Attention, il n'y a pas que les réacteurs nucléaires d'EDF qui peuvent être redoutables. Les centres d'études nucléaires (des centres dits scientifiques) peuvent être menaçants.
En France, il y a deux réacteurs nucléaires de recherche technologique. L'un, Siloé, est situé sur le site CEA de Grenoble, l'autre, Osiris, est à Saclay en région parisienne.
Réacteur
Siloé, vue du coeur depuis la passerelle.
Tout d'abord quelques précisions. Siloé, d'après
le Petit Robert, est une piscine de Jérusalem où
se baigne l'aveugle-né guéri par Jésus, (Jean
IX,7) ". Pourquoi ce réacteur nucléaire a été
baptisé ainsi n'est pas expliqué dans la littérature
du CEA. Quant à Osiris, on trouve dans le Petit Robert
" Dieu égyptien anthropomorphe représenté
sous l'aspect d'une momie tenant d'une main le sceptre, de l'autre,
le fouet ". Tout un programme ! Dans la publication du CEA
" Les défis du CEA " (63, déc. 97/janv.98),
on a quelques informations intéressantes sur ce problème
des réacteurs de recherche technologique. Le CEA faisant
le bilan de ses activités se rend compte que deux réacteurs
c'est beaucoup trop pour ce qui reste des recherches nucléaires.
Un seul réacteur devrait suffire. Lequel sacrifier ? Celui
qui guérissait grâce à Jésus ou le
dieu égyptien tenant le sceptre et le fouet ? C'est finalement
le sceptre et le fouet qui ont été retenus. Les
critères mythologiques ne sont pas déterminants
mais leur sens symbolique est très significatif. Il y a
d'autres critères plus décisifs dans notre société
économique.
Réacteur Osiris, vue du coeur depuis la passerelle.
Dans l'article " Réacteurs à la loupe " de la revue déjà citée on a la réponse grâce au texte titré " Siloé passe le relais ". La motivation du CEA sur le choix de mettre au rancart l'un des deux réacteurs, est claire. L'article précise : " Dans la décision d'arrêter Siloé c'est le raisonnement économique qui a primé, estime Frédéric Tournebize, chef du service du réacteur Siloé (...) Osiris et Siloé n'avaient plus les plans de charge justifiant leur double exploitation. Restait à choisir lequel des deux resterait en lice. Osiris plus éloigné d'un site urbain s'est imposé (souligné par nous) ". Ainsi dans l'optimisation d'un site de recherche la non proximité d'une zone urbaine est prépondérante. Mais en quoi cela concerne-t-il le site si ce n'est la possibilité d'un accident nucléaire grave. Un site accidenté en zone urbaine causerait des problèmes sociaux beaucoup plus pénalisants que le même accident dans une zone rurale. Ainsi, Osiris à Saclay continuera à fonctionner car en cas d'accident les bourgades du voisinage, Saint Aubin, Orsay, Saclay, Gif-sur-Yvette, etc. poseraient moins de problèmes que Grenoble. A propos de l'accident de Tokai-mura on nous a dit que quelques personnes ont été bien irradiées sur le terrain de golf jouxtant le site nucléaire. Signalons qu'il y a un terrain de golf à la clôture de Saclay !
Roger Belbéoch, 6 octobre 1999.
EL1 à
Fontenay-aux-Roses (l'ancêtre des piles atomiques françaises,
le nom de "pile atomique" donné aux premiers
réacteurs nucléaires, provenant du fait qu'ils étaient
constitués par un empilement de barreaux de matière
combustible d'uranium au sein du modérateur.), ou ZOE, selon les initiales de Zéro, Oxyde
d'uranium, Eau lourde. « Zéro » fait
allusion au fait que ZOE était à l'origine « un
réacteur de puissance nulle », c'est-à-dire
ne produisant pas une énergie directement utilisable, sa
puissance étant trop basse, ce fut Lew Kowarski, collaborateur
de Joliot Curie, qui la baptisa ainsi. Entrée en divergence
en 1948, cette pile n'est plus de puissance nulle depuis que l'oxyde
d'uranium a été remplacé par de l'uranium
métallique et elle a été rebaptisée
EL1.
