Cahiers d'histoire
Revue d'histoire critique

Auteur
Sezin Topçu
Centre Alexandre Koyré, EHESS

[Les liens dans le texte et dans les références ont été rajoutés par Infonucléaire]

Résumé
Cet article analyse la mobilisation d'une partie du milieu physicien contre le programme électronucléaire français lancé en mars 1974. Centrant l'enquête sur l'Appel des 400, la pétition de masse des scientifiques opposés au programme nucléaire et sur le Groupement des Scientifiques pour l'Information sur l'Énergie Nucléaire (GSIEN), groupement créé par des physiciens à l'origine de cette mobilisation, il analyse les conditions de l'émergence de la critique du nucléaire civil à l'intérieur du monde de la physique. Il rend compte des apports ainsi que des limites de la critique scientifique dans l'orientation des décisions techno-politiques. L'auteur soutient que la mobilisation puis la démobilisation rapide du milieu physicien est due, entre autres, à la difficulté à laquelle ce milieu est confronté dans l'articulation de l'activité scientifique et de l'action politique. Cette contribution propose aussi de revisiter la notion de « légitimité », perçue en général comme une catégorie chère à la science, dans un contexte où une division forte entre science et expertise s'impose.


Les physiciens dans le mouvement antinucléaire : entre science, expertise et politique

Sezin Topçu


Si le mouvement antinucléaire français a déjà fait l'objet de nombreuses analyses, on constate que le rôle joué par les scientifiques dans la contestation est, à quelques exceptions près 1, relativement peu étudié. De manière générale, cette lacune résulte de l'entrée tardive des questions liées à l'engagement des scientifiques dans l'histoire des intellectuels ainsi que dans l'histoire et la sociologie des sciences 2. Sur un plan plus spécifique, l'absence d'attention portée sur l'action des scientifiques au sein de la contestation antinucléaire pourrait s'expliquer par un certain nombre de spécificités du mouvement des savants dans ce cadre : prise de position ambiguë vis-à-vis du nucléaire (ce qui a placé les scientifiques sur un plan décalé par rapport au mouvement antinucléaire) ; quasi-absence des scientifiques sur les lieux habituels de la contestation ; élaboration de formes d'action dites « modérées » et peu médiatiques, etc. Précisons cependant que les scientifiques engagés dans le mouvement antinucléaire français furent hétérogènes (en termes de disciplines professionnelles, d'appartenances institutionnelles ou d'affiliation politique) et que ces constats concernent en particulier le milieu physicien dont est placé l'analyse au centre de notre contribution.

L'analyse de la mobilisation du milieu physicien dans le mouvement antinucléaire, et plus spécifiquement celle du GSIEN (Groupement des Scientifiques pour l'Information sur l'Énergie Nucléaire) qui regroupait la plupart des physiciens critiques du programme électronucléaire au milieu des années 70, offre la possibilité de saisir la complexité du nombre de questions contemporaines liées aux rapports entre science et politique, entre progrès technique, risque industriel et société. Issue d'une pétition de masse lancée contre le programme nucléaire du gouvernement, animée en majorité par des physiciens nucléaires, l'histoire du GSIEN révèle les forces et les limites d'une critique scientifique portée sur un choix techno-politique et émergeant de l'intérieur même du sérail. Elle met en lumière les raisons de la montée puis de l'essoufflement rapides de l'action politique et de la critique portée sur les sciences dans les laboratoires pendant la décennie 70. Elle appelle enfin à reconsidérer la notion de la légitimité, perçue en général comme une catégorie chère à la science, dans un contexte où s'impose une division forte entre « science » et « expertise ».

Le « milieu physicien » auquel nous faisons référence mérite ici d'être précisé. Dans ce milieu, une critique poussée de l'énergie nucléaire émerge à partir de 1975 dans le cercle des physiciens nucléaires (physique nucléaire, physique des particules, physique des hautes énergies) en particulier. Rappelons qu'au milieu des années 60, le budget de la recherche alloué à la physique nucléaire représente 21,5 % des dépenses globales de la recherche fondamentale en France 3. En 1974, l'Institut National de Physique Nucléaire et de Physique des Particules (IN2P3) du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique), créé en 1971 dans le but d'assurer un meilleur « rendement » et une meilleure gestion dans ce domaine, rassemble treize laboratoires (physique nucléaire, physique corpusculaire, physique des hautes énergies, spectrométrie nucléaire, spectrométrie de masse, physique subatomique...). L'IN2P3 compte alors presque 350 chercheurs et enseignants dans les domaines de la physique et de la chimie nucléaire, 250 chercheurs dans le domaine de la physique des particules et 300 ingénieurs. Quant au CEA (Commissariat à l'Énergie Atomique), il regroupe à la même époque presque 150 chercheurs et 70 ingénieurs dans le domaine de la physique nucléaire (Centre d'Études Nucléaires de Saclay, Centre d'Études Nucléaires de Grenoble et la moitié des effectifs du Laboratoire National Saturne 4) et environ 125 chercheurs et 70 ingénieurs dans le domaine de la physique des particules (section de physique des particules de Saclay et l'autre moitié de Saturne) 5. C'est précisément la critique élaborée par une partie des chercheurs appartenant à ce vaste milieu qui représente le sujet de notre article. Suffisamment détaché de la maîtrise d'uvre des centrales nucléaires en tant que scientifiques en « recherche fondamentale », mais aussi, suffisamment concerné par les technologies nucléaires de par la finalité de leur recherche, ce milieu offre une occasion toute particulière pour penser les rapports entre science, innovation et politique.

Cette étude s'appuie sur une série d'entretiens menés avec des principaux acteurs du GSIEN, des sections du syndicat la CFDT (Confédération Française Démocratique du Travail) au CEA et à EDF (Électricité de France) ainsi que les mouvements impliqués dans la critique de la science et du nucléaire (Survivre, Impasciences, Politique Hebdo). Elle se base également sur une analyse d'archives et de publications du GSIEN ainsi que sur le dépouillement de certaines archives officielles.


Le milieu physicien à l'écart du mouvement antinucléaire naissant

Le programme nucléaire français lancé dès 1954 est déjà bien engagé à la fin des années 60 avec neuf réacteurs nucléaires construits, quatre réacteurs en construction, une usine de retraitement tout juste mise en service ainsi qu'une quarantaine de têtes nucléaires. En 1973, à la veille de l'accélération du programme nucléaire français, l'énergie nucléaire fournit, avec onze réacteurs couplés au réseau, 8 % de l'électricité produite 6. Le développement de l'énergie nucléaire ne suscite cependant pas dans l'espace public de réactions massives pendant les décennies 50 et 60. Largement promue par le discours « l'atome pour la paix », le nucléaire est alors plutôt considéré comme une affaire de scientifiques et d'ingénieurs uvrant pour la modernisation et la grandeur de la nation. En 1958, à la veille de l'explosion de la première bombe atomique française dans le Sahara (13 février 1960), 28 % de la population seulement s'oppose à l'armement nucléaire de la France alors que près de la moitié des Français pense que l'effort français d'équipement atomique est insuffisante 7.

Néanmoins, la période d'après-Mai 68 change la donne et transforme progressivement Zoé en Cassandre 8. L'énergie nucléaire, avec son organisation, devient rapidement la cible des critiques issues de l'effervescence sociale généralisée. Forme d'énergiehéritière de la bombe, grand projet industriel à haut risque, secteur étatique sous-tendu par des collaborations avec des firmes privées, l'énergie nucléaire relève alors aussi d'une technique développée en grande partie par des experts issus des grands Corps d'État (Corps des Mines et Corps des Ponts et Chaussées) et appartenant au CEA et à EDF. C'est ainsi qu'au début des années 70, les diverses formes de critique de l'État et de la technocratie, la condamnation inébranlable du système capitaliste, de l'exploitation, de la domination sociale et de la société de la consommation, la mise en cause de la science, du progrès technique et du développement industriel, la critique de l'appareil militaire renforcée par la guerre du Vietnam ainsi que la montée des préoccupations environnementales se conjuguent avec le refus des centrales nucléaires.

