Préambule
Faisons un brin d'histoire pour replacer le MOX.
Des années 60 aux années 80 le
programme français reposait sur les réacteurs à
eau pressurisée (REP) et un développement significatif
des réacteurs à neutrons rapides (RNR) fonctionnant
en mode surgénérateur.
Il était envisagé qu'en l'an 2000 les RNR surgénérateurs
représenteraient 30% du parc.
C'est la raison du développement civil du retraitement
des combustibles REP avec la construction des usines du site Hague.
Un ensemble d'événements a considérablement
modifié cette vision :
- la consommation d'énergie s'est fortement réduite,
rendant totalement fausse la prédiction du doublement tous
les 10 ans et dotant la France d'un parc largement surestimé
pour ses besoins. La production de 10 à 15 réacteurs
est utilisée à l'exportation, rapportant des devises
mais participant à nos problèmes de déchets
;
- Phénix a été un réacteur
expérimental assez satisfaisant mais il est actuellement
à l'arrêt et il est probable qu'il sera définitivement
arrêté à cause de problèmes techniques
graves;
- le démantèlement de Rapsodie (le tout petit premier
de 40 MW) s'est avéré fort délicat, a conduit
à une grave explosion sodium avec mort d'homme;
- Superphénix est passé de tête
de série industrielle (1977) à prototype (1992)
puis réacteur de recherche (1994). Il faut dire qu'en 10
ans il a réussi à fonctionner 240 JEPN (Jour Équivalent
Puissance Nominale) soit 8 mois en étant large.
La faisabilité du recyclage du plutonium dans les (REP)
avait été testée avec succès dans
divers réacteurs (BR3 à Mol, Chooz A). Cette possibilité
restait expérimentale.
Le non développement de la filière RNR laissait
un stock de plutonium inutilisé, la possibilité
a semblé la porte de sortie.
C'est pourquoi dans les années 83-84 un groupe de travail:
EdF-CEA (avec COGEMA bien sûr) a confirmé la faisabilité
du recyclage dans les REP sous forme du MOX et "l'intérêt
pour la collectivité" de l'option retraitement/recyclage
par rapport à la stratégie du retraitement différé
ou du stockage en l'état des combustibles usés.
EdF avait prévu la possibilité de charger du combustible
MOX dans les 16 tranches de 900 MWé. La mise en oeuvre
de cette stratégie a commencée en 1987 par le chargement
de 16 assemblages MOX à Saint Laurent BI. En juillet 1995
il y avait 440 assemblages répartis sur 7 tranches contre
environ 6 000 des UOX répartis dans 58 réacteurs.
A l'étranger quelques producteurs belges, allemands, suisses
et japonais ont chargé du MOX dans leurs réacteurs
(2 belges, 10 allemands, 4 suisses, 1 à 2 japonais). Les
Belges ont une usine de façonnage (Dessel), les allemands
ont renoncé à en construire une (Hanau) et passent
des contrats sur MELOX,
les suisses ont une stratégie prudente et les japonais
n'en sont qu'à des essais.
La mise en service puis la montée en puissance de MELOX
(120 voire l60 tonnes de MOX) va contraindre EdF à augmenter
la pénétration du MOX dans son parc 900.
Or pour cette entreprise il faut maintenir équivalant les
coûts MOX et UOX (sinon EdF paiera les investissements de
COGEMA). Ceci impose la maîtrise des coûts de fabrication
et des performances équivalentes pour les combustibles
MOX et UOX
En ce qui concerne l'ensemble du cycle cela suppose que l'on maîtrise
aussi bien l'aval que l'amont du cycle c'est-à-dire que
le problème des déchets trouve une solution. Pour
le moment on s'oriente vers le stockage en l'état des combustibles
MOX irradiés.
Les approches COGEMA et EdF sont différentes. COGEMA vend
le retraitement et le MOX. EdF veut rentabiliser ses installations
et doit, aux termes pollueur-payeur se préoccuper du devenir
des déchets de ses réacteurs, que ce soit des combustibles
ou les déchets technologiques.
Mox et Melox
L'échec des RNR pose de façon
cruciale la problématique du retraitement. On a, en 1955,
choisi cette voie qui permettait le nucléaire militaire.
En 1964 on a décidé de l'adapter au traitement des
combustibles civils.
L'idée directrice était la récupération
du plutonium, accessoirement de l'uranium. A partir de cette idée
on avait bâti un scénario : On utilisait le plutonium
et l'uranium de récupération et on pourrait stocker
en surface les déchets à vie courte. On pourrait
éventuellement vitrifier les produits de fission pour les
enfouir. On a prévu un centre de stockage à côté
de l'usine de retraitement et les ennuis ont commencé.
En effet on a eu des fuites vers l'extérieur de tritium,
de plutonium. De plus on avait oublié le démantèlement
des installations, oublié le problème des faibles
doses, oublié ? non, rejeté dans le temps.
Comme le souligne Bataille (rapport office parlementaire n°
2689/n° 299)
"L'échec, même s'il est peut-être que
momentané, de la filière des surgénérateurs
posait le problème de la pertinence du retraitement. Pourquoi,
en effet, continuer des opérations compliquées et
coûteuses s'il n'existe plus de débouché pour
les produits issus du recyclage."
"Face à cette situation, la France, qui disposait
avec les installations de la COGEMA à la Hague d'importantes
capacités de retraitement, a décidé de se
tourner vers une solution alternative : la fabrication du combustible
MOX, qui est un mélange de 6 à 7 % de plutonium
avec 93 % d'uranium appauvri. "
A décidé, vraiment et par quel processus ? Qui
a été consulté ? Qui a écrit un rapport
? Qui construit MELOX ? Cette décision capitale pour le
nucléaire et son cycle a été dictée
par les industriels du nucléaire.
