Un ancien PPI (Plan Particulier d'Intervention) et le PPI édition 2012 étaient ""largement suffisants"" pour la sécurité des populations sur 5 km "pour prévenir les accidents, et pour faire face à toute éventualité". Mais le 23 septembre 2020, la préfecture de la Manche annonce que : "Conformément à la nécessité de renforcer l'organisation de la réponse de sécurité civile (ORSEC) dans le sillage de l'accident de Fukushima, la modification à venir du PPI comprendra un nouveau périmètre de 20 kilomètres avec information et sensibilisation de la population, et une évolution du périmètre de 5 kilomètres (pour lequel on passe à une évacuation immédiate sans mise à l'abri en cas d'événement majeur). 4 ans plus tard ce nouveau PPI n'est toujours pas disponible... ou rédigé ?
Témoignage extrait de la lettre d'information de "Sortir
du nucléaire" de décembre 2001:
DEVOIR DE RESERVE OU LOI DU SILENCE !
EDF prétend qu'il existe des dispositifs
qui visent, en toutes circonstances, à assurer la protection
des populations, dont le plan particulier d'intervention (PPI)
et le plan d'urgence d'intervention (PUI) mis en oeuvre par les
préfectures.
Je suis sapeur-pompier professionnel au service d'intervention
et de secours du Rhône et j'ai un certificat d'intervention
en milieu radiologique, spécialité existant dans
le cadre des cellules mobiles d'intervention radiologique (CMIR).
Si les CMIR sont adaptées pour faire une recherche de source
scellée, détecter et enlever une pollution ponctuelle,
établir un petit périmètre de protection,
elles ne peuvent en aucun cas assurer la protection des populations
en cas d'accident dépassant l'enceinte d'une installation
nucléaire. La seule protection efficace étant la
distance, l'unique protection contre une irradiation et (ou) une
contamination est le sauve-qui-peut et du bon côté
(sens du vent). Pour en avoir débattu avec des collègues,
je sais qu'en cas d'accident majeur, les sapeurs-pompiers n'iront
pas au casse-pipe comme ceux de Tchernobyl.
Le texte ci-dessous est extrait d'un cours de formation d'officiers sapeurs-pompiers à la "gestion des risques" en matière radiologique. Ainsi apprécierons-nous ce qui est prévu sur le papier par nos autorités, en caractères italiques, et ce qui se passerait en réalité en cas d'accident dépassant l'enceinte d'une installation nucléaire.
Plan d'intervention
L'organisation au préalable des secours à mettre en oeuvre en présence d'un accident à caractère radiologique est définie par les plans particuliers d'intervention (PPI) et par les plans d'urgence interne (PUI) dans les installations nucléaires de base (INB).
En matière nucléaire, le plan particulier d'intervention (PPI) prévoit trois niveaux d'alerte et d'intervention, correspondant à différentes procédures et moyens à mettre en oeuvre.
Le niveau 1
Ce niveau correspond à un incident ou accident à caractère non radiologique. Ce niveau comprend deux degrés :
Le premier en l'absence de victimes.
Le second en présence d'une ou plusieurs victimes.
Le niveau 2
Ce deuxième niveau est destiné à faire face à un événement à caractère radiologique limité au site. Ce niveau comprend aussi deux degrés :
Le premier en l'absence de victimes.
Le second en présence d'une ou plusieurs victimes.
Le niveau 3
Ce dernier niveau est déclenché lorsque l'accident est à caractère radiologique avec des conséquences immédiates ou envisageables à l'extérieur du site.
Il ne comporte pas de degrés.
Le PPI est établi par le préfet
du département assisté des services compétents,
dont le SDIS (service départemental d'incendies de secours),
il est déclenché et mis en oeuvre sous la responsabilité
du préfet qui
occupe la fonction de directeur des opérations de secours
(DOS).
Son objectif est la protection des populations grâce à une information préventive associée à une organisation de crise adaptée.
A cette fin, le PPI est actuellement organisé autour d'un PC fixe activé en préfecture et d'un PC opérationnel mis en place à proximité du lieu du sinistre.
Il prévoit succinctement :
- l'information des services, des populations
et des médias ;
- l'activation des équipes de mesures et de prélèvements
: équipes de 1er niveau et cellule mobile d'intervention
radiologique en ce qui concerne les sapeurs-pompiers, ZIPE 1 (zone
d'intervention premier échelon) et ZIDE 2 (zone d'intervention
de deuxième échelon ) pour ce qui est du CEA (commissariat
à l'énergie atomique) ;
- la mise en service des centres de regroupement et de contrôle
de la population ainsi que des centres de décontamination
et la distribution d'iode ;
- le contrôle des accès routiers autour du site concerné.
