Les exercices bidons de "simulation d'accident" nucléaire,
pour un accident
sans doute ingérable en France (un insupportable risque).

Lire:
Compte rendu d'une projection des films "Le sacrifice" et "Controverses nucléaires" à l'Ecole nationale supérieure des officiers sapeurs pompiers (ENSOSP), 17 juin 2008 (Pdf)
Lire: En cas de catastrophe... (Pdf)

 

Un ancien PPI (Plan Particulier d'Intervention) et le PPI édition 2012 étaient ""largement suffisants"" pour la sécurité des populations sur 5 km "pour prévenir les accidents, et pour faire face à toute éventualité". Mais le 23 septembre 2020, la préfecture de la Manche annonce que : "Conformément à la nécessité de renforcer l'organisation de la réponse de sécurité civile (ORSEC) dans le sillage de l'accident de Fukushima, la modification à venir du PPI comprendra un nouveau périmètre de 20 kilomètres avec information et sensibilisation de la population, et une évolution du périmètre de 5 kilomètres (pour lequel on passe à une évacuation immédiate sans mise à l'abri en cas d'événement majeur). 4 ans plus tard ce nouveau PPI n'est toujours pas disponible... ou rédigé ?




Témoignage extrait de la lettre d'information de "Sortir du nucléaire" de décembre 2001:

Témoignage d'un sapeur pompier professionnel au sujet de la gestion du risque nucléaire

DEVOIR DE RESERVE OU LOI DU SILENCE !

EDF prétend qu'il existe des dispositifs qui visent, en toutes circonstances, à assurer la protection des populations, dont le plan particulier d'intervention (PPI) et le plan d'urgence d'intervention (PUI) mis en oeuvre par les préfectures.
Je suis sapeur-pompier professionnel au service d'intervention et de secours du Rhône et j'ai un certificat d'intervention en milieu radiologique, spécialité existant dans le cadre des cellules mobiles d'intervention radiologique (CMIR). Si les CMIR sont adaptées pour faire une recherche de source scellée, détecter et enlever une pollution ponctuelle, établir un petit périmètre de protection, elles ne peuvent en aucun cas assurer la protection des populations en cas d'accident dépassant l'enceinte d'une installation nucléaire. La seule protection efficace étant la distance, l'unique protection contre une irradiation et (ou) une contamination est le sauve-qui-peut et du bon côté (sens du vent). Pour en avoir débattu avec des collègues, je sais qu'en cas d'accident majeur, les sapeurs-pompiers n'iront pas au casse-pipe comme ceux de Tchernobyl.

Le texte ci-dessous est extrait d'un cours de formation d'officiers sapeurs-pompiers à la "gestion des risques" en matière radiologique. Ainsi apprécierons-nous ce qui est prévu sur le papier par nos autorités, en caractères italiques, et ce qui se passerait en réalité en cas d'accident dépassant l'enceinte d'une installation nucléaire.

Plan d'intervention

L'organisation au préalable des secours à mettre en oeuvre en présence d'un accident à caractère radiologique est définie par les plans particuliers d'intervention (PPI) et par les plans d'urgence interne (PUI) dans les installations nucléaires de base (INB).

En matière nucléaire, le plan particulier d'intervention (PPI) prévoit trois niveaux d'alerte et d'intervention, correspondant à différentes procédures et moyens à mettre en oeuvre.

Le niveau 1

Ce niveau correspond à un incident ou accident à caractère non radiologique. Ce niveau comprend deux degrés :

Le premier en l'absence de victimes.
Le second en présence d'une ou plusieurs victimes.

Le niveau 2

Ce deuxième niveau est destiné à faire face à un événement à caractère radiologique limité au site. Ce niveau comprend aussi deux degrés :

Le premier en l'absence de victimes.
Le second en présence d'une ou plusieurs victimes.

Le niveau 3

Ce dernier niveau est déclenché lorsque l'accident est à caractère radiologique avec des conséquences immédiates ou envisageables à l'extérieur du site.

Il ne comporte pas de degrés.

Le PPI est établi par le préfet du département assisté des services compétents, dont le SDIS (service départemental d'incendies de secours), il est déclenché et mis en oeuvre sous la responsabilité du préfet qui
occupe la fonction de directeur des opérations de secours (DOS).

Son objectif est la protection des populations grâce à une information préventive associée à une organisation de crise adaptée.

A cette fin, le PPI est actuellement organisé autour d'un PC fixe activé en préfecture et d'un PC opérationnel mis en place à proximité du lieu du sinistre.

