Samedi 18 février 2006 vers 20h30, un
PUI limité a à nouveau été déclenché,
sur la tranche 2 cette fois, suite à la rupture d'une des
deux tuyauteries de retour d'eau de la tour d'aéroréfrigération
(tuyauterie de type Bonna en acier ferritique + béton).
Ces tuyauteries d'un diamètre de 3,20 mètres sont
situées au niveau moins 8 mètres sous l'usine électrique.
L'eau y circule avec un débit de 22 m3/s chacune sous une
pression de 4 bars et alimente les condenseurs de refroidissement
de la vapeur de la turbine. Leur construction a été
effectuée sur le site nu avant la construction de l'usine.
Elles sont recouvertes d'un radier de 4 mètres d'épaisseur,
lui-même recouvert d'une dalle en béton au niveau
moins 4 mètres, le sous-sol de l'usine électrique.
Lors du dernier arrêt de tranche en novembre, ces tuyauteries
avaient été vérifiées visuellement
et ne présentaient pas de défauts selon la direction.
Fin décembre, quelques jours après le redémarrage
et la remise en production de la tranche, des membres du personnel
avaient rapporté l'apparition de petits « geysers
» dans le sous-sol de la tranche 2 ; ce qui n'avait nullement
inquiété la direction qui pensait programmer une
vérification à une date ultérieure.
Le 18 février vers 19h00, sous la pression de l'eau issue
de la fuite, un morceau de dalle du sous-sol de 90 m2 s'est brisé
et s'est soulevé de 60 centimètres, provoquant ainsi
l'inondation du niveau moins 4 mètres ; 5 000 m3 selon
la direction, 20 000 selon la CFDT, 150 000 selon la CGT. De nombreux
matériels entreposés dans ce local ont été
endommagés et devront être remplacés (moteurs,
pompes, robinetteries).
Cet incident spectaculaire qui s'est déroulé dans
la partie non nucléaire de l'installation, sans faire de
victimes, aurait normalement dû n'avoir aucune conséquence
sur la sûreté de l'installation. Mais la mise aux
normes « Blayais* » contre une inondation externe
n'ayant pas encore été réalisées (prévue
pour 2007), l'eau du circuit de refroidissement s'est écoulée
dans le bâtiment des annexes nucléaires en endommageant
des équipements, ainsi que dans le sous-sol du bâtiment
administratif où des documents ont été détruits.
Puis l'eau a commencé à s'engouffrer au niveau moins
6 mètres entre le bâtiment du réacteur et
l'usine électrique dans le local des pompes du circuit
de refroidissement intermédiaire, noyant les cables électriques
d'alimentation de la voie A, au risque d'entraîner une perte
du refroidissement à l'arrêt alors que le refroidissement
principal était déjà hors service. En bref,
on a frôlé une perte de refroidissement avec une
évolution possible vers une fusion du coeur.
L'eau s'est enfin écoulée par une galerie technique
dans le sous-sol de la tranche 1, endommageant nombre de composants
et obligeant à l'arrêt d'urgence de cette tranche
aussi.
Lors de la CLI du 2 mars, il a été précisé
que la tranche 2 est passée à l'arrêt d'urgence
sur déclenchement des automatismes et la tranche 1 manuellement.
Sur le site internet de l'autorité de sûreté,
c'est une version inverse qui est donnée. D'après
le responsable de sûreté d'EDF, la mise aux normes
« Blayais » aurait permis l'isolement du bâtiment
des annexes nucléaires et du local des pompes de refroidissement
intermédiaire, mais n'aurait pu contenir l'écoulement
de l'eau vers la tranche 1. La modification générique
de l'ensemble du parc nucléaire devant protéger
contre une inondation externe (débordement trop élevé
du cours d'eau ou marée avec tempête trop puissante),
en aucun cas la protection contre une inondation interne n'a
été prévue.
A la question de savoir si l'important enfoncement de la centrale
dans le sol à Nogent avait pu créer des contraintes
susceptibles d'entraîner la rupture de la tuyauterie de
retour d'eau au condenseur, la direction a répondu qu'au
dernier relevé il n'avait pas été observé
de «
tassement différentiel » significatif. L'ensemble
du parc des 1300 MWe devra donc assurer un suivi des vérifications
des tuyauteries de retour d'eau aux condenseurs et porter une
attention toute particulière aux « petits geysers
» qui pourraient survenir dans le sous-sol de l'usine électrique.
Dans l'état actuel des constatations, il semblerait que
ce n'est pas la tuyauterie qui ait cédé, mais une
dérivation qui débouche dans le sous-sol et qui
permet l'accès, lors des arrêts de tranche aux inspections
de ce tronçon. Il est à ce jour prévu d'effectuer
des carottages autour du puits d'accès à la tuyauterie
au regard de la rupture supposée, afin de dériver
l'eau de fuites éventuelles avant une rupture de dalle.
Le PUI a été levé le dimanche à 16h45.
Les pompiers ont été sollicités le lundi
pour pomper les importantes quantités d'eau qui avaient
investi les sous-sols des deux tranches.
La remise en état pourrait nécessiter une dizaine
de jours pour la tranche 1 et un mois pour la tranche 2 selon
la direction, plusieurs semaines et plusieurs mois d'après
les syndicats. Des retards pourraient avoir pour origine la gestion
à zéro stock des nombreux composants endommagés.
Les calorifugeages devront être tous changés et il
n'est pas exclu que l'acidité de l'eau du circuit de refroidissement
qui est traitée à l'acide sulfurique contre l'entartrage
n'ait entraîné d'autres dégradations. D'autres
sites d'EDF ont aussitôt été dépouillés
d'une partie de leur personnel pour accélérer les
réparations ; ce qui ne va pas favoriser la sûreté
sur ces sites.
Claude Boyer,
extrait de la lettre d'information n°109/110 du Comité
Stop Nogent-sur-Seine.
* Lors de la tempête du 27 décembre
1999 la centrale du Blayais a été inondée
par les vagues de la Gironde (positionnement trop bas de la plate-forme
nucléaire dès la construction, digue trop basse
ne tenant pas compte des « surcotes » des niveaux
d'eau observés antérieurement) avec une chance inouie
: c'était une petite marée.
Les pompes des circuits de sauvegarde (aspersion de l'enceinte
et injection de sécurité) sont noyées. Le
refroidissement du coeur n'était plus assuré par
les circuits de sécurité. Heureusement qu'on n'en
a pas eu besoin : le réacteur travaillait sans filet Plan
d'urgence interne niveau 2, cellule nationale de crise.
L'IPSN a dressé à l'époque la liste des sites risquant l'inondation 16 sites
sur 19 !