Des années 60 aux années 80 le programme
français reposait sur les réacteurs à eau
pressurisée (REP) avec un développement significatif
des réacteurs à neutrons rapides (RNR) fonctionnant
en mode surgénérateur. Il était envisagé
qu'en
l'an 2000 les RNR surgénérateurs représenteraient
30% du parc. C'est la raison du développement civil
du retraitement des combustibles REP avec la construction des
usines du site Hague. Valéry Giscard d'Estaing est allé
jusqu'à déclarer (sur Europe 1, le 25 janvier
1980) que, grâce au surgénérateur, on aurait
un gisement énergétique équivalent à
celui de l'Arabie Saoudite en territoire français.
A la différence des centrales nucléaires «conventionnelles», et à l'inverse de tout ce qui a été déclaré par la propagande officielle, les surgénérateurs peuvent, par accident, faire explosion à la façon d'une bombe atomique. En effet, ils peuvent étre le siège d'une réaction en chaîne dite «surcritique prompte en neutrons rapides», particularité que seule la bombe atomique possède également.
"Excursions
nudéaires"
La variété d'explosion
atomique dont un surgénérateur peut être le
siège porte le nom rassurant d '«excursion nucléaire».
Plusieurs excursions nucléaires successives peuvent se
produire. Le problème est de savoir si ces explosions pourront
être contenues par les enceintes prévues autour du
réacteur. Les experts ont donc cherché à
évaluer la puissance de ces explosions.
Pour le réacteur SuperPhénix,
qui doit être installé à Malville, à
44 kilomètres de Lyon, les estimations quant à l'équivalent
en explosifs classiques de l'excursion nucléaire vont de
quelques tonnes à quelques dizaines de tonnes d'explosifs
si l'on considère l'énergie totale libérée,
de quelques centaines de kilogrammes à quelques tonnes
pour l'énergie mécanique. Ces valeurs selon les
optimistes, sont à la limite de ce que peuvent contenir
les enceintes prévues.
De plus, ces résultats ont été obtenus à
l'aide de modèles de calcul comportant de nombreuses hypothèses
simplificatrices, et reposent sur une base expérimentale
extrêmement mince. En effet SuperPhénix comportera
environ 35 tonnes de combustible nucléaire, dont 5 tonnes de plutonium,
et les expériences d'excursion nucléaires n'ont
jamais concerné que quelques kilogrammes de matière
fissile. Si l'on se rappelle les difficultés du calcul
de l'explosion d'une structure beaucoup plus simple, celle de
la bombe atomique, et le nombre d'expériences qui ont été
nécessaires pour la mettre au point, on ne peut qu'être
très sceptique quant aux résultats des calculs relatifs
aux excursions nucléaires.
Il est clair qu'étant donné
l'extraordinaire toxicité radioactive des aérosols
de plutonium, l'expulsion même partielle des 5 tonnes de
plutonium de SuperPhénix dispersés ou volatilisés
par l'excursion nucléaire constituerait une catastrophe
sans précédent. [1/1
000 000 ème de gr de plutonium inhalé suffit à
provoquer un cancer, 8 kilos sont suffisant pour faire une bombe
atomique de type Nagasaki]
Déformation brutale du coeur...
Sur les sept surgénérateurs
producteurs d'électricité qui ont déjà
fonctionné, trois (EBR1, Enrico Fermi, BN 350) ont eu de
graves accidents, proportion jamais vue dans aucune autre filière.
Les documents officiels français indiquent que la valeur
numérique de la probabilité d'excursion nucléaire
n'a pas été calculée. De nombreuses causes
peuvent être à l'origine d'excursions nucléaires.
On envisage par exemple une déformation brutale du coeur
par propagation rapide d'une rupture d'assemblage, déformation
qui entraverait la circulation du sodium réfrigérant
et empêcherait les barres de contrôle de fonctionner.
On peut craindre également la formation d'une masse surcritique
locale à la suite d'une fusion partielle, ce qui provoquerait
une compaction du reste du coeur et une exursion nucléaire
d'ensemble. On peut envisager enfin des pannes simultanées
d'organes essentiels, l'éjection de barres de contrôle,
des fautes au déchargement, un sabotage.
Les pays étrangers font preuve
d'une grande prudence. Les Etats-Unis, à la suite des accidents
d'EBR1 et d'Enrico Fermi, hésitent à lancer la filière
des surgénérateurs. La Grande-Bretagne construit
ses surgénérateurs dans la seule région quasi-désertique
qu'elle possède, l'extrême-Nord de l'Ecosse. L'URSS
n'ose pas passer directement de 350 à plus de 1.000 Mégawatts
électriques, et construit un réacteur de 600 Mégawatts
électriques.
Il ne saurait exploser.