L'emploi du MOX n'avait été prévu que dans
les RNR. Les REP actuels ne sont pas conçus pour ce type
de combustible. Ceci explique la complexité des assemblages
et le fait que le chargement est limité à 30 % du
coeur. Il eut été possible de concevoir d'autres
réacteurs REP adaptés à ce type de combustible.
On peut, aussi, concevoir directement des REP brûlant davantage
de plutonium et créant moins d'actinides. On peut, alors,
se dispenser de retraiter ou de moxer.
Mais le ralentissement des programmes, la lenteur de mise en place
d'une filière industrielle, la complexité de certaines
options ont conduit à utiliser les REP et à se cantonner
à ce type de réacteurs. Ce ne sont pas les plus
évolués ni les plus adaptés au traitement
des déchets. En effet ils ont été conçus
avec un coeur dense pour répondre aux besoins de la motorisation
maritime.
Ce n'est qu'après l'échec de l'autosuffisance des
RNR, c'est-à-dire l'idée que la surgénération
serait suffisante pour permettre une auto alimentation d'un parc
en extension, que leur a été confié la tache
d'alimentation en Pu des rapides.
Ils ne sont donc pas conçus pour utiliser au mieux le Pu
et produire moins d'actinides mineurs.
Il n'était pas envisagé le traitement des déchets
et leur enfouissement. Il n'était pas non plus envisagé
que les RNR seraient un échec. La filière REP a
été achetée aux USA (Westinghouse) et nous
l'avons francisée avec les tous derniers 1 450 MWé
non conçus pour le MOX!!
Problèmes techniques
1) limitation d'utilisation (extrait de DRN/COM/94-001)
Les limitations d'utilisation sont dues à
a) les réacteurs chargeables en MOX, les REP 900 MWé
: 28 réacteurs ;
b) le nombre de réacteurs ayant une autorisation et n'ayant
pas besoin d'enquête publique supplémentaire: 16
réacteurs;
c) la fraction de coeur autorisée à recevoir des
assemblages 30%,
d) la possibilité de fonctionner en suivi de réseau
: à l'essai à Saint Laurent;
e) la teneur maximum en plutonium autorisée dans l'assemblage
neuf : 5,3 % (Pu + Am)/(U + Pu + Am)
f) le taux de combustion au déchargement: 36 GWj/t, gestion
tiers de coeur.
Les limites a et c sont des limites techniques, et en particulier
de la disponibilité de traversées libres dans le
couvercle pour introduire des grappes de contrôle supplémentaires.
Quatre grappes supplémentaires sont nécessaires
pour retrouver l'efficacité des absorbants (grappes de
contrôle et bore) qui permettent le pilotage du réacteur.
Le plan de chargement du réacteur doit être modifié
en conséquence et on change la gestion des assemblages
pour réduire les fuites radiales de neutrons vers la cuve.
C'est un problème crucial puisque cela risque de faire
évoluer la cuve vers la rupture fragile et limiter son
temps d'utilisation. Cela se heurte au programme "durée
de vie des centrales". A l'origine prévues pour 25
ans, on essaie
de les pousser jusqu'à 40 ans. La limitation la plus
sérieuse de ce programme EdF est, justement, la durée
de vie de la cuve.
De plus la présence d'une non homogénéité
entraînant des pics de puissance aux interfaces assemblages
MOX/assemblages UOX a imposé un trizonage de l'assemblage.
C'est un facteur pénalisant dans la localisation des points
chauds. C'est aussi une grosse difficulté dans la fabrication
des assemblages mais surtout c'est un facteur qui peut dégrader
la sûreté du réacteur.
La limitation b est d'ordre administratif car pour charger tout
le parc 900 (12 réacteurs supplémentaires) il faudra
une enquête publique et bien sûr les enquêtes
publiques sont longues.
La limitation d est une limitation technologique et de sûreté.
Pour pouvoir passer outre il faut des connaissances sur le comportement
du combustible en régime transitoire. Cela exige de nombreuses
expérimentations, des analyses.
La limitation e est une limite d'étude de sûreté.
Elle est liée à la composition d'un plutonium issu
d'un REP, fonctionnant à 33 GWj/t.
Quant à la dernière limitation f, elle est liée
à la connaissance actuelle du comportement sous irradiation.
Il faut garder en tête que l'augmentation du taux de combustion
nécessite une augmentation de la valeur initiale en plutonium
du combustible et des études approfondies sur le comportement
des assemblages, gonflement, tenue sous irradiation.
2) Caractéristiques du coeur (extrait de DRN/COM/94-001)
La comparaison entre un réseau à
combustible UOX et un réseau MOX conduit aux constatations
suivantes
- réduction de l'efficacité des absorbants;
- fraction des neutrons retardés réduite d'un facteur
2 pour un réseau MOX d'où un pilotage plus pointu;
- effet de réactivité de la vidange du caloporteur
qui peut devenir positif pour des teneurs en Pu fissile supérieures
à 8 % soit 11 % en Pu total, avec une dépendance
importante de la qualité du Pu (effet des isotopes pairs
du Pu);
- forte augmentation de la production d'actinides mineurs au cours
de l'irradiation (américium et curium) du fait de l'importance
de la capture de neutrons par rapport à la fission pour
les isotopes pairs du Pu.