D'abord apparu aux États-Unis (au cours d'une grande controverse autour du réacteur de Monticello au Minnesota), le mouvement antinucléaire prend son essor en France au début des années 70 au sein même du mouvement écologiste naissant. Au croisement de la critique politique issue du mouvement de Mai 68 et de la critique écologiste, il met en cause le système de domination, le modèle de la croissance ainsi qu'une conception technicienne, centralisée et autoritaire de la société dont l'énergie nucléaire serait l'avatar. A l'origine de la montée de la critique écologiste et antinucléaire se trouvent en majorité ce qu'on peut qualifier d'élite intellectuelle en marge du monde ouvrier : journalistes, avocats, enseignants, ainsi que mathématiciens et quelques biologistes 9. Le journaliste Pierre Fournier démarre dans Hara-Kiri Hebdo (devenu Charlie-Hebdo à la fin de l'année 1970) la première chronique écologiste en France, lance avec l'instituteur Émile Prémillieu le collectif Bugey-Cobaye (avril 1971), organise en juin 1971 les premières manifestations à Bugey, puis créé en novembre 1972 le journal La Gueule Ouverte qui, dès le début, fait du nucléaire sa préoccupation principale. A l'initiative du journaliste Alain Hervé, la branche française des Amis de la Terre voit le jour en 1970 et rassemble, entre autres, Pierre Samuel, mathématicien, Yves Lenoir, alors ingénieur des Mines, et Brice Lalonde, politique du Parti Socialiste Unifiée (PSU). Fin 1972, la Gueule Ouverte et les Amis de la Terre demandent un moratoire de cinq ans sur les installations nucléaires en marche ou en construction ainsi qu'un arrêt définitif  des explosions atomiques. Enfin, certains biologistes éminents, notamment Jean Rostand, Théodore Monod et Philippe Lebreton, ainsi que l'océanographe Jacques-Yves Cousteau, apportent rapidement leur soutien au mouvement antinucléaire.

Un groupe de mathématiciens jouent aussi un rôle clé dans la montée du mouvement. Au moment où la guerre de Vietnam met en évidence le rôle joué par les sciences dans la conduite des guerre impérialistes, un groupe de mathématiciens (A. Grothendieck, C. Chevallet, P. Samuel et D. Guedj) se mobilisent en 1970 autour du groupement Survivre (devenu Survivre et Vivre), mouvement né d'abord à Montréal. Survivre combine l'interrogation sur la fonction sociale de la science  avec la critique de la société industrielle (menaces que fait peser l'ère industrielle sur l'environnement et l'espèce humaine), de la croissance et de l'appareil militaire. Alexandre Grothendieck, alors chercheur reconnu, quitte la même année son poste à l'Institut des Hautes Études Scientifiques lorsqu'il découvre que 5 % du financement de son institution provient de l'armée. En avril 1972, Survivre et Vivre crée un « scandale » en révélant des fissures dans un grand nombre de fûts de déchets nucléaires stockés au Centre d'Études Nucléaires de Saclay (CENS)10. Une ancienne physicienne du CEA Saclay, membre du GSIEN dès le milieu des années 70, se souvient de la manière dont A. Grothendieck tente, non sans ironie, d'alerter les physiciens sur le risque nucléaire à l'occasion d'une conférence au CENS : « Donc ils sont venus à Saclay, Grothendieck, Guedj et Sibony, avec l'intention d'en parler [des fuites dans les fûts]. Mais ça, personne ne savait sauf lui [Grothendieck]. Donc au cours de la conférence, il a dit : "Est-ce que vous savez, vous qui êtes là en train de faire de la recherche, que vous avez devant vos yeux des fûts qui sont fissurés avec de la radioactivité ? Et ça ne vous intéresse pas !" Ça a été vraiment il y a eu un Crash là-dessus. Il y a eu appel à Abragam qui est devenu furieux. » 11

Pendant cette période, une telle action s'inscrit parfaitement dans les objectifs que Survivre et Vivre se donnent, à savoir, « lutter contre l'obscurantisme des milieux scientifiques, d'aider les scientifiques à s'intéresser à leur propre société, à la comprendre et à la changer » 12. « Nous voulons réveiller tous ceux qui font de la science comme les vaches font du lait »13 expriment alors les mathématiciens contestataires. Si Survivre et vivre aura exercé a posteriori une influence certaine sur le milieu scientifique en général et sur le milieu physicien en particulier, ce dernier se tient, il est vrai, à l'écart du mouvement antinucléaire dans un premier temps.

En effet, bien qu'il soit assez fort localement, le mouvement antinucléaire ne parvient pas à susciter un débat au niveau national pendant les premières années. Fin 1971, 68 % des Français pensent encore que l'énergie nucléaire est « l'énergie d'avenir » 14. Jusqu'en 1974, la région d'Alsace, berceau de la contestation avec les premières manifestations à Fessenheim dès avril 1971, est l'une des rares régions où les populations locales, largement alertées par leur voisins d'outre-Rhin, participent au mouvement 15. La mise en cause de l'énergie nucléaire s'avère encore plus difficile pour le milieu physicien, milieu pour lequel le nucléaire civil est, dès les années 50, auréolé d'une certaine justification morale sous-tendue par l'idée d' « atome pour la paix » (discours d'Eisenhower en 1954, discours de Joliot après Hiroshima). Un consensus sur les bienfaits de l'atome civil comme porteur du progrès social règne donc chez les scientifiques qu'ils soient de droite ou de gauche. Le Parti Communiste Français (PCF) porte volontiers cette conviction. Par conséquent, l'influence du PCF, encore très étendue dans l'ensemble du milieu physicien à la fin des années 60, ainsi que la forte tradition de Joliot mettent le milieu physicien à distance  de toute mise en cause de l'atome. Il faudra attendre la crise pétrolière puis l'annonce d'un programme électronucléaire colossal pour une montée spectaculaire de la critique du nucléaire chez les physiciens comme au sein des syndicats (la CFDT), des partis politiques (notamment le PSU) et des populations locales.


L'Appel des 400, un engagement tardif mais décisif : « Allez, on prend le train en marche. »

C'est en réponse à la guerre du Kippour (octobre 1973) et à l'augmentation brutale des prix du pétrole que le gouvernement Messmer lance en mars 1974 un programme massif de « tout électrique tout nucléaire », connu aussi sous le nom de « Plan Messmer » ou de Plan VII. Mis en place par EDF et le CEA en l'absence d'un débat public, voire d'un débat parlementaire, celui-ci est en effet élaboré dès le milieu des années 60, donc bien avant la crise pétrolière. La Commission Consultative pour la Production d'Électricité d'Origine Nucléaire (PEON), chargée de l'évaluation économique du programme nucléaire, dépend alors elle-même des compétences d'EDF et du CEA dans la mesure où elle est composée d'ingénieurs haut niveau et de cadres du CEA et d'EDF ainsi que de cadres ministériels et de quelques représentants de l'industrie privée 16. La filière à eau légère, développée par la firme américaine Westinghouse et choisie pour les centrales à construire dans le cadre du Plan Messmer, est adoptée dès 1969 au détriment de la filière graphite-gaz du CEA. Lors d'une réunion de 1972 sur les centrales à construire dans les trente années à venir, les membres de la Commission Péon concluent d'ailleurs que « le seul chef de hausse du prix du nucléaire pourrait provenir d'un désir d'accroître la sécurité à un niveau excessif » 17.