Le plutonium a été
dès l'origine une préoccupation majeure du C.E.A.. Le 15 décembre 1948 le premier
réacteur atomique français («Zoé»)
divergeait. Il contribua au programme nucléaire français
en fournissant du combustible irradié d'où fut extrait
en septembre 1949 le premier plutonium français (quelques
milligrammes) dans l'usine du Bouchet où une cellule avait été spécialement
construite à cet effet. Rapidement après le succès
de Zoé, la décision fut prise par l'état-major
du C.E.A. de construire à Marcoule le réacteur G-1
de 2 MW pour la production de plutonium à raison de 1 gramme
par jour. On ne trouve, à cette époque, aucune justification
de ce programme plutonium pour une activité civile du C.E.A..
Personne en France ne s'étonna alors de cet intérêt
pour le plutonium. Il est bien évident que c'était
la bombe qui était l'objectif prioritaire du C.E.A..
EL2 (2,8 MWth maximum), 1952, recherche et production
des radioéléments, EL2 a fourni un peu moins de 300 g de plutonium
pour la divergence de Prosperine. (Voir l'article de promo dans Science & Vie
n°430, de juillet 1957)
Le réacteur de Dimona en Israël dans le Neguev et est une extrapolation
à l'échelle 10 d'EL2.
Aquilon réacteur à Uranium naturel entré en divergence à Saclay en 1956.
EL3 (jusqu'à 18 MW thermique), un réacteur de recherche et d'essai entré en divergence à Saclay en 1957 (voir photo de la salle de commande). Fille de la légendaire ZOE c'est la troisième pile française modérée à l'eau lourde.
PROSPERINE (0,001 kW thermique), en 1958 première pile au plutonium du CEA pour l'étude des masses critiques de solution de plutonium puis de l'uranium 235.
MELUSINE (1 MW thermique, portée à 8 MW thermique en 1971), le premier réacteur piscine de France, entrée en divergence en 1958 à Grenoble pour la recherche fondamentale et technologique, et la radiographie.
MINERVE (0,0001 MWth), pile à Fontenay-aux-Roses destinée à l'analyse de pureté des matériaux est entrée en divergence en 1959.
Rubéole réacteur UO2 enrichi entré en divergence à Saclay en 1959.
TRITON (6,5 MWth), une pile piscine également installé Fontenay-aux-Roses, est consacré à l'étude de protection, entrée en divergence en 1959.
CESAR (0,01 MWth), assemblage critique à Cadarache entré en divergence en 1960.
MARIUS (0,0004 MWth), assemblage critique mis en service à Marcoule en 1960, puis à Cadarache en 1964.
PEGGY (0,001 MWth), 1961 à Cadarache, c'est la maquette critique de PEGASE.
ULYSSE (10 mW), réacteur d'enseignement il permet d'initier les étudiants et de perfectionner les exploitants à la neutronique, à l'instrumentation et au pilotage. Il a divergé en 1961 à Saclay.
La pile AZUR (Alliage Zirconium Uranium) diverge le 9 avril 1962, cette pile a expérimenté tous les coeurs des réacteurs destinés à la propulsion nucléaire: prototype à terre, sous-marins, porte-avions Charles de Gaulle.
CABRI (42 MWth), réacteur de recherche et d'essais à Cadarache et entré en divergence en 1963, il est destiné à étudier les « excursions de puissance », c'est-à-dire les augmentations très rapides de la puissance au-dessus du niveau normal de fonctionnement, en quelque sorte les « sauts de cabri » de la pile, d'où son appellation singulière (voir schéma).
SILOE (35
MWth), pile piscine de recherche à Grenoble et entrée
en divergence en 1963.
Fusion d'un élément
du combustible du réacteur de recherches Siloé (coeur
en uranium enrichi à 90 % placé dans une "piscine"
d'eau ordinaire), le 7 novembre 1967. Dégagement de 55
000 curies dans l'eau de la piscine et de 2 000 curies dans l'atmosphère.
PEGASE (35 MWth), réacteur de recherche et d'essais, divergence à Cadarache en 1963, c'est une pile où s'effectuent des essais de combustibles pour les piles refroidies au gaz. [Le bassin du réacteur Pégase a été convertis en 1980 pour le stockage de 2.703 conteneurs refermant 64 kg de plutonium.]