Évidemment on peut pallier les diverses insuffisances mais:
- l'augmentation des actinides mineurs est inéluctable
dans les REP existants et pénalise le problème des
déchets ;
- l'augmentation des assemblages MOX de 30 à 50 %, techniquement
faisable, pénalise, au moins économiquement, en
réduisant la durée du cycle. Il est possible aussi
que cela pénalise au plan sûreté et dans le
cadre actuel on ne pourra pas augmenter le nombre d'assemblages
MOX sans changer la conception du coeur par exemple des MOX plus
pauvre en Pu;
- le débit de dose important présenté par
les neutrons et les gammas émis par le combustible neuf
impose des contraintes de fabrication, ainsi que des mesures de
protection particulières aux opérations de chargement-déchargement
des assemblages MOX.
3) Comparaison des propriétés physico-chimiques
et neutroniques des combustibles UOX et MOX
Dans le tableau ci-dessous sont rassemblées
les principaux paramètres différentiant le MOX et
l'UOX
De composition chimique différente, le MOX obtenu par le
procédé MIMAS est dispersé dans la matrice
oxyde d'uranium sous forme d'amas.
Le plutonium affecte le phénomène de grossissement
des grains au frittage, il en résulte un combustible hétérogène
qui influe sur les processus de dégagement de gaz de fission.
Il est d'ailleurs envisagé des combustibles annulaires
où on compenserait la perte de volume de combustible par
un enrichissement supérieur (C.E.A., 1996). Le C.E.A. étudie
ces problèmes techniques à Cadarache, C'est très
important de mettre au point de nouveaux alliages ou de nouvelles
structures pour pouvoir augmenter les taux de combustion et donc
allonger le temps de séjour en réacteur.
La différence fondamentale provient
du fait que dans l'UOX le Pu est formé au sein de la matrice
uranium atome par atome. Ce n'est pas le cas des MOX où
le Pu est dispersé dans l'UO2 par frittage. Il en résulte
des amas riches en Pu. Ceci modifie les propriétés
thermiques et thermo-mécaniques du MOX comparé à
l'U02
* fort accroissement des vitesses de fluage à haute
température des MOX;
* différence de densification qui contribue à
diminuer la pression interne dans la gaine de combustible MOX;
* matière fissile distribuée de manière
non homogène dans le MOX - MIMAS. Ces amas atteignent des
taux de combustion très élevés. Cette répartition
hétérogène influe sur les propriétés
du MOX et plus particulièrement sur les dégagements
de gaz de fission. Le rapport d'activité de la direction
des réacteurs du C.E.A. (1995) fait état de recherches
et développement menées sur ce sujet des poudres.
Il est préconisé d'apporter des améliorations
aux procédés des usines existantes mais
"A terme plus lointain, ces études dégagent
des pistes pour des solutions technologiques innovantes (nouveaux
types de broyeurs mieux adaptés), simplificatrices des
procédés actuels, qui faciliteraient les choix industriels
pour le futur."
Donc pour le moment on poursuit sur ce qui est construit et
on prend des options sur l'avenir;
* La capacité de puissance du MOX est supérieure
à celle de l'U02. Son refroidissement est plus long.
4) Évaluation du comportement en réacteur du
MOX
L'évaluation du comportement s'appuie
sur des résultats d'un programme de surveillance d'éléments
MOX.
Le MOX a un comportement différent de celui de l'UOX. Les
amas influent sur le niveau de relâchement des gaz de fission.
Ces relâchements sont toujours plus importants que pour
l'UOX Comme les MOX atteignent des densités de puissance
linéique plus élevées des études doivent
être menées pour vérifier le niveau de relâchement.
A gestion et burn-up équivalents, la corrosion externe
du MOX est légèrement supérieure à
celle de l'U02 compte tenu des historiques de puissance et d'une
hétérogénéité de puissance
plus grande dans l'assemblage malgré le zonage.
Les connaissances actuelles sur le MOX résultent d'examens
post-irradiation. On a donc constaté une accélération
du relâchement des gaz de fission qui a été
corrélés au régime thermique des crayons
et à la présence d'amas riches en Pu.
Compte tenu du nombre de crayons examinés il faut se lancer
dans un grand programme de tests pour pouvoir donner des conclusions
correctes.
5) Comportement des MOX en régime transitoire
Les phénomènes pouvant intervenir
lors d'une excursion de puissance sont principalement
l'interaction pastille de combustible-gaine,
l'action fragilisante des produits de fission corrosifs
et volatils.
Le combustible MOX-MIMAS a une bonne densification en réacteur.
Des études doivent être poursuivies pour vérifier
les déformations de gaines dues au gonflement des pastilles.
Lors d'un transitoire de puissance l'élévation de
température entraîne le relâchement et la migration
radiale des produits de fission. Ils viennent se concentrer sur
la gaine. Cependant la vitesse de fluage du MOX étant plus
élevée que celle de l'UOX, le MOX supporte mieux
les transitoires. Cependant, à fort taux de combustion
le potentiel de puissance des MOX étant plus élevé,
les pastilles sont soumises à des niveaux de puissance
pour lesquels le relâchement varie vite avec la température.
Dans ce cas le MOX s'approche plus rapidement que l'UOX de son
niveau limite de pression interne en conséquence le risque
de rupture de gaines s'accroît.
Des études complémentaires sont nécessaires
pour vérifier la sûreté des réacteurs.
6) Multirecyclage et production d'actinides mineurs (extrait de DRN/COM/94-001)
Théoriquement on peut envisager le multirecyclage.
Pour ce faire on devrait lors du retraitement des assemblages
MOX diluer avec des UOX, ce qui permettrait de limiter la teneur
en Pu. On a même vérifié la possibilité
de retraiter le MOX seul. Plus il est irradié plus la dissolution
conjointe Pu-U s'améliore.
