Cahiers d'histoire
Revue d'histoire critique
Auteur
Sezin Topçu
Centre Alexandre Koyré, EHESS
[Les liens dans le texte et dans les références ont été rajoutés par Infonucléaire]
Résumé
Cet article analyse la mobilisation d'une partie du milieu
physicien contre le programme électronucléaire français
lancé en mars 1974. Centrant l'enquête sur l'Appel
des 400, la pétition de masse des scientifiques opposés
au programme nucléaire et sur le Groupement des Scientifiques
pour l'Information sur l'Énergie Nucléaire (GSIEN),
groupement créé par des physiciens à l'origine
de cette mobilisation, il analyse les conditions de l'émergence
de la critique du nucléaire civil à l'intérieur
du monde de la physique. Il rend compte des apports ainsi que
des limites de la critique scientifique dans l'orientation des
décisions techno-politiques. L'auteur soutient que la mobilisation
puis la démobilisation rapide du milieu physicien est due,
entre autres, à la difficulté à laquelle
ce milieu est confronté dans l'articulation de l'activité
scientifique et de l'action politique. Cette contribution propose
aussi de revisiter la notion de « légitimité »,
perçue en général comme une catégorie
chère à la science, dans un contexte où une
division forte entre science et expertise s'impose.
Si le mouvement antinucléaire français a déjà
fait l'objet de nombreuses analyses, on constate que le rôle
joué par les scientifiques dans la contestation est, à
quelques exceptions près 1, relativement peu
étudié. De manière générale,
cette lacune résulte de l'entrée tardive des questions
liées à l'engagement des scientifiques dans l'histoire
des intellectuels ainsi que dans l'histoire et la sociologie des
sciences 2. Sur un plan plus spécifique, l'absence
d'attention portée sur l'action des scientifiques au sein
de la contestation antinucléaire pourrait s'expliquer par
un certain nombre de spécificités du mouvement des
savants dans ce cadre : prise de position ambiguë vis-à-vis
du nucléaire (ce qui a placé les scientifiques sur
un plan décalé par rapport au mouvement antinucléaire) ;
quasi-absence des scientifiques sur les lieux habituels de la
contestation ; élaboration de formes d'action dites
« modérées » et peu médiatiques,
etc. Précisons cependant que les scientifiques engagés
dans le mouvement antinucléaire français furent
hétérogènes (en termes de disciplines professionnelles,
d'appartenances institutionnelles ou d'affiliation politique)
et que ces constats concernent en particulier le milieu physicien
dont est placé l'analyse au centre de notre contribution.
L'analyse de la mobilisation du milieu physicien dans le mouvement
antinucléaire, et plus spécifiquement celle du GSIEN
(Groupement des Scientifiques pour l'Information sur l'Énergie
Nucléaire) qui regroupait la plupart des physiciens critiques
du programme électronucléaire au milieu des années
70, offre la possibilité de saisir la complexité
du nombre de questions contemporaines liées aux rapports
entre science et politique, entre progrès technique, risque
industriel et société. Issue d'une pétition
de masse lancée contre le programme nucléaire du
gouvernement, animée en majorité par des physiciens
nucléaires, l'histoire du GSIEN révèle les
forces et les limites d'une critique scientifique portée
sur un choix techno-politique et émergeant de l'intérieur
même du sérail. Elle met en lumière les raisons
de la montée puis de l'essoufflement rapides de l'action
politique et de la critique portée sur les sciences dans
les laboratoires pendant la décennie 70. Elle appelle enfin
à reconsidérer la notion de la légitimité,
perçue en général comme une catégorie
chère à la science, dans un contexte où s'impose
une division forte entre « science » et
« expertise ».
Le « milieu physicien » auquel nous faisons
référence mérite ici d'être précisé.
Dans ce milieu, une critique poussée de l'énergie
nucléaire émerge à partir de 1975 dans le
cercle des physiciens nucléaires (physique nucléaire,
physique des particules, physique des hautes énergies)
en particulier. Rappelons qu'au milieu des années 60, le
budget de la recherche alloué à la physique nucléaire
représente 21,5 % des dépenses globales de
la recherche fondamentale en France 3. En 1974, l'Institut
National de Physique Nucléaire et de Physique des Particules
(IN2P3) du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique),
créé en 1971 dans le but d'assurer un meilleur « rendement »
et une meilleure gestion dans ce domaine, rassemble treize laboratoires
(physique nucléaire, physique corpusculaire, physique des
hautes énergies, spectrométrie nucléaire,
spectrométrie de masse, physique subatomique...). L'IN2P3
compte alors presque 350 chercheurs et enseignants dans les domaines
de la physique et de la chimie nucléaire, 250 chercheurs
dans le domaine de la physique des particules et 300 ingénieurs.
Quant au CEA (Commissariat à l'Énergie Atomique),
il regroupe à la même époque presque 150 chercheurs
et 70 ingénieurs dans le domaine de la physique nucléaire
(Centre d'Études Nucléaires de Saclay, Centre d'Études
Nucléaires de Grenoble et la moitié des effectifs
du Laboratoire National Saturne 4) et environ 125
chercheurs et 70 ingénieurs dans le domaine de la physique
des particules (section de physique des particules de Saclay et
l'autre moitié de Saturne) 5. C'est précisément
la critique élaborée par une partie des chercheurs
appartenant à ce vaste milieu qui représente le
sujet de notre article. Suffisamment détaché de
la maîtrise d'uvre des centrales nucléaires en tant
que scientifiques en « recherche fondamentale »,
mais aussi, suffisamment concerné par les technologies
nucléaires de par la finalité de leur recherche,
ce milieu offre une occasion toute particulière pour penser
les rapports entre science, innovation et politique.
Cette étude s'appuie sur une série d'entretiens
menés avec des principaux acteurs du GSIEN, des sections
du syndicat la CFDT (Confédération Française
Démocratique du Travail) au CEA et à EDF (Électricité
de France) ainsi que les mouvements impliqués dans la critique
de la science et du nucléaire (Survivre, Impasciences,
Politique Hebdo). Elle se base également sur une analyse
d'archives et de publications du GSIEN ainsi que sur le dépouillement
de certaines archives officielles.
Le milieu physicien à l'écart
du mouvement antinucléaire naissant
Le programme nucléaire français lancé dès
1954 est déjà bien engagé à la fin
des années 60 avec neuf réacteurs nucléaires
construits, quatre réacteurs en construction, une usine
de retraitement tout juste mise en service ainsi qu'une quarantaine
de têtes nucléaires. En 1973, à la veille
de l'accélération du programme nucléaire
français, l'énergie nucléaire fournit, avec
onze réacteurs couplés au réseau, 8 %
de l'électricité produite 6. Le développement
de l'énergie nucléaire ne suscite cependant pas
dans l'espace public de réactions massives pendant les
décennies 50 et 60. Largement promue par le discours « l'atome
pour la paix », le nucléaire est alors plutôt
considéré comme une affaire de scientifiques et
d'ingénieurs uvrant pour la modernisation et la grandeur
de la nation. En 1958, à la veille de l'explosion de la
première bombe atomique française dans le Sahara
(13 février 1960), 28 % de la population seulement
s'oppose à l'armement nucléaire de la France alors
que près de la moitié des Français pense
que l'effort français d'équipement atomique est
insuffisante 7.
Néanmoins, la période d'après-Mai 68 change
la donne et transforme progressivement Zoé en Cassandre 8.
L'énergie nucléaire, avec son organisation, devient
rapidement la cible des critiques issues de l'effervescence sociale
généralisée. Forme d'énergiehéritière
de la bombe, grand projet industriel à haut risque, secteur
étatique sous-tendu par des collaborations avec des firmes
privées, l'énergie nucléaire relève
alors aussi d'une technique développée en grande
partie par des experts issus des grands Corps d'État (Corps des Mines et Corps
des Ponts et Chaussées) et appartenant au CEA et à
EDF. C'est ainsi qu'au début des années 70, les
diverses formes de critique de l'État et de la technocratie,
la condamnation inébranlable du système capitaliste,
de l'exploitation, de la domination sociale et de la société
de la consommation, la mise en cause de la science, du progrès
technique et du développement industriel, la critique de
l'appareil militaire renforcée par la guerre du Vietnam
ainsi que la montée des préoccupations environnementales
se conjuguent avec le refus des centrales nucléaires.
