31/8/2009 - La société Japan Nuclear Fuel (JNFL) a annoncé lundi un énième report du démarrage de l'usine de retraitement de déchets nucléaires qu'elle a construite au Japon avec le groupe français Areva, en raison de graves difficultés concernant les procédés finaux ultra-complexes.
La validation des techniques puis la mise en service de l'usine étaient prévues pour ce mois d'août après près d'une quinzaine de reports successifs depuis le lancement des travaux. Ces étapes sont désormais différées de plus d'un an, au mois d'octobre 2010, selon un porte-parole de JNFL. "Nous continuons de privilégier la sécurité devant le calendrier", a justifié la direction de l'entreprise.
JNFL avait longtemps promis de faire démarrer son site mi-juillet 2007 après avoir effectué des campagnes de tests poussés, mais les dernières phases expérimentales, qui concernent la vitrification, sont très problématiques. De ce fait, les reports s'enchaînent depuis deux ans sans que soient réglés les soucis.
JNFL a détaillé lundi un plan de travail et un échéancier de nouveaux tests pour venir à bout de ses malheurs, avouant qu'elle faisait également appel à des expertises extérieures. L'usine, située à Rokkasho (nord) a été construite en partenariat avec le groupe français Areva sur le modèle de celle que ce dernier exploite à La Hague. Toutefois, la dernière étape de vitrification est différente, les Japonais ayant souhaité exploiter leur propre principe, lequel se révèle pour le moment inabouti.
25/11/2008 - Alors que la mise en service devait intervenir ce mois-ci après une douzaine de reports successifs, la Japan Nuclear Fuel a annoncé ce matin un nouveau report à février 2009 dans le démarrage de l'usine de retraitement des déchets nucléaires, usine construite avec le français Areva. Les dernières phases expérimentales, et plus particulièrement celles concernant la vitrification sont à l'origine de ces multiples reports. La Japan Nuclear Fuel estime qu'il lui faudra désormais un mois de plus pour fiabiliser ce processus. Ensuite le démarrage ne pourra se faire sans le feu vert des autorités qui devrait prendre quelques semaines avant d'intervenir. Les Japonais, très prudents en ce qui concerne les installations faisant intervenir le nucléaire envisagent donc un report de trois mois par rapport à la dernière date fixée. Pour rappel, cette usine, lorsqu'elle entrera en service, permettra le créer un mélange vitrifié d'oxydes de plutonium et d'uranium, à partir de combustible radioactif usé.
12/4/2008 - Environ sept cents opposants à l'énergie atomique, selon un décompte des médias locaux, ont manifesté samedi dans le nord de Japon au moment où le Premier ministre français François Fillon visitait dans la région une usine franco-japonaise de retraitement nucléaire. Les manifestants protestaient contre l'usine de retraitement de Rokkasho, construite en vertu d'un partenariat entre le groupe nucléaire français Areva et le japonais Japan Nuclear Fuel (JNFL), et qui doit ouvrir en mai. Les protestataires ont défilé dans la ville d'Aomori, le chef-lieu de la préfecture, en portant des banderoles affirmant que "Rokkasho est un danger environnemental et politique". Le chiffre de 700 participants est assez important à l'échelle du Japon, pays où les manifestations sont rares et généralement squelettiques. Une vingtaine d'autres manifestants, représentant un collectif d'habitants de la région de Rokkasho inquiets des activités nucléaires de l'usine, sont par ailleurs venus accueillir M. Fillon dans les environs de l'installation. "Si un tremblement de terre géant se produit ici (...) d'énormes fuites radiocactives affecteront non seulement les résidents locaux, mais aussi l'environnement mondial", a affirmé Koji Asaishi, un avocat qui mène actuellement quatre procès contre l'usine de retraitement, qui a selon lui été édifiée dans une zone à hauts risques sismiques. La question de la sécurité des installations nucléaires en cas de séisme est un sujet particulièrement sensible au Japon depuis qu'en juillet 2007, un tremblement de terre a endommagé la centrale atomique de Kashiwazaki-Kariwa, au nord de Tokyo, provoquant de légères fuites radiocactives. Cette centrale, la plus puissante du monde, est depuis fermée. Des études officielles ont montré qu'elle avait été construite juste au dessus d'une faille sismique active.
