1. Informations techniques
2. Description
de l'accident
3. Analyse
4. Aspects radiologiques
de l'accident
5. Problèmes
liés au plan de secours
6. Impact biologique
7. Petite revue de presse
Encarts et annexes
EDITORIAL
Le 28 mars 1979, à 8 heures du matin à la centrale
de Three Mile Island, s'est produit un événement
dont les conséquences sont loin d'être connues. Ce
jour-là, en effet, est arrivé un accident dans une
installation nucléaire civile, accident non prévu
dans la liste des accidents «enveloppes» «étudiés?»
par les autorités de sûreté et dérivant
de l'enchaînement, estimé très improbable,
d'une défaillance de matériel, d'une faute de maintenance
non prévue à la conception, de deux erreurs de conception
(au moins) et de la non-validité de la «procédure
de conduite » fournie aux opérateurs.
D'une
certaine façon tout le monde savait que ceci arriverait
un jour, très exactement le jour où un grand nombre
de réacteurs nucléaires seraient en service, et
chacun savait qu'alors une page serait tournée.
En schématisant, on peut dire
que cet événement peut avoir, selon la façon
dont le recevra l'opinion publique, deux conséquences:
soit la remise en cause de l'utilisation pacifique (?) de l'énergie
dc fission, soit au contraire son acceptation quasi définitive
par la société. En effet, d'un côté,
on avance que toute entreprise industrielle a sa part de risques
et que, en comparaison l'industrie nucléaire a fait la
preuve de son haut degré de sécurité, de
l'autre on constate que divers principes de sûreté ont finalement
été mis en échec: rupture ou contournement
des trois barrières, à cause du principe de défaillance
unique adopté pour définir les scénarins
d'accidents enveloppes, impossibilité de prendre en compte
les différentes possibilités pour définir
a priori une séquence accidentelle, etc.
Nous n'entrons pas ici dans le débat
«Pour ou Contre l'énergie nucléaire».
Le débat n'est pas entre le mal ou le bien, chacun des
termes recouvrant l'une ou l'autre opinion. La question qui est
de fait posée par l'accident d'Harrisburg est plutôt
quels risques écologiques, économiques, sociologiques,
politiques, nous font courir les différentes sources d'énergie.
C'est une interrogation plus profonde sur l'avenir, sur ce qui
est acceptable par chaque société et ce qui ne l'est
pas. C'est d'abord la question du pouvoir: qui impose le choix,
qui décide de ce qui est acceptable ? au nom de qui ? Et
cela commence dès la question de la nécessité
et de la possibilité, de l'information du plus grand nombre.
Aux Etats-Unis, les informations se succèdent,
très rapidement, des mesures sont envisagées pour
les autres centrales du même type ou de type similaire,
la NRC, les constructeurs, exploitants, engagent des études
remettant en cause la conception actuelle de la sûreté
des centrales nucléaires.
En France, la satisfaction de soi, la béatitude ou l'indifférence
semblent régner au niveau des instances dirigeantes. On
confirme l'engagement accéléré de tranches
supplémentaires (celles que l'Iran avait commandées
puis annulées)!
Reconnaissons que la situation française
est assez particulière. Notre pays a engagé un pari
tellement important pour son avenir que les autorités semblent
déjà condamnées à la fuite en avant
sous peine de catastrophe économique à court terme.
Regardons de plus près: le programme français est
basé sur une seule technique avec un seul constructeur,
et prévoit la mise en service d'une tranche nucléaire
tous les deux mois dans les années à venir. On ne
construit plus que ce type d'installation pour la fourniture de
l'électricité. Actuellement, une trentaine de tranches
sont engagées. Et s'il faut tout arrêter pour réviser,
modifier, maintenant ou dans quelques années parce que
telle défaillance, tel accident est beaucoup plus probable
que prévu ? On voit ce qu'il peut en être avec la
situation des D.C. 10... Alors, c'est le pari, la tête dans
le sable. Vis-à-vis de l'exportation, si nous voulons nous
ouvrir d'autres marchés que l'Afrique, il faut montrer
que chez nous il n'y a pas de problèmes, que les «
Américains » sont des ânes, que notre technique
est au point ! Plus le temps passe, plus le système tend
à devenir irréversible. Il faudra accepter le nucléaire
et les risques quels qu'ils soient. L'avenir ne serait d'ores
et déjà plus à choisir mais à subir
Bien entendu, il est bien clair pour
les décideurs, que l'opinion publique est manipulée
par les mass média au nom du sensationnel et que la question
est trop importante, trop fondamentale pour que l'on puisse admettre
que «les gens »décident. Le nucléaire,
c'est trop compliqué ! Libéralisme avancé
et marche vers le socialisme, inflation, politique internationale,
mécanismes économiques, tout ceci est bien sûr
très simple donc on peut le laisser au jugement de chacun,
mais le nucléaire, jamais ! Au nom de la technique et de
la rationalité ! Qu'est-ce donc que le nucléaire,
sinon une technique, de mêrne que tout le reste. Il est
encore temps que les Français soient informés des
risques qui sont pris en leur nom. Il faudrait enfin que soient
connus les termes de l'incroyable pari économique engagé
et peut-être déjà perdu. Allons, messieurs,
mesdames, les décideurs du gouvernement, d'EDF, des grands
corps et des grandes administrations, il est plus que temps que
vous demandîez aux Français ce qu'ils pensent de
tous vos calculs ! Si vos dossiers (existent-ils d'ailleurs ?)
sont si bons que vous le dîtes, qu'avez-vous à perdre,
rien qu'un peu de temps? Alors?
AVANT-PROPOS
Une fois encore, certains de nos lecteurs vont trouver que la Gazette est vraiment difficile à lire et trop technique !... Mais pour ce numéro, particulièrement, il est important, très important même de s'appuyer sur des bases techniques sérieuses et précises. Et que surtout cet avant-propos ne rebute pas certains ; en fait, ce numéro se lit comme un roman... noir.
