La publicité est-elle néfaste ?
Un groupe de professeurs se sont insurgés contre certaines campagnes publicitaires. Leurs propos ( Le Monde, 15 novembre 1989) ne manquent pas de pertinence. En voici quelques extraits :
" Les responsables politiques sont inhibés par les groupes de pression économiques et sociaux ainsi que par la crainte de déplaire aux médias et aux publicitaires qui assurent leur promotion personnelle. Cette dérive est dans la logique d'une société où la fausse communication publicitaire tient lieu de présentation objective de la réalité et où le téléviseur remplace l'instituteur ".
" L'État "rationnel" est remplacé par un groupe de pression supplémentaire qui, au nom de l'efficacité et du développement économique, met en péril la société par son inaptitude à préserver ses qualités fondamentales : la transparence, le respect de l'avis majoritaire et tout simplement une morale ".
" La démarche publicitaire est une manipulation destinée à contourner les défenses logiques d'un citoyen ".
EDF, Framatome, CEA, ANDRA, COGEMA sont-ils dans le collimateur de ces professeurs ? Non, il s'agit du tabac et de l'alcool.
Parmi les signataires, le Pr. Maurice Tubiana propagandiste sans réserve de l'industrie nucléaire. Les campagnes publicitaires, les colloques-bidons, les visites payées organisées par les grands de l'industrie nucléaire n'ont jamais gêné ce professeur qui n'hésita pas à souligner, avec une pointe d'envie, que " l'efficacité de M. Goebbels était redoutable " (Gazette Nucléaire n117/118, août 1992, p. 18).
Des épidémiologistes français ne peuvent-ils témoigner que masqués ?
Le Monde du 2 août 1997 commente sous le titre " Surmortalité par leucémie près des centrales nucléaires. Les résultats d'une étude britannique l'indiquent, une étude publiée dans la revue scientifique "British Medical Journal" ".
Nous pouvons constater que cette fois-ci les brillants officiels de l'INSERM n'ont pas osé affronter le ridicule en bavant sur cette revue scientifique comme ils l'avaient fait à l'occasion de la publication de l'étude de Jean-François Viel sur les leucémies de La Hague. Jean-Yves Nau, l'auteur de l'aricle, ne mentionne pas le mutisme des officiels de l'INSERM. Par contre il cite un " épidémiologiste spécialiste des rapports entre le nucléaire et l'environnement " qui lui déclare : " Ce travail me semble très intéressant. La démarche est originale et les conclusions sont frappantes. Il fournit une nouvelle preuve de l'intérêt qu'il peut y avoir à conduire des enquêtes statistiques dans ce domaine ".
Qui est cet épidémiologiste ? Nous ne le saurons pas car il est intervenu " sous le couvert de l'anonymat ". Là encore, aucun commentaire du journaliste. Liberté du scientifique ? Mais alors que penser de ces scientifiques qui n'ont pas besoin, eux, pour survivre, d'être protégés par l'anonymat ? L'INSERM, organisme scientifique ou organisme aux ordres ?
L'industrie nucléaire n'est pas la seule activité protégée par l'INSERM. Combien de temps a-t-il fallu pour que le sida soit reconnu comme un danger en France ? Et les cancéreux de l'Institut Pasteur ? Le sang contaminé ? L'INSERM vient enfin d'oser publier un rapport sur l'amiante et braver le ministre. Quelle est la contribution de l'INSERM dans l'étude des cancers professionnels au CEA, à EDF ? Qui a contribué à enterrer l'étude sur l'excès flagrant de cancers du poumon et du larynx chez les mineurs d'uranium français ? Et le radon dans les habitations quand l'INSERM s'en inquiétera-t-il ?
Un nouveau risque nous menace : le risque psychologique
Un institut s'est créé il y a quelques années, l'Institut européen des Cyndiniques (IEC). Cyndinique vient du grec Kindunos, le danger. Les cyndiniques sont donc des experts du danger.
Dans un texte du 18 juin 1997 annonçant un colloque organisé par l'IEC il est précisé : " L'IEC s'interroge sur les nouveaux risques auxquels toutes les composantes de la société dont l'entreprise [souligné par le cyndinique de service] auront à faire face dans les prochaines années ".
L'industrie moderne avec tous les risques d'accidents graves pourrait donc faire courir un nouveau danger pour ses propres entreprises. Logique curieuse, comment une entreprise peut-elle se développer en se mettant elle-même en danger ? Évidemment le danger vis-à-vis de l'entreprise qui aurait causé une catastrophe ou qui peut la causer, ne vient pas de l'entreprise elle-même mais de l'extérieur, des individus, de la société, des "turbulences sociales".