Le Plan Messmer prévoit la construction d'environ 80 centrales jusqu'en 1985 et d'un total de 170 centrales jusqu'en 2000. Au rythme de 7 tranches par an, le nucléaire doit ainsi assurer, en l'an 1985, 70 % de la consommation d'électricité. Dans la même lignée du recours au « tout nucléaire », l'équipement d'environ 3 millions d'habitats en chauffage électrique jusqu'en 1985 est envisagé par EDF, maître d'uvre du programme.

Grâce au « tout nucléaire » qui doit remplacer le « tout pétrole », les savoirs développés par les physiciens français depuis moins de quatre décennies ne courent-ils pas enfin au secours de la nation dans cette période de crise ? Le physicien ne doit-il pas dès lors uvrer à la meilleure réussite de l'application de ses travaux ? Peut-il faire autrement que de se réjouir du fait que ses découvertes permettent de garantir l'indépendance et la grandeur du pays ? C'est avec de telles assurances qu'à la suite de l'annonce de son programme électronucléaire, le gouvernement demande aux organismes de recherches, dont bien entendu le CNRS, de mener une réflexion pour « limiter les conséquences de la crise énergétique sur l'économie nationale »18. Mais la confiance induit la méfiance puis une critique massive à l'égard du nucléaire. Car la crise ne touche pas uniquement les besoins énergétiques de la nation mais aussi le monde de la recherche qui, à la sortie de la période dorée de « Trente Glorieuses », voit ses crédits et les postes en baisse. Il subit surtout le virage pris par une gestion plus utilitariste de la recherche où la compétitivité de la recherche devient le nouveau mot d'ordre.

C'est ainsi qu'une trentaine de physiciens refusent précisément de « cautionner » l'État et son programme nucléaire. Cette critique se cristallise en effet en fonction d'une série de démarches institutionnelles précises qui révèlent nettement un conflit générationnel entre de jeunes chercheurs et des savants issus de la génération de Joliot. Au départ,la direction de la commission 06 (Commission de la physique nucléaire et corpusculaire) de l'IN2P3 répond favorablement à la demande gouvernementale d'associer les chercheurs à la promotion du programme nucléaire en indiquant qu' « il serait très fâcheux pour les scientifiques français de se désintéresser des problèmes de l'énergie et de ne pas contribuer à l'effort national » 19. Ainsi, sur l'initiative de l'IN2P3, un groupe de neuf physiciens du CEA et de l'IN2P3 prépare un rapport devant servir de matériau à la préparation des options du VIIe Plan en matière de recherche scientifique sous la co-responsabilité de M. René Klapisch, alors maître de recherches à Orsay, et de M. Georges Ripka, physicien au CEA 20. Ce rapport de 300 pages fait notamment l'éloge de la rentabilité du nucléaire dont le kilowattheure produit serait, selon lui, deux à trois fois moins cher que celui produit par une énergie d'origine fossile. Quant aux risques liés au nucléaire, il minimise de nombreux problèmes comme par exemple celui de la sûreté qu'il suppose maîtrisée en faisant référence aux rapports de l'AIEA (Agence Internationale pour l'Énergie Atomique). Le rapport réaffirme aussi clairement la démarcation déjà très forte entre chercheurs et experts du nucléaire dans les termes suivants : « Le physicien nucléaire est dans ces affaires un témoin privilégié plutôt qu'un expert. [...] Peut-être exprimerait-il l'opinion que ces problèmes ne paraissent pas insolubles et mettrait-il en garde contre la tentation du "bon marché". Mais il ne pourra que renvoyer l'opinion aux véritables experts : ingénieurs, économistes, juristes, qui devront analyser des solutions dont l'adoption est en dernière analyse un acte politique. [...] En conclusion, les physiciens nucléaires ne peuvent qu'approuver un débat profond et sérieux sur les risques, les modalités et les fins de l'utilisation sociale de l'énergie nucléaire. » 21

Compte tenu de ces aspects, en avril 1974, le rapport Klapisch-Ripka provoque une vive polémique au sein du conseil scientifique de l'IN2P3 qui regroupe alors des scientifiques avec des approches diverses vis-à-vis de la science en général et du nucléaire en particulier. Si des scientifiques de la génération de Joliot comme Francis Perrin, Louis Leprince-Ringuet ou Jean Teillac sont favorables au programme électronucléaire qu'ils estiment au service de la nation en cette période de crise énergétique, d'autres scientifiques plus jeunes comme Robert Béraud et Jean-Paul Shapira, futurs membres du GSIEN, jugent que les risques sont minimisés et que le programme du gouvernement est vanté par les rapporteurs 22. Ainsi, après un premier échange de vues en novembre 1974, la commission 06 désigne un groupe de travail composé de six membres ­ tous ont plus de quarante ans et sont des physiciens dit « confirmés » ­ afin d'étudier les problèmes posés par les réacteurs à eau légère du type BWR (à eau bouillante) et PWR (à eau sous pression) 23.

Après quelques mois de travail, ce groupe prépare un rapport intitulé « Rapport préliminaire sur des thèmes de recherche à propos de l'énergie nucléaire » qui désigne les problèmes nécessitant des « recherches au point de vue fondamental relevant en particulier de la compétence du CNRS » 24, notamment le problème des déchets. Bien qu'il pointe sur le caractère prématuré du Plan Messmer, le rapport préconise ainsi un programme de recherches pour le CNRS.

Non satisfaits des conclusions de ce rapport, deux membres de ce groupe de travail rejoignent une trentaine de chercheurs, plus jeunes, pour développer une analyse plus poussée des risques liés au programme nucléaire 25. Ce groupe réunit des physiciens de quatre laboratoires (LPC, du LPNHE-X, de l'IPN et du LAL) de l'IN2P3. La majorité porte toujours un militantisme politique, anti-hiérarchique voire libertaire issu du mouvement de Mai 68. Certains, influencés par la critique de la science élaborée par le groupe Survivre et Vivre, s'interrogent sur l'utilité sociale de leur travail, ce qui poussera plusieurs d'entre eux à abandonner la recherche en physique nucléaire. D'autres encore se sentent proches de la critique technocratique élaborée en particulier par la CFDT. Par ailleurs, la mobilisation des chercheurs américains, notamment l'action de l'Union of Concerned Scientists, créée en 1969 par un groupe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology, leur offre un exemple à suivre. C'est ce groupe qui, au bout d'un travail de réflexion de plusieurs mois, lance en février 1975 une pétition intitulée « Appel de scientifiques à propos du programme nucléaire français » afin d'alerter les populations sur les dangers du programme nucléaire du gouvernement.

L'Appel, lancé au Laboratoire de physique corpusculaire (LPC) du Collège de France, représente une critique pluridimensionnelle. Sur le plan des risques techniques proprement dits les scientifiques dénoncent en ces termes : « Systématiquement on minimise les risques, on cache les conséquences possibles, on rassure. Pourtant les divergences entre les études, les incertitudes des rapports officiels montrent bien que les risques existent.» 26  L'Appel affirme notamment que la probabilité d'un accident nucléaire n'est pas nulle, contrairement à ce que soutiennent alors les autorités, que les fuites radioactives dans les centrales sont possibles, et que le problème des déchets manque de solutions viables. Il met surtout en cause, en soulignant l'insuffisance des ressources d'uranium en France, l'indépendance énergétique censée être assurée par le nucléaire. L'Appel dénonce aussi la « technocratie » liée à l'organisation de l'expertise dans le domaine nucléaire. Il accuse EDF de refuser toute compétence autre que celle des techniciens officiellement habilités. Il reproche au CEA d'être « juge et partie » dans le programme nucléaire dans la mesure où le contrôle du programme est confié à cet organisme. A travers tous ces arguments, l'Appel représente enfin une critique de la mutation de l'État jusque-là garant du bien-être social. Il dénonce en particulier l'intervention des critères de rentabilité dans le traitement des risques. Néanmoins, l'Appel des 400 n'exprime aucunement un refus de l'énergie nucléaire en tant que technique. Il manifeste plutôt une inquiétude vis-à-vis du caractère prématuré d'un programme de grande ampleur et réclame l'ouverture d'un « vrai débat » sur le sujet. L'Appel est l'oeuvre des physiciens qui sont jeunes dans leur carrière mais qui ont déjà une notoriété et une garantie d'emploi en tant que fonctionnaires. Il ne s'agit là ni d'étudiants, ni de thésards, ni de chercheurs contractuels ou vacataires mais bel et bien d'une élite scientifique, composée d'individus âgés d'environ 30?35 ans, ce qui rend modérée l'argumentation de leur critique.

