir une protection pour une centaine
d'années, elle ne répond que partiellement à
la menace posée par le réacteur n° 4. "La
récupération du coeur radioactif, sa prise en charge
et son conditionnement posent encore des problèmes techniques
et de financement", note ainsi Jean-Bernard Chérié,
secrétaire général de l'Institut pour la
radioprotection et la sûreté nucléaire.
Hervé Morin
Voir:
Un film de Bente Milton, Sabine Kemper, Jorgen Pedersen. Le démantèlement du monstre nucléaire est un processus long, dangereux et coûteux qui s'étalera sur des années, voir plusieurs décennies, et dont l'ardoise de plusieurs milliards de dollars sera réglée presque entièrement par l'Occident. |
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29/12/2005 - L'Allemagne
va financer les travaux de consolidation du sarcophage autour
du réacteur de la centrale nucléaire ukrainienne
de Tchernobyl à hauteur de 12,4 millions d'euros, a annoncé
jeudi le ministère allemand de l'Environnement.
Cette somme financera la construction de l'arche de métal
destinée à recouvrir le sarcophage construit à
la va-vite après l'accident de la centrale nucléaire
de Tchernobyl en 1986.
Les pays donateurs du Fonds international pour le sarcophage de
Tchernobyl s'étaient engagés en mai à débloquer
au total 800 millions de dollars pour sécuriser la centrale
nucléaire accidentée en 1986.
Mais, dans une première estimation, le ministre ukrainien
des Situations d'urgence David Jvania avait indiqué en
septembre que les travaux coûteraient le double.
La Berd espère achever en 2008-2009 la construction, non
encore engagée, de cette arche pour recouvrir le sarcophage
de béton qui menace de s'effondrer.
L'aide allemande à l'Ukraine pour la sécurisation
de Tchernobyl "s'élève désormais à
60,5 millions d'euros au total depuis 1998", a estimé
le ministre Sigmar Gabriel.
"Nous ne devons pas laisser l'Ukraine seule pour répondre
aux conséquences de cette catastrophe. L'aide internationale
continue à être indispensable", a estimé
Sigmar Gabriel, appelant la Russie à accroître son
aide aux autorités ukrainiennes.
En mai, Moscou avait pour la première fois promis de participer
à l'effort financier de la communauté internationale,
mais sans annoncer de montant.
RIA-Novosti, 12/8/2005 :
Des cas d'irradiation d'ouvriers du bâtiment
occupés à la reconstruction du sarcophage recouvrant
le réacteur nucléaire détruit voici 19 ans
par une explosion ont été signalés.
Quoique la vie de ces hommes ne soit pas directement menacée,
le Comité pour la sécurité à la centrale
nucléaire de Tchernobyl se montre très préoccupé.
D'après les médecins, l'irradiation s'est produite
consécutivement à la pénétration de
substances radioactives dans l'organisme - eau, aliments - ou
encore par les voies respiratoires.
Le sarcophage avait été construit en 1986 à
la va-vite, au prix de la vie et de la santé de dizaines
de milliers de liquidateurs de l'accident (19 ans après c'est déjà pour
les «liquidateurs» plus de 25 000 morts et plus de
200 000 invalides). A l'époque,
toutes les décisions avaient été prises sur-le-champ,
à tâtons. L'Abri-1, comme le sarcophage est appelé
officiellement, est une construction gigantesque haute comme un
immeuble de 25 niveaux. Il recouvre 185 tonnes de combustible
nucléaire dont l'activité totale atteint 17 millions
de curies, souligne le docteur en physique Alexandre Borovoï,
chef du Groupe scientifique opérationnel de l'Institut
Kourtchatov.
Une partie du combustible (3-5 pour cent) avait été
dispersée par l'explosion sur le territoire limitrophe
de la centrale nucléaire. 30 pour cent du césium
contenu dans le combustible se sont évaporés et
ont été transportés par les courants aériens
sur des milliers de kilomètres. Etant donné que
la période de demi-vie du césium et du plutonium
est respectivement de 30 ans et de 24.000 ans, on peut dire que
la "blessure" radioactive de Tchernobyl n'est pas près
de se cicatriser et que très longtemps encore elle constituera
une menace pour les gens.
Selon Alexandre Borovoï, le sarcophage s'est malheureusement
avéré insuffisamment sûr. De nombreux travaux
sont réalisés au moyen de télécommandes
et leur qualité s'en ressent. Par exemple, il n'a pas été
possible d'éviter les fissures. Quand il pleut de l'eau
pénètre à l'intérieur de l'abri, elle
dissout les substances radioactives qui se mélangent aux
nappes phréatiques.
Actuellement, la surface totale de ces fissures se compte en centaines
de mètres carrés. De la poussière de plutonium
s'en échappe et les gens peuvent la respirer. Qui plus
est, le sarcophage repose sur un fondement qui a été
soumis aux effets de l'explosion et du feu. Par conséquent,
l'éventualité d'un effondrement n'est pas à
écarter.