D'abord apparu aux États-Unis (au cours d'une grande controverse
autour du réacteur de Monticello au Minnesota), le mouvement
antinucléaire prend son essor en France au début
des années 70 au sein même du mouvement écologiste
naissant. Au croisement de la critique politique issue du mouvement
de Mai 68 et de la critique écologiste, il met en cause
le système de domination, le modèle de la croissance
ainsi qu'une conception technicienne, centralisée et autoritaire
de la société dont l'énergie nucléaire
serait l'avatar. A l'origine de la montée de la critique
écologiste et antinucléaire se trouvent en majorité
ce qu'on peut qualifier d'élite intellectuelle en marge
du monde ouvrier : journalistes, avocats, enseignants, ainsi
que mathématiciens et quelques biologistes 9.
Le journaliste Pierre Fournier démarre dans Hara-Kiri
Hebdo (devenu Charlie-Hebdo à la fin de l'année
1970) la première chronique écologiste en France,
lance avec l'instituteur Émile Prémillieu le collectif
Bugey-Cobaye (avril 1971), organise en juin 1971 les
premières manifestations à Bugey, puis créé
en novembre 1972 le journal La Gueule Ouverte qui,
dès le début, fait du nucléaire sa préoccupation
principale. A l'initiative du journaliste Alain Hervé,
la branche française des Amis de la Terre voit le jour
en 1970 et rassemble, entre autres, Pierre Samuel, mathématicien,
Yves Lenoir, alors ingénieur des Mines, et Brice Lalonde,
politique du Parti Socialiste Unifiée (PSU). Fin 1972,
la Gueule Ouverte et les Amis de la Terre demandent un
moratoire de cinq ans sur les installations nucléaires
en marche ou en construction ainsi qu'un arrêt définitif
des explosions atomiques. Enfin, certains biologistes éminents,
notamment Jean Rostand, Théodore Monod et Philippe Lebreton,
ainsi que l'océanographe Jacques-Yves Cousteau, apportent
rapidement leur soutien au mouvement antinucléaire.
Un groupe de mathématiciens jouent aussi un rôle
clé dans la montée du mouvement. Au moment où
la guerre de Vietnam met en évidence le rôle joué
par les sciences dans la conduite des guerre impérialistes,
un groupe de mathématiciens (A. Grothendieck, C. Chevallet,
P. Samuel et D. Guedj) se mobilisent en 1970 autour
du groupement Survivre (devenu Survivre et Vivre),
mouvement né d'abord à Montréal. Survivre
combine l'interrogation sur la fonction sociale de la science
avec la critique de la société industrielle
(menaces que fait peser l'ère industrielle sur l'environnement
et l'espèce humaine), de la croissance et de l'appareil
militaire. Alexandre Grothendieck, alors chercheur reconnu, quitte
la même année son poste à l'Institut des Hautes
Études Scientifiques lorsqu'il découvre que 5 %
du financement de son institution provient de l'armée.
En avril 1972, Survivre et Vivre crée un « scandale »
en révélant
des fissures dans un grand nombre de fûts de déchets
nucléaires stockés au Centre d'Études Nucléaires
de Saclay (CENS)10. Une ancienne physicienne du CEA
Saclay, membre du GSIEN dès le milieu des années
70, se souvient de la manière dont A. Grothendieck
tente, non sans ironie, d'alerter les physiciens sur le risque
nucléaire à l'occasion d'une conférence au
CENS : « Donc ils sont venus à Saclay,
Grothendieck, Guedj et Sibony, avec l'intention d'en parler [des
fuites dans les fûts]. Mais ça, personne ne savait
sauf lui [Grothendieck]. Donc au cours de la conférence,
il a dit : "Est-ce que vous savez, vous qui êtes
là en train de faire de la recherche, que vous avez devant
vos yeux des fûts qui sont fissurés avec de la radioactivité ?
Et ça ne vous intéresse pas !" Ça
a été vraiment il y a eu un Crash là-dessus.
Il y a eu appel à Abragam qui est devenu furieux. »
11
Pendant cette période, une telle action s'inscrit parfaitement
dans les objectifs que Survivre et Vivre se donnent, à
savoir, « lutter contre l'obscurantisme des milieux
scientifiques, d'aider les scientifiques à s'intéresser
à leur propre société, à la comprendre
et à la changer » 12. « Nous
voulons réveiller tous ceux qui font de la science comme
les vaches font du lait »13 expriment alors
les mathématiciens contestataires. Si Survivre et vivre
aura exercé a posteriori une influence certaine sur le
milieu scientifique en général et sur le milieu
physicien en particulier, ce dernier se tient, il est vrai, à
l'écart du mouvement antinucléaire dans un premier
temps.
En effet, bien qu'il soit assez fort localement, le mouvement
antinucléaire ne parvient pas à susciter un débat
au niveau national pendant les premières années.
Fin 1971, 68 % des Français pensent encore que l'énergie
nucléaire est « l'énergie d'avenir »
14. Jusqu'en 1974, la région d'Alsace, berceau de
la contestation avec les premières manifestations à
Fessenheim dès avril 1971, est l'une des rares régions
où les populations locales, largement alertées par
leur voisins d'outre-Rhin, participent au mouvement 15.
La mise en cause de l'énergie nucléaire s'avère
encore plus difficile pour le milieu physicien, milieu pour lequel
le nucléaire civil est, dès les années 50,
auréolé d'une certaine justification morale sous-tendue
par l'idée d' « atome pour la paix »
(discours d'Eisenhower en 1954, discours de Joliot après
Hiroshima). Un consensus sur les bienfaits de l'atome civil comme
porteur du progrès social règne donc chez les scientifiques
qu'ils soient de droite ou de gauche. Le Parti Communiste Français
(PCF) porte volontiers cette conviction. Par conséquent,
l'influence du PCF, encore très étendue dans l'ensemble
du milieu physicien à la fin des années 60, ainsi
que la forte tradition de Joliot mettent le milieu physicien à
distance de toute mise en cause de l'atome. Il faudra attendre
la crise pétrolière puis l'annonce d'un programme
électronucléaire colossal pour une montée
spectaculaire de la critique du nucléaire chez les physiciens
comme au sein des syndicats (la CFDT), des partis politiques (notamment
le PSU) et des populations locales.
L'Appel
des 400, un engagement tardif mais décisif : « Allez,
on prend le train en marche. »
C'est en réponse à la guerre du Kippour (octobre 1973)
et à l'augmentation brutale des prix du pétrole
que le gouvernement Messmer lance en mars 1974 un programme
massif de « tout électrique tout nucléaire »,
connu aussi sous le nom de « Plan Messmer »
ou de Plan VII. Mis en place par EDF et le CEA en l'absence d'un
débat public, voire d'un débat parlementaire, celui-ci
est en effet élaboré dès le milieu des années
60, donc bien avant la crise pétrolière. La Commission
Consultative pour la Production d'Électricité d'Origine
Nucléaire (PEON), chargée de l'évaluation
économique du programme nucléaire, dépend
alors elle-même des compétences d'EDF et du CEA dans
la mesure où elle est composée d'ingénieurs
haut niveau et de cadres du CEA et d'EDF ainsi que de cadres ministériels
et de quelques représentants de l'industrie privée 16.
La filière à eau légère, développée
par la firme américaine Westinghouse et choisie pour les
centrales à construire dans le cadre du Plan Messmer, est
adoptée dès 1969 au détriment de la filière
graphite-gaz du CEA. Lors d'une réunion de 1972 sur les
centrales à construire dans les trente années à
venir, les membres de la Commission Péon concluent d'ailleurs
que « le seul chef de hausse du prix du nucléaire
pourrait provenir d'un désir d'accroître la sécurité
à un niveau excessif » 17.