Pour ce faire, deux périmètres sont prédéfinis
:
< l'un de 5 km de rayon dans lequel il peut être envisagé
de recourir à l'évacuation de la population située
sous le vent, alors que la consigne normale est le confinement
;
< le second périmètre, compris entre 5
et 10 km, pour lequel seul le confinement des populations est
retenu ;
- l'accueil des blessés, irradiés ou contaminés.
En ce qui concerne le niveau 3, incident ou
accident à caractère radioactif extérieur
au site, les équipes de détection sapeurs-pompiers
effectuent des mesures sur les circuits préétablis.
Des mesures
complémentaires sont effectuées par les CMIR. Suivant
les résultats et les avis des experts, il y a trois types
de situation :
- Vie normale : Equipes de détection
et CMIR peaufinent les premières mesures. Des échantillons
sont prélevés pour mesure à l'aide du véhicule
CMIR "anthropogammamétrique".
- Confinement : Information de la population par haut-parleur.
Balisage des zones de confinement. Activation des centres de regroupement
de la population (matériel de détection de la contamination
+
médecins Sapeurs-pompiers). Contrôle de la population
grâce aux véhicules CMIR "anthropogammamétrique"
et mesures sur échantillons.
- Evacuation : Information de la population. Balisage des secteurs
à évacuer et à confiner. Participation à
l'évacuation. Contrôle aux centres de regroupement.
Evacuation des malades. Tri : personnes
contaminées, non contaminées, grâce aux véhicules
CMIR "anthropogammamétriques" et mesures sur
échantillons (aliments, eaux, terre, végétaux)
Les objectifs du plan d'urgence interne peuvent se résumer de la façon suivante :
Assurer :
- le secours aux blessés, qu'ils soient conventionnels,
irradiés ou contaminés
- la protection du reste du personnel ;
- la conduite des unités vers le meilleur état de
sûreté possible ;
- la stabilisation de la situation en limitant au maximum les
conséquences de l'événement.
Alerter et informer :
- les autorités préfectorales et de sûreté
;
- les services d'intervention ;
- l'organisation nationale de crise de la structure.
Analyser l'accident et ses conséquences
:
- diagnostic et pronostic de l'évolution potentielle ;
- évaluation des rejets et de leurs impacts sur la population.
Ces dispositions sont prises sous la responsabilité du chef d'établissement qui est aussi à l'origine du déclenchement de ce plan.
Voilà pour la théorie ; pour la pratique, souhaitons que jamais nous ne connaissions un accident de niveau 3.
Car un accident nucléaire dépassant les limites d'un site nucléaire deviendra vite ingérable.
Il faut plusieurs heures entre l'ordre d'alerte de la CMIR et la réalisation des premières mesures sur le circuit préétabli. La CMIR, vu la pénibilité de la tâche, devra être relevée : par qui ? Une seule CMIR (4 hommes) est opérationnelle, les autres étant de repos ou affectées à d'autres missions. Il faudra faire intervenir des CMIR d'autres départements ou régions. (3 CMIR en Rhône-Alpes : Lyon, Valence, Grenoble).
Comment réaliser, comme le prévoit le PPI, la mise en service des centres de regroupement et de contrôle de la population dans la mesure où il n'y a pas, à ma connaissance, en Rhône-Alpes comme dans tout le Sud-Est de la France (une des régions les plus nucléarisé au monde !) des véhicules CMIR "anthropogammamétriques" ?
La distribution d'iode, pour être efficace et seulement contre l'iode radioactif, doit se faire plusieurs heures avant l'exposition à la radioactivité.
Si des blessés contaminés doivent être transportés vers un centre hospitalier, aucune structure hospitalière, à part un service de grand brûlés (milieu stérile et confiné), ne pourra les accueillir. Les lits disponibles dans ces services très pointus ne pourront accueillir qu'un nombre très limité de victimes. Ensuite, il faudra décontaminer les véhicules ayant servi au transport et le service hospitalier.