La communauté internationale a décidé de
rectifier la situation et aussi de financer la construction de
l'Abri-2. Un milliard de dollars a été alloué
pour réaliser le projet appelé à réduire
au minimum l'impact nocif de Tchernobyl. Il est prévu de
construire une structure en acier et béton, qui constituera
en quelque sorte le deuxième couvercle, plus hermétique,
du réacteur. En attendant, on renforce l'ancien sarcophage
et on en bouche les fissures.
Sur la demande de la partie ukrainienne des spécialistes
de l'Institut Kourtchatov ont réalisé un important
volume de travaux dans un environnement radioactif non dénué
de risques, élaboré des instructions diverses visant
à améliorer les travaux et l'efficacité des
mesures préventives. Cependant, les spécialistes
regrettent que leurs recommandations ne soient pas appliquées
comme elles le devraient. Pour eux, cela explique pourquoi des
gens sont contaminés par des nucléides radioactifs.
Malheureusement, nulle part dans le monde on ne s'intéresse
à l'amère expérience de Tchernobyl, dit l'académicien
Evguéni Velikhov, président du centre de recherche
Kourtchatov. Chez nous en Russie il y a maintenant le ministère
des Situations d'urgence, aux Etats-Unis c'est la Homeland Security.
Seulement, cette dernière emploie un personnel qui est
initié uniquement à la théorie de l'explosion
radioactive technologique. Et
si jamais la théorie doit un jour être mise en pratique,
alors ce sera de nouveau le chaos et la confusion.
Pour Evguéni Velikhov, la Russie pourrait être d'un
grand secours dans la préparation d'un programme international
sérieux visant à synthétiser avec rigueur
l'expérience pratique de Tchernobyl.
LONDRES (13 mai 2005) - Les pays donateurs se sont engagés à
débloquer 200 millions de dollars supplémentaires
pour la construction d'une chape d'acier au-dessus de la centrale
nucléaire de Tchernobyl. Ce montant s'ajoute aux 600 millions
d'euros déjà promis jusqu'ici.
«Nous avons promis plus d'argent pour achever cette tâche
importante», a déclaré jeudi le Britannique
Ian Downing, président du groupe de sécurité
nucléaire du G8, au cours d'une conférence de presse
à Londres. Il s'exprimait à l'issue d'une réunion
des 28 pays donateurs membres du Fonds international pour le sarcophage
de Tchernobyl.
La plus grosse contribution est venue du G8, avec 185 millions
de dollars (225 millions de francs). La Russie a pour la première
fois promis de participer à l'effort financier, a souligné
dans un communiqué la Banque européenne pour la
reconstruction et le développement (Berd), qui administre
ce fonds.
Le montant de la contribution russe n'a pas été
précisé. Mais «nous pensons qu'il s'agit d'une
question de jours pour que la Russie s'engage à verser
un montant significatif», a souligné au cours de
la conférence de presse le vice-président de la
Berd chargé des questions de sécurité nucléaire,
M. Frabrizio Saccomani.
«Cinq ou six autres pays n'ont pas été en
mesure d'annoncer dès aujourd'hui le montant de leur contribution»
et devraient le faire prochainement, a-t-il ajouté.
La Berd espère achever en 2008-2009 la construction d'une
gigantesque arche de métal destinée à recouvrir
le sarcophage de béton qui, construit à la va-vite
après l'accident le 26 avril 1986, menace de s'effondrer.
KIEV, 19/1/2005 -
RIA Novosti. Il subsiste un risque d'accident à la centrale
atomique de Tchernobyl dans la mesure où le combustible
nucléaire de la centrale arrêtée en 2000 n'a
toujours pas été déchargé des réacteurs,
a déclaré le député du peuple de l'Ukraine,
Vladimir Yavorivski.
Le service de presse de la fraction parlementaire Notre Ukraine
a fait savoir à RIA Novosti que le député
du peuple avait adressé une requête appropriée
au premier ministre par intérim d'Ukraine, Nikolai Azarov,
dans laquelle il demande que ce problème soit résolu.
Vladimir Yarovivski, a déclaré que tous les entrepôts
de combustible nucléaire situés sur le territoire
de l'Ukraine sont combles et que la mise en oeuvre des projets
de construction de dépôts de déchets nucléaires
et d'entreprises de recyclage de ces déchets traînait
en longueur.
Dans le même temps, la Russie, pays fournisseur de combustible
atomique, et tenue, en vertu des dispositions de la législation
internationale appropriée, de récupérer les
déchets nucléaires, n'honore pas ses engagements
en la matière, a relevé le député
du peuple.