Les coeurs REP permettent une bonne consommation du Pu mais on
a en contre partie une production importante d'actinides mineurs.
Des études de faisabilité ont concerné des
coeurs REP sous modérés. Maintenant on s'oriente
vers des réacteurs 100 % MOX dit réacteurs à
modération accrue. Ces études sont menées
dans les réacteurs Eole-Minerve.
Pour le moment ce type de réacteur et de coeur n'a pas
encore de voie industrielle. Il s'agit d'études de laboratoires.
Le multirecyclage du Pu est à l'étude. La dégradation
inéluctable du "vecteur isotopique" c'est-à-dire
l'apparition de plus en plus importante des isotopes pairs à
chaque passage, contraint à augmenter la teneur globale
en Pu. Les conséquences sont l'accroissement de la production
d'actinides mineurs, des effets défavorables sur le contrôle
du réacteur et un mauvais comportement du combustible en
situation accidentelle. Il faudra améliorer ces points
car ils sont essentiels pour la sûreté des réacteurs
moxés.
7) Besoins de recherche et développement pour la fabrication de MOX
* propriétés mécaniques
à haute température
Des études ont été menées sur les
MOX-RNR. Il a été mis en évidence un fort
accroissement des vitesses de fluage à haute température.
Ce type d'étude doit être réalisé sur
les MOX-REP mais les résultats ne seront pas disponibles
avant 1996.
* relâchement des gaz de fission
Il est indispensable d'avoir davantage d'expérimentation
sur ce phénomène. En effet c'est un facteur limitant
pour le taux de combustion des combustibles.
* retraitement
Le C.E.A. et COGEMA étudient la faisabilité
du retraitement des combustibles MOX-REP. Le taux d'insolubles
et les problèmes liés à la présence
du plutonium doivent être précisés avant de
pouvoir définir un traitement préindustriel.
Situation actuelle
1) MOX versus UOX
Les performances du MOX sont encore loin de
celles de l'U0X
* le taux d'irradiation n'excède pas 43 GWj/t contre
50 ou même davantage pour L'UOX;
* la durée de fonctionnement des MOX est 25 % inférieure
à celle des UOX;
* le coût de fabrication est plus élevé.
Dans une politique de rentabilité au niveau d'EdF il est
clair que le développement du MOX ne pourra se faire que
si ses performances s'accroissent notablement.
Le regret exprimé par M. Ponticq et M . Moulie (EdF-Délégation
aux combustibles) est le manque de compétitivité
des RNR, seuls à pouvoir multiplier par 50 le rendement
énergétique de l'uranium. Mais ils espèrent
que le MOX sera
"une solution d'attente active, économiquement
viable, permettant de freiner l'accumulation de combustibles usés
et de plutonium, mais aussi, et surtout, comme la pièce
maîtresse de la confrontation stratégique entre le
retraitement, réalité industrielle, et le stockage
direct, réalité virtuelle, des combustibles usés.
"
Il reste aussi un point important toujours sous recherche
(P. Millet et C. Golinelli Cadarache)
* le relâchement de gaz de fission,
Un programme est en cours pour essayer de faire évoluer
le MOX et "lui assurer de meilleures performances au niveau
de la rétention, des gaz de fission (sans dégrader
les autres caractéristiques). Deux voies sont explorées
:
- l'augmentation de la taille des grains. Une première
série d'essais a montré la possibilité de
fabriquer ce type de produit. Il reste à tester le combustible
obtenu sous irradiation pour montrer le bien fondé de cette
évolution et à s'assurer de la transposition de
ce type de fabrication à l'échelle industrielle.
- une modification de la répartition du plutonium
... Remarquons encore que tout ce programme est sous-tendu
par un volume non négligeables d'études de base
permettant de mieux modéliser les différentes phases
du procédé. En particulier, il est important de
souligner que 3 à 4 thèses sont en permanence menées
au C.E.A. sur ces sujets en collaboration avec COGEMA."
* La corrosion externe du MOX
A. Berthet précise qu'il faut améliorer ce comportement
"Cet effet intrinsèque du MOX doit être pris
en compte, à savoir:
- vérification expérimentale de cette pénalité
(objectif 1997)
- amélioration du zonage. "
Cette corrosion est liée à l'hétérogénéité
des pastilles et dépend de l'irradiation du combustible.
C'est donc un facteur pénalisant pour obtenir des taux
de combustion élevés.
2) incertitudes sur le retraitement en général
L'utilisation du Pu dans les REP a été
décidée en dehors de toute analyse parlementaire
et en dehors de toute analyse du poids de cette option sur la
politique énergétique.
En effet la France disposait, du fait de l'échec des RNR
et de la montée en puissance des usines de retraitement,
de Pu "sur l'étagère".
" Pour ses concepteurs l'opération MOX répond
avant tout à des impératifs économiques."
(rapport Bataille mars 1996). On ne saurait mieux décrire
la situation.
D'autant plus que le rapport DRN/COM/94-001 conclut "Au
plan stratégique, le premier recyclage en REP est indispensable
pour ralentir la croissance de l'inventaire Pu, il est industriellement
bien engagé. Il faut désormais lever ou au moins
repousser les limites actuelles et définir une stratégie
pour le long terme : utiliser le Pu, minimiser la production d'actinides
mineurs. A moyen terme, il s'agit de relever les échéances
industrielles que sont le démarrage de l'usine MELOX, l'extension
du nombre de réacteurs chargés en MOX et l'augmentation
du taux de combustion conformément à la stratégie
d'EdF."