Quant à l'évacuation de la population située sous le vent, chacun connaît la difficulté à évacuer lors des manoeuvres très médiatiques de simulation préparées des mois à l'avance ; en réel, la tâche sera encore plus difficile avec des ordres et contre-ordres, l'affolement et la panique (accidents routiers, embouteillages etc.).
Le confinement des populations ne s'improvise pas. Il faut posséder la technique et le matériel (films plastiques, rubans adhésifs). Aucune information ni formation n'est réalisée si ce n'est par quelques dépliants dont la diffusion est restreinte.
Si la contamination est massive, ce sera le sauve-qui-peut mais du bon côté (direction du vent), car la première protection, c'est la distance, la seconde, le temps (la dose absorbée est directement proportionnelle à la durée d'exposition).
Arrêtons là cette simulation désastreuse. EDF et les autorités laissent croire à la population que des sapeurs-pompiers pourront assurer leur protection en cas d'accident radioactif de niveau 3 : il est pourtant compréhensible que, même s'ils avaient tous les moyens humains et matériels, ils seraient totalement inopérants pour une pollution par des éléments radiotoxiques à des doses du millionième de gramme.
Les sapeurs-pompiers sont des fonctionnaires territoriaux et d'après leur statut, ils doivent observer un devoir de réserve, mais le devoir de réserve n'est pas la loi du silence. Tout fonctionnaire qui a connaissance de dysfonctionnements devrait les dénoncer.
Roland KSOURI
(sapeur-pompier professionnel du Rhône)
Ouest-France, 17/10/2008:
Hier, Aréva, préfecture de la Manche, services de sécurité et de secoursont joué un accident nucléaire dans La Hague. Pas les habitants.
9 h 23, dans la rue principale de Beaumont-Hague, le piéton va son bonhomme de chemin. Tranquille. 9 h 24, les énormes sirènes perchées sur le toit de la mairie hurlent. Un son long et lugubre à donner le cafard au plus optimiste. Au bar-PMU, on ne s'émeut pas pour autant. Les sirènes insistent. Quelques clients décident de « filer avant qu'ils nous bloquent les routes ». Toutefois, la rue demeure sereine et chacun vie sa vie.
À deux kilomètres de là, c'est différent. Depuis près d'une heure, Aréva est sur les dents. « Un incendie s'est déclaré dans un atelier de séparation du plutonium », annonce la communication. De quoi donner des sueurs froides [Rappel: 1/1 000 000 ème de gr de plutonium inhalé suffit à provoquer un cancer]. Devant la gravité de la chose, le préfet de la Manche décide de sonner l'alarme. Outre les sirènes, un serveur téléphonique automatique doit avertir chaque riverain dans un rayon de deux kilomètres.
« Y'a des priorités dans la vie ! ». « Chez moi, ça a bien fonctionné. J'ai reçu dix-sept messages en un quart d'heure », témoigne Michel Canoville, président de la communauté de communes de La Hague. Il ne s'est pas confiné pour autant à son domicile, comme prévu par le Plan particulier d'intervention. Au PMU en revanche, « aucun appel », signale le patron. « Sauf celui de Momo. Il demandait s'il pouvait venir faire son tiercé et boire un p'tit blanc. J'lui ai dit que oui. Y'a des priorités dans la vie ! »
Le dispositif d'alerte prévoit la diffusion de messages radio. Ceux-ci sont intervenus près d'une heure après le début de l'alerte. La préfecture n'avait pas encore validé le message. Sur le terrain, les gendarmes ont bloqué les différents accès, deux kilomètres autour de l'usine nucléaire. Certains ont mis toutefois un certain temps à se positionner au bon carrefour. Les pompiers, eux avaient pour mission de contrôler la radioactivité à l'extérieur du site. Les cellules chimiques et radioactives sont venues du Calvados, d'Ille-et-Vilaine et de la Manche.
Les seuls riverains vraiment motivés, ou contraints, furent les élèves du collège de Beaumont-Hague, confinés dans leurs classes. « Sauf que la sirène, on l'a presque pas entendue », souligne une troisième. « Toute façon, si ça pète, on est tous morts », commente un sixième en haussant les épaules. Pour les autorités, « le bilan est plutôt positif. » La partie fictive de l'opération, à quelques couacs près, semble avoir bien fonctionné. Cependant, près de 40 ans après la mise en service de l'usine atomique, on s'interroge toujours sur la manière de protéger la population en cas de pépin. Excès de confiance ou fatalisme ?