La centrale atomique de Tchernobyl où, en avril 1986, s'est
produite la plus grande catastrophe nucléaire du XXe siècle,
a été définitivement fermée le 15
décembre 2000
L'Express, 6/12/2004:
Dix-huit ans après, les matériaux
radioactifs continuent de chauffer sous la carcasse branlante
qui recouvre le réacteur. En attendant la construction
d'un deuxième sarcophage... Pour la santé des habitants
des zones contaminées, en Ukraine et en Biélorussie,
le plus grand accident de l'histoire du nucléaire n'est
toujours pas terminé
Rien ne bouge. Rien que le vent qui
glisse en silence entre les feuilles dorées, qui caresse
les toits de bois des hameaux vides. Il fait beau, cet automne,
en Ukraine, du côté de Tchernobyl, à 80 kilomètres
de la «révolution orange» qui agite Kiev. Tout
est normal. Rien ne l'est. La mort, ici, ne se voit pas. Elle
rampe dans la peinture pâle des volets qui s'émiettent.
Pousse en buissons vigoureux, en champignons ventripotents. Imprègne
la poupée abandonnée sur le sol de la cuisine, le
revers des lambeaux du papier peint moisi, derrière le
poêle à bois éteint depuis longtemps. Depuis
un certain printemps de 1986, un jour où le soleil brillait
aussi. Quelques heures plus tôt, le 26 avril 1986, le réacteur
n° 4 de la centrale nucléaire voisine avait explosé,
engendrant la plus grande catastrophe de toute l'histoire de l'atome
civil et faisant au passage 31
morts - «bilan» officiel qui ferait sourire s'il n'était
à pleurer.
«Il reste 50 à 80 tonnes de lave, 3 000 mètres
cubes d'eau contaminée et des tonnes de poussière»
Bâtie à la hâte, la carcasse
d'acier qui abrite le magma à peine tiédi menace
ruine un peu plus chaque jour. On l'appelle «sarcophage»,
mais ce qu'il cuirasse est encore vivant. Le 15 novembre 2004,
les entreprises candidates à la construction de la structure
qui coiffera ce Meccano fulminant ont déposé leurs
dossiers en réponse à l'appel d'offres lancé
par la Berd (Banque européenne pour la reconstruction et
le développement). En attendant, des travaux de consolidation
commenceront début 2005. Mais comment guérir les
gens qui vivent depuis près de vingt ans aux abords du
no man's land que les autorités nomment la «zone
d'exclusion», au coeur des territoires contaminés
par les fumées mortifères de l'incendie? (voir: "Tchernobyl, un alibi en
béton", un
documentaire de 58mn
en Realvideo 19Kb)
En russe, tchernobyl signifie absinthe. Elle pousse partout,
la plante de l'oubli, l'herbe qui rend aveugle. «Avant»,
la centrale nucléaire exemplaire, inaugurée en 1977,
portait le très honorifique nom de Lénine. Son buste
n'a pas été déboulonné: le père
de la révolution bolchevique trône toujours au pied
des bâtiments administratifs de la centrale. Les gens de
Pripiat, la ville modèle qui dressait ses immeubles ultramodernes,
ses équipements sportifs et culturels tout neufs à
moins de 10 kilomètres des réacteurs, se souviennent
de n'avoir pas compris tout de suite que la radio parlait d'eux,
ce printemps-là. Certains se sont même mariés,
le samedi 27 avril. Au musée Tchernobyl de Kiev, le film
de la noce donne froid dans le dos: les flashs blafards qui parcourent
la pellicule trahissent la radioactivité qui régnait
ce jour-là. Dix-huit ans après, traverser la zone
d'exclusion signifie se soumettre à trois barrages de contrôle,
montrer inlassablement ses papiers, ses autorisations. Il y a
quelques années, on devait changer de vêtements et
passer ses chaussures au compteur.
Dans un rayon de 30 kilomètres - un territoire plus vaste
que le Luxembourg - 135 000 habitants ont été évacués
dès les premiers jours; 76 villes et villages rayés
de la carte de part et d'autre de la frontière ukraino-biélorusse.
Pripiat n'est plus qu'une cité fantôme vidée
de ses 50 000 âmes, où les peupliers percent le béton
pour grandir dans une anarchie d'apocalypse. L'Apocalypse selon
saint Jean qui, pour les Ukrainiens, raconte si bien ce qui s'est
passé ici. Aucun enfant n'aura jamais pris place à
bord de la grande roue de la fête foraine qui devait être
inaugurée le 1er mai 1986. Les autos tamponneuses rouillent,
les manèges grincent dans le silence épais. Aux
alentours, une poignée de vieilles gens, peut-être
300, sont revenues finir leurs jours chez elles, malgré
le danger. Chaque semaine, on leur livre un peu de pain, et elles
mangent les produits de leur jardin... On dit aussi que le no
man's land abrite des fuyards, des clandestins, des délinquants
recherchés. On ne peut guère rêver meilleure
planque que ces vastes territoires désertés.
Pour entrer dans la centrale, on doit se glisser en sandwich dans
des engins de mesure de la radioactivité, porter sur soi
le dosimètre qui comptabilise les rayonnements encaissés.