Or que se passe-t-il ?
Les responsables du nucléaire mettent, bien sûr l'accent
sur les avantages du MOX mais ils sont fort discrets sur son retraitement
éventuel.
Comme le note le rapport Bataille d'une part le passage en réacteur
du MOX entraîne une consommation de Pu mais il s'agit du
239, les autres isotopes augmentant légèrement,
d'autre part EdF n'envisage pas de retraiter le MOX.
En effet la capacité de retraitement n'est déjà
pas suffisante pour traiter les combustibles REP-EdF. Dans ces
conditions la doctrine retraitement seule voie pour le stockage
des déchets vient de s'effondrer.
" - Tous les combustibles utilisés par EdF dans
ses centrales sont "retraitables", le choix de ne pas
retraiter n'est pas lié à une impossibilité
technique. Les autorités de sûreté imposent
d'ailleurs que tout le combustible chargé en réacteur
puisse être retraité enfin de cycle.
- En moyenne, chaque année, il sort des réacteurs,
d'EdF 1200 tonnes de combustible irradié. Sur ces 1200
tonnes, il a été décidé de n'en retraiter
que 850 tonnes.
- le chiffre de 850 tonnes correspond aux capacités de
l'usine UP2 de la Hague.
- A partir des 850 tonnes de combustibles irradiés, les
opérations de retraitement produisent 8,5 tonnes de Pu.
- Ces 8,5 tonnes de Pu permettent d'obtenir 120 à 135 tonnes
de combustible MOX, ce qui correspond aux capacités de
l'usine MELOX.
- Ces 125 à 135 tonnes de MOX correspondent à leur
tour aux possibilités à terme, d'utilisation de
ce combustible dans les réacteurs 900 MW CP1 CP2, c'est-à-dire
tous les réacteurs ayant reçu l'autorisation d'utiliser
ce combustible. " (extrait rapport Bataille 1996)
Comme le note Bataille "ce dispositif en apparence parfaitement
cohérent fait toutefois abstraction d'un détail
qui a pourtant son importance : que va-t-on faire des 350 tonnes
de combustible qu'EdF n'envisage pas à court terme de retraiter."
CQFD
Comme la stratégie d'EdF s'appuie sur
la rentabilité, il est clair que cela coûte moins
cher de ne pas retraiter. Les américains (DOE 1996) sont
arrivés à cette conclusion et ont fait le choix
de l'entreposage de longue durée - 100 ans minimum -, temps
au bout duquel on pourra choisir de retraiter si cela s'avère
une solution ou bien on stockera mais pour le moment ils font
du "WAIT and SEE". Cette approche leur permet de garder
la notion de "réversibilité" encore valable
ce que le stockage profond ne permet pas.
Le rapport Bataille vante l'outil nucléaire français
et vilipende les instances européennes désireuses
de "démanteler un système qui, au moins
dans le secteur de l'énergie, avait pourtant fait largement
la preuve de son efficacité. "
Contrairement aux affirmations du rapport "Les impératifs
de sûreté doivent l'emporter sur toute autre considération,
mais il n'en demeure pas moins qu'un arrêt définitif
de Superphénix serait lourd de conséquences dans
le domaine de la gestion des déchets et qu'il conduirait
à remettre très largement en question le processus
qui a été initié par la loi du 30 décembre
1991.", l'arrêt de Superphénix permettra
de faire un point vérité sur ce problème
des déchets et de plus la loi dit:
"A l'issue d'une période qui ne pourra excéder
quinze ans à compter de la promulgation de la présente
loi, le Gouvernement adressera au Parlement un rapport global
d'évaluation de ces recherches accompagné d'un projet
de loi autorisant, le cas échéant, la création
d'un centre de stockage des déchets radioactifs à
haute activité et à vie longue et fixant le régime
des servitudes et des sujétions afférentes à
ce centre. "
Le rendez-vous donné en 1991 au Parlement de 2006 stipule
: le cas échéant, donc il est possible de
différer la décision si elle s'avérait non
adaptée ou tout simplement prématurée compte
tenu de l'état des recherches.
Le MOX ne fait que compliquer la réflexion déjà
difficile avec le retraitement, le plutonium, les RNR.
3) Les limites à la "moxification" (voir Bataille pour la définition de ce terme barbare) du parc de centrales
Si Bataille affirme que le MOX est:
"une technique très éprouvée car
cela faisait près de trente ans que la faisabilité
de l'utilisation du plutonium dans les réacteurs thermiques
ordinaires avait été démontrée.",
EdF s'interroge encore sur la possibilité du "développement
à grande échelle de la production de MOX [qui]
devra confirmer sa maturité industrielle par une maîtrise
de la qualité et des coûts de production." Bataille
convient d'ailleurs que, jusqu'aux années 80 c'était
sur le RNR que l'on comptait.
Il est également choqué par le fait suivant:
"Il convient de noter qu'une fois de plus, toutes les
décisions relatives aussi bien à l'utilisation du
MOX qu'à la construction des usines de fabrication de ce
combustible ont été prises sans l'avis du Parlement
français. En dépit du fait qu'il s'agit d'une orientation
totalement nouvelle de la politique énergétique
de notre pays et que ces choix nous engagent pour plusieurs décennies,
la représentation nationale n'a ni été consultée
ni même informée, si ce n'est par un rapport de l'Office
présenté, en 1990."
EdF a précisé sa position, introduire du MOX
dans la série 900. C'est le choix qui est fait mais c'est
raisonnable car les 1300 ne peuvent pas être adaptés.