En France, des dirigeants incompétents
et des technocrates audacieux ont décidé de sauter
allègrement de 250 (Phénix) à 1.200 Mégawatts
électriques (SuperPhénix), et d'implanter entre
Lyon, Grenoble et Genève le premier surgénérateur
géant. Ces responsables formulent des assertions n'ayant
aucun rapport avec la réalité, telles que «on
notera tout d'abord qu'il est physiquement impossible à
un réacteur nucléaire d'exploser comme une bombe
atomique» (rapport d'Ornano, novembre 1974), ou «un
réacteur nucléaire n'a, en effet, rien à
voir avec une bombe atomique. Il ne saurait exploser»
(l'Energie Nucléaire, Délégation générale
à l'information, avril 1975). Ils glissent dans leurs publicités
des phrases mensongères: «La centrale atomique
utilise un combustible impropre à une fission explosive»
(publicité EDF, Paris-Match, juin 1975). Tout cela
est contredit par ces phrases du style télégraphique,
qui concernent les surgénérateurs:
Potentiel accidentel d'excursion nucléaire
prompte critique sous l'effet de compaction, libérant de
l'énergie mécanique sous forme explosive (Commissariat
à l'Energie Atomique, Bulletin d'Informations Scientifiques
et Techniques, n°208, novembre 1975, page 33) et: «Potentiel
d'explosions dues à interactions violentes Na - UO2 fondu.
Processus peut se coupler avec explosion nucléaire»
(idem, page 34).
La possibilité d'explosion nucléaire du coeur d'un surrégénérateur a été reconnue explicitement, tant par le C.E.A. français (bulletin d'informations scientifiques et techniques n° 208, novembre 1975, p. 33-34), que par la très officielle Commission Royale britannique sur la pollution de l'environnement (6e rapport, septembre 1976, paragraphe 15). |
On leur a menti...
Les populations de la région Lyon
Grenoble Genève ont-elles été consultées
quant à l'implantation de SuperPhénix à Malville
? Ont-elles été simplement informées des
problèmes posés par la sécurité de
ce réacteur ? La réponse est malheureusement négative:
elles n'ont pas été consultées, elles n'ont
pas été informées, et de plus on leur a menti.
Extrait de la Gazette Nucléaire n°1, juin 1976.
Publication du GSIEN (Groupement des Scientifiques
pour l'Information sur l'Energie Nucléaire)
Compte tenu de la
mauvaise utilisation de l'uranium naturel dans les filières
à eau légère et des faibles ressources mondiales
d'uranium, le développement du nucléaire peut se
faire suivant deux stratégies :
1. Le nucléaire est considéré
comme une énergie d'appoint qui permettra d'attendre l'arrivée
des énergies inépuisables solaire, géothermie.
Son développement sera lent afin d'économiser l'uranium.
Il sera modeste afin de dégager les moyens nécessaires
au développement industriel des énergies nouvelles.
2. Le nucléaire est développé
à marche forcée. C'est la stratégie actuelle
de la France. Selon cette stratégie, le nucléaire
représenterait 25% de l'énergie primaire en 1985,
40% en l'an 2000. A ce rythme de développement la France
épuisera ses propres réserves d'uranium en dix ans.
Il faut donc trouver rapidement un relais aux centrales nucléaires
actuelles: ce relais, c'est le surgénérateur. Un
programme ambitieux a donc été lancé avec
comme première étape la construction, à Creys-Malville
(Isère) du surgénérateur géant Superphénix
(1200 MWe) qui devrait bientôt être suivi de plusieurs
surgénérateurs de 1800 MWe dans la région
de Chalons-sur-Saône.
Ce programme est officiellement justifié
par des raisons techniques: le caractère limité
des réserves d'uranium, l'avance technologique - incontestable
- du CEA dans ce domaine. Mais comme toujours les arguments techniques
masquent les choix économiques et politiques faits par
les grands groupes industriels, en l'occurence Creusot-Loire.
Ce groupe qui a déjà - via Framatome - le monopole
de la construction des centrales à eau légère
(PWR), aura - via Novatome - la haute main sur la construction
des surgénérateurs. Le rôle dominant de Creusot-Loire
dans Novatome a été obtenu à la suite:
1. d'une restructuration industrielle
à son profit: dans le secteur sidérurgique, prise
de contrôle de NEYRPIC à la suite d'un accord avec
Alsthom en décembre 1976, accord avec CEM et Alsthom pour
la construction des turboalternateurs.
2. du démantèlement des
services compétents du CEA: le transfert de l'équipe
d'ingénieurs de Superphénix (composée d'agents
du CEA (Technicatome) et de l'ex-GAAA) à Novatome devrait
intervenir dans les deux mois. Les compétences du CEA,
acquises grâce à l'argent du contribuable français,
sont ainsi offertes en cadeau au baron Empain!
La logique du programme de développement
forcené de l'énergie nucléaire
conduit les pouvoirs publics à faire des impasses, à
griller des étapes. Tout
se passe comme si on voulait rendre le choix du «tout nucléaire»
irréversible (avant l'arrivée
de la gauche au pouvoir ?!). L'opposition à la construction
du Superphénix se développe-t-elle? On essaie de
la prendre de vitesse. «Nous ressentons de la manière
la plus nette que la meilleure façon de contrecarrer la
contestation se développant au plan local et national est
d'engager au plus vite, de manière irréversible
l'opération et de rendre publique cette décision»
Marcel Boiteux, septembre 1976 (information « provenant
» de la Nersa).