Avant de décrire l'accident tel qu'il
ressort actuellement des informations à notre disposition,
il nous faut faire un bref rappel technique qui sera d'ailleurs
aidé par un schéma (voir ci-dessous)
Le
réacteur de Three Mile Island 2 est du type PWR, c'est-à-dire
qu'il comprend un circuit primaire dans lequel un pressuriseur
maintient une pression telle (150 bars) que l'eau ne bout pas
à la température de fonctionnement (320° C).
Le modérateur et le caloporteur étant constitués
par cette eau du circuit primaire, il est nécessaire d'enrichir
légèrement l'uranium naturel: on passe de 0,7 %
en U 235 à 2,6 % dans le cas de la centrale qui nous intéresse.
Le circuit prnnaire comprend ainsi le réacteur (1),
quatre pompes primaires (2) qui ont pour but de faire circuler
l'eau, deux échangeurs de chaleur (3) et un pressuriseur
(4). Tout ce premier circuit peut être contaminé
par suite des fuites des gaines des combustibles tolérées
dans ce type de centrale à eau légère (environ
1 % de gaines fissurées), aussi est-il à l'intérieur
d'un bâtiment en béton appelé enceinte de
confmement et séparé de l'eau secondaire qui traverse
la turbine par la paroi des tubes des générateurs
de vapeur.
L'accident grave est toujours dû
au fait que, pour des raisons diverses, le coeur du réacteur
n'est plus suffisamment refroidi; cela provient soit d'un mauvais
refroidissement par le circuit secondaire, soit d'une défaillance
propre au circuit primaire, soit des deux en cascade. Aussi sont
prévues des injections de sécurité dans le
circuit primaire: à haute pression, s'il s'agit de brèches
de faible importance, à basse pression et fort débit,
s'il s'agit de la rupture franche d'une tuyauterie primaire. De
plus une aspersion extérieure au circuit est installée
dans l'enceinte contenant le réacteur. Enfin, un circuit
auxiliaire permet de refroidir le réacteur à l'arrêt
(RRA).
Sur ces différents circuits, il y a bien sûr des
vannes et des soupapes. Ces dernières, en particulier,
ne sont pas sans poser des problèmes car elles sont surtout
prévues pour s'ouvrir.
Certaines soupapes de sécurité
installées sur le circuit primaire n'expédient pas
leur vapeur ou leur eau, dans l'atmosphère mais dans des
volumes de stockage: il s'agit en effet d'une eau très
contaminée.
Le circuit secondaire qui fait tourner
la turbine et l'altérateur comprend:
- les générateurs de vapeur (3) qui récupèrent
la chaleur du circuit primaire et produisent la vapeur du circuit
secondaire
- les turbines (5) dans lesquelles cette vapeur se détend
et fournit l'énergie mécanique qui entraîne
l'altérateur
- le condenseur (6) où la vapeur se condense au
contact de la source froide du circuit: autre circuit (tertiaire
en somme) qui à Three Mile Island cédait sa chaleur
à l'atmosphère grâce à des aéro-réfrigerants;
- des turbo-pompes alimentaires (7) qui renvoient l'eau
après réchauffage aux générateurs
de vapeur.
Sur ce circuit existent aussi des sécurités
et en particulier un système auxiliaire permet d'envoyer
de l'eau dans les générateurs de vapeur (côté
secondaire) en cas de défaillance de l'alimentation normale.
Au moment de l'accident, le réacteur
no1 était à l'arrêt pour rechargement
du combustible et le réacteur no 2 (accidenté)
était, lui, à 97 % de sa puissance nominale.
2. Description de l'accident
Description de l'accident lors des 16 premières
heures, le 28 mars
Lors d'une réunion
publique le 4 avril, les ingénieurs de la NRC ont présenté
à leurs directeurs, le scénario de l'accident tel
qu'il découlait du dépouillement des enregistrements
de la centrale [1]. Seuls les enregistrements correspondant
aux 16 premières heures avaient été dépouillés.
En prenant comme origine des temps l'instant
où débute l'accident (4 heures du matin, heure locale),
le 28 mars, le scénario est le suivant
Temps:
- O:
. Perte pour une raison non encore établie de l'alimentation
normale des générateurs de vapeur. Ceci entraine
l'arrêt automatique de la turbine.
- 3 à 6s:
. Ouverture de l'électrovanne de décharge du pressuriseur
sur signal de pression primaire élevée (153 bar)
[2].
- de 9 à l2s:
. Arrêt d'urgence du réacteur au signal pression
primaire élevée (161 bar).
- de 12 à 15s:
. La pression primaire descend à 152 bar, puis à
148 bar. La température de la branche chaude à la
sortie du coeur atteint 320o C. La vanne de décharge
du pressuriseur aurait dû se refermer à 155 bar,
or elle ne se referme pas.
- 30s:
. Les trois pompes d'alimentation de secours des générateurs
de vapeur marchent à pleine pression. Leur débit
est nul: les vannes en aval sont fermées, ce qui est
en contradiction flagrante avec les spécifications techniques.
- 60s.
. Le niveau pressuriseur monte rapidement - Niveau « bas
» des générateurs de vapeur A et B.
- 2 mn:
. Démarrage automatique de l'injection de sécurité
haute pression sur signal basse pression primaire, 110 bar.
- de 4 à 11 mn:
. Le niveau pressuriseur sort de sa gamme de lecture. Successivement
à 4,5 mn et 10,5 mn, l'opérateur arrête les
deux pompes d'injection de sécurité.
. A 6 mn, ébullition en masse (« steam flashing»)
dans le coeur. Pression primaire: 93 bar; température sortie
du coeur :308o.
. A 7,5 mn, les pompes des puisards d'enceinte se mettent automatiquement
en servioe.
. A 8 mn, l'opérateur ouvre les vannes d'alimentation
de secours des générateurs de vapeur.
. A 8 mn 18 s, la pression est minimum dans le générateur
de vapeur B.
. A 8 mn 21 s, la pression (côté secondaire) dans
le générateur de vapeur A remonte.
- de 11 à 12mn:
. Le niveau pressuriseur est de nouveau lisible -
. Remise en route manuelle des pompes d'injection de sécurité
haute pression
- 15mn.
. Rupture des membranes d'éclatement du ballon de décharge
du pressuriseur àenviron 13,5 bar.