De toute façon EdF ne fera retraiter que la quantité
de combustibles dont elle pourra réutiliser les produits.
C'est donc un moyen pour immobiliser du plutonium mais ce n'est
pas une réelle politique.
4) Les incertitudes sur le retraitement du MOX
Même si des responsables COGEMA, C.E.A.
et EdF vantent les mérites du MOX, il y a quelques études
plus sérieuses qui essaient de faire un point. Cependant
André Bekiarian (COGEMA) écrit:
"Après une préhistoire au cours de laquelle
la production a été limitée et particulièrement
en France où le combustible au plutonium était destiné
aux RNR, l'expérience française du MOX est réellement
montée en croissance à partir de la décision
d'EdF en 1985 d'alimenter ses réacteurs 900 MWé.
En moins de 10 ans le MOX a atteint un développement industriel
complet tant au niveau de son emploi en réacteur que par
les moyens de production mis en place.
Des progrès techniques doivent être encore accomplis
qui contribueront à asseoir la nécessaire compétitivité
économique de ce combustible. "
Il n'en reste pas moins que le MOX a commencé sa percée
en 1995 à cause de l'usine MELOX mais en même temps
il est apparu des problèmes sans solution tels la capacité
de retraitement et le nombre de réacteurs que l'on peut
"moxer". Actuellement faisant fi des problèmes
de sûreté et des problèmes de déchets
le forcing est en cours pour éviter, en France, une réflexion
approfondie sur le cycle nucléaire et sur le MOX en particulier.
Selon COGEMA il est possible de retraiter le MOX une fois, deux
fois et même davantage. Seulement la quantité de
produits de fission résiduels et les quantités d'uranium
236, 234 et d'américium... vont augmenter. Ceci va rendre
le façonnage du combustible plus difficile et va nécessiter
des enrichissements de plus en plus importants. Comme l'économie
est déjà juste, ce combustible n'est pas intéressant
d'où l'idée de son entreposage.
La conclusion de Bataille sur ce sujet est assez bizarre
" Pour le moment, le recours au combustible MOX présente
un bilan satisfaisant:
- aucune difficulté technique n'est apparue dans l'exploitation
des centrales ;
- le comportement du combustible est conforme aux prévisions,
aussi bien sur le plan de la rentabilité que celui de la
sûreté;
- l'utilisation du MOX permet d'économiser les ressources
en uranium et contribue à la réduction du volume
des déchets.
Il n'en demeure pas moins, toutefois, que le manque de préparation
et même une certaine improvisation dans l'utilisation du
plutonium risque de poser à terme des problèmes
de gestion de déchets auxquels la France ne s'est manifestement
pas encore préparée."
Comment dire que la situation est acceptable en 1996 et qu'elle
présente des graves lacunes dès à présent.
Citons toujours Bataille : "Il semble donc urgent de regarder
la situation telle qu'elle se présente véritablement
et de cesser de se voiler la face en tablant sur un très
hypothétique retournement de situation. Les recherches
sur l'entreposage à long terme et le stockage direct des
assemblages de combustible usé qui, il faut bien le reconnaître,
ont été quelque peu délaissées au
profit des deux autres voies de recherche, doivent être
impérativement réactivées et intensifiées.
"
Paradoxalement la Commission d'Évaluation Nationale
(CNE) n'a pas consacré beaucoup de pages à ce sujet.
On disserte sur le stockage profond et les études ANDRA.
On discute de Superphénix mais la stratégie déchets
dans le contexte actuel n'est pas exposée dans son ensemble.
La CNE constate tout de même que
"le programme présenté par les acteurs de
la loi ne couvre pas clairement tous les objectifs de la loi mais
il est orienté principalement sur les besoins exprimés
par les producteurs. Sans nier l'importance
du transfert industriel de la recherche, qu'elle considère
comme essentiel, la commission ... "
Elle ajoute:
"Après la présentation par EdF des flux
de matières dans le cycle du combustible et la publication
de ces informations dans le rapport de l'Office Parlementaire,
dont Monsieur Bataille est l'auteur (20 mars 1996), la commission
recommande que EdF indique les solutions qu'elle envisage de mettre
en oeuvre pour l'entreposage longue durée des combustibles
actuellement non retraités ainsi que les efforts de recherche
afférents à l'entreposage et au conditionnement.
Elle s'interroge aussi sur l'avenir qui sera réservé
à ces combustibles entreposés pour de longues durées.
Concernant le recyclage du plutonium, la commission constate quelques
différences de point de vue entre la COGEMA et EdF. Elle
souhaite être éclairée sur les possibilités
de recyclage et les contraintes de toute nature que cela entraînerait,
particulièrement en matière de gestion des déchets
de haute activité et à vie longue. Elle souhaite
également connaître les caractéristiques et
le statut des uranium issus du retraitement et de leur recyclage
éventuel. "
Plus loin elle ajoute:
"Les réflexions sur les entreposages ont débuté.
La commission soutient l'extension des études entreprises
sur l'entreposage de longue durée.
Elle souhaite être rapidement informée sur l'état
des réflexions et le programme de stockage direct des combustibles"
En ce qui concerne le corps du rapport 2 pages sont dévolues
à cette stratégie et cela donne une réflexion
proche de celle de Bataille:
"A cet égard la commission recommande que soient
demandés à EdF :
- Les solutions qu'elle envisage de mettre en oeuvre pour l'entreposage
de longue durée des combustibles actuellement non retraités
;
- quels efforts de recherche et développement devraient
être entrepris dans le domaine de l'entreposage sous eau
ou à sec ainsi que dans celui du conditionnement.
