Situation réglementaire
Un arrêté du 11 octobre 1983, applicable au 1er janvier 1987, interdit l'emploi d'éléments radioactifs pour la fabrication, la commercialisation et l'importation des paratonnerres. Mais leur enlèvement n'est pas rendu obligatoire par cet arrêté.
1914, le paratonnerre à tête radioactive est breveté
Son principe de fonctionnement repose sur l'ionisation
de l'air au voisinage de sources radioactives provoquée
par les rayonnements alpha. Ceci augmenterait la probabilité
d'amorçage électrique et le rayon de protection
par rapport à une pointe métallique simple. [Voir
les explications dans l'article de Science et Vie
n°77 de novembre 1923]
Le paratonnerre au radium
a été commercialisé en grande quantité
à partir des années 30, notamment par les marques
françaises Helita, Duval Messien, Franklin France et Indelec.
Le radium étant un radionucléide naturel, son emploi
a échappé à toute réglementation en
France jusqu'en 2002. Il n'y a donc aucune information fiable
sur le nombre de paratonnerres au radium fabriqués ou importés
et commercialisés en France. Il est également impossible
de déterminer le nombre de ces appareils encore en utilisation.
Le paratonnerre à l'américium a fait l'objet d'autorisations par la CIREA (Commission
interministérielle des radioéléments artificiels)
dans les années 1970. Comme pour d'autres utilisations
(peintures luminescentes
ou détecteurs
de fumée par exemple), l'emploi de radionucléides
artificiels (donc soumis à la réglementation et
à une certaine traçabilité) comme l'américium
ou le tritium a été autorisé afin de faire
reculer l'emploi du radium, même si la justification de
l'emploi de sources radioactives dans des paratonnerres pouvait
déjà être discutée. Dans cette logiquede
privilégier des radionucléides artificiels et donc
réglementés [...] la réglementation a fait
l'objet d'adaptations spécifiques: nécessité
d'obtention d'autorisation pour les fabricants et fournisseurs
mais détention libre pour les utilisateurs. Cette dérogation
par rapport au régime général d'autorisation,
sans doute nécessaire pour contribuer à l'abandon
du radium, a pour conséquence aujourd'hui un manque d'informations
précises quant au nombre de paratonnerres à l'américium
encore en utilisation en France. Les autorisations délivrées
aux fournisseurs imposaient la tenue de registres (manuscrits
à l'époque) des installations avec indication des
acquéreurs, des lieux d'installation et des numéros
des paratonnerres. Toutes ces autorisations ont été
clôturées en février 1987 mais aucune obligation
de démontage n'a jamais été définie
depuis. Comme pour les paratonnerres au radium, il est donc impossible
d'avoir des données précises sur leur nombre actuel.
La situation actuelle
Plusieurs
dizaines de milliers de paratonnerres radioactifs seraient toujours
en service. Ce n'est qu'à l'occasion
d'opérations d'entretien ou de démolition de bâtiments
que les paratonnerres sont démontés. Ils doivent
alors être considérés comme des déchets
radioactifs et, à ce titre, être pris en charge par
l'ANDRA. [...]
L'ANDRA (www.andra.fr) aurait déjà collecté
au total environ 6000 têtes de paratonnerres (radium et
américium). Dans son rapport 2002 sur l'inventaire des
déchets radioactifs, l'ANDRA indique qu'elle a récupéré
en 2001 plus de 300 têtes de paratonnerres au radium. Elle
présente également les lieux d'entreposage des paratonnerres
récupérés (une vingtaine de sites) puisqu'il
n'existe pas aujourd'hui de filière d'élimination
de ces sources.
Eléments de radioprotection
Les paratonnerres ont une activité unitaire variant entre
quelques MBq et quelques dizaines de MBq. La matière radioactive
se présente sous forme de plaquettes, feuilles, billes
de porcelaine.
A la fabrication,
ces sources pouvaient être considérées comme
scellées.
Du fait de leur exposition
directe aux intempéries pendant plusieurs années,
les matériaux sont susceptibles de se dégrader et
le confinement de la radioactivité ne peut plus être
garanti. En effet, lors d'opérations de récupération
et de démontage, il a été constaté
une dispersion de la radioactivité. Il a pu également
exister des incidents de contamination.
Dans sa brochure, l'ANDRA met d'ailleurs en garde contre les risques
d'exposition externe dus à une présence prolongée
au contact des parties radioactives, mais aussi contre les risques
d'exposition interne en cas de détérioration de
la partie radioactive.
Extrait texte IRSN, 16/8/2004.
Le Figaro, 11 décembre
2004:
[Photos rajoutées par Infonucléaire]
Deux paratonnerres radioactifs de marque Helita ont disparu sur un chantier de démolition à Saint-Etienne-de-Remiremont (Vosges). La DGSNR (Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection) recommande à ceux qui les ont pris de ne pas les conserver (1).En effet, ces deux instruments contiennent du radium 226, une substance radioactive naturelle. Ces dispositifs, s'ils ne sont pas endommagés, ne présentent pas de risque particulier. Mais leur manipulation peut être dangereuse et doit être réalisée par un professionnel. Ce type de paratonnerre doit être traité avec les mêmes précautions qu'un déchet radioactif (2).
Tête de paratonnerre au radium 226.
De 1930 au milieu des années 1980, des milliers de paratonnerres radioactifs ont été installés en France pour limiter les risques de la foudre. On trouvait alors plusieurs marques sur le marché : Duval Messien, Franklin France, Helita et Indelec. Ces appareils étaient réputés plus efficaces que les paratonnerres traditionnels à pointe métallique. On prétendait que l'activité ionisante du radium attirait la foudre mais cela n'a jamais pu être réellement démontré. En fait, les paratonnerres radioactifs bénéficiaient du véritable culte que l'on portait à l'époque au radium (lire: Le scandale des potions au radium).
L'interdiction des paratonnerres radioactifs, décidée en 1983, n'a été effective qu'en 1987. Un incident récent a montré que ces engins présentent un risque potentiel. En Belgique, des enfants ont joué avec un paratonnerre qui était tombé du toit d'une maison.
L'annonce du vol de Saint-Etienne-de-Remiremont a été rendue publique hier, le jour même où la DGSNR présentait le dernier numéro de la revue Contrôle (2), consacré à la contamination radioactive et aux actions sur les sites pollués. Des milliers de paratonnerres radioactifs se trouvent aujourd'hui sur les toits d'habitations privatives ou de bâtiments publics. André-Claude Lacoste, directeur général de la DGSNR a annoncé, dans un but de prévention, leur retrait. Deux autres appareils d'usage courant sont aussi dans le collimateur de l'Autorité de sûreté : les détecteurs de fumée radioactifs et les bouchons de pêche au tritium.
(1) En cas de découverte, contacter
le commissariat de police de Remiremont (03.29.26.17.17) ou la
préfecture des Vosges (03.29.69.88.51).
(2) www.asn.fr
Yves Miserey