19/03/2007 - Le
Commissariat à l'énergie atomique pose lundi dans
son centre de Cadarache (Bouches-du-Rhône) la première
pierre du réacteur de recherche Jules Horowitz, destiné
à tester le vieillissement des matériaux mis en
oeuvre dans les futures centrales nucléaires. "On n'avait plus construit un tel outil de recherche
dans le monde depuis près de trente ans", s'est félicité
jeudi l'administrateur général du CEA Alain Bugat,
lors d'une rencontre avec la presse au siège parisien du
groupe. Le réacteur Jules Horowitz,
qui porte le nom d'un ancien directeur de la recherche fondamentale
du CEA, remplacera l'installation Osiris de Saclay (Essonne) qui
atteindra 48 ans, lors de la mise en service en 2014.
[Les
réacteurs de recherche en France:
le CEA a 31 réacteurs de recherche dont 15 sont en exploitation,
11 ont été mis à l'arrêt et cinq ont
été déclassés. Dans le monde près
de 600 réacteurs de recherche et assemblages critiques
ont été construits, il en reste 255 en service dans
57 pays et environ 70 % de ces réacteurs ont plus de 25
ans d'âge. (Contrôle n°128, avril 1999)]
Le nouvel outil a une vocation "continentale",
a souligné le directeur du projet Daniel Iracane. Il pourrait
remplacer les quatre réacteurs de recherche européens
encore en service en Belgique, aux Pays-Bas, en Norvège
et en République Tchèque, qui s'approchent tous
du demi-siècle d'existence. L'investissement,
d'un montant de 500 millions d'euros, est assumé à
hauteur de 50% par le CEA. Le solde est fourni par Electricité
de France (20%), l'industriel du nucléaire Areva (10%)
et par les centres de recherche atomique d'Espagne, de République
tchèque, de Belgique et de Finlande (20%). D'autres partenaires, comme le Canada ou le Japon,
pourraient se joindre au projet, réduisant d'autant le
montant de la facture supportée par le CEA. D'une puissance de 100 mégawatts, le RJH va
permettre de recréer les environnements physiques et chimiques
de toutes les filières de réacteurs, présentes
ou projetées. On y étudiera la résistance
aux très fortes températures et au bombardement
de neutrons des aciers et du zirconium utilisés pour les
pièces de structure des centrales et le gainage du combustible.
Les exploitants en attendent de précieuses
informations sur d'éventuelles prolongations de l'exploitation
des centrales en activité. Si les mécanismes de
vieillissement de la cuve du réacteur sont désormais
bien compris, il n'en est pas de même pour les parties internes
du coeur, a expliqué M. Iracane. Mais
on s'intéressera surtout aux matériaux du futur,
comme les céramiques, dont on pourra mesurer les caractéristiques
mécaniques dans ces environnements extrêmes. Car,
même si la simulation numérique a fait d'énormes
progrès, elle ne permet pas de se passer complètement
de l'expérimentation réelle. Lors
de la fission nucléaire, les neutrons dégagés
viennent percuter les atomes des pièces de structure du
réacteur, les déplaçant légèrement
à la manière d'une boule de billard et fatiguant
le métal à la longue. Dans une centrale du type
de celles actuellement exploitées par EdF, chaque atome
des pièces de structure est déplacé deux
fois par an. Dans Osiris, c'est 5 à 6 fois par an. Dans
le RJH, ce sera 15 fois par an. Les matériaux testés
y seront donc beaucoup plus sollicités que dans les centrales
nucléaires actuelles. Le RJH a aussi
été conçu pour pousser les combustibles nucléaires
à leurs limites, en les soumettant à un surcroît
de puissance ou en arrêtant leur refroidissement. Le combustible
chauffe, la gaine se fissure et le confinement des substances
radioactives n'est plus assuré. Osiris permet de telles
manipulations, "mais c'est galère", selon M.
Iracane. "De telles expériences ont actuellement un
coût exorbitant en énergie, en temps et en argent".
Comme les autres réacteurs de recherche,
le RJH fabriquera par ailleurs des isotopes radioactifs à
courte durée de vie (et donc instockables) utilisés
en radiothérapie. Il pourra assurer la production de 25%
des besoins européens, proportion pouvant passer à
50% si nécessaire.
Le Figaro, 19/03/2007:
François Loos pose aujourd'hui à Cadarache la première pierre du réacteur expérimental Jules Horowitz.
ALORS que le réacteur Superphénix a fermé ses portes en 1997 et que son prédécesseur Phénix doit à son tour s'arrêter en 2008, le réacteur Jules-Horowitz (RJH) s'apprête à prendre leur suite. C'est aujourd'hui que sera posée à Cadarache, en présence du ministre de l'Industrie, François Loos, la première pierre de ce réacteur de recherches lancé par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA).