12/4/2008 : AFP Le Premier ministre français François Fillon a plaidé samedi, au deuxième jour de sa visite au Japon, pour que les deux pays soutiennent ensemble au G8 la cause du nucléaire civil, seule voie selon lui pour répondre aux besoins d'énergie des pays émergents. La France et le Japon doivent être "les porte-parole au niveau mondial d'une utilisation raisonnée de l'énergie nucléaire", a-t-il lancé en visitant à Rokkasho (nord) un centre de retraitement inspiré de celui de La Hague. Le ministre de l'Economie japonais, Akira Amari, qui l'accompagnait, a affirmé que cette déclaration était "un message extrêmement important" sur les "défis difficiles" que sont l'énergie et le climat, les deux dossiers-phare du prochain sommet du G8, sur l'île japonaise de Hokkaido. La réunion aura lieu du 7 au 9 juillet, et M. Fillon a "espéré" samedi que Paris et Tokyo sauront proposer d'ici là aux autres membres du G8 "une action commune" en faveur du nucléaire civil. Les deux pays multiplient depuis plus de trois décennies les coopérations industrielles dans le domaine nucléaire. Dans une nouvelle déclaration écrite vendredi, ils affirment partager "la même vision du rôle prépondérant qu'aura l'énergie nucléaire pour la prospérité et le développement durable au XXIe siècle". Un thème que M. Fillon a développé samedi à Rokkasho, un site né d'une association entre Japan Nuclear Fuel et le français Areva. Refuser aux pays émergents l'accès au nucléaire civil, a-t-il lancé à la presse, serait "une faute politique" provoquant "l'instabilité à terme du monde". "Si on n'est pas capable de trouver, grâce à la science, le moyen d'apporter à ces habitants l'énergie dont ils ont besoin pour leur développement, alors nous nous préparons des jours extrêmement sombres", a-t-il encore prévenu. La France a signé ces derniers mois des accords de coopération nucléaire civile avec l'Algérie, la Libye et les Emirats arabes unis. Ceux-ci sont vus comme une première étape avant l'étude de centrales nucléaires. Areva a, pour sa part, conclu un accord avec Mitsubishi Heavy Industries pour développer un réacteur nucléaire adapté aux pays émergents. Le chef du gouvernement français a également insisté au Japon sur l'intérêt du nucléaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. "Si l'on prend en compte la totalité des centrales nucléaires européennes, l'économie de rejet de CO2 dans l'atmosphère, c'est l'équivalent de la totalité du parc automobile européen", a-t-il encore souligné samedi. M. Fillon est le premier dirigeant français à se rendre officiellement le Japon depuis Jacques Chirac en mars 2005. Il sera suivi en juillet par le président Nicolas Sarkozy, qui fera une brève étape à Tokyo sur la route du G8. Ces deux visites successives, a-t-on confié de source française, sont utiles pour "rassurer" le gouvernement japonais, "inquiet" de l'intérêt croissant porté par la France et les Européens en général à l'éternel rival chinois. François Fillon a achevé sa visite de travail par une allocution devant les Français du Japon conviés sur le Mistral, un navire de la Marine nationale actuellement mouillé à Tokyo. Il devait rester dans le pays jusqu'à dimanche soir à titre privé, avec son épouse Penelope.
Libération du 25/1/02:
Les grues hérissent un paysage couvert
de neige. Il y a quelques semaines, 10 000 ouvriers s'activaient
sur le site de Rokkasho.
Leur nombre a depuis diminué, mais le chantier continue
de battre son plein. Objectif: achever au plus vite le futur centre
névralgique de
l'industrie nucléaire nipponne. Rokkasho-Mura, localité perdue sur la côte pacifique de la péninsule de Shimokita, est l'équivalent japonais de La Hague. «Une réplique presque identique, une soeur jumelle», lâche un cadre supérieur de la Cogema, accoucheur de ce site construit selon des plans vendus au Japon dans les années 80 et dont la mise en oeuvre est assistée, aujourd'hui, par une trentaine d'ingénieurs français. Mais la copie japonaise de La Hague est aussi le talon d'Achille du lobby nucléaire nippon, confronté à une inédite fièvre contestataire depuis l'accident tragique survenu à la suite d'une mauvaise manipulation, le 30 septembre 1999, dans la petite usine de retraitement de Tokaimura, près de Tokyo (un mort, 69 irradiés). Le 27 mai, les habitants de Kariwa, proche de la centrale de Kashiwazaki, se sont opposés par référendum à l'utilisation du très controversé Mox (un combustible recyclé, mélange d'uranium et de plutonium) dans un de ses réacteurs. Mi-novembre, un autre référendum a abouti au rejet d'un projet de centrale. Rokkasho, où doit ouvrir en juillet 2005 une usine de retraitement d'une capacité de 800 tonnes par an (comme La Hague) puis une usine de Mox fin 2009, se retrouve donc dans la tourmente. Et la Cogema, dans la ligne de mire des activistes.
Gouffre financier. «Rokkasho est un non-sens économique, une bombe environnementale, un gouffre financier. Il faut tout arrêter», mitraille Shawn Burnie, le «M. Plutonium» de Greenpeace, farouche détracteur de cette forteresse planquée au fin fond de la Sibérie nipponne, derrière une palissade de béton armé et des kilomètres de grillage. Face aux discours des compagnies d'électricité sur les vertus du nucléaire pour l'archipel, dépourvu de ressources énergétiques, les écologistes dénoncent le coût astronomique du complexe, passé de 800 milliards de yens (8 milliards d'euros) prévus lors de la signature du transfert de technologie en 1985, à 2,1 trillions de yens (20 milliards d'euros). Ils vilipendent le choix du retraitement en s'appuyant sur le fait que l'usine de Rokkasho ne pourra traiter, à l'horizon 2010, que 80 % des 1 200 tonnes de combustible usés des soixante réacteurs nippons prévus (contre 51 actuellement). Ils pilonnent la filière Mox, dont la production future sur le site de Rokkasho est une garantie de viabilité économique du projet.