L'Appel des scientifiques, signé par plus de 400 chercheurs en une semaine, parvient à recueillir 4000 signatures en trois mois. Si environ la moitié des premières signatures appartiennent au milieu des physiciens nucléaires, l'Appel brasse aussi un large éventail de disciplines, de l'économie à la zoologie, de la biologie à la psychiatrie. En somme, 488 signatures émanent du milieu de la physique nucléaire, de la physique corpusculaire et de la physique des hautes énergies. 1027 autres signatures proviennent d'autres branches de la physique (physique théorique, physique des solides, électronique). Plus de 600 biologistes, près de 450 chimistes et pas moins de 115 chercheurs en médecine signent aussi massivement l'Appel 27.

En désaccord profond avec leur direction depuis l'abandon de la filière nationale « graphite gaz », choix qui avait provoqué des grèves massives de plusieurs mois fin 1969, une centaine de chercheurs et de techniciens du CEA Saclay signe également l'Appel. Il s'agit là notamment des chercheurs de l'axe de la recherche fondamentale : 82 chercheurs de physique théorique, physique de spectrométrie de masse et physique corpusculaire contre seulement 3 chercheurs du service des piles et 4 techniciens. On y trouve des militants de la CFDT dont certains participeront à l'action du GSIEN jusqu'au début des années 80. On y trouve également des chercheurs mobilisés au sein du Groupe Information Travail (GIT) de Saclay, créé début 1974 par des physiciennes, notamment du département de physique des solides, déjà sensibilisées aux questions de santé au cours de la vive controverse sur l'avortement. Le GIT, animé entre autres par Bella Belbéoch, future membre du GSIEN, fera sortir pour la première fois, à travers des enquêtes menées auprès des travailleurs 28, l'information sur les incidents à l'intérieur d'un centre nucléaire.

Avec l'Appel des 400 qui surgit plus de quatre ans après la montée du mouvement antinucléaire, on affirmera que les physiciens ne sont pas des lanceurs d'alertes pionniers au sujet des risques nucléaires. Ils prennent au contraire conscience de l'importance des enjeux liés au nucléaire grâce à l'action des groupes écologistes et à la mobilisation des populations locales, devenue forte, après l'annonce du Plan Messmer, notamment à Flamanville, Erdeven et Braud-Saint-Louis. En Bretagne, les premiers Comités Locaux et Régionaux d'Information sur le Nucléaire (les CLIN et les CRIN), déterminants dans la lutte antinucléaire locale, sont créés dès novembre 1974. En réaction à des concertations locales instaurées par le gouvernement sur des sites retenus pour l'implantation d'une centrale, des élus locaux prononcent leur opposition au nucléaire à Erdeven et à Plogoff. En janvier 1975, les pétitions contre le programme se multiplient dans le milieu associatif et écologiste (la Fédération Française pour la Protection de la Nature, le Mouvement Écologique). La mobilisation des scientifiques ne voit donc le jour qu'après l'amplification de la controverse sur le programme nucléaire au niveau national. Elle n'émerge qu'après le déclenchement, selon l'expression de Garaud 29, d'une véritable « guerre de l'information » entre les groupes contestataires et EDF, qui commence dans cette période à allouer un budget d'environ 6 millions de francs pour les seules campagnes de publicité 30.

Néanmoins, force est de constater qu'aucune mention n'est faite dans le texte de l'Appel sur le mouvement antinucléaire déjà existant. La prise de position des scientifiques à travers l'Appel prétend au contraire être une alerte sans précédent. Jean-Marc Lévy-Leblond, physicien théoricien et animateur du mouvement Impasciences, un des rares mouvements (avec Survivre) qui développent pendant cette période une critique radicale (et marginale) de la science à l'intérieur du milieu scientifique 31, ironise sur l'arrivée tardive du milieu physicien dans le mouvement antinucléaire dans les termes suivants : « Mieux vaut tard que jamais. Allez, on prend le train en marche. » 32 Lévy-Leblond rapporte aussi la manière dont certains militants écologistes font des remarques narquoises sur l'Appel telles que « alors, on se réveille ? », « on n'attendait plus que vous », « vous êtes sûr que vous avez assez réfléchi » 33.

Cette situation se distingue fortement de celle des États-Unis où les scientifiques jouent un rôle clé dans la montée des oppositions au nucléaire. L'Union of Concerned Scientists est engagée dès 1971 dans la critique du risque nucléaire, notamment sur le problème de sûreté des centrales 34. Les voix dissidentes provenant de l'intérieur même des autorités nucléaires (notamment celle de John Gofman, chercheur en physique médicale et rédacteur avec Arthur Tamplin, d'un rapport très critique commandé par l'Atomic Energy Commission) ainsi que l'irruption des lanceurs d'alerte scientifiques (comme le biologiste Ernest Sternglass ou le physicien Ralph Nader) permettent au mouvement antinucléaire de se légitimer dès le départ. C'est grâce, en partie, à la généralisation rapide de l'opposition aux centrales que le programme nucléaire américain entre déjà dans une phase de déclin au moment même où le Plan Messmer voit le jour.

Malgré son retard, l'Appel obtient un écho important dans la presse nationale 35 voire internationale, notamment dans le quotidien Times qui titre le 11 février 1975 « Les scientifiques français attaquent les centrales nucléaires ». L'Appel provoque surtout un grand choc pour le gouvernement et les promoteurs du nucléaire. La critique antinucléaire, jusque-là considérée comme une provocation de quelques « gauchistes chevelus », ou bien comme une peur irrationnelle 36, gagne une légitimité incontestable grâce à la mobilisation des savants. L'administration du CEA renforce, à travers des réunions d'information, son contrôle sur les chercheurs signataires de l'Appel à Saclay 37. La section de Saclay du Syndicat des Ingénieurs et Cadres de l'Énergie Atomique défend le CEA, « l'organisme d'intérêt public », contre les pétitionnaires 38. Louis Leprince-Ringuet, alors un des porte-parole scientifiques d'EDF, insiste à travers les médias sur le fait que les scientifiques pétitionnaires ne sont pas antinucléaires et qu'il pourrait lui-même signer l'Appel.


Informer pour empêcher : l'action du GSIEN

Si l'Appel des 400 représente une mobilisation massive dans le milieu scientifique, elle ne traduit pas pour autant l'engagement actif du même nombre de chercheurs sur le long terme. Au cours de nos entretiens, nous avons même constaté, avec étonnement, que certains chercheurs actifs dans la critique du programme nucléaire ne se souvenaient plus s'ils avaient signé cette pétition à l'époque. Même si son impact dans l'espace public ne fait pas de doute, ce que l'Appel des 400 traduit en termes d'intensité de la critique du nucléaire parmi les scientifiques doit donc être évalué avec précaution. Dans ce cadre, c'est en particulier l'action du GSIEN pendant la deuxième moitié des années 70 qui reflète la poursuite du combat par les scientifiques les plus déterminés. C'est elle qui assure, par là même, la durabilité et la force de la critique élaborée.