Le Parisien, 14 juin 2006:
LE TEMOIN DU JOUR « La France
n'est pas préparée »
DES SIMULATIONS d'accidents nucléaires, Frédéric
Marillier en a vécu plusieurs, notamment à
La Hague (Manche). « Sur le principe, c'est intéressant
et important. » Sauf que pour cet observateur avisé
du petit monde du nucléaire, les pouvoirs publics «
ne vont pas au bout de la logique », et « la
France n'est pas du tout préparée à
un accident majeur ». « Déjà, les périmètres
sont sous-estimés, déplore Frédéric
Marillier.
Même si nous avons affaire au CEA à un petit
réacteur, un problème concernerait la N 118 et le
rond-point du Christ de Saclay. Je ne suis pas sûr que les autorités
pourraient gérer le blocage de ces axes. » Autre inquiétude
: « L'implication de la population. Un exercice de confinement,
cela reste simple, mais en cas d'évacuation, ce serait autre
chose... » Et de citer l'exemple de La Hague : « Lors
du dernier exercice, le scénario comptait trois victimes...
car il n'y a que trois places pour elles à l'hôpital
de Cherbourg.
De la même manière, les gens seraient évacués
en bus. Selon un sondage, 80 % des chauffeurs iraient chercher
leurs propres enfants avant ceux des autres... Au final,
j'ai l'impression que les pouvoirs publics n'assument pas
le risque qu'ils font courir à la population, et n'ont
surtout pas envie de connaître la véritable ampleur
de ce risque. »
Nicolas Jacquard
LA HAGUE (20 octobre 2005) - Un exercice de simulation d'accident nucléaire a débuté jeudi à 10 heures à l'usine Cogema de La Hague (Manche). Il devrait durer toute la journée selon la préfecture de la Manche qui coordonne l'opération. Cet exercice va permettre de tester les capacités d'intervention et de réaction de l'établissement et des services de l'Etat en cas d'incident nucléaire Il va également permettre de savoir si les sirènes ont désormais atteint le niveau d'efficacité souhaité, un point négatif qui avait été décelé lors du précédent exercice en mars 2002. Au cours de l'exercice, une évacuation de blessés radioactifs vers l'hôpital Pasteur de Cherbourg et par la mer est prévue, de même qu'un confinement de 900 élèves des écoles de Beaumont-Hague ainsi que d'une partie de la population (Un crash suicide sur le site nucléaire de La Hague pourrait occasionner un drame équivalent à 67 fois Tchernobyl (Wise-Paris étude de 2001).
Ouest-France, vendredi 21 octobre 2005:
Accident fictif à l'usine de retraitement de La Hague, groupes scolaires de Beaumont-Hague confinés, blessés contaminés transportés à l'hôpital Pasteur : un exercice de simulation a été organisé hier matin autour de Cogéma. Jeudi matin, 9 h 30 : les trois sirènes de l'usine de retraitement de combustibles irradiés de La Hague et celles de Beaumont et d'Omonville sonnent l'alerte. Le maire de Beaumont-Hague, Michel Laurent, peut lancer la procédure de confinement des 800 enfants solarisés dans les écoles et collège. Une heure plus tôt, un exercice était déclenché à Cogéma La Hague. Un accident dans l'unité UP3 de l'usine de retraitement de combustible irradiés qui allait provoquer un dégagement radioactif dans l'atmosphère. Le scénario, « hautement improbable », explique la Cogéma, est celui d'un exercice grandeur nature. Au gré des changements des données météorologiques, le PC environnement évaluera, tout au long de la matinée, les trajectoires du nuage radioactif fictif. « Cet exercice de gestion de crise nucléaire à dominante Sécurité civile a pour objectif de tester l'ensemble des chaînes de décision », explique Laurence Pernot, responsable de la communication pour la Cogéma. Le sous-préfet est d'ailleurs sur place pour voir la mise en place de son PC mobile avancé, installé sur le parking devant la mairie de Beaumont-Hague. De Paris à Cherbourg en passant par la préfecture à Saint-Lô, de la préfecture maritime à l'Autorité de sûreté nucléaire, des cellules sont mobilisées.
Distribution de tracts
A Beaumont-Hague, sirènes d'alerte ou
pas, la vie se poursuit. Deux hommes qui ont vêtu les combinaisons
blanches de protection distribuent des tracts aux quelques passants.