Le Plan Messmer prévoit la construction d'environ 80 centrales
jusqu'en 1985 et d'un total de 170 centrales jusqu'en 2000. Au
rythme de 7 tranches par an, le nucléaire doit ainsi assurer,
en l'an 1985, 70 % de la consommation d'électricité.
Dans la même lignée du recours au « tout
nucléaire », l'équipement d'environ 3 millions
d'habitats en chauffage électrique jusqu'en 1985
est envisagé par EDF, maître d'uvre du programme.
Grâce au « tout nucléaire »
qui doit remplacer le « tout pétrole »,
les savoirs développés par les physiciens français
depuis moins de quatre décennies ne courent-ils pas enfin
au secours de la nation dans cette période de crise ?
Le physicien ne doit-il pas dès lors uvrer à la
meilleure réussite de l'application de ses travaux ?
Peut-il faire autrement que de se réjouir du fait que ses
découvertes permettent de garantir l'indépendance
et la grandeur du pays ? C'est avec de telles assurances
qu'à la suite de l'annonce de son programme électronucléaire,
le gouvernement demande aux organismes de recherches, dont bien
entendu le CNRS, de mener une réflexion pour « limiter
les conséquences de la crise énergétique
sur l'économie nationale »18. Mais la
confiance induit la méfiance puis une critique massive
à l'égard du nucléaire. Car la crise ne touche
pas uniquement les besoins énergétiques de la nation
mais aussi le monde de la recherche qui, à la sortie de
la période dorée de « Trente Glorieuses »,
voit ses crédits et les postes en baisse. Il subit surtout
le virage pris par une gestion plus utilitariste de la recherche
où la compétitivité de la recherche devient
le nouveau mot d'ordre.
C'est ainsi qu'une trentaine de physiciens refusent précisément
de « cautionner » l'État et son programme
nucléaire. Cette critique se cristallise en effet en fonction
d'une série de démarches institutionnelles précises
qui révèlent nettement un conflit générationnel
entre de jeunes chercheurs et des savants issus de la génération
de Joliot. Au départ,la direction de la commission 06 (Commission
de la physique nucléaire et corpusculaire) de l'IN2P3 répond
favorablement à la demande gouvernementale d'associer les
chercheurs à la promotion du programme nucléaire
en indiquant qu' « il serait très fâcheux
pour les scientifiques français de se désintéresser
des problèmes de l'énergie et de ne pas contribuer
à l'effort national » 19. Ainsi, sur
l'initiative de l'IN2P3, un groupe de neuf physiciens du CEA et
de l'IN2P3 prépare un rapport devant servir de matériau
à la préparation des options du VIIe Plan en matière
de recherche scientifique sous la co-responsabilité de
M. René Klapisch, alors maître de recherches
à Orsay, et de M. Georges Ripka, physicien au CEA
20. Ce rapport de 300 pages fait notamment l'éloge
de la rentabilité du nucléaire dont le kilowattheure
produit serait, selon lui, deux à trois fois moins cher
que celui produit par une énergie d'origine fossile. Quant
aux risques liés au nucléaire, il minimise de nombreux
problèmes comme par exemple celui de la sûreté
qu'il suppose maîtrisée en faisant référence
aux rapports de l'AIEA (Agence Internationale pour l'Énergie
Atomique). Le rapport réaffirme aussi clairement la démarcation
déjà très forte entre chercheurs et experts
du nucléaire dans les termes suivants : « Le
physicien nucléaire est dans ces affaires un témoin
privilégié plutôt qu'un expert. [...] Peut-être
exprimerait-il l'opinion que ces problèmes ne paraissent
pas insolubles et mettrait-il en garde contre la tentation du
"bon marché". Mais il ne pourra que renvoyer
l'opinion aux véritables experts : ingénieurs,
économistes, juristes, qui devront analyser des solutions
dont l'adoption est en dernière analyse un acte politique.
[...] En conclusion, les physiciens nucléaires ne peuvent
qu'approuver un débat profond et sérieux sur les
risques, les modalités et les fins de l'utilisation sociale
de l'énergie nucléaire. » 21
Compte tenu de ces aspects, en avril 1974, le rapport Klapisch-Ripka
provoque une vive polémique au sein du conseil scientifique
de l'IN2P3 qui regroupe alors des scientifiques avec des approches
diverses vis-à-vis de la science en général
et du nucléaire en particulier. Si des scientifiques de
la génération de Joliot comme Francis Perrin, Louis
Leprince-Ringuet ou Jean Teillac sont favorables au programme
électronucléaire qu'ils estiment au service de la
nation en cette période de crise énergétique,
d'autres scientifiques plus jeunes comme Robert Béraud
et Jean-Paul Shapira, futurs membres du GSIEN, jugent que les
risques sont minimisés et que le programme du gouvernement
est vanté par les rapporteurs 22. Ainsi, après
un premier échange de vues en novembre 1974, la commission
06 désigne un groupe de travail composé de six membres
tous ont plus de quarante ans et sont des physiciens dit
« confirmés » afin d'étudier
les problèmes posés par les réacteurs à
eau légère du type BWR (à eau bouillante)
et PWR (à eau sous pression) 23.
Après quelques mois de travail, ce groupe prépare
un rapport intitulé « Rapport préliminaire
sur des thèmes de recherche à propos de l'énergie
nucléaire » qui désigne les problèmes
nécessitant des « recherches au point de vue
fondamental relevant en particulier de la compétence
du CNRS » 24, notamment le problème des
déchets. Bien qu'il pointe sur le caractère prématuré
du Plan Messmer, le rapport préconise ainsi un programme
de recherches pour le CNRS.
Non satisfaits des conclusions de ce rapport, deux membres de
ce groupe de travail rejoignent une trentaine de chercheurs, plus
jeunes, pour développer une analyse plus poussée
des risques liés au programme nucléaire 25.
Ce groupe réunit des physiciens de quatre laboratoires
(LPC, du LPNHE-X, de l'IPN et du LAL) de l'IN2P3. La majorité
porte toujours un militantisme politique, anti-hiérarchique
voire libertaire issu du mouvement de Mai 68. Certains, influencés
par la critique de la science élaborée par le groupe
Survivre et Vivre, s'interrogent sur l'utilité sociale
de leur travail, ce qui poussera plusieurs d'entre eux à
abandonner la recherche en physique nucléaire. D'autres
encore se sentent proches de la critique technocratique élaborée
en particulier par la CFDT. Par ailleurs, la mobilisation des
chercheurs américains, notamment l'action de l'Union
of Concerned Scientists, créée en 1969 par un
groupe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology,
leur offre un exemple à suivre. C'est ce groupe qui, au
bout d'un travail de réflexion de plusieurs mois, lance
en février 1975 une pétition intitulée
« Appel de scientifiques à propos du programme
nucléaire français » afin d'alerter les
populations sur les dangers du programme nucléaire du gouvernement.
L'Appel, lancé au Laboratoire de physique corpusculaire
(LPC) du Collège de France, représente une critique
pluridimensionnelle. Sur le plan des risques techniques proprement
dits les scientifiques dénoncent en ces termes : « Systématiquement
on minimise les risques, on cache les conséquences possibles,
on rassure. Pourtant les divergences entre les études,
les incertitudes des rapports officiels montrent bien que les
risques existent.» 26 L'Appel affirme notamment
que la probabilité d'un accident nucléaire n'est
pas nulle, contrairement à ce que soutiennent alors les
autorités, que les fuites radioactives dans les centrales
sont possibles, et que le problème des déchets manque
de solutions viables. Il met surtout en cause, en soulignant l'insuffisance
des ressources d'uranium en France, l'indépendance énergétique
censée être assurée par le nucléaire.
L'Appel dénonce aussi la « technocratie »
liée à l'organisation de l'expertise dans le domaine
nucléaire. Il accuse EDF de refuser toute compétence
autre que celle des techniciens officiellement habilités.
Il reproche au CEA d'être « juge et partie »
dans le programme nucléaire dans la mesure où le
contrôle du programme est confié à cet organisme.