Effectivement, avant que le décret
d'autorisation de création (terme de la procédure
de sécurité) et que la déclaration d'utilité
publique ne soient signés, les travaux de génie
civil ont commencé sur le site le 15 novembre 1976 (les
fondations sont actuellement pratiquement terminées). Bel
exemple de politique du fait technocratique accompli.
Remarque sur la combinaison
de travail marquée "SPX 1": En 1977, la commission Péon (production d'électricité d'origine nucléaire) avait prévu d'installer 13 à 19 surgénérateurs avant l'an 2000 en France, mais les surgénérateurs de grosse puissance comme Superphénix (seul prototype de surgénérateur installé à l'échelle industrielle dans le monde) se révélèrent "délicats" à mettre au point... et beaucoup plus chers à construire que prévu... La phase industrielle (Superphénix 2) prévoyait, en l'an 2000, 37 surgénérateurs sur 158 réacteurs nucléaires !!! |
Le développement rapide de surgénérateurs
est-il acceptable ? est-il réaliste ?
Il peut être tentant, pour résoudre
la. pénurie prévisible d'uranium, d'avoir recours
aux surgénérateurs: ils permettent, théoriquement,
de multiplier les réserves d'uranium par un facteur 50
au moins. Mais quand on passe de la théorie à la
pratique, les perspectives sont moins brillantes:
1. Les surgénérateurs
sont encore plus inquiétants que les PWR
La matière fissile y est si concentréè
qu'il peut s'y produire des explosions de type nucléaire
(voir plus loin un extrait du rapport d'une très officielle
commission britannique). Le réfrigérent (sodium,
liquide) explose au contact de 1'eau et prend feu au contact de
l'air. Le développement des surgénérateurs
nous fait entrer dans la société du plutonium. Des
quantités industrielles de ce produit seront manipulées.
2. Leur fonctionnement est très
difficile à assurer
Sept surgénérateurs producteurs
d'électricité ont fonctionné dans le monde
- EBR1 (USA; 0,2 MWe) a été
détruit en 1955 par un accident (fusion du coeur).
- EBR2 (USA, 16 MWe) fonctionne correctement
depuis 1963.
- Enrico Fermi (USA, 66 MWe) a démarré
en 1963. Il a subi en 1966 une
fusion partielle qui aurait pu conduire à une, catastrophe.
Remis en service en 1968, il a été définitivement
arrêté depuis.
- DFR (Grande-Bretagne, 15 MWe) a démarré
en 1959. Il a été arrêté en 1976 après
un fonctionnement assez satisfaisant.
- PFR (Grande-Bretagne, 250 MWe) a démarré
en 1975 avec deux ans de retard. Il n'a pas encore atteint sa
puissance maximale en raison de nombreux essais technologiques.
[Lire: Le surgénérateur
tel que le critiquent officiellement les Anglais, Science
& Vie n°711 (en PDF), décembre 1976 et Si un surrégénérateur
explosait..., Sciences & Avenir n°373 (en PDF),
mars 1978.]
- BM 350 (URSS, équivalent à
350 MWe) a démarré juste avant Phénix, mais
a eu plusieurs accidents dus au sodium en 1974. Depuis, il a un
fonctionnement irrégulier.
- Phénix (France, 250 MWe) a connu
un début remarquable en 1974-1975, mais ses performances
se sont dégradées sans cesse depuis. Arrêt
du 24.11.75 au 13.12.75 pour fuite dans un générateur
de vapeur, fonctionne à puissance réduite de juillet
à octobre 1976 pour fuite de sodium secondaire; arrêt
complet depuis le 5 octobre 76 pour fuite de sodium dans un autre
échangeur. Il devrait redémarrer au début
de mai 1977. On nous dit que la panne qui a occasionné
cet arrêt n'est pas grave, ceci est tout à fait exact,
mais alors quelle aurait été la durée de
l'arrêt si la panne avait été plus sérieuse ?
Phénix à Marcoule dans le Gard.
3. Le combustible
des surgénérateurs n'existera peut-être jamais
à l'échelle industrielle
Ce combustible est le plutonium. Ce corps
n'existe pas dans la nature; il faut l'extraire des combustibles
irradiés provenant actuellement des réacteurs PWR,
plus tard des surgénérateurs. Or, pour le moment,
on ne sait pas extraire industriellement le plutonium produit
par le PWR.
