Humour noir 3

 

Une curiosité à ne pas manquer si vous visitez une centrale nucléaire

Dans le livre d'un sociologue fort sérieux, Denis Duclos, " La peur et le savoir " (Éd. de la Découverte 1989) nous avons relevé le passage suivant :

" L'apparition multiforme de comportements proprement aberrants au sein des collectifs ayant à contrôler des risques très élevés (danse initiatique des opérateurs sur les pupîtres des salles de commandes de centrales nucléaires, [souligné par nous], "bizutages" cruels de jeunes laborantins, overdoses de communications-radio chez les pilotes de chasse, destruction massive des combinés téléphoniques dans les usines dangereuses, auto-infection de chercheurs en bactériologie etc. ) indique, à l'évidence cette fois, que les raisons des acteurs de la technologie ne sont pas celles qui relèveraient d'une plate objectivité ".

Ainsi, lorsque vous visitez une centrale nucléaire, exigez une présentation de ce show assez étonnant d'opérateurs dansant sur leur pupître de commande !

Denis Duclos analyse ces comportement apparemment "aberrants" :

" Mais avant d'invoquer la déraison, il faudra cependant bien saisir quelles logiques symboliques (éthiques) sont à l'oeuvre pour entraîner ces comportements. Car on peut y voir les signes d'une souffrance liée à l'enfermement dans la pure opérationnalité, et par lesquels on cherche à témoigner d'une dimension plus humaine de la techno-science ".

Le propos ne manque pas de pertinence mais nous laissons à ce sociologue la responsabilité concernant la véracité de ses informations.

 

 

EDF interdit l'alcool dans les centrales nucléaires à la suite de l'incident de Paluel

C'est le titre d'un article de Ann Mac Lachlan, dans le journal de la profession nucléaire, Nucleonics Week du 4 février 1993.

L'article commence par cette information qui n'a guère eu de place dans les médias français :

" Électricité de France (EDF) a interdit l'alcool dans les cafétarias de "certaines" de ses centrales nucléaires et a prohibé les boissons alcoolisées dans les "pots" du personnel sur les postes de travail des réacteurs, c'est ce qu'a déclaré la semaine dernière le chien de garde en chef ["watchdog" est le terme utilisé par la journaliste] de la sûreté nucléaire des centrales nucléaires ".

" Pierre Tanguy, Inspecteur général pour la sûreté nucléaire à EDF, a indiqué que ces mesures ont été prises à la suite de l'incident, survenu l'automne dernier, au cours duquel un technicien mécontent déclencha de la salle de contrôle l'arrêt, en 30 minutes, des 3 unités en opération à la centrale de Paluel (Nucleonics Week, 22 octobre 1992). Tanguy ajoute que le technicien expliqua son comportement par le fait qu'il y avait eu un pot ce jour-là et qu'il ne savait plus ce qu'il faisait ".

La journaliste fait quelques commentaires :

" Jusqu'à présent il n'était pas insolite de voir des bouteilles de champagne et des verres dans les salles de contrôle des réacteurs, en attente d'une occasion spéciale comme la fin d'un programme ou la promotion d'un membre du personnel ".

" En général l'environnement du travail est plus relaxe que dans les centrales américaines ; il était permis de fumer dans les salles de contrôle jusqu'il y a peu de temps et il y a quelques années des journalistes en visite à Chinon entendirent de la musique populaire dans une salle de contrôle au moment où, aux USA, la NRC [les Autorités de sûreté américaines] bataillait contre l'usage des postes de radio dans les salles de contrôle ".

Ann Mac Lachlan mentionnait que d'après un responsable EDF on est mieux protégé contre l'usage des drogues en France parce que l'utilisation de drogues est moins répandue qu'aux États-Uns mais que néanmoins son usage augmente. [Depuis la parution de cet article il a été trouvé des seringues dans la centrale de Belleville-sur-Loire].

Signalons que Ann Mac Lachlan est membre du Conseil Supérieur de la Sûreté et de l'Information Nucléaire et que Nucleonics Week rapporte beaucoup plus de renseignements sur le nucléaire français que nos journaux.