Il prévoit succinctement :

- l'information des services, des populations et des médias ;
- l'activation des équipes de mesures et de prélèvements : équipes de 1er niveau et cellule mobile d'intervention radiologique en ce qui concerne les sapeurs-pompiers, ZIPE 1 (zone
d'intervention premier échelon) et ZIDE 2 (zone d'intervention de deuxième échelon ) pour ce qui est du CEA (commissariat à l'énergie atomique) ;
- la mise en service des centres de regroupement et de contrôle de la population ainsi que des centres de décontamination et la distribution d'iode ;
- le contrôle des accès routiers autour du site concerné. Pour ce faire, deux périmètres sont prédéfinis :
< l'un de 5 km de rayon dans lequel il peut être envisagé de recourir à l'évacuation de la population située sous le vent, alors que la consigne normale est le confinement ;
< le second périmètre, compris entre 5 et 10 km, pour lequel seul le confinement des populations est retenu ;

- l'accueil des blessés, irradiés ou contaminés.

En ce qui concerne le niveau 3, incident ou accident à caractère radioactif extérieur au site, les équipes de détection sapeurs-pompiers effectuent des mesures sur les circuits préétablis. Des mesures
complémentaires sont effectuées par les CMIR. Suivant les résultats et les avis des experts, il y a trois types de situation :

- Vie normale : Equipes de détection et CMIR peaufinent les premières mesures. Des échantillons sont prélevés pour mesure à l'aide du véhicule CMIR "anthropogammamétrique".
- Confinement : Information de la population par haut-parleur. Balisage des zones de confinement. Activation des centres de regroupement de la population (matériel de détection de la contamination +
médecins Sapeurs-pompiers). Contrôle de la population grâce aux véhicules CMIR "anthropogammamétrique" et mesures sur échantillons.
- Evacuation : Information de la population. Balisage des secteurs à évacuer et à confiner. Participation à l'évacuation. Contrôle aux centres de regroupement. Evacuation des malades. Tri : personnes
contaminées, non contaminées, grâce aux véhicules CMIR "anthropogammamétriques" et mesures sur échantillons (aliments, eaux, terre, végétaux)

Les objectifs du plan d'urgence interne peuvent se résumer de la façon suivante :

Assurer :
- le secours aux blessés, qu'ils soient conventionnels, irradiés ou contaminés
- la protection du reste du personnel ;
- la conduite des unités vers le meilleur état de sûreté possible ;
- la stabilisation de la situation en limitant au maximum les conséquences de l'événement.

Alerter et informer :
- les autorités préfectorales et de sûreté ;
- les services d'intervention ;
- l'organisation nationale de crise de la structure.

Analyser l'accident et ses conséquences :
- diagnostic et pronostic de l'évolution potentielle ;
- évaluation des rejets et de leurs impacts sur la population.

Ces dispositions sont prises sous la responsabilité du chef d'établissement qui est aussi à l'origine du déclenchement de ce plan.

Voilà pour la théorie ; pour la pratique, souhaitons que jamais nous ne connaissions un accident de niveau 3.

Car un accident nucléaire dépassant les limites d'un site nucléaire deviendra vite ingérable.

Il faut plusieurs heures entre l'ordre d'alerte de la CMIR et la réalisation des premières mesures sur le circuit préétabli. La CMIR, vu la pénibilité de la tâche, devra être relevée : par qui ? Une seule CMIR (4 hommes) est opérationnelle, les autres étant de repos ou affectées à d'autres missions. Il faudra faire intervenir des CMIR d'autres départements ou régions. (3 CMIR en Rhône-Alpes : Lyon, Valence, Grenoble).

Comment réaliser, comme le prévoit le PPI, la mise en service des centres de regroupement et de contrôle de la population dans la mesure où il n'y a pas, à ma connaissance, en Rhône-Alpes comme dans tout le Sud-Est de la France (une des régions les plus nucléarisé au monde !) des véhicules CMIR "anthropogammamétriques" ?

La distribution d'iode, pour être efficace et seulement contre l'iode radioactif, doit se faire plusieurs heures avant l'exposition à la radioactivité.

Si des blessés contaminés doivent être transportés vers un centre hospitalier, aucune structure hospitalière, à part un service de grand brûlés (milieu stérile et confiné), ne pourra les accueillir. Les lits disponibles dans ces services très pointus ne pourront accueillir qu'un nombre très limité de victimes. Ensuite, il faudra décontaminer les véhicules ayant servi au transport et le service hospitalier.