La Lettre des Cyndiniques n18 de mars 1996 indique qu'au cours d'un colloque (6-7décembre 1995) un représentant des cyndiniques, G. Y. Kervern " introduit la notion de risque psychologique majeur ". Ce nouveau risque nous menace-t-il ou menace-t-il les responsables des risques objectifs et de ceux qui auront à les gérer ? On pourrait dire que les cyndiniques sont les experts du danger mais aussi sont des experts en danger ?
Quelques définitions intéressantes
Nous avons relevé la signification de certains mots souvents utilisés. D'après le Petit Robert :
Information (1) ensemble des actes qui tendent à établir la preuve d'une infraction et à en découvrir les auteurs. Tout un programme pour les médias !
Informer du latin informare : façonner, former (1) donner une forme
Excursion du latin excursio : voyage, incursion, digression, de excurrere : courir hors de. (1) action de parcourir une région pour l'explorer, la visiter.
Le Petit Robert ne mentionne pas encore l'expression "excursion nucléaire" avec comme signification action de parcourir une région pour la contaminer et la rendre inapte à l'habitation.
Détour
" Quand nous parlons de la sagesse qui a présidé quatre mille ans à la constitution de la Chine nous ne prétendons pas parler de la populace ; elle est en tout pays uniquement occupée du travail des mains : l'esprit d'une nation réside toujours dans le petit nombre, qui fait travailler le grand, est nourri par lui, et le gouverne. Certainement cet esprit de la nation chinoise est le plus ancien monument de la raison qui soit sur la terre ".
Ce texte est peu connu mais mérite de l'être, il est extrait du livre Essai sur les moeurs de Voltaire (Classiques Garnier, tome II chapître CLV page 199).
Les experts de notre société aimeraient certainement avoir un personnage aussi réputé, aussi respecté que Voltaire pour affirmer leur "sagesse" face à la "populace".
Qu'attendent les généticiens pour se rendre utiles à l'industrie nucléaire !
Il est évident que les effets biologiques du rayonnement sont un handicap très pénalisant que certains trouvent inadmissible pour le développement de l'industrie nucléaire.
Il a été assez rapidement observé que les effets du rayonnement, pour des doses identiques, dépendaient très fortement des individus. Ainsi :
" Si l'on était capable d'analyser les mécanismes en jeu et de donner pour chaque individu, la valeur des différents temps de latence génétiques [il s'agit ici du temps qui s'écoule entre l'irradiation et l'apparition d'un cancer radioinduit], on pourrait établir, par individu, un profil de risque et sélectionner les travailleurs soumis au risque carcinogène. Les implications sont suffisamment importantes pour que les expérimentations des prochaines années en cancérogénèse radioactive soient consacrées à l'étude de ces mécanismes ".
Ce texte a été écrit par Jean-Claude Nénot, adjoint au chef de service de la Protection Sanitaire - Département de Protection, CEA, et Jacques Lafuma, chef de la Section de Pathologie et de Toxicologie Expérimentales - Département de Protection, CEA. Il a été publié dans la Revue Générale Nucléaire (RGN) n3, mai-juin 1976.
Ces deux experts ont fait partie de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) et leur patron, le Dr. Jammet a siégé à la CIPR pendant plus de 30 ans. Ces spécialistes-experts en Protection sanitaire au CEA, rêvent d'une race d'hommes sélectionnés pour leur insensibilité au rayonnement. Ont-ils effectué des recherches dans cette direction ? Les développements foudroyants en biologie génétique ont dû réveiller en eux leur vieux fantasme. Sont-ils intervenus auprès des généticiens pour orienter des recherches dans ce sens ? Construire ces hommes nouveaux ce serait tout de même plus important que de cloner une vulgaire brebis ! Tchernobyl avec ses multiples irradiés a dû les intéresser. Il y avait là certainement tout un vivier génétique particulièrement intéressant pour la mise au point de cette race nouvelle qu'ils rêvaient de développer.
L'université catholique de Lyon s'intéresse à "une éthique de l'énergie nucléaire"
C'était en 1990 et nous allons faire référence aux Cahiers de l'Institut Catholique de Lyon.
Le Recteur de l'Université Catholique de Lyon, Monseigneur Gérard Defois, précise les motivations de ce groupe de réflexion EDF/Framatome/Université Catholique de Lyon sur l'éthique nucléaire : " Quelques comportements d'ecclésiatiques au cours des cinq dernières années lors de problèmes locaux ont fait craindre à des responsables d'EDF une réaction "globalement négative" des autorités religieuses en cas d'incidents graves. Pour prévenir les malentendus il leur a paru bon d'informer avec exactitude et de dialoguer de façon approfondie ".