Aux abords du sarcophage, l'appareil se réveille. «Ça
crache», comme on dit dans le jargon nucléaire. Employée
à la centrale, Ioulia Marusich obéit aux mêmes
consignes que ses 3 700 collègues travaillant sur le site:
quinze jours de travail, quinze jours chez soi, et une surveillance
médicale régulière. Dans l'enceinte de la
centrale, c'est un peu comme si rien n'était jamais arrivé.
La cantine et ses fourneaux précambriens datent de bien
avant la catastrophe. Mais, bien qu'âgé d'à
peine trois décennies, tout fleure bon les années
1950.
Une forteresse de 20 000 tonnes
La mine un peu blasée, Ioulia récite la sinistre
comptabilité du drame, provoqué par une expérimentation
mal maîtrisée qui a emballé le réacteur:
«Pendant l'incendie, la chaleur est montée jusqu'à
1 000 °C à l'intérieur du réacteur, explique-t-elle.
Il y règne toujours une activité de 20 millions
de curies. On prend quotidiennement la température des
débris. Actuellement, il fait 36 °C à proximité
des matériaux radioactifs.» Dehors, on frissonne
dans la brise d'octobre. «Le coeur du réacteur a
fondu verticalement, et la plus grosse partie s'est figée
en forme de pied d'éléphant», décrit
Véronique Lhomme, ingénieur en chef du projet sarcophage
à l'Institut de radioprotection et de sûreté
nucléaire (IRSN). Depuis 1996, avec leurs homologues allemands,
des ingénieurs français dressent l'état des
lieux de Tchernobyl, afin de constituer une base de données
fiable en vue des grands travaux à venir. «On a ainsi
pu déterminer une durée d'exposition maximale selon
les zones, pour que les ouvriers puissent travailler dans les
meilleures conditions possible de sécurité, explique
Véronique Lhomme. En lieu et place des 190 tonnes de combustibles,
il reste 50 à 80 tonnes de lave, 3 000 mètres cubes
d'eau contaminée et des tonnes de poussière.»
Le mélange de gravats, de sable et d'eau, provenant pour
partie de l'extinction de l'incendie, s'avère loin d'être
stable: «Ce sont des matériaux en transformation
permanente, précise froidement Ioulia Marusich. Une réaction
en chaîne est toujours possible.» D'autant plus que
l'eau de pluie ruisselle à travers les plaques d'acier
mal jointées du toit, accomplissant inexorablement l'uvre
de destruction du bunker déglingué. A l'époque,
on avait eu recours à des grues pour assembler, de loin,
les tôles arrimées à la va-vite. Trop dangereux
pour s'approcher. Aujourd'hui, les fissures de l'édifice
poreux laissent filtrer des poussières redoutables.
Il aura fallu attendre le 15 décembre 2000 pour que l'Ukraine
accepte d'éteindre le dernier des trois autres réacteurs
de type RBMK de la centrale, en échange d'une aide occidentale
de 2,5 milliards de dollars. Jusqu'alors, même le réacteur
n° 3, adossé à son jumeau détruit, fonctionnait
normalement. Pourtant, les grandes manuvres ne font que commencer:
il faut maintenant démanteler ce Lego toxique. La Berd
et le programme Tacis d'assistance technique de la Commission
européenne aux pays de l'ex-URSS financent pour une bonne
part les installations: une unité d'entreposage des combustibles
usés des trois réacteurs indemnes, une autre destinée
à traiter les 25 000 mètres cubes d'effluents liquides
contaminés, et un site de stockage des déchets solides.
En parallèle commencent, ces jours-ci, les travaux de consolidation
du sarcophage effectués par un consortium ukraino-russe.
A 200 mètres de là, des bulldozers s'activent. Il
s'agit de raboter, pour les sécuriser, les terrains où
sera installé le chantier de l'Arche, autrement dit le
sarcophage du sarcophage. Une forteresse de 20 000 tonnes, 150
mètres de largeur, 257 mètres de longueur et 108
mètres de hauteur, la plus grande architecture mobile jamais
bâtie: pour limiter l'exposition des ouvriers à la
radioactivité, elle sera assemblée à distance,
puis on la fera coulisser sur des rails. Un système de
monitoring sismique et de contrôle des matières radioactives
compléteront le dispositif. Montant estimé de la
facture globale: 1,1 milliard de dollars. En 1995, les Etats membres
du G 7 s'étaient engagés à financer les travaux
à hauteur de 720 millions de dollars, soit l'estimation
du prix de la sécurisation du sarcophage à l'époque,
en échange de la fermeture de la centrale. Les 380 millions
de dollars supplémentaires - inflation oblige - manquent
toujours à l'appel. Les travaux devraient débuter
en 2007, si tout va bien. Et s'achèveront en 2010, si tout
va très bien. L'opération mettra le monde à
l'abri du réacteur n° 4 pour un siècle. Mais
qui se souviendra
alors de ce qui se cache sous ce blindage?