A travers tous ces arguments, l'Appel représente enfin
une critique de la mutation de l'État jusque-là
garant du bien-être social. Il dénonce en particulier
l'intervention des critères de rentabilité dans
le traitement des risques. Néanmoins, l'Appel des 400 n'exprime
aucunement un refus de l'énergie nucléaire en tant
que technique. Il manifeste plutôt une inquiétude
vis-à-vis du caractère prématuré d'un
programme de grande ampleur et réclame l'ouverture d'un
« vrai débat » sur le sujet. L'Appel
est l'oeuvre des physiciens qui sont jeunes dans leur carrière
mais qui ont déjà une notoriété et
une garantie d'emploi en tant que fonctionnaires. Il ne s'agit
là ni d'étudiants, ni de thésards, ni de
chercheurs contractuels ou vacataires mais bel et bien d'une élite
scientifique, composée d'individus âgés d'environ
30?35 ans, ce qui rend modérée l'argumentation de
leur critique.
L'Appel des scientifiques, signé par plus de 400 chercheurs
en une semaine, parvient à recueillir 4000 signatures en
trois mois. Si environ la moitié des premières signatures
appartiennent au milieu des physiciens nucléaires, l'Appel
brasse aussi un large éventail de disciplines, de l'économie
à la zoologie, de la biologie à la psychiatrie.
En somme, 488 signatures émanent du milieu de la physique
nucléaire, de la physique corpusculaire et de la physique
des hautes énergies. 1027 autres signatures proviennent
d'autres branches de la physique (physique théorique, physique
des solides, électronique). Plus de 600 biologistes, près
de 450 chimistes et pas moins de 115 chercheurs en médecine
signent aussi massivement l'Appel 27.
En désaccord profond avec leur direction depuis l'abandon
de la filière nationale « graphite gaz »,
choix qui avait provoqué des grèves massives de
plusieurs mois fin 1969, une centaine de chercheurs et de techniciens
du CEA Saclay signe également l'Appel. Il s'agit là
notamment des chercheurs de l'axe de la recherche fondamentale :
82 chercheurs de physique théorique, physique de spectrométrie
de masse et physique corpusculaire contre seulement 3 chercheurs
du service des piles et 4 techniciens. On y trouve des militants
de la CFDT dont certains participeront à l'action du GSIEN
jusqu'au début des années 80. On y trouve également
des chercheurs mobilisés au sein du Groupe Information Travail (GIT) de Saclay,
créé début 1974 par des physiciennes, notamment
du département de physique des solides, déjà
sensibilisées aux questions de santé au cours de
la vive controverse sur l'avortement. Le GIT, animé entre
autres par Bella Belbéoch, future membre du GSIEN, fera
sortir pour la première fois, à travers des enquêtes
menées auprès des travailleurs 28, l'information
sur les incidents à l'intérieur d'un centre nucléaire.
Avec l'Appel
des 400 qui surgit plus de quatre ans après la montée
du mouvement antinucléaire, on affirmera que les physiciens
ne sont pas des lanceurs d'alertes pionniers au sujet des risques
nucléaires. Ils prennent au contraire conscience de l'importance
des enjeux liés au nucléaire grâce à
l'action des groupes écologistes et à la mobilisation
des populations locales, devenue forte, après l'annonce
du Plan Messmer, notamment à Flamanville, Erdeven et Braud-Saint-Louis. En Bretagne, les premiers
Comités Locaux et Régionaux d'Information sur le
Nucléaire (les CLIN et les CRIN), déterminants dans
la lutte antinucléaire locale, sont créés
dès novembre 1974. En réaction à des
concertations locales instaurées par le gouvernement sur
des sites retenus pour l'implantation d'une centrale, des élus
locaux prononcent leur opposition au nucléaire à
Erdeven
et à Plogoff.
En janvier 1975, les pétitions contre le programme
se multiplient dans le milieu associatif et écologiste
(la Fédération Française pour la Protection
de la Nature, le Mouvement Écologique). La mobilisation
des scientifiques ne voit donc le jour qu'après l'amplification
de la controverse sur le programme nucléaire au niveau
national. Elle n'émerge qu'après le déclenchement,
selon l'expression de Garaud 29, d'une véritable
« guerre de l'information » entre les groupes
contestataires et EDF, qui commence dans cette période
à allouer un budget d'environ 6 millions de francs
pour les seules campagnes de publicité 30.
Néanmoins, force est de constater qu'aucune mention n'est
faite dans le texte de l'Appel sur le mouvement antinucléaire
déjà existant. La prise de position des scientifiques
à travers l'Appel prétend au contraire être
une alerte sans précédent. Jean-Marc Lévy-Leblond,
physicien théoricien et animateur du mouvement Impasciences,
un des rares mouvements (avec Survivre) qui développent
pendant cette période une critique radicale (et marginale)
de la science à l'intérieur du milieu scientifique 31,
ironise sur l'arrivée tardive du milieu physicien dans
le mouvement antinucléaire dans les termes suivants :
« Mieux vaut tard que jamais. Allez, on prend le train
en marche. » 32 Lévy-Leblond rapporte
aussi la manière dont certains militants écologistes
font des remarques narquoises sur l'Appel telles que « alors,
on se réveille ? », « on n'attendait
plus que vous », « vous êtes sûr
que vous avez assez réfléchi » 33.
Cette situation se distingue fortement de celle des États-Unis
où les scientifiques jouent un rôle clé dans
la montée des oppositions au nucléaire. L'Union
of Concerned Scientists est engagée dès 1971
dans la critique du risque nucléaire, notamment sur le
problème de sûreté des centrales 34.
Les voix
dissidentes provenant de l'intérieur même des
autorités nucléaires (notamment celle de John Gofman, chercheur en physique médicale
et rédacteur avec Arthur Tamplin, d'un rapport très
critique commandé par l'Atomic Energy Commission) ainsi
que l'irruption des lanceurs d'alerte scientifiques (comme le
biologiste Ernest Sternglass ou le physicien Ralph Nader) permettent
au mouvement antinucléaire de se légitimer dès
le départ. C'est grâce, en partie, à la généralisation
rapide de l'opposition aux centrales que le programme nucléaire
américain entre déjà dans une phase de déclin
au moment même où le Plan Messmer voit le jour.
Malgré son retard, l'Appel obtient un écho important
dans la presse nationale 35 voire internationale,
notamment dans le quotidien Times qui titre le 11 février
1975 « Les scientifiques français attaquent
les centrales nucléaires ». L'Appel provoque
surtout un grand choc pour le gouvernement et les promoteurs du
nucléaire. La critique antinucléaire, jusque-là
considérée comme une provocation de quelques « gauchistes
chevelus », ou bien comme une peur irrationnelle 36,
gagne une légitimité incontestable grâce à
la mobilisation des savants. L'administration du CEA renforce,
à travers des réunions d'information, son contrôle
sur les chercheurs signataires de l'Appel à Saclay 37.
La section de Saclay du Syndicat des Ingénieurs et Cadres
de l'Énergie Atomique défend le CEA, « l'organisme
d'intérêt public », contre les pétitionnaires 38.
Louis Leprince-Ringuet, alors un des porte-parole scientifiques
d'EDF, insiste à travers les médias sur le fait
que les scientifiques pétitionnaires ne sont pas antinucléaires
et qu'il pourrait lui-même signer l'Appel.
Informer pour empêcher :
l'action du GSIEN
Si l'Appel des 400 représente une mobilisation massive
dans le milieu scientifique, elle ne traduit pas pour autant l'engagement
actif du même nombre de chercheurs sur le long terme. Au
cours de nos entretiens, nous avons même constaté,
avec étonnement, que certains chercheurs actifs dans la
critique du programme nucléaire ne se souvenaient plus
s'ils avaient signé cette pétition à l'époque.
Même si son impact dans l'espace public ne fait pas de doute,
ce que l'Appel des 400 traduit en termes d'intensité de
la critique du nucléaire parmi les scientifiques doit donc
être évalué avec précaution. Dans ce
cadre, c'est en particulier l'action du GSIEN pendant la deuxième
moitié des années 70 qui reflète la poursuite
du combat par les scientifiques les plus déterminés.