Quant à l'évacuation de la population située sous le vent, chacun connaît la difficulté à évacuer lors des manoeuvres très médiatiques de simulation préparées des mois à l'avance ; en réel, la tâche sera encore plus difficile avec des ordres et contre-ordres, l'affolement et la panique (accidents routiers, embouteillages etc.).

Le confinement des populations ne s'improvise pas. Il faut posséder la technique et le matériel (films plastiques, rubans adhésifs). Aucune information ni formation n'est réalisée si ce n'est par quelques dépliants dont la diffusion est restreinte.

Si la contamination est massive, ce sera le sauve-qui-peut mais du bon côté (direction du vent), car la première protection, c'est la distance, la seconde, le temps (la dose absorbée est directement proportionnelle à la durée d'exposition).

Arrêtons là cette simulation désastreuse. EDF et les autorités laissent croire à la population que des sapeurs-pompiers pourront assurer leur protection en cas d'accident radioactif de niveau 3 : il est pourtant compréhensible que, même s'ils avaient tous les moyens humains et matériels, ils seraient totalement inopérants pour une pollution par des éléments radiotoxiques à des doses du millionième de gramme.

Les sapeurs-pompiers sont des fonctionnaires territoriaux et d'après leur statut, ils doivent observer un devoir de réserve, mais le devoir de réserve n'est pas la loi du silence. Tout fonctionnaire qui a connaissance de dysfonctionnements devrait les dénoncer.

Roland KSOURI
(sapeur-pompier professionnel du Rhône)

 

 


Ouest-France, 17/10/2008: 

Exercice radioactif, population inactive

Hier, Aréva, préfecture de la Manche, services de sécurité et de secoursont joué un accident nucléaire dans La Hague. Pas les habitants.

9 h 23, dans la rue principale de Beaumont-Hague, le piéton va son bonhomme de chemin. Tranquille. 9 h 24, les énormes sirènes perchées sur le toit de la mairie hurlent. Un son long et lugubre à donner le cafard au plus optimiste. Au bar-PMU, on ne s'émeut pas pour autant. Les sirènes insistent. Quelques clients décident de « filer avant qu'ils nous bloquent les routes ». Toutefois, la rue demeure sereine et chacun vie sa vie.

À deux kilomètres de là, c'est différent. Depuis près d'une heure, Aréva est sur les dents. « Un incendie s'est déclaré dans un atelier de séparation du plutonium », annonce la communication. De quoi donner des sueurs froides [Rappel: 1/1 000 000 ème de gr de plutonium inhalé suffit à provoquer un cancer]. Devant la gravité de la chose, le préfet de la Manche décide de sonner l'alarme. Outre les sirènes, un serveur téléphonique automatique doit avertir chaque riverain dans un rayon de deux kilomètres.

« Y'a des priorités dans la vie ! ». « Chez moi, ça a bien fonctionné. J'ai reçu dix-sept messages en un quart d'heure », témoigne Michel Canoville, président de la communauté de communes de La Hague. Il ne s'est pas confiné pour autant à son domicile, comme prévu par le Plan particulier d'intervention. Au PMU en revanche, « aucun appel », signale le patron. « Sauf celui de Momo. Il demandait s'il pouvait venir faire son tiercé et boire un p'tit blanc. J'lui ai dit que oui. Y'a des priorités dans la vie ! »

Le dispositif d'alerte prévoit la diffusion de messages radio. Ceux-ci sont intervenus près d'une heure après le début de l'alerte. La préfecture n'avait pas encore validé le message. Sur le terrain, les gendarmes ont bloqué les différents accès, deux kilomètres autour de l'usine nucléaire. Certains ont mis toutefois un certain temps à se positionner au bon carrefour. Les pompiers, eux avaient pour mission de contrôler la radioactivité à l'extérieur du site. Les cellules chimiques et radioactives sont venues du Calvados, d'Ille-et-Vilaine et de la Manche.

Les seuls riverains vraiment motivés, ou contraints, furent les élèves du collège de Beaumont-Hague, confinés dans leurs classes. « Sauf que la sirène, on l'a presque pas entendue », souligne une troisième. « Toute façon, si ça pète, on est tous morts », commente un sixième en haussant les épaules. Pour les autorités, « le bilan est plutôt positif. » La partie fictive de l'opération, à quelques couacs près, semble avoir bien fonctionné. Cependant, près de 40 ans après la mise en service de l'usine atomique, on s'interroge toujours sur la manière de protéger la population en cas de pépin. Excès de confiance ou fatalisme ?