Tchernobyl, l'absinthe, l'oubli: l'amnésie guette, aussi
insidieuse que les radiations. Le césium 137 se dégrade
au rythme de 2% par an, moins vite que la mémoire. On ne
sait déjà plus très bien où sont enterrés
les déchets hâtivement enfouis après l'explosion
[voir ci-dessous l'encadré
extrait de Sciences et Avenir n°710, avril 2006]. La terre qu'on a profondément raclée
dans un rayon de 10 kilomètres autour de la centrale, les
villages qu'on a dû démonter puis ensevelir, les
objets, téléviseurs, meubles, véhicules tellement
contaminés qu'il a fallu les enterrer dans des fosses.
Et même un bois entier, la «forêt rousse»,
ainsi nommée parce que l'haleine brûlante de l'incendie
en avait torréfié le feuillage.
«Réserve radiologique naturelle»
Où sont-elles, ces centaines
de tranchées - au moins 800 - qu'on appelle les «tombes»
en langage tchernobylien? «Du côté ukrainien,
on n'en connaît que la moitié, estime Gérard
Deville-Cavelin, ingénieur et chercheur en radioécologie
à l'IRSN, qui a identifié leur emplacement. La transmission
orale des lieux est en train de disparaître.» Pour
en établir une cartographie et prendre des mesures de radioprotection,
il a fallu survoler toute la zone en hélicoptère
avec des détecteurs gamma, scruter la campagne pour déceler
les petits tumulus qui trahissent la présence des fosses,
promener des «poêles à frire» dans les
zones suspectes. Un travail de fourmi, gêné par le
«bruit de fond» généré en surface
par la présence de particules chaudes.
La radioactivité migre dans les sols, s'enfonce chaque
année un peu plus, contamine les nappes phréatiques.
Dans la zone d'exclusion, mais aussi aux abords. Les frontières
sont ténues, et la contamination s'est déposée
en «taches de léopard»: si «seulement»
5% du territoire ukrainien ont été touchés,
la Biélorussie a, elle, été contaminée
à 23% - la faute au sens du vent qui a dirigé le
nuage vers le nord. Une petite route tient lieu de bornage entre
zone habitable et secteur évacué. Délimitation
arbitraire et illusoire, surtout pour ce village dont une seule
maison se trouvait du «bon» côté de la
chaussée, et dont les habitants ont dû tempêter
pour être relogés comme les autres. Un peu plus loin,
quelques boîtes aux lettres indiquent qu'autrefois un village
existait là: contaminé, on a dû le raser.
«Autrefois, on venait ici de Minsk, en villégiature
ou en colonie de vacances, se lamente Ludmila, la directrice de
l'école du bourg de Komarin. C'était la plus belle
région du pays, avec ses rivières et ses lacs.»
La «Biélorussie aux yeux bleus» et ses paysages
dignes de Tourgueniev ne sont plus aujourd'hui qu'un territoire
sinistré, et la moitié du district appartient désormais
à la «réserve radiologique naturelle»
- douce et ironique dénomination de la zone d'exclusion,
de ce côté-ci de la frontière.
Il n'empêche, le coin est toujours aussi charmant, peut-être
même encore plus depuis que l'homme ne s'y aventure guère
plus. On y croise des animaux à foison, de rares perdrix
et cigognes noires, des sangliers, des élans, des chevaux
de Prjevalski et des bisons réintroduits d'autres coins
du pays, des lynx et même des loups en pagaille, qui vont
et viennent sans entraves hors des limites de la réserve.
«Les loups nous posent un vrai problème: en 2003,
une dizaine de personnes ont été attaquées
par des animaux enragés, et ils causent de gros dégâts
au bétail, explique le garde de la réserve pour
le district, Mikhaïl Rubachenko. Pour juguler les populations, nous organisons une soixantaine
de chasses par an dans l'enceinte de la zone contaminée.»
Des chasses en hélicoptère, payantes, qui attirent
des chasseurs fortunés amateurs de sensations fortes. Il leur en coûte 300 euros de participation,
plus 120 euros pour conserver la dépouille en cas de prise.
Cette année, trois
Français sont venus tirer du loup de Tchernobyl...
Autrefois prospère, le district de Bragin est aujourd'hui
sinistré. De 38 560 en 1986, on est passé à
16 900 habitants. Les riches kolkhozes, qui approvisionnaient
tout le pays, sont un souvenir lointain. Beaucoup d'entre eux
ont disparu, et ceux qui restent écoulent leur production
tant bien que mal. Car, pour continuer à cultiver, il a
fallu prendre de drastiques contre-mesures radiologiques: les
sols sont amendés avec des engrais spéciaux pour
faire baisser leur radioactivité, les légumes, sélectionnés
en fonction de leur capacité à absorber ou pas les
radionucléides du sol, le bétail est passé
au bleu de Prusse... Des méthodes efficaces mais onéreuses.