La commission constate sur ce sujet [recyclage du plutonium]
des différences entre les points de vue de COGEMA et
EdF. La commission souhaite être davantage éclairée
sur les possibilités d'un multirecyclage limité
[ce que n'envisage pas EdF] et sur les contraintes de toute
nature que cela entraînerait".
Manifestement il y a désaccord et la pudique remarque
sur le programme orienté sur les besoins exprimés
par les producteurs est révélatrice d'un
grave malaise.
Par contre Bataille consacre un chapitre de son rapport à
l'entreposage et au stockage direct:
"La solution du ni-ni, ni retraitement immédiat,
ni mise en stockage définitif, préconisée
par EdF pour une partie de son combustible irradié, imposera
la mise en place de solutions d'attente qui n'en sont pour le
moment qu'à l'état de projet ou d'ébauche."
5) MOX et les matériaux
La commission Superphénix a étudié
ces problèmes de métallurgie. Elle a regardé
l'axe MOX-RNR. Mais comme ce qui est prépondérant
est la teneur en plutonium on peut utiliser leurs travaux pour
se faire une idée des besoins du MOX-REP pour atteindre
les fameux taux de combustion indispensables à sa rentabilité.
De plus il s'agit d'un élément important pour la
sûreté des réacteurs.
Le comportement des matériaux en réacteurs comme
il est souligné dans le rapport reste un point difficile
à estimer. En effet les 3 effets suivants :
* diffusion rapide du plutonium au travers des gaines,
a été découverte sur les UNGG. Ceci avait
imposé l'interposition d'une barrière de diffusion
entre le combustible et la gaine;
* la croissance sous irradiation, a été découverte
précocement. On a pu l'éviter en utilisant de l'oxyde
pour le combustible mais ce phénomène est préoccupant
quand on accroît le taux de combustion car il se manifeste
aussi dans les gaines de zircalloy.
* le gonflement du combustible, des gaines, des éléments
de structure.
Ces 3 phénomènes n'avaient pas pu être prédits
et même maintenant le cas 2 n'est pas encore complètement
compris.
Si on enrichit en plutonium pour pouvoir faire plusieurs cycles,
il faut compléter les études car on connaît
mal les réactions oxyde-gaine, l'interdiffusion et les
propriétés mécaniques des combustibles.
Pour pouvoir fonctionner à haut taux de combustion, seule
façon semble-t-il de valoriser le MOX, il faut faire des
recherches sur le gainage. Il faut définir de nouveaux
aciers, vérifier les assemblages. Un vaste programme de
recherche est essentiel si on veut utiliser le MOX en toute sécurité.
Mais de l'avis des spécialistes l'effort sera de longue
durée et les résultats ne sont pas garantis. Il
se peut que le problème perdure.
6) Les coûts
Diverses études ont été
menées (AEN, OCDE). Dans la plupart des cas on considère
le plutonium comme gratuit. Dans ces conditions le MOX peut s'avérer
économiquement rentable. Cependant Bekiarian (COGEMA) reconnaît:
"Des progrès techniques doivent être encore
accomplis qui contribueront à asseoir la nécessaire
compétitivité économique de ce combustible.
Mais on peut raisonnablement prévoir, tant en France que
dans les autres pays qui ont choisi de produire une part de leur
électricité par la voie nucléaire, que l'usage
du combustible MOX, en cohérence avec le choix raisonnable
du recyclage des matières nucléaires, permettra
de franchir les quelques décennies qui nous séparent
encore de la nécessité industrielle des RNR. "
On peut faire quelques calculs pour étudier le combustible
MOX versus l'UOX
A l'équilibre une recharge annuelle de REP représente
24 tonnes d'uranium enrichi à 3,25 % (ceci nécessite
143 tonnes d'uranium naturel contenues dans 143 000 tonnes de
minerai à 0,01 % et 117 000 UTS pour l'enrichissement).
On peut évaluer l'économie d'uranium et d'UTS réalisée
en substituant 16 MOX enrichi à 5,44 % en plutonium à
16 assemblages à l'uranium.
- économie en uranium naturel
l'économie brute réalisée est:
143 tonnes U naturel x 16/52 = 44 tonnes par recharge.
Mais les MOX utilisent 94,56 % d'uranium soit
24 tonnes x 16/52 x 94,56/100 = 7 tonnes.
L'économie n'est donc que de 44-7 = 37 tonnes.
Au cours de 500 F le kg, l'économie se monte à 18,5
M.F.
- économie d'UTS
La recharge annuelle nécessite 117000 UTS. L'économie
réalisée par l'introduction de 16 MOX sur 32 assemblages
représente:
117 000 x 16/52 = 36 000 UTS par recharge
Le coût de la conversion économisée
36 000 UTS x 1000 F/UTS = 36 M.F.
- coût du plutonium
le tonnage de MOX nécessaire à une recharge
est:
24 t x 16/52 = 7,4 t
7,4 tonnes x 5,44/100 = 400 kg de plutonium
il est souvent supposé gratuit dans les calculs mais son
coût oscille entre :
100 et 200 FF le gramme
soit entre 40 et 80 M.F.
- surcoût de fabrication du MOX
Le coût de fabrication du combustible UOX est estimé
entre 1500 et 2 000 FF le kg. Celui du MOX est estimé entre
2 à 3 fois plus cher soit 3 000 à 6 000 FF. Certains
font même état d'un coût 10 fois supérieur
(commission Castaing 1982).
On peut faire un calcul simple pour déterminer l'équation
d'équilibre. Sachant que le gain total est
18,5 M.F. + 36 M.F. = 54,5 M.F..