 



Le Parisien, 14 juin 2006:


LE TEMOIN DU JOUR
« La France n'est pas préparée »
DES SIMULATIONS d'accidents nucléaires, Frédéric Marillier en a vécu plusieurs, notamment à La Hague (Manche). « Sur le principe, c'est intéressant et important. » Sauf que pour cet observateur avisé du petit monde du nucléaire, les pouvoirs publics « ne vont pas au bout de la logique », et « la France n'est pas du tout préparée à un accident majeur ». « Déjà, les périmètres sont sous-estimés, déplore Frédéric Marillier.
Même si nous avons affaire au CEA à un petit réacteur, un problème concernerait la N 118 et le rond-point du Christ de Saclay. Je ne suis pas sûr que les autorités pourraient gérer le blocage de ces axes. » Autre inquiétude : « L'implication de la population. Un exercice de confinement, cela reste simple, mais en cas d'évacuation, ce serait autre chose... » Et de citer l'exemple de La Hague : « Lors du dernier exercice, le scénario comptait trois victimes... car il n'y a que trois places pour elles à l'hôpital de Cherbourg.
De la même manière, les gens seraient évacués en bus. Selon un sondage, 80 % des chauffeurs iraient chercher leurs propres enfants avant ceux des autres... Au final, j'ai l'impression que les pouvoirs publics n'assument pas le risque qu'ils font courir à la population, et n'ont surtout pas envie de connaître la véritable ampleur de ce risque. »

Nicolas Jacquard


 

Début de l'exercice de simulation d'un accident nucléaire à l'usine Cogema de La Hague

LA HAGUE (20 octobre 2005) - Un exercice de simulation d'accident nucléaire a débuté jeudi à 10 heures à l'usine Cogema de La Hague (Manche). Il devrait durer toute la journée selon la préfecture de la Manche qui coordonne l'opération. Cet exercice va permettre de tester les capacités d'intervention et de réaction de l'établissement et des services de l'Etat en cas d'incident nucléaire Il va également permettre de savoir si les sirènes ont désormais atteint le niveau d'efficacité souhaité, un point négatif qui avait été décelé lors du précédent exercice en mars 2002. Au cours de l'exercice, une évacuation de blessés radioactifs vers l'hôpital Pasteur de Cherbourg et par la mer est prévue, de même qu'un confinement de 900 élèves des écoles de Beaumont-Hague ainsi que d'une partie de la population (Un crash suicide sur le site nucléaire de La Hague pourrait occasionner un drame équivalent à 67 fois Tchernobyl (Wise-Paris étude de 2001).

 


Ouest-France, vendredi 21 octobre 2005:

Scénario catastrophe dans La Hague
L'exercice a entraîné le confinement de 800 élèves et le transport de blessés

Accident fictif à l'usine de retraitement de La Hague, groupes scolaires de Beaumont-Hague confinés, blessés contaminés transportés à l'hôpital Pasteur : un exercice de simulation a été organisé hier matin autour de Cogéma. Jeudi matin, 9 h 30 : les trois sirènes de l'usine de retraitement de combustibles irradiés de La Hague et celles de Beaumont et d'Omonville sonnent l'alerte. Le maire de Beaumont-Hague, Michel Laurent, peut lancer la procédure de confinement des 800 enfants solarisés dans les écoles et collège. Une heure plus tôt, un exercice était déclenché à Cogéma La Hague. Un accident dans l'unité UP3 de l'usine de retraitement de combustible irradiés qui allait provoquer un dégagement radioactif dans l'atmosphère. Le scénario, « hautement improbable », explique la Cogéma, est celui d'un exercice grandeur nature. Au gré des changements des données météorologiques, le PC environnement évaluera, tout au long de la matinée, les trajectoires du nuage radioactif fictif. « Cet exercice de gestion de crise nucléaire à dominante Sécurité civile a pour objectif de tester l'ensemble des chaînes de décision », explique Laurence Pernot, responsable de la communication pour la Cogéma. Le sous-préfet est d'ailleurs sur place pour voir la mise en place de son PC mobile avancé, installé sur le parking devant la mairie de Beaumont-Hague. De Paris à Cherbourg en passant par la préfecture à Saint-Lô, de la préfecture maritime à l'Autorité de sûreté nucléaire, des cellules sont mobilisées.