- de 20 à 60mn:
. Les pression et température du circuit primaire restent
stables; pression primaire: 72 bar ; température du coeur:
287o C (conditions d'ébullition).
-1h 15:
. L'opérateur arrête les deux pompes primaires de
la boucle B.
«A ce stade des dégradations s'étaient
certainement déjà produites sur le combustible,
mais le plus grave était à venir»(citation
NRC).
- 1 h 40:
. L'opérateur arrête les deux pompes primaires de
la boucle A.
- 1 h45 à 2 h
. Le coeur commence à s'échauffer fortement.
. La température de sortie du coeur dépasse 327o
et sort de la gamme de lecture pendant 14 mn.
. La température d'entrée du coeur décroit
à 65o.
- de2h15 à 3h:
. La pression primaire passe de 48 à 148 bar.
. A 2 h 20, isolement du générateur de vapeur B.
Décharge à l'atmosphère de la vapeur secondaire
par les soupapes de décharge commandées.
. A 3 h, ouverture de la vanne de décharge du pressuriseur
(action manuelle).
. A 3 h, détection de radioactivité dans le réseau
de drains des puisards d'enceinte.
-3h15:
. Pic de pression : 34 bar dans le ballon de décharge du
pressuriseur.
- 3h50:
. Nouveau pic de pression : 0,76 bar dans le ballon de décharge
de pressuriseur.
. La pression primaire serait de 120 bar. La pression dans l'enceinte
atteint 0,31 bar.
. Isolement automatique de l'enceinte à une pression de
0,3 bar (suppression).
- 5 à 6h:
. La pression primaire passe de 85 bar à 145 bar.
- 7h30:
. Ouverture de la vanne de décharge du pressuriseur pour
réduire la pression primaire.
Nota : De nombreuses manoeuvres ont été effectuées
sur la vanne de décharge. Elle semble donc être restée,
dans une certaine mesure, manoeuvrable pendant l'accident.
- de 8h à 9h:
. La pression primaire décroît à 35 bar.
. Les températures mesurées par les thermocouples
du coeur (52 mesures) donnent des valeurs très diverses.
Les thermocouples sortent de leur ganrine de lecture 325 à
370o C. Une ébullition dans une partie du coeur
est certaine.
. Les accumulateurs se sont en partie déversés dans
la cuve (pression de charge des accumulateurs: 41 bar).
-10h:
. Pic de pression de 1,9 bar dans l'enceinte (probablement explosion
d'hydrogène).
. Démarrage de l'aspersion d'enceinte qui est arrêtée
(manuellement ?) après avoir injecté 20 m3
d'eau sodée dans l'enceinte.
- 13h30:
. Fermeture de la vanne de décharge du pressuriseur pour
augmenter la pression primaire afm de:
--réduire les dimensions d'une bulle d'incondensables et/ou
de vapeur,
-- permettre le démarrage des pompes primaires.
. Mise en route des pompes primaires de la boucle A.
. A ce moment, la forte différence de température
entre l'entrée et la sortie du coeur (branches froide et
chaude) indique un débit quasiment nul dans le coeur.
-13h30 à 16h:
. La pression primaire augmente de 44,8 bar à 158 bar.
-16h:
. La température de sortie du coeur décroit à
293o C.
. La température d'entrée du coeur re-monte à
204o C.
. Le générateur de vapeur A fonctionne et évacue
sa vapeur vers le condenseur où le vide a été
rétabli.
16 heures après l'accident,
l'installation se trouve dans l'état général
suivant:
- très forte dégradation du combustible:
les ingénieurs de la NRC estiment qu'environ 10 à
25 % des crayons de combustible ont été rompus.
Le refroidissement des crayons de la zone centrale du coeur est
gêné par leurs déformations. Cependant, les
mesures faites ultérieurement sur l'activité de
l'eau primaire montrent une faible concentration en produits de
fission solide, ce qui indique qu'il n'y a pas eu de fusion
notable du combustible.
- Présence d'une bulle d'incondensables au sommet du
coeur. La présence et les dimensions de cette bulle
ont pu être estimées en corrélant les variations
de pression du circuit primaire, les températures des branches
chaudes et froides, les températures du coeur et le niveau
du pressuriseur.
Cette bulle est essentiellement composée d'hydrogène
provenant d'une réaction zircaloy-eau qui a pu se produire
lors des phases d'assèchement du coeur au cours desquelles
la température des gaines aurait atteint un niveau rendant
possible cette réaction (on nous a même cité
la valeur de 1920o C).
- Ebullition locale dans le coeur indiquée par les thermocouples
du coeur.
- Présence dans l'enceinte d'une eau fortement contaminée
dont l'activité était de 800'000 Ci/m3.
- Contamination du bâtiment
des auxiliaires nucléaires à la suite du déversement
d'environ 40 m3 d'eau contaminée puisée
dans l'enceinte par les pompes d'exhaust [3]. Ce déversement
est dû au débordement des réservoirs du traitement
des effluents liquides.
- Le refroidissement du coeur est assuré par circulation
de l'eau primaire (utilisation d'une pompe primaire) dans la boucle
A et évacuation de la chaleur par le générateur
de vapeur A. Ce mode nécessite le fonctionnement du système
d'eau d'appoint et notamment un débit de décharge
d'eau primaire fortement contaminée d'environ 80 1/mn en
direction des circuits du systèrne de contrôle volumétrique
et volumique (RCV).
- Rappelons que la pression primaire est de l'ordre de 138 bar,
la température de branche chaude de 293oC ;
les thermocouples du coeur indiquent la présence de zones
d'ébullition dans le coeur.
Nous n'avons pas pu
recueillir de renseignements précis concernant l'évolution
exacte des paramètres de la centrale au-delà des
seize premières heures. Cependant, les principales actions
de l'exploitant, agissant sous le contrôle des ingénieurs
de la NRC et avec le concours d'ingénieurs de Babcock et
Wilcox, ont eu pour buts :
a) En ce qui conoerne le refroidissement du coeur, de réduire
les phénomènes d'ébullition dans le coeur
tout en réduisant progressivement la pression primaire.