4. Les crédits alloués
aux surgénérateurs hypothèquent l'avenir
Le coût de Superphénix ne
cesse d'augmenter: de 3 MF au départ il dépasse
actuellement 5 MF. Il est évident que la somme des études
de toutes natures et des investissements indispensables pour amener
la filière à un stade véritablement industriel
est considérable: on a vu que toute une série de
problèmes techniques complexes ne sont pas encore résolus:
sécurité, retraitement des combustibles, amélioration
du coefficient de surgénération. Les résoudre
demandera du temps et de l'argent, ceci d'autant plus que, comme
nous le verrons plus loin, nous sommes seuls à mettre au
point cette filière. Consciente du problème, la
direction d'EDF, qui a déjà beaucoup de difficultés
à financer le programme de construction des PWR, refuse
de payer le surcoût que représente la mise au point
de Superphénix.
Que se passe-t-il à l'étranger ?
La Grande-Bretagne projetait de construire,
dans l'extrême-nord de 1'Ecosse, un surgénérateur
de la taille de Superphénix. En septembre 1976, la très
officielle Royal Commission on Environnemental Pollution
remettait un rapport qui constitue un réquisitoire, non
pas contre l'énergie nucléaire, mais contre un développement
important des surgénérateurs. Citons les paragraphes
115 et 116 (traduction de Charles Noël Martin)
115. Tout comme le réacteur thermique,
le réacteur à neutrons rapides n'est possible qu'à
cause d'une particularité de la nature: l'existence des
neutrons différés (neutrons émis par des
radios-isotopes quelques secondes après la fission du noyau
d'uranium). Si la réactivité se trouve encore augmentée
notablement et très rapidement, les mécanismes de
contrôle de la réactivité risquent d'être
dépassés; il existe alors une probabilité
théorique de formation accidentelle d'un sous-ensemble
critique aux seuls neutrons rapides et prompts, c'est-à
dire non différés.
C'est, sur le plan technique, le principe
même d'une explosion nucléaire, bien que le processus
de la réaction en chaîne soit nettement plus lent
que dans le cas provoqué de la bombe atomique et, de ce
fait, l'énergie libérée en serait d'autant
moindre. On ne sait
pas encore très exactement si une explosion de ce type
aboutirait à la vaporisation du combustible; on suppose
en général qu'il pourrait l'être et les plans
des réacteurs sont faits en prévision de cette éventualité
extrême. Si cette sécurité s'avérait
insuffisante, non seulement l'iode et le césium seraient
libérés, mais également des quantités
substantielles de produit de fission non volatils, tels
le strontium, ainsi que du plutonium. Au cas où le réacteur
serait construit dans un endroit habité, les pertes en
vies humaines seraient très grandes.
La raison pour laquelle cela peut se produire dans un réacteur
rapide et non dans un réacteur thermique vient de ce que
le premier a son combustible dans un état initial de réactivité
en dessous du maximum de réactivité. Si tout le
combustible d'un réacteur thermique se trouvait fondu en
une seule masse, sa réactivité tomberait car il
n'y aurait pas de modérateur (qui
freine les neutrons) pour accroître la réactivité.
Par contre, dans le cas de surgénérateur, tout le
combustible fondu en une masse compacte la verra dans un état
de réactivité maximum.
116. Les deux fusions du coeur dans les FBR (Fast Breeder Reactor) américains ont été heureusement contenues et il n'y a pas eu libération de radioactivité à l'extérieur mais une fusion non contenue aurait des conséquences tellement catastrophiques (voir le paragraphe 303) que l'opinion prévaut selon laquelle les réacteurs rapides ne pourront jamais apporter une contribution majeure à un programme de puissance, du moins pas avant que les processus sous-jacents aux modifications de géométrie du coeur soient parfaitement connus. Les recherches dans ce champ d'idées sont activement menées sans qu'on sache encore maintenant s'il sera jamais possible de dessiner un jour un réacteur de ce type qui élimine complètement la possibilité d'un sursaut local d'énergie capable de rompre les protections les plus fortes soient-elles.
A la suite de ce rapport,
la décision de construire ce surgénérateur,
qui devait être prise à l'automne dernier, a été
reportée à une date indéterminée par
le ministre britannique de l'industrie.
L'URSS avait sagement choisi de passer
de 350 MWe (BN 300) à 600 MWe (BN 600 en construction à
Bielogrask, dans l'Oural). Des bruits non confirmés indiquent
que l'URSS arrêterait son programme de surgénérateur
en raison de difficultés pour maîtriser les problèmes
du générateur de vapeur. Cette décision serait
cohérente avec le grand programme de mises en valeur des
gigantesques ressources pétrolières et gazières
de la Sibérie.
BN 600 à Beloyarsk.
Comme nous l'avons déjà
indiqué, les Etats-Unis ont décidé, pour
des raisons politiques (risques de prolifération de l'arme
nucléaire), mais aussi économiques (difficultés
industrielles et coût du retraitement) de ne pas retraiter
les combustibles irradiés. Cette décision condamne
actuellement tout programme de développement de surgénérateurs.
Récemment le président Carter a même porté
un coup très grave au projet américain de Clinch-River
(projet de prototype de surgénérateur) en déclarant
que celui-ci «portait un risque potentiel pour la sécurité»
Superphénix est un nouveau Concorde
La France développe, encore une
fois une technique dont personne ne veut. Mais la comparaison
avec Concorde s'arrête là.