Distribution de tracts

A Beaumont-Hague, sirènes d'alerte ou pas, la vie se poursuit. Deux hommes qui ont vêtu les combinaisons blanches de protection distribuent des tracts aux quelques passants. Le texte, signé de la Cellule citoyenne de contrôle et d'information (Greenpeace), annonce un scénario différent de celui de Cogéma : un avion s'est écrasé sur les piscines de l'usine. Et propose de téléphoner au centre de retraitement, à la préfecture..., numéros de téléphones à l'appui. Le tout sous l'oeil de Yannick Rousselet, de Greenpeace : « On voit bien que tout est déjà prêt. On est loin des conditions réelles. » La Cogéma recevra 153 appels d'habitants « plus ou moins paniqués ».
Dans un bar proche de la mairie, les clients terminent leur café matinal en entendant les sirènes. Derrière le bar, le patron sort la lettre estampillée Areva : « Ici, ils nous disent tout ce qu'il faut faire en cas d'alerte. » Dans l'enveloppe, un document donnant les mesures d'urgence en cas d'accident nucléaire. Une enveloppe que cette passante n'a pas vue dans sa boîte aux lettres. « Vous savez, il y a tellement de papiers qui arrivent. »

Hélitreuillage

Peu avant midi, l'exercice prend une autre tournure. Le vent a changé et le nuage fictif se dirige vers la mer. La préfecture maritime simule le lancement d'un avis d'interdiction de navigation dans un rayon de 10 km autour des cheminées de La Hague, confine le personnel du Cross-Jobourg et fait évacuer le sémaphore de La Hague. Elle envoie l'hélicoptère de la Marine nationale devant Vauville, pour hélitreuiller trois blessés contaminés, dont un grièvement.
Hier soir, l'ensemble des autorités concernées par l'exercice s'accordaient à le qualifier d'enrichissant. « Les exercices réunissaient des conditions difficiles, puisque le système a été poussé au bout de ses limites, soulignait le représentant de l'Autorité de sûreté nucléaire. Et nous estimons que le système a réagi de manière satisfaisante. »


 

Le quotidien du médecin, 13/05/03:

Risque d'attentats nucléaires : un plan national de secours bientôt publié

Le Secrétariat général du gouvernement (SGDG) vient de valider une circulaire sur les moyens de secours et de soins face à une action terroriste nucléaire, à paraître prochainement au « Journal officiel ». La France se dote ainsi d'un schéma d'organisation qui n'aurait pas d'équivalent dans le monde et que « le Quotidien » s'est procuré. A la clef, une formation de base qui sera bientôt mise en place ; un premier test a eu lieu à Paris, sous la houlette du SAMU. Un travail de fond destiné à tous les professionnels de santé et qui demandera des années pour « assurer la ligne de flottaison ».

La formation de base des médecins à la prise en charge des victimes radiocontaminées a déjà fait l'objet d'un test (DR)
S'agissant des risques NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique), le N et le R sont les lettres les moins bien loties : la culture du secret défense a occulté celle du risque, de sa prévention et de son traitement. Une longue histoire que certains experts, dénonçant d'importantes lacunes, voudraient réécrire (« le Quotidien » du 3 avril).

« C'est vrai, convient le Pr Pierre Carli, directeur du SAMU de Paris, alors qu'on a beaucoup gambergé ces dernières années sur le risque chimique après l'attentat au sarin (Tokyo, 1995) et sur le risque biologique (alertes au charbon en cascade en 2002 à Paris, élaboration du plan variole), face au nucléaire, on est parti médicalement de pas grand-chose. »
Le seul risque pris publiquement en considération concernait celui d'un accident survenant dans une centrale nucléaire. Mais les attentats du 11 septembre ont fait prendre conscience aux autorités du spectre d'une action terroriste, par explosion, épandage ou dissémination de sources radiologiques.
D'où la « circulaire relative à la doctrine nationale des moyens de secours et de soins face à une action terroriste mettant en Suvre des moyens nucléaires ». Un texte réglementaire élaboré sous l'égide du SGDG, avec la direction générale de la Sûreté nucléaire et de la Radioprotection, le haut fonctionnaire de défense au ministère de la Santé, la direction de l'Hospitalisation, le Service de santé des armées, les SAMU, ainsi que le Service de protection radiologique des armées (SPRA).
Sa parution est imminente.
S'y retrouveront les principaux éléments d'un autre texte (circulaire du 2 mai 2002 consacrée à l'organisation des soins médicaux en cas d'accident nucléaire ou radiologique), augmentés d'éléments sur la collaboration entre les SAMU, les sapeurs-pompiers, les services de police.
Le document fait le point en une trentaine de pages sur les procédures spécifiques, détaillant un plan national élaboré en complément du plan gouvernemental Piratome et décliné sur le plan zonal (selon les sept zones de défense, avec chacune un établissement de santé de référence et des services de santé correspondants, nucléaires, radiothérapiques et radiologiques), sur le plan départemental (rôle dévolu à chaque établissement dans une optique de complémentarité, avec la désignation d'établissements ciblés en mesure de traiter un grand nombre de victimes) et sur le plan local (chaque établissement élabore son propre plan blanc).