Difficile d'écouler sur le marché des produits de
Tchernobyl, surtout s'ils sont plus chers que les autres.
Bilan officiel: 31 morts
(... Mais depuis 1986 sont décédés
plus de 25.000 "liquidateurs", ces militaires
et civils venus d'Ukraine, de Russie, du Bélarus et d'autres
pays faisant alors partie de l'URSS... Quelques 2,3 millions d'Ukrainiens,
dont 450.000 enfants, souffrent de maux liés aux radiations,
parmi lesquels un nombre important de cancers de la thyroïde,
selon le ministère ukrainien de la Santé. [Texte
de la commémoration de la catastrophe de Tchernobyl, Ambassade d'Ukraine à Bruxelles le 26/04/2004]. Le bilan final de
la catastrophe oscillera entre 40 000 et 560 000 morts, voir davantage,
selon les
estimations.)
Quant aux habitants de la région, majoritairement des paysans
qui cultivent leur propre lopin pour se nourrir, ils n'ont pas
les moyens de mettre en oeuvre ces méthodes. Quand ils
en connaissent l'existence. Pis: la plupart d'entre eux, selon
une tradition en usage depuis des siècles, se régalent
de baies sauvages, de champignons, de gibier, appoint vital de
leur maigre revenu. Des denrées particulièrement
chargées en radionucléides. «On a le choix:
mourir de la radioactivité ou mourir de faim, ironise Svetlana,
ingénieur forestier à Komarin. Que voulez-vous qu'on
fasse?»
A Krasnoe, Tatiana et Piotr Kotlabay, l'infirmière-chef
du petit dispensaire et son époux dosimétriste,
font ce qu'ils peuvent pour inculquer un semblant de «culture
radiologique» aux habitants. Ce matin d'octobre, on leur
a apporté de magnifiques cèpes dont la teneur en
césium 137 est dix fois supérieure à la norme
admissible. «Nous proposons aux gens de les jeter, mais
c'est très difficile pour eux, explique Tatiana. Alors
on leur explique comment traiter les produits pour faire baisser
la radioactivité. Par exemple, en faisant tremper la viande
dans de l'eau salée, puis en la faisant bouillir deux fois
dans des eaux différentes avant de la mettre dans la soupe.»
L'infirmière raconte le cas d'une famille dont les deux
enfants présentaient des résultats anthropogammamétriques
très élevés: il s'est avéré
que leur père, chasseur, avait tué un sanglier contaminé
cet hiver-là. La famille s'était régalée
tout l'hiver de viande irradiée...
«Parce qu'elles complètent leur alimentation avec
des produits de leur cueillette
et de leur chasse, les familles les plus pauvres sont aussi les
plus exposées», déplore Catherine Luccioni,
médecin français responsable d'un programme Core (Coopération pour
la réhabilitation, dont sont partie prenante notamment
les Nations unies et la Commission européenne) dans le
district de Chechersk. Chaque année, les 450 000 enfants
des zones contaminées (1,5 million de Biélorusses
au total) sont envoyés faire une cure de quatre semaines
dans l'un des sept centres de santé créés
spécialement à cet effet. Là, on les soumet
à une batterie d'examens.
Quid des résultats? Les enquêtes épidémiologiques
laissent songeur: sur la période 1990-1998, 1 800 cas de
cancer de la thyroïde ont été dénombrés
chez des personnes qui avaient moins de 18 ans en 1986. Rien de
probant concernant les autres pathologies cancéreuses,
les leucémies, les malformations, si l'on en croit les
médecins. Pour avoir affirmé le contraire, le Pr
youri Bandajevski
a été condamné, en 2001, à huit ans
de prison. Après trois années de détention,
le savant biélorusse est désormais en résidence
surveillée. Son crime? Affirmer depuis des années
que l'exposition au césium provoque non seulement des cancers,
mais également des lésions cardiaques, des atteintes
au foie, aux reins, aux systèmes immunitaire et endocrinien.
Des 600 000 «liquidateurs», médecins, pompiers,
mineurs, soldats intervenus dans les premiers mois de la catastrophe,
on ne sait pas grand-chose. Pas plus qu'on ne connaît le
sort des habitants de Pripiat et des villages voisins. Tchernobyl
aura fait 31 morts: circulez, il n'y a plus rien à voir.
Marion Festraëts
PARIS, 7 déc 2000 - Le démantèlement de la centrale
de Tchernobyl, à l'origine de la plus grande catastrophe
de l'histoire du nucléaire civil, est un processus long,
coûteux et délicat qui s'étalera sur plusieurs
décennies, ont souligné jeudi des experts français.
Pour éviter toute nouvelle contamination, la mise à
l'arrêt définitif de la centrale, qui doit intervenir
le 15 décembre, va se faire selon un scénario complexe,
grâce à une importante aide occidentale.