- La mise au point des surgénérateurs
(retraitement des combustibles, sécurité, coefficient
de surgénération) sera beaucoup plus difficile que
la mise au point de Concorde. Cela prendra donc plus de temps
d'argent.
- Les risques de prolifération
de l'arme nucléaire rendront, si l'on ose dire, encore
plus difficile l'exportation des surgénérateurs
que celle de Concorde.
- On ne voit pas bien ce qui pourra arrêter
l'opposition à la construction de Superphénix à
Creys-Malville, au contraire, celle-ci ne fait que se renforcer:
- occupation pacifique du site en juillet 76
- appel «Non à Superphénix»
paru en juillet 76 dans Le Monde
- votes négatifs des conseils
généraux d'Ilsère et de la Savoie.
- appel
des Scientifiques du CERN (Centre européen de recherche
nucléaire) en
novembre 1976.
- les assises de Morestel de février
1977.
- action de harcèlement contre
le chantier (court circuit, blocage de l'entrée). vol de
documents à la Nersa.
Le 16 octobre 1969 Marcel Boiteux (déjà lui!) expliquait
la décision de la Direction d'EDF d'abandonner la
filière «graphite-gaz» au profit de la filière
Westinghouse de la manière suivante: «continuer,
en France, dans nos petites frontières, à poursuivre
une technique à laquelle le monde ne s'intéresse
pas, cela n'a plus de sens» - Nous ne doutons pas
qu'à 8 ans d'intervalle, M. Boiteux ne se déjugera
pas et qu'il proposera prochainement au gouvernement, qui suit
si fidèlement ses recommandations, d'arrêter Superphénix.
Le malheur, pour lui, c'est que, sans surgénérateur,
le programme de développement massif du nucléaire
n'a plus de sens.
Extrait de La Gazette Nucléaire n° 8-9, avril-mai 1977.
Genève contre Malville: Contribution à l'histoire d'un mouvement antinucléaire, SEBS, Ivo RENS.
1945
Enrico Fermi propose le concept de surgénérateur
1946
Construction du petit réacteur rapide américain
Clementine (refroidi au mercure)
1951
Divergence du premier réacteur (US) refroidi au sodium,
EBR1
29 novembre 1955
- Excursion de
puissance du petit surgénérateur en raison de fausses
manoeuvres sur les barres de contrôle. La puissance double
tous les deux dixièmes de seconde. Le processus est arrêté
par retrait de la couverture en uranium naturel. Fusion de 40
à 50 % du coeur. Pratiquement pas d'irradiation du personnel.
1959
Mise en service à Obninsk d'une
centrale à neutrons rapides (12 MW électriques).
1959
Lancement de la construction de Rapsodie (20 Mwatts thermiques)
1959
Ecosse, mise en service du DFR (Dounreay Fast Reactor), arrêté
en 1977.
1963
Surgénérateurs Enrico Fermi (USA, 66 MWe)
1965
Mise en service d'EBR2, RNR d'une puissance de 20 Mwatts électriques.
Arrêt en 1995.
5 octobre 1966 - "On a failli perdre Detroit" - Une pièce de métal ayant entravé la circulation du sodium, deux assemblages d'éléments combustibles du surgénérateur fondent. Pendant un mois les ingénieurs n'osent pas intervenir de peur de former une "masse critique" dans le coeur. La réparation durera quatre ans. L'activité relâchée dans le sodium et le gaz de couverture a été estimée à environ 10 000 Curies.
1967
Divergence de Rapsodie, voir la présentation de cette première pile
française au plutonium dans Science & Vie
n°595 d'avril 1967 (en PDF).
(Le démantèlement
de Rapsodie s'est avéré fort délicat, a conduit
à une grave explosion sodium avec mort d'homme.)
1968
Début de construction de Phénix (250 Mwatts électriques)
1968
Divergence de BOR60 (URSS) RNR de 12 Mwatts électriques
(60 Mwatts thermiques). Encore en fonctionnement.
1970
Arrêt pour cause de mauvais fonctionnement du RNR Enrico
Fermi (60 Mwatts thermiques)
1972
Divergence de BN350 (URSS) RNR de 1000 Mwatts thermiques et 150
Mwatts électriques. Fonctionnement irrégulier. (Le sodium est une substance délicate
à manipuler car il s'enflamme au contact de l'air et explose
au contact de l'eau)
Septembre 1973 - 400 kg d'eau passent dans le circuit
secondaire de sodium (non radioactif), d'où explosion sodium-eau,
rupture des membranes d'éclatement, rejet à l'atmosphère
et inflammation spontanée de l'hydrogène produit.
L'incendie a été détecté par les satellites
américains. On ignore le nombre des victimes éventuelles.
Février 1975 - Introduction de 800 kg d'eau
dans le circuit secondaire de sodium, détérioration
d'un générateur de vapeur, feu de 300 kg de sodium.