Bien sûr Mgr Defois a obtempéré à EDF, reconnaissant ainsi que des ecclésiastiques locaux étaient peut-être incapables d'avoir un jugement "positif" sur les problèmes nucléaires cncernant les "incidents graves". La hiérarchie catholique condamne sa base sur l'injonction d'EDF. Signalons en passant que les "incidents graves" préoccupent EDF.
Mgr Defois transcrit sans originalité la problématique des décideurs EDF :
" La non-information favorise la désinformation et les réactions collectives de peur ou de refus que l'on a connues en divers pays. Elles génèrent l'angoisse et la dramatisation des risques " et il insiste : " La question de l'information nous est apparue une donnée essentielle pour une responsabilité publique en ce domaine " c'est pourquoi cette haute autorité ecclésiatique s'est tournée vers EDF pour obtenir l'information rassurante capable de tranquilliser ses ouailles. Il affirme la " nécessité de maîtriser à la fois la peur, l'insécurité et le progrès en tant que développement de l'homme ". Et pour cela il va chercher ses informations auprès de gens qui sont payés par EDF pour rassurer. Il ne semble pas capable de s'interroger afin de savoir s'il est raisonnable d'être anxieux quand la situation est grave.
Mgr Defois, représentant d'une morale qui a fait ses preuves n'est pas insensible aux problèmes sociaux de l'emploi : " Nous ne pouvons en même temps proclamer le droit de tous à l'emploi et au développement, et bloquer artificiellement les avancées scientifiques qui permettent la multiplication des biens et de la puissance de production ". Ainsi toute critique de ce "progrès" ne serait qu'artificielle même en cas d'"incident grave" ! Et la morale chrétienne se réduira à un vulgaire avantage pour l'emploi, sans se préoccuper de la qualité de ce genre d'emploi qu'EDF fait miroiter. Signalons que 800 000 "liquidateurs" ont eu un emploi après Tchernobyl. Mais qui s'inquiète de l'état de santé des liquidateurs ?
Il est assez important de détailler un peu la discussion, lors de ce colloque, entre les gestionnaires du nucléaire (payés par EDF pour cette tâche) et des représentants de la hiérarchie catholique.
Le titre de l'intervention de Bruno-Marie Duffé, chargé de cours à la Faculté de Théologie de l'Université Catholique de Lyon, est significatif : L'opinion publique : de l'ignorance à la peur. Pour cet universitaire la peur est le résultat de l'ignorance. Il fait référence à l'imaginaire, à "l'épée de Damoclès", mais ne semble guère préoccupé par les risques réels d'une catastrophe nucléaire, risques qui peuvent faire peur d'une façon tout à fait rationnelle.
Pour ce personnage, " La peur naît de la conjoncture de plusieurs perceptions dont le trait commun est la non maîtrise du réel ". Est-il si déraisonnable d'avoir peur quand vous ne pouvez intervenir en rien sur ce qui peut vous arriver de catastrophique ? Et bien sûr il fait référence au traumatisme de "l'inoubliable blessure d'Hiroshima". Pourquoi ne fait-il pas référence à des déclarations d'août 1945 de la hiérarchie catholique française contre l'usage des bombes A dont furent victimes les Japonais ? Tout simplement parce que cette hiérarchie fut totalement muette, trop préoccupée à essayer de se dédouaner de sa collaboration ouverte avec l'occupant nazi.
Mais cet ecclésiatique n'est pas naïf, il reconnait les problèmes : " Nous sommes malades de cette incapacité à concilier le discours commercial qui nous invite à consommer notre électricité nucléaire et le discours éthique qui nous ouvre à nos responsabilités humaines, au devenir de l'homme, du monde et des peuples ". Cela ne l'empêche pas de collaborer avec les représentants du discours commercial au détriment d'une responsabilité éthique. Pour lui il n'est pas question de trancher entre le discours commercial et l'éthique : " En aucun cas il ne s'agira pour nous de céder le pas à une nouvele idéologie qui prétendrait apporter le dernier mot au débat et ainsi résoudre la tension entre la position réaliste et amorale de la technoscience et la sensibilité humaniste et volontiers moralisatrice de l'opinion critique spontanée ".
En somme, sur le problème des dangers de l'énergie nucléaire, [qui impliquent non seulement les personnes qui subissent l'accident mais aussi leurs descendants avec les déchets nucléaires] ce responsable catholique refuse de prendre parti entre l'aspect commercial du problème et la responsabilité éthique. Pour lui les problèmes ne sont pas tant d'être "résolus" mais d'être "assumés". C'est une démission totale de la responsabilité éthique qui laisse le pouvoir de décision aux décideurs commerciaux.
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