Le passage en arrêt froid du circuit
primaire et son refroidisisement par le circuit de refroidissement
à l'arrêt étaient rendus très délicats
pour différentes raisons:
. présence d'une bulle d'incondensables au-dessus du coeur:
la réduction de pression qu'aurait nécessité
le passage sur le circuit de refroidissement à l'arrêt
aurait pu entraîner une augmentation de la taille de la
bulle et donc un dénoyage partiel du coeur et des risques
de cavitation des pompes (d'où arrêt possible de
la circulation du fluide primaire).
. les pompes et échangeurs du circuit de refroidissement
à l'arrêt sont situés dans le bâtiment
des auxiliaires nucléaires et non à l'intérieur
de l'enceinte de confmement, d'où risque de rejets radioactifs
à l'extérieur (fuites possibles sur ce circuit).
. la déformation du combustible pouvait faire craindre,
à pression faible, un mauvais refroidissement des assemblages.
b) En ce qui concerne l'enceinte, de réduire la
teneur en hydrogène par mise en service de recombineurs.
Cette utilisation des recombineurs a nécessité la
mise en oeuvre d'environ 400 t de plomb en briquettes pour limiter
les doses pour le personnel. Ce plomb, non disponible sur le site,
a été collecté en deux jours chez des industriels.
Certaines quantités ont même été transportées
par avion.
Les recombineurs ont été
mis en ser-vice, le 3 avril, sur le mode suivant un en service
traitant environ 1,7 m3 /mn, l'autre en attente.
Nota:
1) La teneur en hydrogène dans l'enceinte avait atteint
2,2 % juste avant la mise en service du recombineur, alors que
le 31 mars au matin, la concentration maximale était de
1,7 %
2) Les experts de la NRC considèrent qu'il faudra environ
11 jours pour réduire à 1 % la concentration en
hydrogène.
c) En ce qui concerne les rejets, de réduire les
rejets extérieurs (gaz rares) en renvoyant les produits
de dégazage des réservoirs d'effluents primaires
à l'intérieur de l'enceinte, par l'intermédiaire
d'une ligne provisoire.
Au 4 avril, les mesures
dans le coeur n'indiquaient plus aucune trace d'ébullition
dans ce dernier.
. Température maximale
dans le coeur (248o C) [4] (seuls 3 thermocouples
indi-quent plus de 205o C).
. Pression primaire : (69 bar). Températures moyennes entrée
et sortie du coeur :138o C.
La puissance résiduelle du coeur était de l'ordre
de 5 MW. Les estimations conduisaient à penser que la bulle
d'incondensables avait fortement décru. Aucune indication
chiffrée de son volume ne nous a été communiquée
alors que, le 3 avril, il était question d'environ 1,4
m3 et que, précédemment, les estimations
les plus pessimistes avaient indiqué environ 25 m3
à60 bar.
L'exploitant envisageait
de passer en circulation naturelle, tout en remplissant complètement
d'eau le pressuriseur. Une telle opération permettrait
de s'affranchir des problèmes suivants:
. disponibilité des pompes primaires celles-ci ont certainement
souffert au cours de l'accident et leur fonctionnement permanent
peut être aléatoire, . disponibilité des sources
électriques externes: une perte du réseau entraînerait
l'arrêt des pompes qui ne sont pas secourues,
. disponibilité des mesures de niveau du pressuriseur :
signalons qu'un des trois capteurs de niveau est tombé
en panne le 3 avril.
Cependant, le passage en circulation
naturelle supposait que l'on puisse garantir l'établissement
du thermosiphon. Les études des ingénieurs de Babcock
et Wilcox étaient orientées dans ce but et il était
même envisagé d'effectuer un essai d'établissement
du thermosiphon sur un réacteur du même type.
Le passage au refroidissement par le
système de refroidissement à l'arrêt n'était
pas encore envisagé à court terme, en raison surtout,
des problèmes de re-jets radioactifs et de contamination
que pourraient poser des fuites sur ce cir-cuit, situé
hors de l'enceinte, et qui au-rait eu à véhiculer
un fluide particuliè-rement actif.
Lors de la réunion
du 4 avril, la NRC a indiqué en conclusion de son exposé
que l'accident était du aux six causes suivantes:
1. Le non-fonctionnement du système d'alimentation
de secours des générateurs de vapeur (ASG), lié
à la position fermée des vannes d'isolement de ce
systèrne en violation des spécifications techniques.
Ces vannes avaient certainement été fermées
pour permettre des opérations de maintenance ou de test
sur ce circuit, deux semaines auparavant.
2. La non-fermeture complète de la vanne de décharge
du pressuriseur après chute de la pression primaire.
3. Les indications inexploitables données par le
niveau d'eau du pressuriseur.
4. Il n'était pas prévu que l'isolement de
l'enceinte s'effectue automatiquement par la mise
en route de l'injection de sécurité sur le réacteur
de Three Mile Island. Cependant, la mise en service de cet isolement
aurait arrêté les pompes d'exhaure et, ainsi, évité
le débordement des réservoirs d'effluents primaires
et, partant, aurait fortement limité les rejets extérieurs.
5. L'opérateur a arrêté prématurément
l'injection de secours.
6. L'arrêt des pompes primaires a largement contribué
à aggraver les dégats sur le combustible.
Notes:
1. Nous remercions tout spécialement MM Cayol et
Roche de excellente traduction (Rapport de la mission effectué
aux USA, 1er au 6 avril 1979). M. Roche, service central de sûreté
des installations nucléaires. M Cayol, C.E. A.
2. 1 bar égale à peu près 1 kg par
centimètre carré.
3. Terme technique de mine ou carrière: épuisement
des eaux d'infiltration.
4. La température de saturation de l'eau à
69 bar est de 285o C.
3. Analyse
Beaucoup de points restent à approfondir et l'analyse que font certains (NRC, puis constructeurs, gouvernement français...) en appuyant sur les «erreurs humaines» nous paraît largement prématurée. Actuellement nous considérons qu'il y a eu:
- une défaillance de matériel non-fermeture de la soupape de décharge du pressuriseur
- deux interventions discutables des opérateurs (arrêt de l'injection de secours et des pompes primaires) explicables par l'inadaptation de la «procédure de conduite», «mode d'emploi » à la disposition des opérateurs pour les configurations de fonctionnement accidentelles
- une faute flagrante (vannes en position fermée) mais faute de maintenance... et d'inadaptation de la salle de commande
- deux défauts de conception au moins: mauvaise signalisation de l'état du circuit primaire, transfert de l'eau radioactive hors de l'enceinte.