1973
Divergence de Phénix. Il a connu un début
remarquable en 1974-1975, mais ses performances se sont dégradées
sans cesse depuis.... Arrêt du 24.11.75 au 13.12.75 pour
fuite dans un générateur de vapeur, fonctionne à
puissance réduite de juillet à octobre 1976 pour
fuite de sodium
secondaire; arrêt complet depuis le 5 octobre 76 pour
fuite de sodium dans un autre échangeur...
1973
Début de construction du RNR US de Clinch River (400 Mwatts
électriques). Contestation anti-nucléaire aux USA.
1973
Création
de la société NERSA réunissant EDF (51%),
ENEL (analogue italien d'EDF) (33%) et RWE (analogue d'EDF pour
l'état de Rhénanie-Westphalie) (16%). NERSA est
chargée de la réalisation et de la future exploitation
de Superphénix. Une autre société, avec des
parts symétriques des partenaires allemands et français,
était créée pour réaliser un réacteur similaire en Allemagne,
réacteur qui ne vit jamais le jour.
1974
Divergence de la centrale PFR (Prototype Fast Reactor) sur le site de Dounreay en Ecosse d'une puissance
de 250 Mwe, analogue à Phénix. Cette centrale sera
arrêtée en 1994.
1976
Début de la construction de Superphénix
"IL N'EST PAS DERAISONNABLE
DE PENSER QU'UN GRAVE ACCIDENT SURVENANT A SUPERPHENIX POURRAIT
TUER PLUS D'UN MILLION DE PERSONNES."
Extrait d'un article de J-P. PHARABOD dans Sciences et Vie n. 703
avril 1976 p. l01.
Pour ceux qui douteraient de la compétence de l'auteur
de ces lignes, nous indiquerons que J-P. PHARABOD a travaillé
pendant sept ans et demi au CEA et à EDF. Il a participé
aux essais des réacteurs Chinon I et Saint Laurent I et
à de nombreuses études de contrôle et de sûreté.
Il a démissionné d'EDF en 1970 et est actuellement
ingénieur au Laboratoire de Physique Nucléaire des
Hautes Energies à l'Ecole Polytechnique.
Londre: Les surgénérateur en accusation (Le Figaro, 23 septembre 1976). Le surgénérateur tel que le critiquent officiellement les Anglais (Science et Vie n°711, décembre 1976)
2 mai 1977
Décret de déclaration
d'utilité publique de la centrale de Creys Malville.
12 mai 1977
Décret d'autorisation de création
de la centrale de Creys Malville.
30 et
31 juillet 1977
60 000 manifestants
contre 5 000 gendarmes, sous un déluge de pluie et 2 500
grenades à effet de souffle. Un mort, Vital Michalon (un
jeune professeur de physique, non-violent). Deux mutilés,
Michel Grandjean et Manfred Schultz. Une centaine de blessés.
(Lire: Mémento Malville, Une histoire des années soixante-dix)
En 1977 au Japon, mise en marche de Joyo, le surgénérateur expérimental qui ne produit pas d'électricité; par la suite, construction du surgénérateur Prototype Monju; mise en marche en août 95 de sa production d'électricité.
2 octobre 1978 : Appel lancé de Genève par quelques intellectuels aux élus politiques des pays d'Europe et à tous les candidats au Parlement européen en vue de susciter un large débat public et la consultation des populations concernées sur les solutions de rechange au surrégénérateur Superphénix de Creys-Malville et à la société du plutonium.
GSIEN-Grenoble, 1981 : PLUTONIUM SUR RHONE (en Pdf) Super-Phénix, insécurité et incertitudes, les explications techniques...
Mai 1981
Selon des informations, non confirmées
officiellement, la cuve principale aurait été fêlée
lors de son installation. Il aurait fallu pratiquer des soudures
de rattrapage.
Juin 1981
Début de la livraison du sodium
sur le site.
Novembre 1981
Une charge du pont tournant tombe d'une
quarantaine de mètres sur le couvercle en béton,
qui résiste.
1984
A la suite de travaux de consolidation
du pont tournant, une étude montre que ce pont ne résisterait
pas à certains types de tremblements de terre et pourrait
tomber d'une hauteur de soixante mètres sur le réacteur.
La direction n'en tient pas compte.
Royaume-Uni, 1984 - Réacteur PFR, rupture de tuyaux au générateur de vapeur... fermeture définitive du surgénérateur.
Allemagne, 1984/85 - Fuites et incendie de sodium au réacteur Kalkar, non démarrage du réacteur, fermeture définitive.
Début 1985
Un robot, chargé de la vérification
des soudures, tombe entre les deux parois de la cuve principale.
Le programme se poursuit.
Septembre 1985
Mise en marche du surgénérateur.
Janvier 1986 à février 1987
Suite à divers incidents techniques,
arrêts provisoires du réacteur.
8 mars 1987
Début de la fuite de 20 tonnes de sodium du barillet,
dispositif permettant la charge et la décharge des éléments
combustibles. La fuite ne sera décelée que trois
semaines plus tard.