Le texte, signé de la Cellule citoyenne de contrôle
et d'information (Greenpeace), annonce un scénario différent
de celui de Cogéma : un avion s'est écrasé
sur les piscines de l'usine. Et propose de téléphoner
au centre de retraitement, à la préfecture..., numéros
de téléphones à l'appui. Le tout sous l'oeil
de Yannick Rousselet, de Greenpeace : « On voit bien que
tout est déjà prêt. On est loin des conditions
réelles. » La Cogéma recevra 153 appels d'habitants
« plus ou moins paniqués ».
Dans un bar proche de la mairie, les clients terminent leur café
matinal en entendant les sirènes. Derrière le bar,
le patron sort la lettre estampillée Areva : « Ici,
ils nous disent tout ce qu'il faut faire en cas d'alerte. »
Dans l'enveloppe, un document donnant les mesures d'urgence en
cas d'accident nucléaire. Une enveloppe que cette passante
n'a pas vue dans sa boîte aux lettres. « Vous savez,
il y a tellement de papiers qui arrivent. »
Hélitreuillage
Peu avant midi, l'exercice prend une autre
tournure. Le vent a changé et le nuage fictif se dirige
vers la mer. La préfecture maritime simule le lancement
d'un avis d'interdiction de navigation dans un rayon de 10 km
autour des cheminées de La Hague, confine le personnel
du Cross-Jobourg et fait évacuer le sémaphore de
La Hague. Elle envoie l'hélicoptère de la Marine
nationale devant Vauville, pour hélitreuiller trois blessés
contaminés, dont un grièvement.
Hier soir, l'ensemble des autorités concernées par
l'exercice s'accordaient à le qualifier d'enrichissant.
« Les exercices réunissaient des conditions difficiles,
puisque le système a été poussé au
bout de ses limites, soulignait le représentant de l'Autorité
de sûreté nucléaire. Et nous estimons que
le système a réagi de manière satisfaisante.
»
Le quotidien du médecin, 13/05/03:
Le Secrétariat général du gouvernement (SGDG) vient de valider une circulaire sur les moyens de secours et de soins face à une action terroriste nucléaire, à paraître prochainement au « Journal officiel ». La France se dote ainsi d'un schéma d'organisation qui n'aurait pas d'équivalent dans le monde et que « le Quotidien » s'est procuré. A la clef, une formation de base qui sera bientôt mise en place ; un premier test a eu lieu à Paris, sous la houlette du SAMU. Un travail de fond destiné à tous les professionnels de santé et qui demandera des années pour « assurer la ligne de flottaison ».
La formation de base des médecins à
la prise en charge des victimes radiocontaminées a déjà
fait l'objet d'un test (DR)
S'agissant des risques NRBC (nucléaire, radiologique, biologique
et chimique), le N et le R sont les lettres les moins bien loties
: la culture du secret défense a occulté celle du
risque, de sa prévention et de son traitement. Une longue
histoire que certains experts, dénonçant d'importantes
lacunes, voudraient réécrire (« le Quotidien
» du 3 avril).
« C'est vrai, convient le Pr Pierre Carli,
directeur du SAMU de Paris, alors qu'on a beaucoup gambergé
ces dernières années sur le risque chimique après
l'attentat au sarin (Tokyo, 1995) et sur le risque biologique
(alertes au charbon en cascade en 2002 à Paris, élaboration
du plan variole), face au nucléaire, on est parti médicalement
de pas grand-chose. »
Le seul risque pris publiquement en considération concernait
celui d'un accident survenant dans une centrale nucléaire.
Mais les attentats du 11 septembre ont fait prendre conscience
aux autorités du spectre d'une
action terroriste, par explosion, épandage ou dissémination
de sources radiologiques.
D'où la « circulaire relative à la doctrine
nationale des moyens de secours et de soins face à une
action terroriste mettant en Suvre des moyens nucléaires
». Un texte réglementaire élaboré sous
l'égide du SGDG, avec la direction générale
de la Sûreté nucléaire et de la Radioprotection,
le haut fonctionnaire de défense au ministère de
la Santé, la direction de l'Hospitalisation, le Service
de santé des armées, les SAMU, ainsi que le Service
de protection radiologique des armées (SPRA).
Sa parution est imminente.
S'y retrouveront les principaux éléments d'un autre
texte (circulaire du 2 mai 2002 consacrée à l'organisation
des soins médicaux en cas d'accident nucléaire ou
radiologique), augmentés d'éléments sur la
collaboration entre les SAMU, les sapeurs-pompiers, les services
de police.