C'est dans le but d'apporter une légitimité scientifique à l'action des groupes contestataires et d'alimenter le mouvement avec des arguments techniques qu'émerge en novembre 1975 le GSIEN, association loi 1901. On trouve parmi ses fondateurs Monique Sené, physicienne des hautes énergies à l'École Polytechnique, élue présidente, Jean-Paul Shapira et Vincent Comparat, physiciens nucléaires à Orsay, Dominique Lalanne, physicien des particules à Orsay ainsi que Patrick Petitjean, Raymond Sené et Théo Leray, physiciens des particules au Collège de France. L'association s'ouvre rapidement vers d'autres scientifiques et ingénieurs, en particulier vers des militants des Amis de la Terre (Pierre Samuel, Yves Lenoir), de la CFDT-CEA (Bernard Laponche, Jean-Claude Zerbib) mais aussi de la CFDT-EDF (Roland Lagarde, Philippe Roqueplo).

Parmi les critiques avancées dans l'Appel des 400, c'est celle visant le problème de la « propagande officielle » et du « secret » qui oriente principalement l'action du GSIEN. Pendant cette période, en effet, nombre d'informations et de rapports sont tenus au secret, à commencer par les plans d'évacuation « ORSEC-RAD », mais aussi les mesures de contrôle effectuées sur l'ensemble du territoire par le Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants, les études de sûreté de Superphénix, les études de contrôle de la centrale de Fessenheim ou encore les rapports du Comité d'Hygiène et Sécurité de l'usine de la Hague. Ainsi le GSIEN attaque-t-il frontalement la question d'information en se donnant comme principale tâche la diffusion d'une information « objective » afin d'« empêcher les officiels du nucléaire de transformer l'information en propagande » 39.

Rappelons que pendant cette période, la focalisation sur l'enjeu de l'information et le secret lié à l'appareil d'État relèvent d'un mouvement plus large des groupes d'information, issus de la conjoncture intellectuelle du début des années 70 et des luttes politiques menées par l'extrême gauche. La création en 1971 du Groupe d'Information sur les Prisons à l'initiative de Michel Foucault est suivie par la montée de nouveaux groupes d'information sur les travailleurs immigrées (GISTI, 1971), les asiles (GIA, 1972), et la santé (GIS, 1972). Bien que ses orientations politiques se distinguent de celles des groupes précédents, le GSIEN, tout comme le GIT de Saclay, représente la propagation du même mouvement dans le milieu physicien. Ainsi, à la différence, par exemple, des militants maoïstes du GIP qui mènent des enquêtes auprès des détenus pour faire sortir l'information des prisons, jusque-là secrète, le GSIEN s'en prend à la fois au « secret », au « mensonge », à la monopolisation de l'information et à la « propagande ». Dans une ligne proche du socialisme autogestionnaire du PSU et de la CFDT, le groupement des scientifiques développe à partir d'une lecture des rapports officiels et des publications scientifiques internationales une information critique sur le programme électronucléaire, déconstruit l'information et en montre les lacunes.

Le GSIEN aborde ainsi divers enjeux liés au programme : la sûreté et les insuffisances du système de refroidissement des centrales à eau légère, les problèmes des surgénérateurs, les risques de retraitement à la Hague, la radioprotection, le transport des matières radioactives, les déchets et, avec un léger retard, les énergies alternatives. La Gazette Nucléaire, organe d'information de l'association, soutient fin 1976 qu'un accident survenant sur le surgénérateur Superphénix pourrait toucher plus d'un million de personnes 40. Elle dénonce en 1977 l'absence de mesures de radioprotection pour les agents non titulaires d'EDF et révèle les défaillances dans la conception des mesures d'urgence des centrales (« couloir de la mort de Fessenheim ») 41. A la suite de l'accident de Three Mile Island (28 mars 1979), elle apporte les premières explications sur les causes et conséquences de l'accident lorsque les autorités minimisent l'événement en s'appuyant sur l'absence de morts. Le GSIEN lance en septembre 1979 une alerte sur de nombreuses fissures apparues dans la centrales d'EDF, alerte qui trouvera peu d'écho dans les médias. Le GSIEN mène aussi une critique technocratique : il dénonce les « nucléocrates », il ironise en qualifiant de « merveille technocratique » l'unité « homme-rem » introduite par les autorités, il s'oppose à « la loi du profit » qui pilote la privatisation de la Hague 42.

Les militants de la CFDT contribuent fortement à la construction de l'information de La Gazette dans la mesure où ils fournissent au GSIEN des documents internes d'EDF ou du CEA. Si la CFDT s'oppose pendant cette période au programme nucléaire en dénonçant le modèle de société (« technocratique », « autoritaire ») imposé par cette forme d'énergie, elle assume un double rôle de contestataire et de contre-expert 43. L'action du GSIEN diffuse aussi dans diverses villes, grâce aux antennes créées à Strasbourg, à Lyon ou à Grenoble. A Grenoble notamment, la mobilisation du GSIEN contre Superphénix (dont témoigne le dossier « Plutonium sur Rhône »), accompagnée par la mobilisation de 1300 chercheurs du CERN (Centre Européen de Recherches Nucléaires), porte ses fruits au niveau local : les Conseils généraux de l'Isère et de la Savoie demandent pendant cette période l'arrêt de Superphénix. Au-delà des élus locaux, le GSIEN essaie aussi d'influer sur les parlementaires, sans succès. Dans un dossier envoyé à l'Assemblée nationale avant les législatives de 1978, le GSIEN dénonce un choix nucléaire fait « dans des antichambres ministérielles après avis des technocrates ou de commissions (PEON) dominées par la grosse industrie » 44. Avec la CFDT, le GSIEN assure ainsi un rôle central de contre-pouvoir scientifique dans la lutte contre le programme électro-nucléaire. Néanmoins, il ne s'agit pas pour la plupart des membres du GSIEN de mener une (auto) critique de leur activité professionnelle et de l'apport de leur recherche à l'élaboration des technologies nucléaires. Largement parrainé par la CFDT, le GSIEN entreprend plus une mise en cause de la politique gouvernementale que de celle de la science de l'atome proprement dite que ses membres pratiquent au quotidien.


De la mobilisation massive à l'abandon : science et politique ou science vs. politique ?