 

 

Une curieuse conception de la toxicité

Le 30 décembre 1993 le journal Libération avait un encart publicitaire pour une marque de vodka sous la forme d'une pochette transparente contenant un liquide et des morceaux de plastique en suspension. Il s'agissait d'un mélange de "monopropylène-glycol et de micro-particules de PVC". Libération du lendemain présentait ses excuses et précisait : " ce liquide n'est pas toxique, mais il ne peut être considéré comme totalement inoffensif " puis ajoutait à propos de l'encart qu'il fallait " veiller à ne pas le laisser à la portée des enfants, de ne pas le percer et de ne pas goûter ni ingérer le liquide qu'il contient ".

Ainsi, un produit peut être non toxique et dangereux. C'est dans la lignée du fameux "responsable mais pas coupable".

 

 

Comment le gouvernement français envisageait la gestion des déchets nucléaires en 1979.

Patrick Lagadec dans son livre "Le risque technologique majeur" (Collection Futuribles, Pergamon Press, 1981, page 439) rapporte, sous le titre "Three Mile Island vu de France" [1979] :

" Le Premier Ministre (Monsieur Raymond Barre) aura la tâche difficile de faire entendre aux Français qu'ils ne doivent pas se laisser aller à des états d'âme : c'était au Club de la Presse, quelques jours après l'accident.

Flora Lewis : il se pose en Allemagne un problème qui est au fond plus grave et beaucoup plus difficile à résoudre que celui de la technique des centrales, c'est celui des déchets. On n'en a jamais parlé en France. Qu'allez-vous faire de vos déchets ? Où allez-vous les mettre ? En effet, plus on produit de l'électricité atomique, et plus il y a de déchets.

M. Barre - Eh bien, Madame, jusqu'ici nous avons résolu le problème des déchets sans que cela provoque de drames, et nous continuerons à le faire.

Flora Lewis - Où les mettez-vous ?

M. Barre - On les met en divers endroits. "

Que serait-il advenu si on avait mis ces déchets nulle part ?

 

 

Comment un ministre de l'industrie voyait les déchets nucléaires

C'était le 25 juin 1991 à l'Assemblée Nationale pendant la discussion du projet de loi sur "l'élimination des déchets radioactifs".

M. Dominique Strauss-Kahn, ministre délégué à l'industrie et au commerce extérieur, déclare au cours de la discussion du projet de loi :

" Le volume n'est pas considérable. Je me suis permis de vous amener, dans une petite boîte tout à fait étanche (M. le ministre présente à l'Assemblée un petit objet cylindrique qui tient dans le creux d'une seule main), quelque chose qui représente, en vitrifié, l'équivalent des déchets correspondant à la quantité d'uranium...

M. Jean-Claude Lefort. C'est dangereux !

M. le ministre délégué à l'industrie et au commerce extérieur. ...nécessaire pour fournir une famille moyenne française en électricité, de 1956 à 2000 (...) " .

Monsieur Strauss-Kahn avec sa petite boîte a bien appris la leçon de Pierre Pellerin, alors Directeur du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants. Celui-ci déclarait quelque temps après l'accident de Three Mile Island à propos de "La querelle nucléaire vue par la Santé publique" :

" L'un des arguments les plus fréquemment avancés contre l'énergie nucléaire est celui de ses déchets radioactifs qui "engageraient notre responsabilité morale vis-à-vis des générations futures". Voici la réalité : si toute l'énergie produite en l'an 2000 était d'origine nucléaire, le retraitement des combustibles nucléaires ne produirait pas un volume de déchets de haute activité supérieur, par habitant et par an, à celui d'un cachet d'aspirine. En dix ans, plus de 99% de leur radioactivité disparaît du fait de la décroissance ".

Qui pourrait s'effrayer de ce centième de cachet d'aspirine ?

P. Pellerin concluait : " L'opposition à l'énergie nucléaire ne peut être le fait que d'ignorants et d'imposteurs ".

 

 

Nos réacteurs, les séismes et P. Pellerin

Vous avez lu dans la dernière Gazette que les protections antisismiques de 24 réacteurs 900 MW n'étaient pas conformes aux normes de sûreté par desserrage des barres de précontrainte des butées latérales de puits de cuve.