C'est elle qui assure, par là même, la durabilité
et la force de la critique élaborée.
C'est dans le but d'apporter une légitimité scientifique
à l'action des groupes contestataires et d'alimenter le
mouvement avec des arguments techniques qu'émerge en novembre 1975
le GSIEN, association loi 1901. On trouve parmi ses fondateurs
Monique Sené, physicienne des hautes énergies à
l'École Polytechnique, élue présidente, Jean-Paul
Shapira et Vincent Comparat, physiciens nucléaires à
Orsay, Dominique Lalanne, physicien des particules à Orsay
ainsi que Patrick Petitjean, Raymond Sené et Théo
Leray, physiciens des particules au Collège de France.
L'association s'ouvre rapidement vers d'autres scientifiques et
ingénieurs, en particulier vers des militants des Amis
de la Terre (Pierre Samuel, Yves Lenoir), de la CFDT-CEA (Bernard
Laponche, Jean-Claude Zerbib) mais aussi de la CFDT-EDF (Roland
Lagarde, Philippe Roqueplo).
Parmi les critiques avancées dans l'Appel des 400, c'est
celle visant le problème de la « propagande
officielle » et du « secret »
qui oriente principalement l'action du GSIEN. Pendant cette période,
en effet, nombre d'informations et de rapports sont tenus au secret,
à commencer par les plans d'évacuation « ORSEC-RAD »,
mais aussi les mesures de contrôle effectuées sur
l'ensemble du territoire par le Service Central de Protection
contre les Rayonnements Ionisants, les études de sûreté
de Superphénix, les études de contrôle de
la centrale de Fessenheim ou encore les rapports du Comité
d'Hygiène et Sécurité de l'usine de la Hague.
Ainsi le GSIEN attaque-t-il frontalement la question d'information
en se donnant comme principale tâche la diffusion d'une
information « objective » afin d'« empêcher
les officiels du nucléaire de transformer l'information
en propagande » 39.
Rappelons que pendant cette période, la focalisation sur
l'enjeu de l'information et le secret lié à l'appareil
d'État relèvent d'un mouvement plus large des groupes
d'information, issus de la conjoncture intellectuelle du début
des années 70 et des luttes politiques menées par
l'extrême gauche. La création en 1971 du Groupe d'Information
sur les Prisons à l'initiative de Michel Foucault est suivie
par la montée de nouveaux groupes d'information sur les
travailleurs immigrées (GISTI, 1971), les asiles (GIA,
1972), et la santé (GIS, 1972). Bien que ses orientations
politiques se distinguent de celles des groupes précédents,
le GSIEN, tout comme le GIT de Saclay, représente la propagation
du même mouvement dans le milieu physicien. Ainsi, à
la différence, par exemple, des militants maoïstes
du GIP qui mènent des enquêtes auprès des
détenus pour faire sortir l'information des prisons, jusque-là
secrète, le GSIEN s'en prend à la fois au « secret »,
au « mensonge », à la monopolisation
de l'information et à la « propagande ».
Dans une ligne proche du socialisme autogestionnaire du PSU et
de la CFDT, le groupement des scientifiques développe à
partir d'une lecture des rapports officiels et des publications
scientifiques internationales une information critique sur le
programme électronucléaire, déconstruit l'information
et en montre les lacunes.
Le GSIEN aborde ainsi divers enjeux liés au programme :
la sûreté et les insuffisances du système
de refroidissement des centrales à eau légère,
les problèmes des surgénérateurs, les risques
de retraitement à la Hague, la radioprotection, le transport
des matières radioactives, les déchets et, avec
un léger retard, les énergies alternatives. La Gazette
Nucléaire, organe d'information de l'association,
soutient fin 1976 qu'un accident survenant sur le surgénérateur
Superphénix pourrait toucher plus d'un million de personnes
40. Elle dénonce en 1977 l'absence de mesures de
radioprotection pour les agents non titulaires d'EDF et révèle
les défaillances dans la conception des mesures d'urgence
des centrales (« couloir de la mort de Fessenheim »)
41. A la suite de l'accident de Three Mile Island (28 mars 1979), elle
apporte les premières explications sur les causes et conséquences
de l'accident lorsque les autorités minimisent l'événement
en s'appuyant sur l'absence de morts. Le GSIEN lance en septembre 1979
une alerte sur de nombreuses fissures apparues dans la centrales
d'EDF, alerte qui trouvera peu d'écho dans les médias.
Le GSIEN mène aussi une critique technocratique :
il dénonce les « nucléocrates »,
il ironise en qualifiant de « merveille technocratique »
l'unité « homme-rem » introduite
par les autorités, il s'oppose à « la
loi du profit » qui pilote la privatisation de la Hague 42.
Les militants de la CFDT contribuent fortement à la construction
de l'information de La Gazette dans la mesure où
ils fournissent au GSIEN des documents internes d'EDF ou du CEA.
Si la CFDT s'oppose pendant cette période au programme
nucléaire en dénonçant le modèle de
société (« technocratique »,
« autoritaire ») imposé par cette
forme d'énergie, elle assume un double rôle de contestataire
et de contre-expert 43. L'action du GSIEN diffuse
aussi dans diverses villes, grâce aux antennes créées
à Strasbourg, à Lyon ou à Grenoble. A Grenoble
notamment, la mobilisation du GSIEN contre Superphénix
(dont témoigne le dossier « Plutonium sur Rhône »), accompagnée
par la mobilisation de 1300 chercheurs du CERN (Centre Européen
de Recherches Nucléaires), porte ses fruits au niveau local :
les Conseils généraux de l'Isère et de la
Savoie demandent pendant cette période l'arrêt de
Superphénix. Au-delà des élus locaux, le
GSIEN essaie aussi d'influer sur les parlementaires, sans succès.
Dans un dossier envoyé à l'Assemblée nationale
avant les législatives de 1978, le GSIEN dénonce
un choix nucléaire fait « dans des antichambres
ministérielles après avis des technocrates ou de
commissions (PEON)
dominées par la grosse industrie » 44.
Avec la CFDT, le GSIEN assure ainsi un rôle central de contre-pouvoir
scientifique dans la lutte contre le programme électro-nucléaire.
Néanmoins, il ne s'agit pas pour la plupart des membres
du GSIEN de mener une (auto) critique de leur activité
professionnelle et de l'apport de leur recherche à l'élaboration
des technologies nucléaires. Largement parrainé
par la CFDT, le GSIEN entreprend plus une mise en cause de la
politique gouvernementale que de celle de la science de l'atome
proprement dite que ses membres pratiquent au quotidien.
De la mobilisation massive à
l'abandon : science et politique ou science vs. politique ?
Si dans plusieurs pays (notamment les États-Unis, la Suisse,
l'Autriche, le Danemark et le Pays-Bas) la contestation parvient
à freiner les programmes nucléaires 45,
le mouvement antinucléaire français ne pourra finalement
pas influer sur l'implantation des centrales, à la seule
exception du site de Plogoff. La rigidité du gouvernement
et de l'État sous-tendue par la toute-puissance d'EDF et
du consensus « gaullo-giscardo-communiste »
en faveur du nucléaire rend le mouvement antinucléaire
français, pourtant un des plus forts de l'Europe, inaudible
sur le plan politique. Même la grande mobilisation contre
Superphénix
(600 000 signatures) ne trouve d'autres interlocuteurs que
les forces de l'ordre. Des dizaines de plaintes déposées
contre les procédures de Déclaration d'Utilité
Publique d'EDF se heurtent toutes à l'imperméabilité
des instances juridiques françaises alors qu'en Allemagne
les tribunaux décident la suspension (Gorleben), voire
l'arrêt de constructions (Whyl, Brokdorf). EDF parvient
ainsi à mettre en service 15 centrales nucléaires
entre 1977 et 1980. Par conséquent, divisé
et déstabilisé après les événements
tragiques de Malville où un manifestant trouve la mort
(été 1977), le mouvement antinucléaire français,
à la recherche d'un « nouvel acteur uni »,
entre dans une phase de compromis 46. Même après
l'accident de Three Mile Island qui apporte la preuve concrète
du risque d'accident majeur, la pétition nationale de masse
(juin 1977), lancée par le GSIEN, la CFDT, les Amis
de la Terre ainsi que sept autres organisations dont le PS, se
contente de demander un moratoire sur le programme, et non un
arrêt définitif. Mais c'est l'arrivée de la
gauche au pouvoir qui changera définitivement la donne.