Mais il serait utile
également d'étudier les facteurs favorables qui
ont limité la gravité de l'accident: combustible
neuf (circonstance qui a aidé à revenir à
une température correcte au bout de 24 h environ), explosion
hydrogène limitée, calme des opérateurs,
etc.
Reprenons point par point les
diverses défaillances en comparaison avec ce qui pourrait
se passer en France, au vu des informations qui ont pu nous parvenir:
Extrait de l'article: "Les 14 failles des centrales atomiques" (Science & Vie n°742, juillet
1979, en PDF).
"Deux mois exactement avant que ne survienne l'accident de
Three Mile Island, la Commission de Réglementation Nucléaire
américaine, la NRC, remettait au Congrès des Etats-Unis
un rapport d'une centaine de pages. Son titre: « Identification
des problèmes de sécurité non résolus
dans les centrales nucléaires ». Son but: définir
avec précision les défauts de construction, de fonctionnement,
d'organisation des centrales, qui présentent, encore aujourd'hui,
un risque potentiel important pour la population. Depuis décembre
1977, la loi américaine fait obligation à la Commission
de Réglementation Nucléaire, de cataloguer toutes
les imperfections des centrales, de mettre sur pied un plan pour
y remédier, et d'en faire part au Congrès. Il en
a résulté une longue liste de 133 « tares »,
plus ou moins graves, qu'il est indispensable de corriger. Parmi
elles, 17 ont été jugées prioritaires, justement
parce qu'elle représentaient une menace réelle pour
les populations. Sur ces 17 défauts graves, 3 au moins
ont été à l'origine de l'accident de Three
Mile Island."
La défaillance de matériel: de nombreux exemples (et en particulier le 21 mars
à Bugey 5 et le 6 avril à Gravelines) montrent que
c'est un point faible des chaudières PWR.
Les vannes en position fermée sur le circuit de
secours: il existe sur les chaudières construites en France
des vannes non signalées en salle de commande sur les circuits
d'alimentation de secours; cela peut donc aussi arriver en France.
Il faut revoir la conception de la sûreté qui néglige
le secondaire et se préoccupe surtout du primaire: un accident
commence le plus souvent sur un incident.
Les interventions discutables: l'opérateur a suivi
scrupuleusement la procédure de conduite. Celle-ci est
inadaptée car les études sur lesquelles elle s'appuie
sont très insuffisantes et ne permettent pas en réalité
de ramener un réacteur à l'arrêt. La procédure
utilisée en France n'est pas meilleure.
Les défauts de conception: en France, les indications
du pressuriseur auraient été tout aussi fausses,
mais de plus, l'injection de sécurité ne se serait
pas déclenchée car il faut un double signal: baisse
de pression primaire ET bas niveau du pressuriseur. Or, il y avait
baisse de pression primaire et haut niveau du pressuriseur à
TMI. On n'a remédié à ce défaut qu'à
partir des réacteurs Tricastin et Gravelines: sept réacteurs
fonctionnent néanmoins actuellement avec ce défaut.
Par contre le déclenchement de l'injection de secours déclenche
l'isolement de l'enceinte.
Le combustible neuf: au début de l'accident, la
présence des produits de fission à vie courte n'a
pas changé la séquence d'accident si on compare
à un réacteur ayant déjà fonctionné
2 à 3 ans (rotation du combustible 1/3 est remplacé
tous les ans). Mais déjà au bout de 24 h la puissance
à évacuer était inférieure de quelques
Mégawatts à ce qu'elle aurait été
avec un coeur normalement irradié... Cela a très
favorablement influencé la suite des événements,
c'est-à-dire le comportement de la «bulle»
et le refroidissement du coeur. Par exemple au bout d'une semaine,
la puissance à évacuer était vraisemblablement
de 5 MW, contre 10 MW pour un coeur normalement irradié
(ces chiffres sont des estimations indicatives). Pendant toute
la période du refroidissement, le risque de fusion du coeur
existait; ce risque aurait été beaucoup plus élevé
(environ deux fois) avec un coeur normalement irradié.
Par ailleurs, la contamination radioactive à l'intérieur
de l'enceinte de confinement et dans les bâtiments auxiliaires
aurait été considérablement aggravée
par la présence d'une grande quantité de produits
de fission à vie longue.
4. Aspects radiologiques de l'accident
Les rejets radioactifs dans l'atmosphère ont trois origines:
1. La fuite supposée au niveau du générateur
de vapeur B a pu entraîner un relâchement de gaz rares
et d'iode dans l'environnement dans les premières heures
qui ont suivi l'accident. Aucune estimation des quantités
ainsi rejetées n'a pu, à ce jour, nous être
fournie.
2. Le débordement des réservoirs de tête du
système de traîtement des effluents liquides a entrainé
le déversement dans le bâtiment des auxiliaires nucléaires
d'environ 40 m3 d'eau fortement contaminée Le
système de ventilation du bâtiment des auxiliaires
nucléaires a rejeté après filtration (filtre
absolu et filtre à iode) les gaz rares (krypton et xenon)
contenus dans cette eau.
Ces rejets non contrôlés
sont à l'origine de l'activité observée au
voisinage de l'installation et dans le panache lors des premiers
jours suivant l'accident. L'exploitant a disposé, à
une date non précisée, des bâches en vinyle
sur l'eau répandue dans le bâtiment des auxiliaires
nucléaires, afin de ralentir le dégazage et, donc,
les rejets radioactifs.
3. L'éventage de l'eau primaire soutirée en raison
de 80 l/mn par le circuit de contrôle volumétrique
et chimique a conduit à des rejets périodiques contrôlés.
En fait, les gaz rares radioactifs dissous à l'origine
dans l'eau primaire étaient recueillis dans les réservoirs
conçus pour le stockage et le traitement des effluents
gazeux. L'apport en gaz a été supérieur aux
possibilités de stockage et l'exploitant, pour éviter
des rejets intempestifs par les soupapes de ces réservoirs
(pression de tarage 7 à 8 bar), a préféré,
avec l'accord de la NRC, procéder à des délestages
contrôlés.