L'accord signé en 1995 entre l'Ukraine et les pays du G7
a chiffré l'ardoise de la mise à l'arrêt et
de la sécurisation à 2,3 milliards de dollars, dont
1,4 milliard a déjà été investi à
ce jour par les pays occidentaux et les organismes internationaux,
ont rappelé au cours d'une conférence de presse
les experts de l'Institut de protection et de sûreté
nucléaire (IPSN, France), qui participe sur place avec
d'autres organismes européens aux évaluations de
sûreté.
Problème numéro un pour les experts nucléaires:
sécuriser le "sarcophage", une structure de béton
construite à la hâte au-dessus du réacteur
accidenté en 1986 et intégrant tout ce qui traînait
sur place. Une très grande partie des 190 tonnes du combustible
du réacteur s'y trouvent toujours.
Le but de cette structure était d'empêcher que la
radioactivité se disperse, d'éviter que l'eau de
pluie pénètre et de permettre la poursuite de l'exploitation
de deux réacteurs voisins. "C'est une structure à
la fois simple et efficace, depuis seize ans ça tient,
mais personne ne sait si ça peut tenir longtemps",
a souligné Xavier Conte, expert de l'IPSN.
Effondrement
Les experts craignent surtout l'effondrement
du sarcophage, qui provoquerait un nuage de poussières
radioactives exposant gravement le personnel du site. Les experts
n'excluent pas non plus totalement, même s'ils le considèrent
comme hautement improbable, le risque de criticité, c'est-à-dire
le redémarrage spontané d'une réaction en
chaîne dans le combustible fondu.
Des travaux de renforcement de cette structure ont déjà
été réalisés, mais seuls les plus
urgents ont été menés à terme. Un
projet baptisé SIP (Shelter Implementation Plan) a été
lancé en 1998 pour huit ans, pour un montant actuel de
760 millions de dollars, dont 50 millions du gouvernement ukrainien.
"Le principe d'un second sarcophage a été décidé,
mais on ne sait pas encore comment il sera réalisé",
selon l'expert français.
Les spécialistes tentent également de réunir
un maximum de données fiables sur ce qui a été
construit dans l'urgence, pour pouvoir travailler le plus possible
par la suite sur des modèles informatiques.
D'autres chantiers destinés à sécuriser la
centrale après qu'elle ait produit ses derniers kilowatt/heures
sont également prévus. La construction d'une nouvelle
installation d'entreposage de combustibles irradiés a démarré
en juin et doit être opérationnelle en 2003. Constituée
de 256 "casemates" en béton, la structure pourra
abriter l'ensemble des combustibles nucléaires ayant servi
dans la centrale, et qui se trouvent encore dans les réacteurs
ou refroidissent en piscine. Le coût de ce projet est de
80 millions d'euros.
Une installation de traitement des effluents liquides, essentiellement
les eaux contaminées utilisées par exemple pour
le refroidissement des réacteurs, est également
en construction.
Prévu pour 2002, cet atelier transformera les eaux contaminées,
actuellement stockées dans des cuves, en colis de déchets
solides. Le montant de ce projet est de 25 millions d'euros.
KIEV, 12 déc 2000 - La centrale ukrainienne de Tchernobyl, théâtre
du plus grave accident nucléaire de tous les temps, fermera
ses portes vendredi sous les applaudissements de la communauté
internationale mais restera une menace pendant encore des décennies.
Des délégations d'une dizaine de pays -- notamment
des Etats-Unis, d'Allemagne, de Russie et du Japon -- assisteront
à la mise à mort du monstre nucléaire dont
l'explosion du quatrième réacteur en avril 1986
avait contaminé les trois-quarts de l'Europe et frappé
des millions de personnes.
Près de 15 ans plus tard, seul le troisième réacteur
est encore opérationnel -- sur les quatre tranches d'origine.
De conception soviétique ancienne, il est au bout du rouleau
et des pannes le paralysent régulièrement.
En 1999, des dizaines de fissures avaient été découvertes
dans son circuit de refroidissement, poussant l'Occident à
exiger sa fermeture.
Le réacteur numéro deux a été arrêté
en 1991 à la suite d'un incendie et le numéro un
a été mis hors service en 1996 dans le cadre d'un
accord international.
Tchernobyl fait d'autant plus peur que ses réacteurs, de
type RBMK (Reaktor Bolchoï Mochnosti Kanalny -- réacteur
de grande puissance à tubes de force), sont considérés
comme peu fiables.
Des vices de conception les rendent notamment instables à
faible puissance. En outre, ils sont dépourvus d'enceinte
de confinement capable de contenir la radioactivité dans
le cas d'une forte explosion. (En France, l'enceinte est censée résister
à une explosion, mais après Tchernobyl une soupape
de sécurité appelée " filtre à sable
" a commencé à être installée
preuve que la résistance de l'enceinte n'est pas suffisante
en cas d'explosion violente)
Après des années de tergiversations,
l'arrêt définitif de la centrale maudite représente
donc une victoire indiscutable pour la sécurité
nucléaire de l'Europe.
