Un bourreau d'enfant radioactif
Cinq mille dollars d'amende et dix années
de prison. Telle est la sentence infligée en mai 1975 par
un tribunal du Texas à un père trouvé coupable
d'avoir volontairement, et à cinq reprises en six mois,
irradié son fils de treize ans avec une source radioactives
de 1 Ci de césium 137. Ce singulier criminel, divorcé,
faisait dormir l'enfant, lors de ses visites bimensuelles, sur
un oreiller ou sur un matelas dans, lesquels il dissimulait les
sources.
Unique dans les annales policières, cette affaire a été
contée lors du congrès de radioprotection de Paris
par deux scientifiques du ministère de la Santé
du Texas. Les effets de l'irradiation subie par la jeune victime
sont très sérieux: brûlures des tissus qui
ont nécessité diverses greffes et interventions
de chirurgie esthétique, mais surtout destruction totale
des testicules, d'où stérilité définitive.
L'enquête a prouvé que le geste criminel traduisait
un désir de vengeance envers la famille reconstituée
de la mère, divorcée.
Edgar Bailey et Martin Wukasch constatent que
le diagnostic de "brûlure par irradiation" avait
été porté par les médecins traitants
bien avant que l'on en arrive à suspecter le père.
Ils se demandent néanmoins si d'autres cas semblables n'ont
pas pu passer inaperçus. Et ajoutent: "Réussirait-on
déterminer la cause de la mort si un meurtre était
commis par application soudaine d'une très forte dose de
rayonnement, suffisante pour tuer avant que des symptômes
cutanés aient eu le temps de se développer?"
Une recette de crime parfait en quelque sorte...
En l'occurrence, le coupable, géologue de son état,
avait pu se procurer très légalement les sources
de césium sous le prétexte de prospection de minerai.
Bailey et Wukasch en déduisent que les procédures
de contrôle et d'octroi de ces sources sont sans doute trop
libérales. Ils concluent enfin: "Les lois pénales
actuelles sont-elles adéquates, dans la mesure où
des affections mortelles (leucémies, cancers) consécutives
à l'irradiation peuvent apparaître des années
plus tard, transformant en meurtre à retardement une affaire
jugée comme coups et blessures volontaires ?"
D'autres cas ont été rapportées
En France:
17 mars 1965 - Atelier des matériaux
irradiés de Chinon
La poignée de la porte de la chaufferie, endroit fortement
fréquenté par le personnel, a été
contaminée, volontairement semble-t-il. 51 agents ont été
atteints d'une contamination corporelle.
1978 - La Hague
"Il était toujours sur mon dos. Pour me venger,
j'ai simplement voulu lui créer quelques ennuis de santé."
Nous sommes en mai 1979, et Noël Lecomte, qui travaillait
à l'atelier de dégainage des combustibles irradiés
à l'usine de La Hague, vient d'avouer ce qui constitue
dans les annales de la police la première tentative de
meurtre radioactif en France et peut être dans le monde.
En juin 1978, ce criminel innovateur et avant gardiste dérobait
trois «queusots» - bouchons en inox des tubes qui
contiennent l'uranium des combustibles - qu'il emballait et déposait
sous le siège de l'automobile de son supérieur,
Guy Busin. Radioactifs par activation, ces trois bouchons allaient,
des mois durant et à son insu, infliger à leur victime
la dose assez considérable de 10 rads à l'heure
chaque fois qu'il conduisait sa voiture. Guy Busin eut - heureusement...
- un accident, en novembre 1978, qui mit le véhicule hors
d'usage. Son irradiation fut ainsi interrompue. C'est seulement
au printemps suivant que, désireux d'aller récupérer
quelques pièces sur l'épave, il découvrit
le maléfique colis. Il se souvint alors avoir été
victime par le passé de menus sabotages - sucre dans l'essence,
acide dans l'huile, etc. - mais fut consterné d'apprendre
que son ou ses ennemis avaient pu aller aussi loin dans la malveillance.
Il se souvint aussi que depuis plusieurs mois il souffrait d'une
grande fatigue générale, attribuée a posteriori
à cette irradiation qui aurait pu le tuer sans son accident
providentiel.
Par son cadre - le centre de La Hague - et par son objet - démasquer
le premier apprenti meurtrier par radioactivité - , l'enquête
menée par la police de Cherbourg fut assurément
très insolite. Elle devait aboutir à l'arrestation
de Noël Lecomte et à son inculpation pour «tentative
d'empoisonnement». En effet, le vieux Code Napoléon
n'avait évidemment pas plus prévu le meurtre radioactif...
Aux Etats-Unis, une plainte a été déposée en 1995 par une scientifique, enceinte au moment des évènements, pour empoisonnement volontaire par du phosphore 32.
Une publication russe fait état d'au moins quatre cas d'actes criminels utilisant des sources de rayonnements gamma, dont trois pour lesquels la source avait été placée sous le siège de la victime [Krasniouk, 2004]. Ces quelques cas constituent en fait des actes criminels isolés, motivés par le désir de vengeance.
Enfin, l'assassinat à Londres de l'ex-agent russe Alexandre Litvinenko à l'aide de polonium 210. A la suite de l'introduction de ce radionucléide émetteur Alpha, d'activité spécifique élevée, dans une boisson, la victime est rapidement tombée malade puis est décédée à la suite de la défaillance de plusieurs organes et tissus (rein, coeur, moelle osseuse).
Suicide
1972 - Bulgarie: suicide par exposition à une source radioactive. Plus de 200 Gy à la poitrine.
1960 - URSS: suicide par exposition à une source radioactive. Un individu se suicide en s'exposant à une source de césium 137. Il reçoit 15 Sv.