Ultérieurement,
à une date non précisée, l'exploitant a renvoyé
ces gaz dans l'enceinte de façon à réduire
les rejets extérieurs.
Il semble par ailleurs que les rejets
radioactifs en rivière soient liés à une
action volontaire (après autorisation de la NRC): en effet,
230 m3 d'eau de servitude faiblement contaminée
ont été déversés.
Le 29 mars au matin,
lors d'une opération d'échantillonnage d'eau primaire
dans le bâtiment des auxiliaires nucléaires, deux
employés (un opérateur et un chimiste) ont reçu
respectivement 3,1 et 3,4 rerns. Rappelons que la dose maximale
admissible pour les travailleurs est de 5 rems par an ou 3 rems
en trois mois.
Dix autres personnes de l'équipe de quart ont reçu
des doses de l'ordre de 2 à 3 rems dans les premières
heures de l'accident.
Enfin, le 5 avril, les débits
de dose en salle de commande étaient de 0,1 mrem/h (0,4
mrem/h le 2 avril). Le port du masque n'était pas nécessaire;
par précaution, les opérateurs l'avaient porté
dans les premières heures après l'accident.
Activité de l'eau primaire
L'analyse d'un échantillon d'eau
primaire a montré que la contamination de celle-ci était
de l'ordre de 800.000 Ci/m3 (cette valeur confirme
l'important taux des rejets de produits de fission du coeur).
L'essentiel de cette activité,
qui entraînait un débit de dose de 1.000 rem/h, au
contact d'un échantillon de 100 cm3, était
dû à des gaz rares (Xénon et Krypton), des
iodes, du césium et dans une très faible mesure
(nous n'avons pas pu avoir les résultats précis
des analyses isotopiques) à des produits non volatils (strontium).
Ceci indique bien qu'il n'y a pas eu de fusion notable des éléments
combustibles.
Activité et débits de dose
dans l'enceinte
Il n'a pas été fourni de
valeurs sûres de l'activité dans l'atmosphère
de l'enceinte. Les valeurs de 700 Ci/m3 le 31 mars
et de 70 Ci/m3 le 2 avril ont éte annoncées
par la NRC puis démenties.
Les capteurs de rayonnements installés
dans l'enceinte ont indiqué des valeurs discordantes:
10 à 20 rad/h au niveau du plancher de service, 10.000
à 30.000 rad/h au sommet de l'enceinte.
Nous ne pouvons garantir ces valeurs
qui nous ont été comnuniquées oralement.
Il nous a aussi été précisé que le
capteur placé au sommet de l'enceinte était un capteur
blindé, mais non étanche, destiné à
mesurer le rayonnement direct en provenance du coeur, de ce fait
l'infiltration de gaz sous le blindage serait, d'après
notre interlocuteur, à l'origine de ce chiffre très
élevé.
Pour notre part, nous pensons que les
capteurs à l'intérieur de l'enceinte n'ont certainement
pas été prévus pour de tels débits
de dose et que les valeurs qu'ils ont pu indiquer n'ont rien à
voir avec la réalité.
Cependant des mesures d'irradiation au
contact de la paroi externe de l'enceinte (épaisse d'environ
1,2 m) ont indiqué un débit de dose inférieur
au mrad/ heure. Compte tenu d'un coefficient d'atténuation
des parois de l'enceinte de 107, le niveau d'irradiation
à l'intérieur de l'enceinte n'a certainement[6]
pas dépassé 10.000 rad/h.
Débit de dose dans le bâtiment
des auxiliaires nucléaires
Les débits de dose dans le bâtiment
des auxiliaires nucléaires ont vraisemblablement posé
des problèmes d'accessibilité. Pour mémoire,
on peut citer:
- les difficultés de mise en place du recombineur d'hydrogène,
- les débits de dose au contact des réservoirs de
stockage des effluents gazeux (60 rad/h), ce qui a empêché
certaines interventions,
- les débits de dose (10 rad/h) après transfert
d'eau contaminée dans le bâtiment des auxiliaires
nucléaires.
Irradiation directe
La direction du vent, le 28 mars, était
de tendance Nord-Nord-Ouest: la ville de Middletown (12.000 habitants)
à 5 km du réacteur, était sous le vent de
la centrale.
Les relevés de 17 dosimètres
à poste fixe depuis trois mois ont fourni, pour deux d'entre
eux, des doses intégrées aux 32 heures, dues à
l'accident de:
- 65 mrad à 700 m au Nord du réacteur.
- 22 mrad à 1.000 m au Nord-Nord-Est du réacteur.
Ces valeurs ne comprennent pas l'irradiation
due aux rejets de gaz rares postérieurs au 29 mars à
midi.
Les rejets intermittents et incontrôlés
de gaz rares les 29 et 30 mars ont provoqué des débits
de dose transitoires en limite de site atteignant 25 à
30 mrad/h. Ils ont été de faible durée (certainement
inférieure à l'heure).
Les évaluations de la NRC relatives
au bilan d'exposition du public sur les cinq jours qui ont suivi
l'accident sont les suivantes:
- dose maximum individuelle hypothétique: 80mrem,
- dose moyenne pour les deux milliers d'habitants autour de la
centrale: 9 mrem, à comparer à la dose annuelle
due à l'irradiation naturelle, qui est supérieure
à 100 mrem.
Le 3 avril, le débit de dose n'était
plus que de 0,01 à 0,04 mrem/h à l'extérieur
du site.
Contamination par les iodes
152 prélèvements atmosphériques
ont été effectués. Seuls 8 échantillons
ont indiqué des activités en iode comprises entre
0,3 et 2,5 pico Ci/m3. L'activité maximum relevée
correspond au quart de la concentration maximale admissible aux
Etats-Unis pour un rejet continu (règlement US:10 CFR 50
appendix I). CFR: Code of Federal Regulations, équivalent
du Journal Officiel en France.