La déception générée par le Parti
Socialiste qui, après avoir « récupéré »
les votes écologistes 47, renonce aussitôt
à ses promesses pré-électorales, accélère
le reflux de la critique. Le militantisme dans le milieu physicien
ne fera pas exception à ce recul qui s'opère, on
le sait, non seulement au sein du mouvement antinucléaire
mais dans l'ensemble de la critique sociale issue du Mai 68 48.
Dès le début des années 1980, le GSIEN poursuit,
avec un nombre réduit de militants, son action plutôt
comme un organe de contrôle à côté des
groupes locaux. Toutefois, au-delà de ces faits, quatre
autres facteurs au moins permettent de mieux comprendre la démobilisation
rapide du milieu physicien dans la critique du programme électronucléaire.
Premièrement, les physiciens critiques se trouvent,
dès le début de leur mobilisation, dans une bataille
de légitimité orchestrée par les organismes
experts. La polémique sur la légitimité.
Le « sérieux » de la critique
scientifique tourne en faveur d'EDF et du CEA lorsque les physiciens
pétitionnaires affirment publiquement qu'ils ne sont « ni
spécialistes ni experts ni contre-experts »
du nucléaire. Les recherches que mènent les physiciens
du GSIEN ne portent pas, il est vrai, sur les problèmes
techniques des centrales nucléaires. Mais leur refus d'assumer
une position d'expert relève surtout d'une conviction anti-hiérarchique
et anti-autoritaire. Il exprime surtout une mise en cause du pouvoir
d'expert (ou de contre-expert) et du système d'expertise
sur le nucléaire, jugé technocratique, voire « incestueux »
49. Les membres du GSIEN s'appuient donc sur leur notoriété
et leur objectivité ainsi que sur leur capacité
à analyser les documents techniques. Néanmoins,
une telle démarche ne permettra pas aux savants de faire
entendre leur voix ni par le gouvernement ni par les institutions.
« Les gouvernements écoutent leurs experts désignés,
et n'écoutent que ces experts. Le fait que par exemple
4000 savants français, groupés en association, prennent
des attitudes très critiques par rapport au plan nucléaire
français n'a pas l'air d'émouvoir le Gouvernement »
50 rétorque en 1977 Lew Kowarski, collaborateur
de Fréderic Joliot, opposé aux surgénérateurs
pendant cette période. Or les physiciens nucléaires
ne sont-ils pas les héritiers de ceux dont la voix a toujours
été écoutée, à commencer par
l'expérience de ceux qui ont vécu Los Alamos ?
Parce que le fait d'affirmer à haute voix l'existence des
risques liés au programme du gouvernement ne suffit pas,
une bonne partie des pétitionnaires de l'Appel des 400
se retire de l'action politique. Si presque l'ensemble des quatre
cents premiers signataires de l'Appel soutient la création
du GSIEN, au début 1977 déjà, le nombre d'adhésions
à l'association ne dépasse pas la centaine. L'action
du GSIEN, très forte pendant la deuxième moitié
des années 70, sera par la suite essentiellement l'oeuvre
d'un petit nombre de physiciens. Un syndicaliste de la CFDT-CEA,
alors figure charismatique de la contestation, reproche au milieu
physicien son renoncement rapide à la lutte : « La
classe scientifique française a manqué de courage
dans cette histoire du nucléaire. Il y a juste quelques-uns
qui ont continué. C'est d'autant plus incompréhensible
parce que personne ne risquait ni sa vie, ni son poste. [...]
C'est le milieu de la recherche avec une soi-disante noblesse
de la recherche. D'accord, très bien, mais ils se retranchent
derrière ça et disent "Oh la la, alors moi,
le nucléaire ce n'est pas mon truc quoi."»
51
Un autre facteur qui permet de comprendre la démobilisation
rapide du milieu physicien est lié à l'incapacité
voire l'impossibilité de ce milieu de prendre une position
ferme contre l'énergie nucléaire. Dans ce cadre,
le GIT de Saclay marque son originalité en tant que seul
groupe de physiciens frontalement opposé au nucléaire
pendant les années 70. « Nous travaillons au
CEA et nous sommes contre l'énergie nucléaire »
affichent alors les banderoles portées par ses militants
lors des grèves à Saclay ou des manifestations antinucléaires.
Néanmoins le GIT n'échappe pas à la marginalisation
rapide de son action, y compris par le milieu syndical. Si ses
banderoles lui valent une censure pendant le montage du film « Condamnés
à réussir », symbole de la lutte menée
par la CFDT dans les années 70, un militant du GIT sera
tabassé, à tort sous prétexte d'avoir lancé
une « provocation » pendant les grèves
de Saclay en 1975 52. Mis à part le cas spécifique
de la CFDT pour qui le refus du nucléaire est naturellement
évacué au profit de la défense du travail,
sa mission principale, la prise de position antinucléaire,
restera à jamais un tabou pour le milieu physicien. Focalisée
davantage sur la critique du gouvernement, la voix des physiciens
s'estompe rapidement une fois que la gauche arrive au pouvoir,
une fois que « l'ennemi » (i.e. le
gouvernement de droite censé représenter les intérêts
capitalistes) est enterré. La majorité des physiciens
délègue dès lors à la sphère
politique la gestion du risque nucléaire. Parmi ceux qui
restent hostiles au programme nucléaire, une dizaine d'entre
eux abandonnent la recherche en physique et se convertit à
l'histoire ou à la philosophie des sciences, à l'économie,
à la climatologie ou encore à la recherche en énergies
renouvelables. Une poignée de physiciens seulement poursuit
à la fois la critique du nucléaire et la recherche
au sein des centres nucléaires. L'enjeu est de taille car
ces physiciens mènent alors « une carrière
scientifique légèrement schizophrène »
selon l'expression de certains. Un physicien des particules du
Centre de Recherches Nucléaires de Strasbourg, membre du
GSIEN, témoigne ainsi : « Il y a une dichotomie
entre le nucléaire "je suis contre", et la recherche,
qui est quand même une recherche sur les particules nucléaires.
Je ne me suis même pas posé la question. J'ai envie
de faire la recherche, ce secteur de la physique m'intéresse,
les particules, les protons, les neutrons, les quarks c'est rigolo.
Plus que l'optique ou les flux linéaires. Donc je suis
là dedans parce que ça me plaît. Et quand
je parle antinucléaire, je ne suis plus la même personne.
Vraiment ce n'est pas pensé du tout.» 53
Abandonner la recherche pour mener une action politique ou céder
le pas devant le « goût de la recherche »
pour appliquer au quotidien la dichotomie weberienne entre science
et politique ? 54 De telles contradictions, poussées
à l'extrême dans Les physiciens du dramaturge
Friedrich Dürrenmatt 55, provoquent l'éclatement
de groupes radicaux comme le GIT de Saclay, disparu en 1979. Elle
jouent aussi un rôle important dans le rétrécissement
de l'espace critique à l'intérieur des institutions
scientifiques, recul qui se fera ressentir en particulier à
la suite de l'accident de Tchernobyl (26 avril 1986). A part
quelques membres du GSIEN, le milieu scientifique restera en effet
silencieux face à l'information officielle très
rassurante sur les retombées de l'accident dans l'Hexagone.
Le troisième facteur qui suscite la démobilisation
rapide du milieu physicien relève de la difficulté
à marier la posture scientifique et l'activité contestataire,
expérience rare et délicate dans la scène
de l'action politique. Les divergences émergent dès
le départ au sein du GSIEN sur l'équilibrage à
assurer entre information scientifique et critique politique.