26 mai 1987
Arrêt de la centrale.
Mars 1988
Des clichés, réalisés
par le robot détecteur de fuites avant sa chute en 1985,
se
révèlent douteux. Ils n'avaient à l'époque
pas
attiré l'attention...
12 janvier 1989
Remise en marche du réacteur,
qui atteint sa pleine Puissance en septembre.
2 octobre 1989
Chute d'un engin de 1.300 kg sur le dôme du réacteur.
1989
Saute de puissance pour raison inconnue au surgénérateur
Phénix.
1989
La résistance des habitants
de Genève contre la remise en marche de Superphénix
se manifeste de nombreuses façons.
Avril 1990
Le surgénérateur
de Dounreay est arrêté après qu'une fuite
de sodium liquide ait eu lieu à partir du secondaire et
qu'il se soit enflammé au contact de l'air. Les autorités affirment qu'il n'y a pas eu
de fuite de radioactivité dans l'environnement. Il a fallu
plusieurs semaines avant que l'accident ne soit rendu public.
29 avril 1990
Alors que Superphénix était à l'arrêt,
fuite de sodium sur un des 4 circuits principaux d'évacuation
de puissance imposant la vidange immédiate de tout le sodium
du circuit incriminé (400 tonnes).
Juillet 1990
Arrêt de Superphénix pour
cause de défaut électrique.
Août 1990
Troisième arrêt de l'année pour cause d'oxydation
du sodium. Cet arrêt se prolongera quatre années.
Septembre 1990
Les citoyens suisses approuvent lors
d'un référendum le moratoire nucléaire sur
le sol de la Confédération.
Décembre 1990
Effondrement du toit
de la salle des machines sous le poids de 80 cm de neige.
1986, le
surgénérateur SuperPhénix est achevé.
C'est sans aucun doute une machine des plus dangereuses au monde.
Le bâtiment qui l'abrite est conforme aux normes de sécurité.
Le tout a coûté 25 milliards de francs et dix ans
de travaux.
13 décembre 1990,
le toit de la salle des machines, contenant les turboalternateurs,
s'effondre sous le poids de la neige. Ce n'est pas grave, disent
les porte-parole d'EDF: le surgénérateur était
dans la pièce à côté.
Mai 1991
Le Conseil d'État français
conclut à l'illégalité des décisions
de redémarrage de l'année précédente.
Avril 1992
Le conseil régional Rhône
Alpes demande une nouvelle enquête d'utilité publique
avant toute nouvelle remise en marche.
Juin 1992
Le gouvernement Bérégovoy
suspend le redémarrage à la réalisation de
travaux pour faire face aux feux de sodium. En 1992, la facture est estimée à plus de 50 milliards de francs
!
Libération,
2 juillet 1992.
1993
Multiples manifestations contre le
redémarrage en France et en Suisse, lire le Mémorandum des Européens
contre Superphénix (voir les 50 000 signatures pour l'arrêt définitif
de Superphénix ; Les rapports passent, les danger restent ;
cf rapport
Curien)
Lire : Le dossier, Les Européens contre Superphénix (mars 1994, en Pdf).
31 mars 1994
Démantèlement de Rapsodie: Une
centaine de kilos de sodium provoquent une explosion à
Cadarache, soufflent une dalle de béton de 300 m2 et tuent le principal
expert français de feux de sodium (lire: La justice bienveillante avec le CEA)
Au centre de Cadarache, le 1er avril 1994, au
lendemain de l'explosion qui a fait un mort et quatre blessés.
11 juillet 1994
Décret autorisant le redémarrage
en laboratoire
de recherche pour une incinération des déchets radioactifs.
(Lire: il ne
peut même pas servir la recherche, comme le révèle
le rapport Castaing)
4 août 1994
Redémarrage de Superphénix.
(Remous
autour du réveil de Superphénix)
Novembre 1994
Arrêt de Superphénix suite
à des fuites de vapeur et d'argon.
7 décembre 1994
Redémarrage de Superphénix
25 décembre 1994
Nouvel arrêt. Une fuite d'argon
a été détectée.
22 août 1995
Redémarrage de la centrale à 30 %.
23 octobre 1995
Nouvel arrêt. Au dixième anniversaire de la mise en service,
le bilan s'établit à 174 jours de fonctionnement
durant les cinq premières années et à deux
jours durant les cinq années suivantes.
A propos de "Commission
d'experts indépendants chargée d'évaluer
les capacités de Superphénix comme outil de recherche"
d'après Le Monde du 10/10/1995.
Japon, 8 décembre 1995
Incendie
au surgénérateur de Monju. Nous fûmes
là à un tout petit doigt d'une explosion hydrogène.
Si cet accident s'était produit à côté
du coeur où se trouve condensée plus d'une tonne
de plutonium quelles auraient pu être les conséquences
?
22 décembre 1995
Redémarrage à 30 %. Plus
tard, passage à 60 % et 90 %.