PAT, est le prototype à terre de réacteur pour sous-marins, qui a servi à l'étude du réacteur du Redoutable, son nom dérive des initiales de Prototype A Terre, cette pile est entrée en divergence à Cadarache en 1964.
SILOETTE (100 kW thermique), maquette critique à Grenoble depuis 1964 pour la formation du personnel d'EDF principalement, c'est en quelque sorte le diminutif de SILOE.
HARMONIE (0,001 MWth), entrée en divergence à Cadarache en 1965 se distingue de l'ensemble des réacteurs de recherche et d'essais en ce que c'est un réacteur source pour expériences neutroniques, c'est-à-dire conçu spécialement pour fournir un flux stable de neutrons. Réalisée dans le cadre de l'association entre l'EURATOM et le CEA.
OSIRIS
(70 MWth), réacteur de recherche et d'essais, divergence
à Saclay en 1966.
Lire à propos des
implications possibles sur le plan de la prolifération des armements nucléaires: Le dossier Osirak (réacteur qui est une copie d'Osiris).
ISIS (réacteur d'irradiations technologiques) implanté à Saclay, au voisinage du réacteur OSIRIS dont il est la maquette neutronique, le réacteur ISIS est utilisé pour effectuer les essais des nouvelles configurations de coeur, etc.
MASURCA, 1966, maquette de surgénérateur à Cadarache (dont le nom signifie: MAquette SURgénératrice de CAdarache), utilise un combustible à 54% de plutonium dans un coeur de type SuperPhénix.
RAPSODIE
(20 puis 40 MWth), un prototype d'étude entrée en
divergence à Cadarache en 1967. C'est la première
pile française surgénératrice
à neutrons rapides et refroidie au sodium, son nom
ayant été composé comme suit: RAP, comme
rapides, et SODIE, comme Sodium.
Voir la présentation de cette première pile française au plutonium
dans Science & Vie n°595 d'avril 1967 (en PDF).
Lors de son démantèlement
en avril 1994, une centaine de kilos de sodium provoquent une
explosion qui soufflent une dalle de béton de 300 m2 et
tuent
le principal expert français des feux de sodium.
RUS (0,1 MWth) en 1967 à Strasbourg. Le réacteur universitaire de Strasbourg (Université Louis Pasteur) principalement utilisé pour la réalisation d'irradiations expérimentales et la production de radio-isotopes à vie courte.
PROSPERO est en exploitation depuis 1968 sur le centre CEA de Valduc.
EOLE, à eau lourde. Le réacteur ÉOLE est structure d'accueil pour des coeurs expérimentaux de réacteurs à eau légère.
CALIBAN (réacteur d'irradiations technologiques) est en exploitation depuis 1970 sur le centre CEA de Valduc.
PHEBUS
(40 MWth) démarré en 1972, réacteurs dédiés
à l'étude des situations accidentelles en France,
situés à Cadarache.
Lire: "Rejet
gazeux" lors de la préparation d'un essai sur le réacteur
Phébus, car
même dans une installation prévue pour étudier
et apprendre à "maîtriser" les accidents
il y a des fuites !
RHF Réacteur à Haut Flux (puissance 57 MWth)
de l'Institut Laue-Langevin démarré en 1972 à
Grenoble.
Fuite de 2 500 curies d'antimoine-124
radioactif le 19 juillet 1974, dans la piscine du réacteur
à haut flux (coeur en uranium très enrichi). En
raison de déversements trop importants d'effluents radioactifs
dans des égouts insuffisamment étanches, il y a
contamination de la nappe phréatique. En certains endroits
on y mesure neuf fois la concentration maximale admissible. Le
SCPRI (Service central de protection contre les rayonnements ionisants)
ne prévient pas la population grenobloise. [Lire: Grenoble
1974: première fuite en ville (Pdf 1,6 Mo) Laurent Broomhead.]
SILENE est en exploitation depuis 1974 sur le Centre CEA de VALDUC. Le réacteur a été conçu pour répondre aux besoins liés aux études d'accidents de criticité en milieu liquide.
Schéma
extrait de "La génèse de la propulsion nucléaire
en France".
CAP (Chaudière Avancée
Prototype), réacteur prototype de propulsion navale en
1978 à Cadarache.