On a oublié comment M. Pellerin, le dompteur de nuages radioactifs, vantait nos réacteurs en 1989 quand il prêchait en Biélorussie et en Ukraine la soumission aux impératifs de Moscou concernant la dose-vie pour que ne soient pas évacués les habitants des zones contaminées. Au journaliste du journal "Kiev-Soir" (du 19 juin 1989) qui disait : " Mais nous ne sommes pas protégés contre les catastrophes naturelles. En effet, la centrale atomique d'Arménie a été construite dans une zone sismiquement dangereuse et c'est la raison pour laquelle il a été décidé de la démonter " il répondait :

" Chez nous aussi, il y a des centrales nucléaires dans des régions sismiquement instables, mais elles sont construites sur des patins en caoutchouc et ne craignent pas les chocs même extraordinaires. Et aux personnes qui craignent les séismes, nous conseillons : dès que les secousses commencent, courez vers la centrale atomique ! ".

[A relire absolument, l'interview complète parue dans Sovietskaya Bieloroussia, dimanche 1er juillet 1989]

 

 

Comment l'ordre des médecins présentait l'énergie nucléaire en 1978

Un article du Dr Paut, "Les maladies de civilisation, le nucléaire" dans le Bulletin de l'Ordre des Médecins d'octobre 1978, analysait d'une façon rassurante les risques nucléaires. Curieusement le mot "cancer" n'apparaît nulle part lorsqu'il aborde les problèmes sanitaires du rayonnement. Sa conclusion :

" Il nous semble indispensable que la population soit correctement et régulièrement informée. Il est légitime qu'elle exige des précautions et des contrôles. Il est cependant rassurant de penser que l'utilisation industrielle de l'énergie nucléaire ne présente ni pour le présent ni pour l'avenir à plus ou moins long terme, de risques inacceptables. Le fardeau génétique transmis à nos descendants peut être léger ".

C'était en octobre 1978, quelques mois plus tard c'était le "mishap" (la catastrophe râtée) de Three Mile Island, puis ce risque non "inacceptable" produisait Tchernobyl et maintenant tous les pays nucléarisés élaborent des plans de gestion accidentelle et post-accidentelle. Quant aux déchets nucléaires il serait absurde de les déclarer "inacceptables" car ils sont là et il faudra bien les accepter et nos descendants n'auront pas le choix.

C'est ainsi que l'Ordre des Médecins a contribué à "correctement" informer la population sur l'avenir de notre industrie nucléaire.

 

 

Un portrait de Staline hautement radioactif

Nous avons trouvé dans le Figaro du 29 novembre 1993 cette information : " Un portrait de Staline, gravé sur une plaque métallique de radium a dû être retiré du musée russe où il était exposé, et enterré dans un site nucléaire en raison de la forte radioactivité qu'il dégageait, 200 000 microroentgen par heure d'après le journal (soit plus de 1500 rem par an).

 

 

L'expert c'est moi

C'était en 1990. Le Monde du 24 février rapportait la visite de F. Mitterrand au Bengladesh et au Pakistan. Au Pakistan il tentait de négocier la vente d'un réacteur nucléaire. Au cours d'une conférence de presse à Dacca des journalistes lui firent " remarquer que certains experts français continuent à avoir des doutes sur la livraison d'une centrale nucléaire au Pakistan " . D'après le Monde il rétorqua " S'ils ont des doutes pourquoi sont-ils là ? L'expert c'est moi ". Quant aux protestations américaines " S'ils ont envie de protester, qu'ils protestent ".

Il s'agit-là de paroles d'une "force tranquille" d'un expert vraiment indépendant ... des conséquences de ses décisions !

 

 

C'était en 1966...

" Tous les arguments que l'on peut opposer sur le plan philosophique, sur le plan budgétaire ou sur le plan de l'efficacité ne valent rien auprès de cet argument essentiel qui consiste à affirmer que le premier devoir d'un État est de lutter avant toute chose contre la prolifération d'armes nucléaires.

On ne peut reconnaître un programme politique ou un programme d'action, qui ne comporte en clause préalable (...) l'anéantissement de la force de frappe ".

C'était un discours de François Mitterrand le 25 juin 1966 à la salle de la Mutualité lors d'un meeting organisé par le Mouvement contre l'armement atomique (MCAA).