24 décembre 1996
Superphénix est arrêté
en vue de sa
transformation en incinérateur de plutonium.
28 février 1997
Annulation par le Conseil d'État de l'arrêté
du 11 juillet 1994
5 mars 1997
Corinne Lepage, ministre de l'environnement dans le gouvernement
d'Alain Juppé, s'élève contre le projet consistant
à faire redémarrer Superphénix Abandon du
projet d'incinération afin d'éviter une nouvelle
enquête publique.
Juin 1997
Dominique Voynet, ministre de l'environnement
dans le gouvernement Jospin, annonce l'abandon de Superphénix
et l'étude d'un plan pour dédommager les partenaires
européens, résoudre les problèmes sociaux
et sauvegarder les intérêts des communes concernées.
Janvier 1998
Le Conseil des Ministres confirme que Superphénix ne redémarrera
pas. (Lire: SUPERPHENIX:
UN DECHET DE 55 MILLIARDS)
Vous en souvenez-vous? Dans les années
70, le CEA et l'EDF prévoyaient qu'en l'an 2000, le quart
de la puissance nucléaire installée serait délivré
par des surgénérateurs. Francis Sorin, l'un des chantres du nucléaire,
indiquait, dans le numéro de mars-avril 1976 de la «Revue
Générale Nucléaire», que «leur
puissance totale pourrait être de 10.000 MWe en 1990 selon
les projets d'EDF». Alors que Superphénix (1.200
MWe) n'était pas encore fermement décidé,
Monsieur Dürr, dans une note EDF-REAL/GIN 1976, précisait
«Dès à présent, nous préparons
le palier ultérieur de puissance, celui de 1.800 MWe, dont
nous pensons qu'il correspond à la taille la plus avantageuse
pour les réacteurs à neutrons rapides».
Cette mégalomanie débridée
s'accompagnait de pressions de type mafieux de la part des promoteurs
du projet. Ainsi, dans une note confidentielle destinée
à l'information de Monsieur Marcel Boiteux, alors Directeur
général d'EDF, un certain EdR, d'EDF/NERSA, écrivait
carrément le 10 septembre 1976: «Nous ressentons
de la manière la plus vive que la meilleure façon
de contrecarrer la contestation se développant est d'engager
au plus vite, de manière irréversible, l'opération
(N.B. Superphénix) et de rendre publique cette décision».
Suivaient des conseils précis quant à l'acquisition
de la «Déclaration d'Utilité Publique»,
au désenlisement du «Décret d'Autorisation
de Création», à la distribution massive d'un
bulletin de propagande («Creys-Malville Informations»),
à la non-interruption du chantier, etc... Pressions suivies
d'effet puisque le projet était définitivement adopté,
et placé sous la protection des Ministères de l'Intérieur
et de la Défense: la grande manifestation de l'été
1977 était durement réprimée, et Vital Michalon
abattu.
Il est vrai - et les contestataires de
l'époque ne le savaient pas - que ce projet avait, entre autres, un but militaire. Il a fallu attendre janvier 1978 pour que Le Monde
reproduise des déclarations du général Thiry,
ancien directeur du centre d'expérimentations nucléaires
du Pacifique, indiquant que le
plutonium (d'excellente «qualité militaire»)
produit dans les couvertures des surgénérateurs
servait à faire des bombes. Ceux
qui avaient pris la peine de lire attentivement le rapport d'activité
annuel du CEA en 1973 le savaient, mais ils n'étaient pas
légion.
Et maintenant, qu'en est-il? Après
avoir subi l'adjonction en catastrophe de dispositifs supplémentaires
de refroidissement de secours, après avoir démarré
avec quatre ans de retard sur les prévisions initiales,
Superphénix végète lamentablement de fuites
de barillet en chute d'engins sur le dôme. Il a probablement
consommé plus d'électricité qu'il n'en a
produit (en effet, il consomme une centaine de MWe à l'arrêt).
Le coût, qui était prévu à 1,8 milliards
de francs en 1973, à 4,4 milliards de francs en 1976, est
finalement de plus de 25 milliards de francs. Sous la pression
de nos voisins européens, qui en ont payé près
de la moitié, il semble que la décision ait été
prise en 1986 d'abandonner l'utilisation à des fins militaires:
du coup la couverture fertile d'uranium 238 va être progressivement
remplacée par des barreaux d'acier...
Echec total donc, perte sèche
pour la communauté nationale, scandale digne des abattoirs
de La Villette... Les responsables sont-ils inquiétés?
Rassurez-vous, braves gens, il n'en est pas question. Ils se sont
reconvertis discrètement, ou courent le monde de congrès
en congrès, essayant de propager ce qu'ils croient encore
être la bonne parole. Parfois même, on leur donne
des médailles...
Lecture vivement recommandée : «L'échec des surgénérateurs - Autopsie d'un grand programme», par Dominique Finon, Presses Universitaires de Grenoble, 1989.
Extrait de la Gazette Nucléaire n°100, mars 1990.