Par la poussée de la CFDT, le GSIEN assume progressivement
un rôle de contre-expert, un rôle que les scientifiques
pétitionnaires visaient précisément à
dénoncer au début de leur action. Ainsi, certains
co-fondateurs de l'association, soucieux d'éviter le discours
expert et convaincus de la nécessité de la contestation
radicale, restent minoritaires et se retirent rapidement du groupe.
Dans le même cadre, peu disposés à modifier
leur habitude culturelle, mesurés à l'égard
de dénonciation des « scandales »,
les membres du GSIEN ne parviennent pas à élaborer
le « bon langage » de communication à
destination des politiques mais aussi des médias et du
grand public. Malgré les efforts de vulgarisation faits
pendant les débats publics, la Gazette Nucléaire
reste technique. Par souci de diffuser une information globale
sur le programme nucléaire, elle pousse aussi au second
plan les conflits locaux. Une seule fois, un numéro de
la Gazette sera entièrement consacré aux
problèmes d'un site local, le Pellerin. L'occasion surgit
en effet car la famille d'un des membres du GSIEN est alors directement
concernée par le projet nucléaire sur ce site 56.
Enfin, le dernier facteur qui explique de manière significative
l'affaiblissement de la critique au sein du GSIEN est lié
à l'institutionnalisation de la critique dans la période
mitterrandienne 57. Dès le départ, l'une
des stratégies du gouvernement socialiste consiste à
confier des responsabilités institutionnelles aux principaux
acteurs de la contestation. Trois membres actifs du GSIEN dont
deux militants de la CFDT, décisifs dans l'élaboration
de la Gazette Nucléaire, se trouvent à la
tête de l'Agence Française pour la Maîtrise
de l'Énergie, créée en 1982. Au cours de
cette période, l'institutionnalisation de la critique s'opère
aussi via une légère ouverture des cercles d'information
et d'expertise officiels. Sans que la légitimité
du GSIEN soit reconnue officiellement, plusieurs membres de l'association
prennent part, à titre individuel, aux travaux des Commissions
Locales d'Information nouvellement créées (Hague,
Saint-Laurent-des-Eaux, Fessenheim). Deux d'entre eux participent
aussi à la Commission Castaing, première commission
d'expertise pluraliste mise en place en 1982 pour évaluer
la gestion des déchets. Si la participation à quelques
instances officielles ne suffit pas à remettre en cause
le programme nucléaire à l'intérieur du « système »,
il limite en revanche, d'une part, le temps bénévole
autrement consacré à l'activité militante,
et d'autre part, les marges de manuvre pour l'action contestataire.
Conclusion
L'analyse de la mobilisation du milieu physicien au sein du mouvement
antinucléaire au milieu des années 70 révèle
la complexité des enjeux liés à l'action
politique des savants dans des domaines techno-politiques à
haut risque comme le nucléaire. Nous avons montré
que la critique scientifique ne suffit pas toujours pour influer
sur la prise des décisions. Le GSIEN naît, certes,
du besoin ressenti pour le « droit à parole »,
le « droit à l'information » et le
« droit à l'expertise » sur le nucléaire.
Ne semble-t-il pas alors incontournable au chercheur responsable
de prendre position pour légitimer le cri d'alarme des
riverains auxquels on impose les centrales nucléaires ?
Mais compte tenu de l'importance industrielle et militaire du
secteur nucléaire français, même la voix des
scientifiques du domaine les physiciens nucléaires
se heurte dans les années 70 au problème de
« légitimité », question constamment
mise sur la table par les experts et les cadres du CEA et d'EDF,
très influents sur les sphères décisionnelles.
Si la science implique par définition un pouvoir en ce
qu'elle créé une hiérarchie entre « ceux
qui savent » et « ceux qui ne savent pas »
58, la critique de la science, ou la science critique,
notamment dans le domaine nucléaire, a fait l'expérience
de devoir partir du bas de l'échelle pour s'affirmer sur
le plan institutionnel. La dynamique des actions collectives généralement
contraintes par le temps, la réticence de la majorité
du milieu physicien à prendre une position ferme contre
l'énergie nucléaire et les contradictions relevant
du lien entre leur activité professionnelle et la cible
de leur critique ont fortement limité la poursuite dans
le milieu physicien de la dure bataille contre le programme nucléaire.
Toutefois, même si elle ne parvient pas toujours à
peser sur les mécanismes de décision, les apports
de la critique scientifique portée sur le progrès
industriel sont incontestables. Bien qu'elles soient arrivées
tardivement, la mobilisation des 4000 scientifiques contre le
programme électronucléaire et la mise en place du
GSIEN ont largement facilité la politisation du choix énergétique
français, la remise en cause des certitudes scientifiques
et la révision de l'autorité des experts. L'Appel
des 400 a créé un réel choc en brisant le
consensus scientifique et institutionnel sur le nucléaire.
Il a servi à rendre crédible les inquiétudes
des groupes écologistes et des populations locales à
l'égard des risques des centrales nucléaires. L'action
du GSIEN, en tant que contre-pouvoir scientifique du mouvement
antinucléaire, a mis en évidence l'urgence d'ouvrir
l'organisation du contrôle du nucléaire au?delà
des seuls exploitants. Le GSIEN a ainsi servi d'exemple pour l'émergence
de nouvelles organisations de contre-expertise à la suite
notamment de l'accident de Tchernobyl. Consacrant ses forces à
la construction d'une information technique autre que celle fournie
par les autorités, le GSIEN a aussi contribué à
la mise sur l'espace public du problème de l'information
et du secret dans le domaine nucléaire. Néanmoins,
de la controverse surgie à la suite de l'accident de Tchernobyl
au débat public sur le réacteur EPR 59 (2005)
freiné par la censure appliquée à un document
officiel (montrant la vulnérabilité de ce type de
réacteur en cas d'attaque terroriste) en passant par les
limites imposées à l'action des Commissions Locales
d'Information, le problème de l'information et du « secret »
nucléaire orientera probablement encore les controverses
nucléaires dans les décennies à venir.
Entretiens avec :
Bella
Belbéoch, Roger Belbéoch, Robert Béraud,
Bernard Boudouresques, Jean-Marie Brom, Jean Busssac, Roland Lagarde,
Bernard Laponche, Théophile Léray, Jean-Marc Lévy-Leblond,
Patrick Petitjean, Philippe Roqueplo, Monique Sené, Jean-Paul
Shapira, Georges Waysand.
Haut de page
Notes
1 Voir notamment Alain Touraine, Zsuzsa Hegedus,, François
Dubet, Michel Wievorka, La prophétie antinucléaire,
Paris, Seuil, 1980.
2 Christophe Bonneuil, Introduction au dossier « Engagement
public des chercheurs. De la République des savants à
la démocratie technique : conditions et transformations
de l'engagement public des chercheurs », Natures
Sciences Sociétés, 14, 2006.
3 Gérard Darmond, « La mise en place des
instituts nationaux : la difficile naissance de l'IN2P3 »,
Cahiers pour l'histoire du CNRS (1939-1989), Paris, Éditions
du CNRS, 1991, p. 121.
4 « Saturne » : Saturne est le nom
du synchrotron à protons mis en service à Saclay
en 1958.
5 Rapport scientifique de conjoncture du CNRS, Physique,
1974. Archives de l'IN2P3.
6 Jean-François Picard, Alain Beltran, Martine Bungener,
Histoire de l'EDF : comment se sont prises les décisions
de 1946 à nos jours, Paris, Dunod, 1985, p. 235.
7 « Information et attitude du public français
en face des perspectives d'utilisation pacifiques et militaires
de l'énergie atomique », Sondages IFOP, décembre
1957?mars 1958.
8 Zoé,
le nom de la première pile atomique française, signifie
« la vie » en grec ancien. Cassandre, elle,
est, dans la mythologie grecque, une prophétesse au destin
tragique car le dieu Apollon lui retire le don de la persuasion.