Dans un rayon de 20 km autour de la centrale,
56 prélèvements de lait (de vache ou de chèvre)
ont été effectues dans 20 fermes. Les mesures ont
montré que 18 échantillons n'étaient pas
interprétables et que les 38 autres étaient au-dessous
du seuil de sensibilité de la mesure. Une analyse détaillée
de 9 prétevements a permis de déceler une activité
variant de 10 à 40 picocurie d'iode 131 par litre de lait.
Or c'est à partir de 12'000 picocurie d'iode 131 par litre
de lait que le Ministère fédéral de la santé
impose la nourriture du bétail sur fourrage engrangé.
Nota:
1. Les concentrations maximales admissibles en France (Arrêté
du 20 juin 1966) sont pour l'iode 131 les suivantes:
- dans l'air : 200 pico Ci/m3 sous forme soluble
- dans l'eau ou le lait: 1.000 pico Ci/l sous forme soluble
2. Les arrêtés du 10 août 1976 limitent l'activité
volumique moyenne hebdomadaire pour une tranche en fonctionnement
normal de 3.000 MW à 0,2 pico Ci/m3 pour les
aérosols (essentiellement Iode).
Notes:
5. Extrait du rapport de MM. Cayol et Roche.
6. Sic.
5. Problèmes liés au plan de secours
Il faut distinguer:
- Le plan de secours interne à la centrale, qui est de
la responsabilité de l'exploitant lorsque l'accident n'est
pas susceptible d'avoir des répercussions à l'extérieur
du site. Ce plan est régi aux Etats-Unis par l'annexe E
du 10 CFR 50.
- Le plan de secours externe à la centrale qui est de la
responsabilité du gouverneur de l'Etat considéré
et des autorités locales. Ce plan ne fait pas l'objet d'un
règlement précis. Il ne fait l'objet que d'un échange
de lettres entre la RNC, qui donne son accord de principe sur
les dispositions contenues dans le plan, et les autorités
locales qui s'engagent à mettre en oeuvre un certain nombre
de moyens en cas d'accident;ll semble, en fait, que dans l'Etat
de Pennsylvanie, le plan n'était pas parfaitement au point:
tous les Etats américains concernés par des implantations
nucléaires n'ont d'ailleurs pas encore de plan de secours
bénéficiant de l'aval de la NRC.
Ces plans de secours en cas d'accident
sur une installation nucléaire civile semblent valables
aussi dans les cas d'un accident survenant sur des installations
militaires.
Il convient de préciser
que c'est le gouverneur de l'Etat qui prend ou non la décision
d'évacuer les populations. La NRC n'a auprès de
celui-ci qu'un rôle consultatif. Dans ces conditions, la
NRC n'a pas pu nous fournir d'indications précises sur
l'application du plan de secours.
La direction des opérations d'évacuation
est du ressort des autorités locales (Etats et Comtés).
Il faut noter qu'en ce qui concerne les
différentes décisions techniques à prendre
au niveau de la conduite de la centrale en cas d'accident, l'exploitant
propose des décisions à la NRC qui doit donner son
avis conforme. Mais l'exploitant reste toujours responsable des
conséquences de ses actes.
L'accident ayant eu
lieu vers 4 heures du matin le mercredi 28 mars, ce n'est que
vers 7 hcures du matin que la NRC et l'Etat de Pennsylvanie ont
été informés de l'accident, ce qui peut signifier
que l'exploitant ne s'est pas rendu compte immédiatement
de sa gravité. L'alerte a été déclenchée
vers 10 heures du matin.
Dès le 28 mars au matin, 40 personnes
du laboratoire de Brookhaven (Etat de New-York) arrivaient sur
les lieux avec leur matériel; cette unité est particulièrement
bien entrainée aux échantillonnage des sols et d'eau.
Le mercredi 28 mars dans l'après-midi,
arrivaient sur les lieux un certain nombre d'unités mobiles
de la NRC chargées du prélèvement d'échantillons
et des mesures éventuelles de décontamination. Le
jeudi 29 mars dans l'après-midi, des unités de l'armée
américaine arrivaient, avec avions et hélicoptères,
du centre d'expérimentation nucléaire du Nevada.
Ces unités étaient chargées exclusivement
des prélèvements atmosphériques.
Le vendredi 30 mars, les experts fédéraux
du Ministère chargé de la santé publique
et de l'alimentation (FDA: Food and Drug Administration) arrivèrent
sur le site.
Les premières journées
après l'accident semblent avoir été marquées,
d'après les renseignements recueillis auprès de
la NRC, par certaines difficultés d'organisation et de
coordination entre les différents intervenants (autorités
locales, organismes fédéraux, sociétés
privées).
Ces difficultés se sont concrétisées notarnment
par:
- une saturation totale des lignes téléphoniques
dans la zone concernée par l'accident. La compagnie de
téléphone est arrivée toutefois à
mettre en place très rapidement un certain nombre de lignes
directes qui ont permis de débloquer la situation.
- la difficulté d'utiliser les différents échantillons
recueillis par les différents organismes chargés
du prélèvement par suite de difficultés de
repérage des lieux de prélèvement, et de
l'absence de normalisation des prélèvements: les
3/4 des échantillons (de lait, d'eau) recueillis dans les
deux premiers jours après l'accident ont été
inutilisables.
Le vendredi, l'exploitant a décidé
d'effectuer des rejets importants à la cheminée
(1,2 rem/h à la cheminée), ce qui a amené
le gouverneur, sur une suggestion de la NRC, à recommander,
dans une intervention télévisée, l'évacuation
des femmes enceintes et des enfants d'âge pré-scolaire,
dans un rayon de 5 miles (8 km) autour de la centrale. Cette recommandation
a été interprétée par les populations
comme un ordre d'évacuation. Dans un rayon de 8 à
10 miles (13 à 16 km) autour de la centrale, les populations
ont cherché à quitter les lieux, ce qui a engendré
de nombreux embouteillages: les automobilistes se sont précipités,
pour faire le plein vers les pompes à essence, qui ont
pu cependant faire face à la demande, et vers les banques
qui ont enregistré des retraits très importants
(10 à 15 millions de dollars en un jour et demi).
D'après les informations dont
nous avons pu disposer, le responsable du plan de secours au niveau
local n'était pas favorable à cette évacuation.