Le 30 septembre 1982 le ministre de la défense choisi par F. Mitterrand déclarait aux membres de la Commission de la Défense de l'Assemblée Nationale : " L'effort continu de la France en faveur de ses forces nucléaires représente le minimum nécessaire pour demeurer durablement au dessus du seuil de crédibilité ". (D'après Le Monde du 1er octobre 1982).

C. Hernu s'est-il fait copieusement engueuler par F. Mitterrand ou bien s'agissait-il d'un mauvais clone ?

 

 

Les autorités de sûreté n'ont qu'une confiance limitée dans les chefs de centrale

André-Claude Lacoste directeur de la DSIN (Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires) interviewé par une journaliste du Parisien (30 mars 1995) à la question :

" Pour ne pas être mal classé, un chef de centrale peut avoir tendance à masquer des incidents. Quels moyens avez-vous pour contrôler sa sincérité ? il répond :

" Notre inspection sur le site est lourde. Nous rencontrons aussi bien le chef de la centrale que les techniciens et nous faisons une vraie analyse de la situation. Mais il est fondamental de tout savoir. Nous sommes prêts à recueillir tous les renseignements que le personnel peut nous donner sur le fonctionnement ou le dysfonctionnement d'une centrale. Je lui garantis l'anonymat "[souligné par nous].

Ainsi les autorités de sûreté reconnaissent qu'il pourrait être néfaste pour la carrière des techniciens de révéler ce qui se passe dans les centrales. De plus ces autorités n'ont guère confiance dans les chefs de centrales et lancent un appel à la délation couvert par l'anonymat. Belle ambiance autour des réacteurs nucléaires !

 

 

"Super Phénix II dès 1986"

C'est le titre d'un article pêché dans "ICC-Info" de février 1985, le journal des Ingénieurs cadres et chercheurs de l'UNSEA -CGT [union nationale syndicale de l'énergie atomique].

La CGT précisait sa position sur l'avenir de la surgénération : " La CGT n'apprécie pas, mais alors pas du tout, l'intention exprimée par les pouvoirs publics de différer à 1987, au plus tôt la mise en chantier de Super-Phénix II ".

" Rapsodie, Phénix, Super-Phénix I : trois étapes, trois succès [c'était en 1985] qui confortent la position de leader mondial acquise par la France dans le domaine des surgénérateurs. Cet effort doit être poursuivi jusqu'à son terme. La filière des réacteurs à neutrons rapides est la réponse d'avenir au développement nécessaire, au plan mondial, des sources d'énergie ". Et la CGT s'inquiétait de la "mollesse des pouvoirs publics".

C'était il y a une dizaine d'années. Quelques dates pour fixer les idées sur cette source énergétique de l'avenir.

Superphénix a été commandé en 1976. Les travaux ont commencé en 1977. La divergence du réacteur a eu lieu en septembre 1985 (l'article de février de la CGT demandait un deuxième réacteur avant que le premier ait démarré). Le couplage au réseau a eu lieu le 14 janvier 1986. Le décret du 12 mai 1977 autorisant la création de la centrale de Creys-Malville stipulait dans son article 15 que la mise en service industriel devait être faite avant le 12 mai 1987. Mais un décret n'a guère de valeur absolue, ça se modifie à la demande suivant les circonstances... ainsi un décret du 25 juillet 1986 repoussait ce délai jusqu'au 25 juillet 1998.

Dans les mémentos du CEA : "Les centrales nucléaires dans le monde" on peut suivre l'évolution de la date de mise en service industriel.

En 1989 la mise en service industriel était prévue pour juillet 1990, en 1990 pour décembre 1991, en 1991 pour juin 1992. Les éditions 1992 et 1993 indiquaient une mise en service industriel pour 2100. L'édition 1995 apportait une précision : décembre 2100. Authentique. Est-ce une marque d'optimisme ? Superphénix I sera encore valide dans plus d'un siècle, ou de pessimisme, même dans un siècle ce ne sera pas un équipement industriel ? La publication du CEA qui fournit l'information n'est pas explicite sur l'interprétation qu'elle souhaite donner.

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Roger Belbéoch