On doit déduire le coût du plutonium
54,5 - 40 = 14,5 ou 54,5 - 80 = -25,5 M.F.
Donc sans parier du
coût de fabrication que l'on sait osciller entre 3 et 10
fois celui du combustible classique, selon le coût du plutonium
on oscille pour une recharge de réacteur entre un gain
de 14 M.F. ou une perte de 25 M.F.!'!
Si le coût de réalisation
d'un kg de MOX est X fois supérieur à celui d'un
combustible classique on obtient la dépense supplémentaire
pour les 7,4 tonnes de MOX
1400 x (X-1) x 7 400 = 10,4 (X- 1) M.F.
Soit
10,4 (X-1) = 14,5 M.F. à 100 F le gramme de Pu ou X = 2,4
On voit que le coût du plutonium est un facteur important.
Si on le suppose gratuit on a:
X = 4,3 contre 2,4 à 100 F du gramme. De toute façon
il représente environ les 2/3 de l'économie faite
sur l'U naturel et les UTS donc son coût a un impact certain
sur le prix du MOX.
A 200 F le gramme le recyclage MOX n'est jamais rentable, en l'état
de l'art.
Pour conclure on peut citer l'étude OCDE:
"Compte tenu de la large fourchette de coûts potentiels
de la partie initiale et des incertitudes considérables
entachant les coûts de la partie terminale, il n'y a rien
d'étonnant à ce que les avis sur l'intérêt
économique du retraitement visant spécifiquement
à récupérer le plutonium à des fins
de recyclage dans les réacteurs thermiques varient notablement
d'un pays à l'autre.
Pour des taux de combustion plus élevés, les économies
que le combustible MOX fabriqué à partir de plutonium
gratuit permet de réaliser, par rapport à
des combustibles à l'uranium dont les taux de combustion
ont été augmentés dans des proportions analogues,
sont plus importantes. "
Cette conclusion est particulièrement intéressante
puisque
- on sait qu'il faut encore pas mal d'expérimentation avant
de monter le taux de combustion;
- l'influence importante du coût du plutonium.
Conclusion
L'utilisation du MOX présente des avantages
et inconvénients techniques dont l'évaluation financière
est difficile.
En ce qui concerne les avantages
- on fait une économie d'uranium et d'UTS,
- on recycle le plutonium du retraitement qui, autrement reste
"sur l'étagère",
- on justifie le maintien du retraitement des combustibles irradiés
dans la mesure où son meilleur atout consistait dans le
recyclage du plutonium,
- on a construit l'usine MELOX à Marcoule.
Il faut noter que ces avantages ne concernent pas les mêmes
groupes de pression. La valorisation du plutonium conforte les
usines de la Hague mais pas les mines d'uranium (que l'on ferme),
ni EURODIF
(qui ne fonctionne qu'à 50 % de sa capacité).
En ce qui concerne lés inconvénients
Comme nous l'avons vu, il existe de nombreuses contraintes techniques
pour la fabrication et la gestion du combustible
- la présence d'émetteurs alpha accompagnés
d'émetteurs gamma (américium 241) nécessite
la fabrication du combustible dans des enceintes confinées.
Cette nécessité entraîne un surcoût
important qui explique le facteur entre 3 et 10 par rapport aux
UOX,
- pour réduire le niveau d'irradiation gamma du à
l'américium 241 on doit limiter sa teneur à une
valeur que l'on atteint après un stockage de 1,5 à
2 ans maximum après le retraitement. On doit donc fabriquer
les éléments MOX dans des délais très
courts après retraitement,
- le zonage, c'est-à-dire la présence dans un même
assemblage de 3 enrichissements différents complique le
cycle de fabrication et exige une identification fiable des crayons
en fonction de leur teneur en Pu,
- la teneur isotopique du Pu doit être homogénéisé.
Ceci explique la nécessité de mélanger les
Pu et complique la gestion des MOX neufs,
- le débit de dose important issu du combustible neuf impose
des protections pour le transport et les opérations de
chargement-déchargement des assemblages dans les réacteurs,
- l'accroissement du temps de séjour en réacteur
oblige à un enrichissement plus fort des combustibles :
4,2 % pour les assemblages UOX mais 8 % pour le MOX, ce qui conduit
à des contraintes pour la fabrication des MOX.
- la teneur en transuraniens des déchets vitrifiés
issus du retraitement des MOX est si importante que la radiotoxicité
de ces verres est quasiment égale à celle du combustible
UOX irradié non retraité. Il existe également
des contraintes au plan sûreté - conduite du réacteur,
- métallurgie, - relâchement des gaz de fission,
- corrosion des gaines.
Les avantages ne l'emportent
pas sur les inconvénients. La modification importante induite
par l'introduction du
combustible au Pu dans les REP ne peut s'analyser uniquement
en terme de coût. Il faut analyser l'impact de ce choix
sur l'ensemble du cycle en incluant les étapes de fin de
cycle et la gestion des déchets. Cette analyse de sûreté
conduit à l'abandon du MOX
- car la conduite des REP avec MOX est nettement plus délicate
que celle des REP UOX,
- car le retraitement des combustibles MOX est aussi plus difficile
à cause de l'insolubilité du Pu,
- car si l'on retraite les verres sont plus actifs et atteignent
le niveau des combustibles classiques non retraités,
- car la métallurgie exige des études longues si
on désire accroître le taux de combustion pour atteindre
un taux économiquement rentable.
Monique Sené,
Gazette
Nucléaire n°155/156 janvier 1997,
Publication du GSIEN (Groupement des Scientifiques
pour l'Information sur l'Energie Nucléaire)