Le document fait le point en une trentaine de pages sur les procédures
spécifiques, détaillant un plan national élaboré
en complément du plan gouvernemental Piratome et décliné
sur le plan zonal (selon les sept zones de défense, avec
chacune un établissement de santé de référence
et des services de santé correspondants, nucléaires,
radiothérapiques et radiologiques), sur le plan départemental
(rôle dévolu à chaque établissement
dans une optique de complémentarité, avec la désignation
d'établissements ciblés en mesure de traiter un
grand nombre de victimes) et sur le plan local (chaque établissement
élabore son propre plan blanc).
Trois catégories de victimes
La circulaire rappelle que « la prise
en charge des victimes doit se faire conformément à
la doctrine habituelle de médecine de catastrophe »
: organisation d'une noria entre le site de l'accident et le poste
médical avancé (PMA) effectuée par des personnels
munis de matériel de radioprotection, mise en place d'un
PMA en dehors de la zone d'exclusion, évacuation des victimes
vers les établissements de soins appropriés, avec
constitution, si nécessaire, d'un centre médical
d'évacuation.
Quant à la prise en charge des victimes, elle découle
de leur catégorisation : groupe 1 pour les personnes atteintes
de lésions conventionnelles (brûlés thermiques,
chimiques, traumatisés, blessés...), associées
ou non à une contamination ou à une irradiation
; groupe 2 pour les victimes non blessées mais avec suspicion
d'irradiation ou de contamination en raison de leur présence
ou de leur activité à proximité de l'événement.
Et groupe 3 pour les populations établies au voisinage
du site de l'accident.
Depuis mars 2002, un guide national d'intervention nucléaire
ou radiologique, élaboré par une vingtaine d'experts
(SAMU, DGSNR, CEZA, SPRA, DHOS, DGS), propose un ensemble de fiches
pratiques pour favoriser la réactivité des acteurs
de santé face à « un événement
calamiteux mettant en jeu des substances radioactives ».
Y figurent quelques généralités («
Soigner un irradié externe n'entraîne aucun risque
pour le personnel soignant » ou : « En cas de lésions
chirurgicales associées, l'urgence conventionnelle prime
»), des directives pour une bonne démarche diagnostique,
les règles de protection des sauveteurs (masque respiratoire
avec port d'une tenue antipoussière, deux paires de gants
en latex pour les aérosols, port d'une combinaison spéciale,
étanche et pressurisée, pour les radioéléments
diffusibles par voie transcutanée, port d'un dosimètre
à lecture directe en cas de risque d'irradiation associée.
Et, bien entendu, conduite à tenir pour la prise en charge
des urgences, absolues et relatives, avec les techniques de décontamination
externe, le déshabillage et le lavage devant obéir
à des règles strictes. Le traitement initial des
radiocontaminations internes est également détaillé
pour les composés les plus importants (américium,
césium, cobalt, iode, plutonium, tritium et uranium).
Une formation d'une journée
Un module de formation d'une journée,
intégré dans la formation générale
NRBC, a déjà été testé par
le SAMU de Paris en association avec le SPRA et la DGSNR, avec
une trentaine de médecins franciliens participants. «
Nous leur avons dispensé des notions théoriques
de biophysique et des conduites à tenir très concrètes,
avec la projection de 250 diapositives », explique l'un
des maîtres d'oeuvre de l'enseignement, le Pr Carli. Des
observateurs venus d'autres régions, urgentistes et médecins
de catastrophe, étaient présents pour étudier
les formations qui vont être mises en place au sein des
zones de défense, sur une durée allant de deux heures
(formation de base systématique) à quatre jours,
selon le degré d'implication de l'établissement.
« Nous devons maintenant faire progresser ces formations,
explique au « Quotidien » le Pr Michel Bourguignon,
directeur général adjoint de la DGSNR, pour asssurer
une ligne de flottaison nationale ; le meilleur contre-feu contre
le terrorisme nucléaire, qui a vocation à créer
la panique jusqu'au sein du système de santé, c'est
de former les professionnels à une juste perception du
risque radionucléaire. Comparé au risque chimique,
celui-ci est assurément plus faible. A condition que les
professionnels de santé soient armés pour lutter
contre la psychose qu'il génère. »
Un travail de fond vient donc de commencer. La montée en
puissance contre les risques liés à un attentat
nucléaire prendra des années.
Christian DELAHAYE