9 Martine Chaudron, Yves Le Pape, « Le mouvement
écologique dans la lutte antinucléaire »
in Nucléopolis : matériaux pour l'analyse
d'une société nucléaire, sous la dir.
de Fagnani, Francis, Nicolon, Alexandre, Grenoble, Presses Universitaires
de Grenoble, 1979, p. 25-78.
10 Survivre et Vivre, n° 14, octobre-novembre 1972.
11 Entretien avec un ancien membre du GSIEN, 3 novembre
2006, Paris.
12 Survivre, n° 6, janvier 1970, p. 11.
13 Idem.
14 « A propos du 25e anniversaire de l'EDF, l'image
de l'énergie électrique », Sondages IFOP,
10-19 décembre 1971.
15 Alain Touraine, Zsuzsa Hegedus, François Dubet,
Michel Wievorka, La prophétie antinucléaire,
Paris, Seuil, 1980, Dieter Rucht, « The Anti-nuclear
Power Movement and the State in France », in States
and Antinuclear Movements, sous la dir. de Héléna
Flam, Edinburgh, Edinburgh University Press, 1994, p. 128-162.
16 Gabrielle Hecht, Le Rayonnement de la France :
énergie nucléaire et identité nationale après
la Seconde Guerre mondiale, Paris, La Découverte, 2004.
17 Procès verbal de la réunion de la Commission
PEON, 11 octobre 1972. Archives d'EDF, Boîte 682614.
18 Extrait du discours de M. Jean-Pierre Soisson, secrétaire
d'État aux universités, lors de la Journée
recherche fondamentale énergie (18 décembre
1974), Courrier du CNRS, numéro spécial Énergie,
juin 1975, p. 4.
19 Procès verbal de la session du printemps 1974
du Comité National 06. Archives IN2P3-G850002 SGCN.
20 Rapport IN2P3, « La physique nucléaire
en 1980 », Avril 1974. Archives de l'Institut
de Physique Nucléaire d'Orsay.
21 Idem.
22 Entretien avec un des fondateurs du GSIEN, novembre 2002.
23 Le groupe était composé de six membres
de la Commission 06 : MM. Astier (LAL), Froissart (Collège
de France), Jullian (LAL), Riou (IPN Orsay), Schapira (IPN Orsay)
et Véneroni (IPN Orsay).
24 Courrier du CNRS, n° 19, janvier 1976.
25 Il s'agit ici de P. Belbenoit, V. Comparat,
M. Crozon, L.M. Chounet, P. Courrege, G. Cosme,
A. Faye, G. Gary, J.Y. Grandpeix, B. Grelaud, S. Jullian,
A. Lahellec, D. Lalanne, J.F. Leterrier, J. Laurent,
N. Legay, T. Leray, C. Longuemarre, G. Petavy,
D. Poutot, M. Sené, R. Sené, P. Roudeau,
F. Samaran, J.P. Shapira, L. Stab, G. Swklarz.
26 « Appel des scientifiques à propos du programme
nucléaire français », février 1975,
Archives du GSIEN.
27 Données recueillies à partir de la liste
de 4000 signataires de l'Appel. Archives du GSIEN.
28 « Sécurité de Travail au Centre d'Études
Nucléaires de Saclay », Groupe Information
Travail de Saclay, février 1975, 23 p. Archives
personnelles de Béla Belbéoch.
29 Philippe Garaud, « Politique électro-nucléaire
et mobilisation. La tentative de constitution d'un enjeu »,
Revue Française de Sciences Politiques, 29, 3, 1979,
p. 448-474.
30 Compte rendu de l'Assemblée Nationale du GSIEN,
25-27 octobre 1977, Orsay. Archives du GSIEN.
31 Alain Jaubert, Jean-Marc Lévy-Leblond, (Auto)
critique de la science, Paris, Seuil, 1973.
32 Impasciences, n° 2, printemps-été
1975.
33 Impasciences, n° o.2, printemps-été
1975.
34 Brian Balogli, Chain reaction : Expert debate
and public participation in American commercial nuclear power,
1945-1975, New York, Cambridge University Press, 1991, p. 277.
35 « Une déclaration de quatre cents scientifiques :
Nous appelons la population à refuser l'installation des
centrales nucléaires », Le Monde,
11 février 1975 ; « Quatre cents savants
contre le programme nucléaire », Le Quotidien
de Paris, 11 février 1975.
36 Dieter Rucht, « The Anti-nuclear Power Movement
and the State in France », in States and Antinuclear
Movements, sous la dir. de Héléna Flam, Edinburgh,
Edinburgh University Press, 1994, p. 128-162.
37 « Lettre d'André Giraud à Raymon Sené »,
Paris, 14 mars 1975 ; « Lettre d'André
Giraud à Bella Belbéoch », Paris, 12 mai
1975. Archives personnelles de Bella Belbéoch.
38 « Lettre de la section de Saclay du Syndicat des
ingénieurs et cadres de l'énergie atomique (CGC)
envoyée aux 400 scientifiques », 16 février
1975. Archives du GSIEN.
39 La Gazette Nucléaire, n° 1, juin 1976.
40 La Gazette Nucléaire, n° 3, novembre 1976.
41 La Gazette Nucléaire, n° 5, janvier 1977.
42 GSIEN, Electronucléaire : danger, Paris, Seuil, 1977.
43 CFDT, Le dossier électronucléaire, Paris, Seuil, 1980.
44 GSIEN, « Le malentendu nucléaire ? »,
octobre 1977, p. 3. Archives du GSIEN.
45 Dieter Rucht, « The impact of anti-nuclear power
movements in international comparison » in Resistance
to new technology : nuclear power, information technology
and biotechnology, sous la dir. de Bauer, Martin, Cambridge,
Cambridge University Press, 1995, p. 277-291.
46 Pierre Radanne, « Un militant évalue
une recherche » in Touraine, Alain (dir.), Mouvements
sociaux d'aujourd'hui. Acteurs et analystes, Paris, Éditions
ouvrières, 1982, pp. 49-52.
47 Guillaume Sainteny, « Le Parti Socialiste
face à l'écologisme. De l'exclusion d'un enjeu aux
tentatives de subordination d'un intrus », Revue
française de science politique, 44, 3, 1994, p. 424-461.
48 Luc Boltanski, Eve Chiapello, Le nouvel esprit du
capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.
49 Patrick Petitjean, « Du nucléaire,
des experts et de la politique », Mouvements,
8, 2000, p. 19?26.
50 Conseil Général de L'Isère, « Creys-Malville :
le dernier mot ? », Presses Universitaires de
Grenoble, 1977, p. 12
51 Entretien avec un militant de la CFDT-CEA, 12 mars
2004, Paris.
52 Entretien avec un des fondateurs du GIT Saclay, 3 novembre
2006, Paris.
53 Entretien avec un membre du GSIEN, Strasbourg, 7 juin
2007.
54 Max Weber, Le savant et le politique, Paris, La
Découverte, 2003.
55 Publié en 1962, en pleine guerre froide, Les
Phycisiens aborde la question de la responsabilité
sociale du savant autour de l'histoire de trois physiciens contraints
de s'enfermer dans un asile pour pouvoir poursuivre leurs recherches
sans risque pour le monde.
56 Entretien avec un militant de la CFDT-EDF, 29 avril
2004, Paris.
57 Michel Wievrerka, Sylviane Triscle, Le modèle EDF.
Essai de sociologie des organisations, Paris La Découverte,
1989.
58 Dominique Pestre, « Science, Democracy and
the Political. A set of proposals », EASST Conference,
Lausanne, 2006.
59 European Pressurised Reactor.
Pour citer cet article:
- Référence papier
Sezin Topçu, « Les physiciens dans le mouvement
antinucléaire : entre science, expertise et politique », Cahiers
d'histoire. Revue d'histoire critique, 102 | 2007,
89-108.
- Référence électronique
Sezin Topçu, « Les physiciens dans le mouvement
antinucléaire : entre science, expertise et politique », Cahiers
d'histoire. Revue d'histoire critique [En ligne], 102 | 2007,
mis en ligne le 1 octobre 2010. URL : http://journals.openedition.org/chrhc/214 ;
DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.214