Si dans plusieurs pays (notamment les États-Unis, la Suisse, l'Autriche, le Danemark et le Pays-Bas) la contestation parvient à freiner les programmes nucléaires 45, le mouvement antinucléaire français ne pourra finalement pas influer sur l'implantation des centrales, à la seule exception du site de Plogoff. La rigidité du gouvernement et de l'État sous-tendue par la toute-puissance d'EDF et du consensus « gaullo-giscardo-communiste » en faveur du nucléaire rend le mouvement antinucléaire français, pourtant un des plus forts de l'Europe, inaudible sur le plan politique. Même la grande mobilisation contre Superphénix (600 000 signatures) ne trouve d'autres interlocuteurs que les forces de l'ordre. Des dizaines de plaintes déposées contre les procédures de Déclaration d'Utilité Publique d'EDF se heurtent toutes à l'imperméabilité des instances juridiques françaises alors qu'en Allemagne les tribunaux décident la suspension (Gorleben), voire l'arrêt de constructions (Whyl, Brokdorf). EDF parvient ainsi à mettre en service 15 centrales nucléaires entre 1977 et 1980. Par conséquent, divisé et déstabilisé après les événements tragiques de Malville où un manifestant trouve la mort (été 1977), le mouvement antinucléaire français, à la recherche d'un « nouvel acteur uni », entre dans une phase de compromis 46. Même après l'accident de Three Mile Island qui apporte la preuve concrète du risque d'accident majeur, la pétition nationale de masse (juin 1977), lancée par le GSIEN, la CFDT, les Amis de la Terre ainsi que sept autres organisations dont le PS, se contente de demander un moratoire sur le programme, et non un arrêt définitif. Mais c'est l'arrivée de la gauche au pouvoir qui changera définitivement la donne. La déception générée par le Parti Socialiste qui, après avoir « récupéré » les votes écologistes 47, renonce aussitôt à ses promesses pré-électorales, accélère le reflux de la critique. Le militantisme dans le milieu physicien ne fera pas exception à ce recul qui s'opère, on le sait, non seulement au sein du mouvement antinucléaire mais dans l'ensemble de la critique sociale issue du Mai 68 48. Dès le début des années 1980, le GSIEN poursuit, avec un nombre réduit de militants, son action plutôt comme un organe de contrôle à côté des groupes locaux. Toutefois, au-delà de ces faits, quatre autres facteurs au moins permettent de mieux comprendre la démobilisation rapide du milieu physicien dans la critique du programme électronucléaire.

­ Premièrement, les physiciens critiques se trouvent, dès le début de leur mobilisation, dans une bataille de légitimité orchestrée par les organismes experts.  La polémique sur la légitimité. Le  « sérieux » de la critique scientifique tourne en faveur d'EDF et du CEA lorsque les physiciens pétitionnaires affirment publiquement qu'ils ne sont « ni spécialistes ni experts ni contre-experts » du nucléaire. Les recherches que mènent les physiciens du GSIEN ne portent pas, il est vrai, sur les problèmes techniques des centrales nucléaires. Mais leur refus d'assumer une position d'expert relève surtout d'une conviction anti-hiérarchique et anti-autoritaire. Il exprime surtout une mise en cause du pouvoir d'expert (ou de contre-expert) et du système d'expertise sur le nucléaire, jugé technocratique, voire « incestueux » 49. Les membres du GSIEN s'appuient donc sur leur notoriété et leur objectivité ainsi que sur leur capacité à analyser les documents techniques. Néanmoins, une telle démarche ne permettra pas aux savants de faire entendre leur voix ni par le gouvernement ni par les institutions. « Les gouvernements écoutent leurs experts désignés, et n'écoutent que ces experts. Le fait que par exemple 4000 savants français, groupés en association, prennent des attitudes très critiques par rapport au plan nucléaire français n'a pas l'air d'émouvoir le Gouvernement » 50 rétorque en 1977 Lew Kowarski, collaborateur de Fréderic Joliot, opposé aux surgénérateurs pendant cette période. Or les physiciens nucléaires ne sont-ils pas les héritiers de ceux dont la voix a toujours été écoutée, à commencer par l'expérience de ceux qui ont vécu Los Alamos ? Parce que le fait d'affirmer à haute voix l'existence des risques liés au programme du gouvernement ne suffit pas, une bonne partie des pétitionnaires de l'Appel des 400 se retire de l'action politique. Si presque l'ensemble des quatre cents premiers signataires de l'Appel soutient la création du GSIEN, au début 1977 déjà, le nombre d'adhésions à l'association ne dépasse pas la centaine. L'action du GSIEN, très forte pendant la deuxième moitié des années 70, sera par la suite essentiellement l'oeuvre d'un petit nombre de physiciens. Un syndicaliste de la CFDT-CEA, alors figure charismatique de la contestation, reproche au milieu physicien son renoncement rapide à la lutte : « La classe scientifique française a manqué de courage dans cette histoire du nucléaire. Il y a juste quelques-uns qui ont continué. C'est d'autant plus incompréhensible parce que personne ne risquait ni sa vie, ni son poste. [...] C'est le milieu de la recherche avec une soi-disante noblesse de la recherche. D'accord, très bien, mais ils se retranchent derrière ça et disent "Oh la la, alors moi, le nucléaire ce n'est pas mon truc quoi."» 51

­ Un autre facteur qui permet de comprendre la démobilisation rapide du milieu physicien est lié à l'incapacité voire l'impossibilité de ce milieu de prendre une position ferme contre l'énergie nucléaire. Dans ce cadre, le GIT de Saclay marque son originalité en tant que seul groupe de physiciens frontalement opposé au nucléaire pendant les années 70. « Nous travaillons au CEA et nous sommes contre l'énergie nucléaire » affichent alors les banderoles portées par ses militants lors des grèves à Saclay ou des manifestations antinucléaires. Néanmoins le GIT n'échappe pas à la marginalisation rapide de son action, y compris par le milieu syndical. Si ses banderoles lui valent une censure pendant le montage du film « Condamnés à réussir », symbole de la lutte menée par la CFDT dans les années 70, un militant du GIT sera tabassé, à tort sous prétexte d'avoir lancé une « provocation » pendant les grèves de Saclay en 1975 52. Mis à part le cas spécifique de la CFDT pour qui le refus du nucléaire est naturellement évacué au profit de la défense du travail, sa mission principale, la prise de position antinucléaire, restera à jamais un tabou pour le milieu physicien. Focalisée davantage sur la critique du gouvernement, la voix des physiciens s'estompe rapidement une fois que la gauche arrive au pouvoir, une fois que « l'ennemi » (i.e. le gouvernement de droite censé représenter les intérêts capitalistes) est enterré. La majorité des physiciens délègue dès lors à la sphère politique la gestion du risque nucléaire. Parmi ceux qui restent hostiles au programme nucléaire, une dizaine d'entre eux abandonnent la recherche en physique et se convertit à l'histoire ou à la philosophie des sciences, à l'économie, à la climatologie ou encore à la recherche en énergies renouvelables. Une poignée de physiciens seulement poursuit à la fois la critique du nucléaire et la recherche au sein des centres nucléaires. L'enjeu est de taille car ces physiciens mènent alors « une carrière scientifique légèrement schizophrène » selon l'expression de certains. Un physicien des particules du Centre de Recherches Nucléaires de Strasbourg, membre du GSIEN, témoigne ainsi : « Il y a une dichotomie entre le nucléaire "je suis contre", et la recherche, qui est quand même une recherche sur les particules nucléaires. Je ne me suis même pas posé la question. J'ai envie de faire la recherche, ce secteur de la physique m'intéresse, les particules, les protons, les neutrons, les quarks c'est rigolo. Plus que l'optique ou les flux linéaires. Donc je suis là dedans parce que ça me plaît. Et quand je parle antinucléaire, je ne suis plus la même personne. Vraiment ce n'est pas pensé du tout.» 53

Abandonner la recherche pour mener une action politique ou céder le pas devant le « goût de la recherche » pour appliquer au quotidien la dichotomie weberienne entre science et politique ? 54 De telles contradictions, poussées à l'extrême dans Les physiciens du dramaturge Friedrich Dürrenmatt 55, provoquent l'éclatement de groupes radicaux comme le GIT de Saclay, disparu en 1979. Elle jouent aussi un rôle important dans le rétrécissement de l'espace critique à l'intérieur des institutions scientifiques, recul qui se fera ressentir en particulier à la suite de l'accident de Tchernobyl (26 avril 1986). A part quelques membres du GSIEN, le milieu scientifique restera en effet silencieux face à l'information officielle très rassurante sur les retombées de l'accident dans l'Hexagone.