Compte tenu des protestations, les trois premiers réacteurs japonais désignés pour être «moxés» ne l'ont, il est vrai, pas encore été. De plus, la falsification de données d'une cargaison de Mox par le producteur anglais BNFL a provoqué un joli pataquès politico-juridique, qui a conduit le ministère de l'Industrie japonais à renforcer sa réglementation en matière d'importation de combustibles nucléaires. Par ricochet, la Cogema a dû suspendre sa livraison de Mox à la compagnie électrique Kansai. Une première au Japon. Et depuis, la situation est bloquée.
Pourtant, tout semble baigner à Rokkasho. Les ingénieurs français et leurs familles (185 personnes réparties dans plusieurs lotissements à une quarantaine de kilomètres du site) sont à l'aise dans leurs baskets de «copilotes» du plus gros chantier nucléaire de la planète où l'entreposage de déchets radioactifs a déjà commencé. La Cogema et sa filiale SGN sont présentes dans tous ses recoins et à tous les niveaux de son exploitation. Ils forment les personnels dont une partie est envoyée à La Hague. Ils supervisent les essais indispensables des milliers de kilomètres de tuyauteries. «C'est une collaboration idéale, juge sur place Jean-Luc Arnoud, l'un de leurs responsables. Au-delà du deal technologique, nous transférons aussi notre savoir-faire et nous en tirons des bénéfices mutuels. Chaque étape vers la mise en service de l'usine de Rokkasho nous permet de mieux maîtriser cette filière.»
Poule aux oeufs d'or. Sauf que cette romance radioactive a un revers. Elle fait de la Cogema-Japon une cible naturelle pour les antinucléaires locaux: «Au lieu d'engloutir des fortunes pour acheter du Mox inutilisé, le Japon ferait mieux de financer des recherches sur les formes d'énergie alternatives», assène l'universitaire Nagamitsu Miura, mobilisé après l'accident de Tokaimura contre le recours abusif, dans les centrales de l'archipel, à des employés intérimaires mal formés. La vérité est qu'Areva, la maison mère de la Cogema, profite au maximum de la poule aux oeufs d'or nipponne. «A des milliers de kilomètres de Paris, Rokkasho est le coffre-fort du lobby nucléaire français.» Affirmation exagérée? Sans doute. Mais la frappe est habile: sur les 600 millions d'euros annuels revendiqués dans l'archipel par la Cogema (3e firme tricolore en 2001 sur le marché nippon, après les géants du luxe LVMH et Hermès), un bon tiers vient des «contrats Rokkasho», dont le dernier, signé en juillet 2001, prévoit une assistance technique française jusqu'à l'inauguration de l'usine. D'autres contrats sur le pilotage commun de l'usine de retraitement après 2005 seraient en discussion. Autant dire un pactole que ne conteste pas Robert Capitini, son représentant à Tokyo: «Oui, le Japon est un partenaire très important pour nous. C'est d'ailleurs pour cela que nous donnons le meilleur de nos compétences.» Vieux briscard du Japon, ancien conseiller «nucléaire» de l'ambassade de France à Tokyo durant six ans, Capitini positive: «Ce partenariat exemplaire avec le Japon est plein de potentialité. Les besoins énergétiques de l'Asie sont connus. Rokkasho ne doit pas être vu sous l'angle de la polémique. Il est porteur d'une ambition commune.»
Début de doute. N'empêche: le lobby de l'atome dans l'archipel n'est plus ce qu'il était. Dans la haute administration et au sein des élus locaux, un début de doute s'est installé. «On a dépassé le stade "zéro question", confirme un journaliste spécialisé. S'interroger sur le bien-fondé des choix nucléaires faits par les "électriciens" [les grandes sociétés régionales d'électricité] n'est plus tabou.» L'un des interlocuteurs privilégiés de la presse, le vice-président de Tokyo Electric, Teruaki Matsumoto, nuance: «Les Japonais restent convaincus des vertus du nucléaire. Il en va de notre survie économique. Sur le dossier du Mox, rien ne nous empêche de passer en force car les référendums locaux ont juste valeur consultative. Mais nous ne le désirons pas. Notre défi, dans les mois et les années à venir, va être de convaincre.» A moins que le site de Rokkasho ne fournisse ironiquement un début de réponse. Depuis l'an dernier, sur les hauteurs boisées qui dominent les bâtiments où sont entreposés les cylindres blindés d'inox remplis d'uranium vitrifié, des hélices brassent le ciel face à la mer: installées par une compagnie privée, une forêt d'éoliennes narguent le sanctuaire nippon de l'atome.
Richard WERLY
L'accident de Monju (1995)
Enseignement
à tirer de l'accident du 11 mars 1997 survenu à
Tokaï-Mura (Japon)
Feu vert de Tokyo
au redémarrage du retraitement à Tokaï-Mura
(juin 1999)
La confiance des Japonais dans le nucléaire est à nouveau ébranlée