Trois catégories de victimes

La circulaire rappelle que « la prise en charge des victimes doit se faire conformément à la doctrine habituelle de médecine de catastrophe » : organisation d'une noria entre le site de l'accident et le poste médical avancé (PMA) effectuée par des personnels munis de matériel de radioprotection, mise en place d'un PMA en dehors de la zone d'exclusion, évacuation des victimes vers les établissements de soins appropriés, avec constitution, si nécessaire, d'un centre médical d'évacuation.
Quant à la prise en charge des victimes, elle découle de leur catégorisation : groupe 1 pour les personnes atteintes de lésions conventionnelles (brûlés thermiques, chimiques, traumatisés, blessés...), associées ou non à une contamination ou à une irradiation ; groupe 2 pour les victimes non blessées mais avec suspicion d'irradiation ou de contamination en raison de leur présence ou de leur activité à proximité de l'événement. Et groupe 3 pour les populations établies au voisinage du site de l'accident.
Depuis mars 2002, un guide national d'intervention nucléaire ou radiologique, élaboré par une vingtaine d'experts (SAMU, DGSNR, CEZA, SPRA, DHOS, DGS), propose un ensemble de fiches pratiques pour favoriser la réactivité des acteurs de santé face à « un événement calamiteux mettant en jeu des substances radioactives ». Y figurent quelques généralités (« Soigner un irradié externe n'entraîne aucun risque pour le personnel soignant » ou : « En cas de lésions chirurgicales associées, l'urgence conventionnelle prime »), des directives pour une bonne démarche diagnostique, les règles de protection des sauveteurs (masque respiratoire avec port d'une tenue antipoussière, deux paires de gants en latex pour les aérosols, port d'une combinaison spéciale, étanche et pressurisée, pour les radioéléments diffusibles par voie transcutanée, port d'un dosimètre à lecture directe en cas de risque d'irradiation associée. Et, bien entendu, conduite à tenir pour la prise en charge des urgences, absolues et relatives, avec les techniques de décontamination externe, le déshabillage et le lavage devant obéir à des règles strictes. Le traitement initial des radiocontaminations internes est également détaillé pour les composés les plus importants (américium, césium, cobalt, iode, plutonium, tritium et uranium).

Une formation d'une journée

Un module de formation d'une journée, intégré dans la formation générale NRBC, a déjà été testé par le SAMU de Paris en association avec le SPRA et la DGSNR, avec une trentaine de médecins franciliens participants. « Nous leur avons dispensé des notions théoriques de biophysique et des conduites à tenir très concrètes, avec la projection de 250 diapositives », explique l'un des maîtres d'oeuvre de l'enseignement, le Pr Carli. Des observateurs venus d'autres régions, urgentistes et médecins de catastrophe, étaient présents pour étudier les formations qui vont être mises en place au sein des zones de défense, sur une durée allant de deux heures (formation de base systématique) à quatre jours, selon le degré d'implication de l'établissement.
« Nous devons maintenant faire progresser ces formations, explique au « Quotidien » le Pr Michel Bourguignon, directeur général adjoint de la DGSNR, pour asssurer une ligne de flottaison nationale ; le meilleur contre-feu contre le terrorisme nucléaire, qui a vocation à créer la panique jusqu'au sein du système de santé, c'est de former les professionnels à une juste perception du risque radionucléaire. Comparé au risque chimique, celui-ci est assurément plus faible. A condition que les professionnels de santé soient armés pour lutter contre la psychose qu'il génère. »
Un travail de fond vient donc de commencer. La montée en puissance contre les risques liés à un attentat nucléaire prendra des années.

Christian DELAHAYE