[Lire: Les surgénérateurs des réacteurs qui peuvent exploser (en PDF) Sciences et Vie n°703 avril 1976
Quelques vérités (pas toujours bonnes à dire) sur les surgénérateurs (en PDF) Sciences et Vie n°781, octobre 1982
Superphénix, l'oiseau qui ne veut pas mourir]
Ce réacteur, qui devrait être mis en service en 2014, a vocation à doter l'Europe d'un nouvel outil de recherches plus performant que ceux y existant actuellement, qui datent pour la plupart des années 1960. Tous, y compris le réacteur français du CEA Osiris, basé à Saclay, devraient être arrêtés d'ici à 2012. La principale mission du RJH, d'une puissance de 100 mégawatts, sera de tester le vieillissement des matériaux et le comportement des combustibles innovants dans les conditions des réacteurs à très haute température, tels que ceux de la quatrième génération. L'investissement, de 500 millions d'euros, sera financé à 50 % par le CEA, l'autre moitié provenant de partenaires publics et privés, EDF et Areva, ainsi que des instituts de recherche européens et japonais.
Conformément aux voeux exprimés par le président Chirac en janvier 2006, la France s'est fixé pour objectif de construire le prototype d'un réacteur de quatrième génération d'ici à 2020. Ces réacteurs du futur, dont on dit qu'ils permettront de produire cinquante fois plus d'électricité, avec une même quantité d'uranium, que les réacteurs à eau sous pression actuels, représentent une source d'espoir pour répondre aux besoins croissants d'énergie au niveau planétaire. On estime en effet que la consommation primaire d'énergie devrait doubler d'ici à trente ou quarante ans. En minimisant le volume de déchets générés, ces derniers permettent également de limiter les risques de non-prolifération.
[Le réacteur de 4ème
génération c'est le retour des surgénérateurs
de type SuperPhénix...
Des années 60 aux années 80 le programme français
reposait sur les réacteurs à eau pressurisée
(REP) et un développement significatif des réacteurs
à neutrons rapides (RNR) fonctionnant en mode surgénérateur.
Il était envisagé qu'en l'an 2000 les RNR surgénérateurs
représenteraient 30% du parc. C'est la raison du développement
civil du retraitement des combustibles REP avec la construction
des usines du site Hague. A la différence des centrales
nucléaires «conventionnelles», et à
l'inverse de tout ce qui a été déclaré
par la propagande officielle, les surgénérateurs
peuvent, par accident, faire explosion à la façon
d'une bombe atomique. En effet, ils peuvent étre le siège
d'une réaction en chaîne dite «surcritique
prompte en neutrons rapides», particularité que seule
la bombe atomique possède également. La variété
d'explosion atomique dont un surgénérateur peut
être le siège porte le nom rassurant d '«excursion
nucléaire». Rappel : SuperPhénix (qui n'a
jamais fonctionné correctement) comporte environ 35 tonnes
de combustible nucléaire, dont 5 tonnes de plutonium, et
les expériences d'excursion nucléaires n'ont jamais
concerné que quelques kilogrammes de matière fissile.
Il est clair qu'étant donné l'extraordinaire toxicité
radioactive des aérosols de plutonium, l'expulsion même
partielle des 5 tonnes de plutonium de SuperPhénix dispersés
ou volatilisés par l'excursion nucléaire constituerait
une catastrophe sans précédent. Car 1/1 000 000
ème de gramme de plutonium inhalé suffit à
provoquer un cancer et 8 kilos sont suffisant pour faire une bombe
atomique de type Nagasaki.]
Passage à l'échelle industrielle en 2040
Les réacteurs français actuels seront remplacés d'ici à 2015 par des EPR, dont le prototype est actuellement en construction à Flamanville, dans la Manche. C'est à cette date que la construction d'un prototype de réacteurs de génération IV devra démarrer, pour passer à l'échelle industrielle en 2040.
Dans le cadre du Forum international génération IV (GIF), auquel participent douze pays et l'UE, six concepts prometteurs sont actuellement à l'étude. La France s'est focalisée sur une technologie qu'elle a déjà utilisée dans Phénix et Superphénix [qui n'ont jamais fonctionné correctement] : la filière des surgénérateurs à neutrons rapides, qui se subdivise en réacteurs à caloporteur sodium et caloporteur gaz. Sur ce point, les choix du CEA semblent se préciser. « D'ores et déjà, le réacteur à neutrons rapides refroidis au sodium (SFR) semble le plus compatible avec l'échéance de 2040, lance Philippe Pradel [le sodium liquide explose au contact de 1'eau et prend feu au contact de l'air], directeur de l'énergie nucléaire au CEA. Mais on ne peut pas non plus écarter la filière des réacteurs à neutrons rapides refroidis au gaz, plus prometteuse mais à la fois plus compliquée et plus longue à mettre au point. »
Aucun réacteur de ce dernier type n'a jamais été construit au monde. Or « le respect des délais pour 2020 est très tendu », souligne Alain Bugat, administrateur général du CEA. A priori, un prototype de SFR devrait être construit en France, tandis que le CEA serait partenaire d'un autre prototype construit ailleurs en Europe. Le principal inconvénient de cette filière provient du sodium, liquide, qui s'enflamme au contact de l'air et de l'eau.