­ Le troisième facteur qui suscite la démobilisation rapide du milieu physicien relève de la difficulté à marier la posture scientifique et l'activité contestataire, expérience rare et délicate dans la scène de l'action politique. Les divergences émergent dès le départ au sein du GSIEN sur l'équilibrage à assurer entre information scientifique et critique politique. Par la poussée de la CFDT, le GSIEN assume progressivement un rôle de contre-expert, un rôle que les scientifiques pétitionnaires visaient précisément à dénoncer au début de leur action. Ainsi, certains co-fondateurs de l'association, soucieux d'éviter le discours expert et convaincus de la nécessité de la contestation radicale, restent minoritaires et se retirent rapidement du groupe. Dans le même cadre, peu disposés à modifier leur habitude culturelle, mesurés à l'égard de dénonciation des « scandales », les membres du GSIEN ne parviennent pas à élaborer le « bon langage » de communication à destination des politiques mais aussi des médias et du grand public. Malgré les efforts de vulgarisation faits pendant les débats publics, la Gazette Nucléaire reste technique. Par souci de diffuser une information globale sur le programme nucléaire, elle pousse aussi au second plan les conflits locaux. Une seule fois, un numéro de la Gazette sera entièrement consacré aux problèmes d'un site local, le Pellerin. L'occasion surgit en effet car la famille d'un des membres du GSIEN est alors directement concernée par le projet nucléaire sur ce site 56.

Enfin, le dernier facteur qui explique de manière significative l'affaiblissement de la critique au sein du GSIEN est lié à l'institutionnalisation de la critique dans la période mitterrandienne 57. Dès le départ, l'une des stratégies du gouvernement socialiste consiste à confier des responsabilités institutionnelles aux principaux acteurs de la contestation. Trois membres actifs du GSIEN dont deux militants de la CFDT, décisifs dans l'élaboration de la Gazette Nucléaire, se trouvent à la tête de l'Agence Française pour la Maîtrise de l'Énergie, créée en 1982. Au cours de cette période, l'institutionnalisation de la critique s'opère aussi via une légère ouverture des cercles d'information et d'expertise officiels. Sans que la légitimité du GSIEN soit reconnue officiellement, plusieurs membres de l'association prennent part, à titre individuel, aux travaux des Commissions Locales d'Information nouvellement créées (Hague, Saint-Laurent-des-Eaux, Fessenheim). Deux d'entre eux participent aussi à la Commission Castaing, première commission d'expertise pluraliste mise en place en 1982 pour évaluer la gestion des déchets. Si la participation à quelques instances officielles ne suffit pas à remettre en cause le programme nucléaire à l'intérieur du « système », il limite en revanche, d'une part, le temps bénévole autrement consacré à l'activité militante, et d'autre part, les marges de manuvre pour l'action contestataire.


Conclusion

L'analyse de la mobilisation du milieu physicien au sein du mouvement antinucléaire au milieu des années 70 révèle la complexité des enjeux liés à l'action politique des savants dans des domaines techno-politiques à haut risque comme le nucléaire. Nous avons montré que la critique scientifique ne suffit pas toujours pour influer sur la prise des décisions. Le GSIEN naît, certes, du besoin ressenti pour le « droit à parole », le « droit à l'information » et le « droit à l'expertise » sur le nucléaire. Ne semble-t-il pas alors incontournable au chercheur responsable de prendre position pour légitimer le cri d'alarme des riverains auxquels on impose les centrales nucléaires ? Mais compte tenu de l'importance industrielle et militaire du secteur nucléaire français, même la voix des scientifiques du domaine ­ les physiciens nucléaires ­ se heurte dans les années 70 au problème de « légitimité », question constamment mise sur la table par les experts et les cadres du CEA et d'EDF, très influents sur les sphères décisionnelles. Si la science implique par définition un pouvoir en ce qu'elle créé une hiérarchie entre « ceux qui savent » et « ceux qui ne savent pas » 58, la critique de la science, ou la science critique, notamment dans le domaine nucléaire, a fait l'expérience de devoir partir du bas de l'échelle pour s'affirmer sur le plan institutionnel. La dynamique des actions collectives généralement contraintes par le temps, la réticence de la majorité du milieu physicien à prendre une position ferme contre l'énergie nucléaire et les contradictions relevant du lien entre leur activité professionnelle et la cible de leur critique ont fortement limité la poursuite dans le milieu physicien de la dure bataille contre le programme nucléaire.

Toutefois, même si elle ne parvient pas toujours à peser sur les mécanismes de décision, les apports de la critique scientifique portée sur le progrès industriel sont incontestables. Bien qu'elles soient arrivées tardivement, la mobilisation des 4000 scientifiques contre le programme électronucléaire et la mise en place du GSIEN ont largement facilité la politisation du choix énergétique français, la remise en cause des certitudes scientifiques et la révision de l'autorité des experts. L'Appel des 400 a créé un réel choc en brisant le consensus scientifique et institutionnel sur le nucléaire. Il a servi à rendre crédible les inquiétudes des groupes écologistes et des populations locales à l'égard des risques des centrales nucléaires. L'action du GSIEN, en tant que contre-pouvoir scientifique du mouvement antinucléaire, a mis en évidence l'urgence d'ouvrir l'organisation du contrôle du nucléaire au?delà des seuls exploitants. Le GSIEN a ainsi servi d'exemple pour l'émergence de nouvelles organisations de contre-expertise à la suite notamment de l'accident de Tchernobyl. Consacrant ses forces à la construction d'une information technique autre que celle fournie par les autorités, le GSIEN a aussi contribué à la mise sur l'espace public du problème de l'information et du secret dans le domaine nucléaire. Néanmoins, de la controverse surgie à la suite de l'accident de Tchernobyl au débat public sur le réacteur EPR 59 (2005) freiné par la censure appliquée à un document officiel (montrant la vulnérabilité de ce type de réacteur en cas d'attaque terroriste) en passant par les limites imposées à l'action des Commissions Locales d'Information, le problème de l'information et du  « secret » nucléaire orientera probablement encore les controverses nucléaires dans les décennies à venir.


Entretiens avec :