La note en est cependant élevée. Kiev n'a accepté
de condamner l'installation nucléaire qu'en échange
d'une aide des sept pays les plus industrialisés (G7) de
2,3 milliards de dollars.
Ces fonds serviront essentiellement à construire en Ukraine
deux nouveaux réacteurs visant à remplacer la production
de Tchernobyl, à financer des programmes sociaux et à
accroître la sécurité dans les quatre autres
centrales du pays (Rivne, Khmelnitsky, Pivdenno Ukrainska et Zaporijia).
Mais cette victoire n'est que partielle. La menace persistera
pendant encore des décennies car trop de questions restent
en suspens. (La menace persiste à cause des dangers
du nucléaire, pas à cause de questions !)
Le problème le plus alarmant est
le délabrement accéléré de la chape
de béton -- baptisée sarcophage -- qui recouvre
les ruines du quatrième réacteur. Cette structure
-- montée à la va-vite entre mai et novembre 1986
dans des conditions hasardeuses -- est aujourd'hui fissurée
et menacerait de s'écrouler, exposant alors un magma radioactif
de 160 tonnes à l'air libre.
Son renforcement est une opération délicate qui
prendra au moins dix ans. Grâce à des dons internationaux,
les 760 millions de dollars nécessaires ont été
presque entièrement réunis et les travaux viennent
d'être lancés.
Les experts n'excluent pas non plus la possibilité d'une
réaction nucléaire au sein du combustible fondu
qui couve sous le sarcophage dans une atmosphère saturée
d'humidité. Ce serait alors l'explosion. Un Tchernobyl
bis aux conséquences imprévisibles.
Ces dernières années, les émissions de neutrons
et de rayons gamma s'étaient d'ailleurs inexplicablement
emballées à deux reprises. Puis tout était
rentré dans l'ordre.
Enfin, les déchets, accumulés au fond du quatrième
réacteur, pénètrent lentement les sols, menaçant
(contaminant) rivières
et fleuves environnants qui, en aval, alimentent en eau potable
des millions de personnes.
Pourtant, l'extraction et le stockage en lieu sûr du magma
nucléaire ne sont toujours pas d'actualité. L'opération
est jugée trop difficile, trop dangereuse et surtout trop
coûteuse.
KIEV 12/6/02 - Des
appels d'offres pour la construction d'une nouvelle chape de béton
isolant le réacteur accidenté de la centrale de
Tchernobyl seront lancés "ces prochains mois",
ont indiqué mercredi à Kiev des responsables de
la Banque européenne pour la reconstruction et le développement
(BERD).
"C'est un grand défi, mais nous voulons que ce soit
un succès", a affirmé un vice-président
de la BERD, Joachim Jahnke, lors d'une conférence de presse.
La nouvelle chape, de plus de 100 mètres de hauteur, sera
édifiée par dessus une enveloppe de béton
déjà existante.
Cette ancienne structure, baptisée sarcophage et montée
à la va-vite après l'explosion nucléaire
du quatrième réacteur de Tchernobyl en avril 1986,
menace aujourd'hui de s'effondrer et d'exposer à l'air
libre un magma radioactif de 160 tonnes.
Le montage du nouveau sarcophage commencera en 2004 et s'étalera
jusqu'à la fin de l'année 2007, a précisé
M. Jahnke.
"Les appels d'offres auront lieu ces prochains mois et les
premiers contrats doivent être conclus" au cours de
l'année 2003, a ajouté Vince Novak, directeur de
l'unité de sécurité nucléaire de la
BERD.
Le coût de l'opération, dont la gestion est assurée
par la BERD, est estimé à près de 800 millions
de dollars. La communauté internationale a déjà
promis de verser 717 millions de dollars, soit 93% du coût
total, a encore indiqué M. Jahnke. L'Ukraine doit participer
à hauteur de 50 millions de dollars.
Depuis 1998, des spécialistes ukrainiens et étrangers
travaillent sur ce projet en conduisant des études de faisabilité
et des travaux de préparation. La fourniture des matériaux
de construction et l'ingénierie seront assurées
pour moitié par des entreprises ukrainiennes, selon M.
Jahnke.
Kiev avait accepté de fermer définitivement Tchernobyl
en décembre 2000 mais uniquement en échange d'une
aide financière importante. En plus des fonds pour le nouveau
sarcophage, la communauté internationale s'était
alors engagée à débourser 2,3 milliards de
dollars.
L'essentiel de cette somme servira à démanteler
les quatre blocs de la centrale accidentée et à
construire deux nouveaux réacteurs à Rivne (ouest)
et Khmelnitsky (ouest) pour remplacer la production électrique
de Tchernobyl.