Bella Belbéoch, Roger Belbéoch, Robert Béraud, Bernard Boudouresques, Jean-Marie Brom, Jean Busssac, Roland Lagarde, Bernard Laponche, Théophile Léray, Jean-Marc Lévy-Leblond, Patrick Petitjean, Philippe Roqueplo, Monique Sené, Jean-Paul Shapira, Georges Waysand.
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Notes
1  Voir notamment Alain Touraine, Zsuzsa Hegedus,, François Dubet, Michel Wievorka, La prophétie antinucléaire, Paris, Seuil, 1980.
2  Christophe Bonneuil, Introduction au dossier « Engagement public des chercheurs. De la République des savants à la démocratie technique : conditions et transformations de l'engagement public des chercheurs », Natures Sciences Sociétés, 14, 2006.
3  Gérard Darmond, « La mise en place des instituts nationaux : la difficile naissance de l'IN2P3 », Cahiers pour l'histoire du CNRS (1939-1989), Paris, Éditions du CNRS, 1991, p. 121.
4  « Saturne » : Saturne est le nom du synchrotron à protons mis en service à Saclay en 1958.
5  Rapport scientifique de conjoncture du CNRS, Physique, 1974. Archives de l'IN2P3.
6  Jean-François Picard, Alain Beltran, Martine Bungener, Histoire de l'EDF : comment se sont prises les décisions de 1946 à nos jours, Paris, Dunod, 1985, p. 235.
7 « Information et attitude du public français en face des perspectives d'utilisation pacifiques et militaires de l'énergie atomique », Sondages IFOP, décembre 1957?mars 1958.
8  Zoé, le nom de la première pile atomique française, signifie « la vie » en grec ancien. Cassandre, elle, est, dans la mythologie grecque, une prophétesse au destin tragique car le dieu Apollon lui retire le don de la persuasion.
9  Martine Chaudron, Yves Le Pape, « Le mouvement écologique dans la lutte antinucléaire » in Nucléopolis : matériaux pour l'analyse d'une société nucléaire, sous la dir. de Fagnani, Francis, Nicolon, Alexandre, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1979, p. 25-78.
10  
Survivre et Vivre, n° 14, octobre-novembre 1972.
11  Entretien avec un ancien membre du GSIEN, 3 novembre 2006, Paris.
12  Survivre, n° 6, janvier 1970, p. 11.
13  Idem.
14 « A propos du 25e anniversaire de l'EDF, l'image de l'énergie électrique », Sondages IFOP, 10-19 décembre 1971.
15  Alain Touraine, Zsuzsa Hegedus, François Dubet, Michel Wievorka, La prophétie antinucléaire, Paris, Seuil, 1980, Dieter Rucht, « The Anti-nuclear Power Movement and the State in France », in States and Antinuclear Movements, sous la dir. de Héléna Flam, Edinburgh, Edinburgh University Press, 1994, p. 128-162.
16  Gabrielle Hecht, Le Rayonnement de la France : énergie nucléaire et identité nationale après la Seconde Guerre mondiale, Paris, La Découverte, 2004.
17  Procès verbal de la réunion de la Commission PEON, 11 octobre 1972. Archives d'EDF, Boîte 682614.
18  Extrait du discours de M. Jean-Pierre Soisson, secrétaire d'État aux universités, lors de la Journée recherche fondamentale énergie (18 décembre 1974), Courrier du CNRS, numéro spécial Énergie, juin 1975, p. 4.
19  Procès verbal de la session du printemps 1974 du Comité National 06. Archives IN2P3-G850002 SGCN.
20  Rapport IN2P3, « La physique nucléaire en 1980 », Avril 1974. Archives de l'Institut de Physique Nucléaire d'Orsay.
21  Idem.
22  Entretien avec un des fondateurs du GSIEN, novembre 2002.
23  Le groupe était composé de six membres de la Commission 06 : MM. Astier (LAL), Froissart (Collège de France), Jullian (LAL), Riou (IPN Orsay), Schapira (IPN Orsay) et Véneroni (IPN Orsay).
24  Courrier du CNRS, n° 19, janvier 1976.
25  Il s'agit ici de P. Belbenoit, V. Comparat, M. Crozon, L.M. Chounet, P. Courrege, G. Cosme, A. Faye, G. Gary, J.Y. Grandpeix, B. Grelaud, S. Jullian, A. Lahellec, D. Lalanne, J.F. Leterrier, J. Laurent, N. Legay, T. Leray, C. Longuemarre, G. Petavy, D. Poutot, M. Sené, R. Sené, P. Roudeau, F. Samaran, J.P. Shapira, L. Stab, G. Swklarz.
26 « Appel des scientifiques à propos du programme nucléaire français », février 1975, Archives du GSIEN.
27  Données recueillies à partir de la liste de 4000 signataires de l'Appel. Archives du GSIEN.
28 « Sécurité de Travail au Centre d'Études Nucléaires de Saclay », Groupe Information Travail de Saclay, février 1975, 23 p. Archives personnelles de Béla Belbéoch.
29  Philippe Garaud, « Politique électro-nucléaire et mobilisation. La tentative de constitution d'un enjeu », Revue Française de Sciences Politiques, 29, 3, 1979, p. 448-474.
30  Compte rendu de l'Assemblée Nationale du GSIEN, 25-27 octobre 1977, Orsay. Archives du GSIEN.
31  Alain Jaubert, Jean-Marc Lévy-Leblond, (Auto) critique de la science, Paris, Seuil, 1973.
32  Impasciences, n° 2, printemps-été 1975.
33  Impasciences, n° o.2, printemps-été 1975.
34  Brian Balogli, Chain reaction : Expert debate and public participation in American commercial nuclear power, 1945-1975, New York, Cambridge University Press, 1991, p. 277.
35 « Une déclaration de quatre cents scientifiques : Nous appelons la population à refuser l'installation des centrales nucléaires », Le Monde, 11 février 1975 ; « Quatre cents savants contre le programme nucléaire », Le Quotidien de Paris, 11 février 1975.
36  Dieter Rucht, « The Anti-nuclear Power Movement and the State in France », in States and Antinuclear Movements, sous la dir. de Héléna Flam, Edinburgh, Edinburgh University Press, 1994, p. 128-162.
37 « Lettre d'André Giraud à Raymon Sené », Paris, 14 mars 1975 ; « Lettre d'André Giraud à Bella Belbéoch », Paris, 12 mai 1975. Archives personnelles de Bella Belbéoch.
38 « Lettre de la section de Saclay du Syndicat des ingénieurs et cadres de l'énergie atomique (CGC) envoyée aux 400 scientifiques », 16 février 1975. Archives du GSIEN.
39  La Gazette Nucléaire, n° 1, juin 1976.
40  La Gazette Nucléaire, n° 3, novembre 1976.
41 La Gazette Nucléaire, n° 5, janvier 1977.
42  
GSIEN, Electronucléaire : danger, Paris, Seuil, 1977.
43  
CFDT, Le dossier électronucléaire, Paris, Seuil, 1980.
44  GSIEN, « Le malentendu nucléaire ? », octobre 1977, p. 3. Archives du GSIEN.
45 Dieter Rucht, « The impact of anti-nuclear power movements in international comparison » in Resistance to new technology : nuclear power, information technology and biotechnology, sous la dir. de Bauer, Martin, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 277-291.
46  Pierre Radanne, « Un militant évalue une recherche » in Touraine, Alain (dir.), Mouvements sociaux d'aujourd'hui. Acteurs et analystes, Paris, Éditions ouvrières, 1982, pp. 49-52.
47  Guillaume Sainteny, « Le Parti Socialiste face à l'écologisme. De l'exclusion d'un enjeu aux tentatives de subordination d'un intrus », Revue française de science politique, 44, 3, 1994, p. 424-461.
48  Luc Boltanski, Eve Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.
49  Patrick Petitjean, « Du nucléaire, des experts et de la politique », Mouvements, 8, 2000, p. 19?26.
50  Conseil Général de L'Isère, « Creys-Malville : le dernier mot ? », Presses Universitaires de Grenoble, 1977, p. 12
51  Entretien avec un militant de la CFDT-CEA, 12 mars 2004, Paris.
52  Entretien avec un des fondateurs du GIT Saclay, 3 novembre 2006, Paris.
53  Entretien avec un membre du GSIEN, Strasbourg, 7 juin 2007.
54  Max Weber, Le savant et le politique, Paris, La Découverte, 2003.
55  Publié en 1962, en pleine guerre froide, Les Phycisiens aborde la question de la responsabilité sociale du savant autour de l'histoire de trois physiciens contraints de s'enfermer dans un asile pour pouvoir poursuivre leurs recherches sans risque pour le monde.
56  Entretien avec un militant de la CFDT-EDF, 29 avril 2004, Paris.
57 Michel Wievrerka, Sylviane Triscle, Le modèle EDF. Essai de sociologie des organisations, Paris La Découverte, 1989.
58  Dominique Pestre, « Science, Democracy and the Political. A set of proposals », EASST Conference, Lausanne, 2006.
59  European Pressurised Reactor.

Pour citer cet article:
- Référence papier

Sezin Topçu, « Les physiciens dans le mouvement antinucléaire : entre science, expertise et politique », Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique, 102 | 2007, 89-108.

- Référence électronique
Sezin Topçu, « Les physiciens dans le mouvement antinucléaire : entre science, expertise et politique », Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique [En ligne], 102 | 2007, mis en ligne le 1 octobre 2010. URL : http://journals.openedition.org/chrhc/214 ; DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.214