Il semble qu'une bonne partie des personnes qui ont quitté
les lieux, soient revenues assez rapidement à leur domicile.
En fait, 15.000 personnes environ (femmes enceintes et
jeunes enfants) seraient restées de façon prolongée
loin de leur domicile.
Les responsables achevaient l'étude,
vers le mardi 2 avril, d'un plan d'évacuation concernant
600.000 personnes habitant dans un rayon de 20 miles (32 km) autour
de la centrale. Ce plan aurait sans doute été appliqué
s'il avait été nécessaire de faire une intervention
particulière pour supprimer la bulle située en partie
supérieure du coeur du réacteur ou si la teneur
en hydrogène de l'enceinte avait atteint un niveau dangereux
(plus de 4%).
Depuis de nombreux mois avaient lieu
des discussions sur l'efficacité de l'ingestion d'iode
à titre préventif: cet iode non radioactif est susceptible
de saturer la thyroïde et donc d'éviter l'absorption
d'iode radioactif. L'accident de Three Mile Island a permis de
mettre un point final à ces discussions: le samedi 31 mars,
les responsables du plan de secours se sont préoccupés
de la distribution de doses d'iodure de potassium aux populations.
Or ce produit n'était pas disponible au matin du 31 mars
sur le sol américain. Grâce à la diligence
d'une société chimique américaine, 50.000
doses d'iodure de potassium furent fournies le samedi soir sur
l'aéroport d'Harrisburg. En fait, aucune dose n'a été
distribuée, même pas aux employés de la centrale,
la direction de celle-ci pensant que ce n'était plus utile.
Par ailleurs, il a été recommandé
par les autorités de nourrir le bétail avec du fourrage
engrangé, mais il n'y a pas eu d'interdiction de vente
du lait.
Malgré certaines difficultés
pendant les premières heures, sinon même les deux
premiers jours qui ont suivi le début de l'accident, la
mise en place d'un plan de secours a, semble-t-il, pu être
menée à bien par les autorités locales.
6. Impact biologique
(de notre envoyé spécial à
Harrisburg)
Nous présentons ici des informations
recueillies auprès de la NRC, de l'Institut de Politique
de l'Environnement et des Docteurs K.Z. Morgan et D.E. Sternglass
I. Mesures effectuées
La dose collective subie par la population
lors de l'accident est fort mal connue. En effet, les seules données
relatives aux deux premiers jours viennent de 17 dosimètres
thermoluminescents (TLD) mis en place trois mois auparavant par
l'exploitant. Ces dosimètres, pour la plupart hors du trajet
du panache radioactif, ne sont pas sensibles au rayonnement bêta.
Or le xenon 133 est surtout émetteur bêta. Par ailleurs,
les doses mesurées ne concernent que l'irradiation, et
non une contamination éventuelle.
L'Agence de Protection de l'Environnement n'a
pu commencer les mesures aériennes que 48 heures parés
le début de l'accident. La radioactivité mesurée
était alors de 5 à 10 fois la radioactivité
naturelle.
Actuellement 37 TLD sont en place.
2. Estimation des doses
Doses aux travailleurs
Ce sont les moins mal connues. Douze
travalleurs ont reçu des doses comprises entre 1 et 4 rem
dès le début de l'accident (la dose maxiinale autorisée
pour un travailleur du nucléaire est de 5 rem par an).
D'autres doses ont été et continuent à être
reçues au cours de diverses interventions par exemple,
changement des filtres à iode (qui semblent avoir bien
fonctionné).
Dose collective à la population
La dose individuelle intégrée
par un individu au point le plus critique est estimée à
100 millirem par la NRC.
L'estirnation de la dose collective est
passée successivernent de 1800 à 2500, puis enfin
à 3500 homme x rem (dernière
estimation en date du 18.4.1979).
Si cette dose vient des indications des
TLD sans tenir compte du rayonnement bêta, elle est sous-estimée
d'un facteur 5 environ.
Une dose collective entraîne un
nombre supplémentaire de cas de cancer, parrni la population
soumise aux rayonnements. D'après les premiers travaux,
effectués sur de fortes doses, on admettait généralement
6 cancers pour 10 000 homme x rem, soit 2 cancers supplémentaires
pour 3 500h x rem (abrévation de homme x rem). Les travaux
récents de Mancuso, Stewart et Kneale sur les faibles doses
reçues par les travailleurs de l'usine de retraitement
de Hanford conduiraient à multiplier par 10 ce chiffre.
Enfm, si la dose réelle est bien de 5 fois supérieure
aux 3 500 h x rem officiels, et si on fait confiance aux travaux
(fort sérieux) de Mancuso, on arrive à 100 cancers
supplémentaires.
Il n'est évidemment pas possible
de trancher à l'heure actuelle. Les deux incertitudes sur
la dose collecuve réelle et le rapport cancer/dose obligent
à donner une « fourchette » très large:
l'accident du réacteur de T'hree Mile Island fera entre
2 et 100 victimes parmi la population. La seule chose sûre
est qu'affirmer que cet accident n'aura pas de conséquences
est un mensonge (un de plus...).
7. Petite revue de presse
Il nous a semblé intéressant
de reprendre quelques extraits des multiples déclarations
de quelques-uns de nos nucléocrates français.
Nous avons dû en oublier beaucoup
d'autres toutes aussi réjouissantes les unes que les autres,
mais nous pensons que l'échantillonnage donne bien les
grandes lignes de l'ensemble.
GIRAUD
2.04.79
Le Matin
« ... A première vue je ne vois pas de raison de
bouleverser notre programme. Après l'accident d' Harrisburg,
l'électricité d'origine nucléaire apparaît
aussi nécessaire à notre équilibre énergétique
qu'elle l'était avant. Et du point de vue de la sécurité,
il faut tout de même rappeler qu'il n'y a pas eu la moindre
victime à Harrisburg, bien que l'accident ait été
du type le plus grave et le plus dangereux qui puisse arriver
à une centrale. »
« Ces problèmes sont étudiés site par
site. Mais il ne faut pas exagérer les dimensions de la
zone qui, même dans les cas les plus graves, serait affectée.
»
5.04.79
Le Matin
« La nécessité du programme n'est aucunement
modifiée par l'accident de Three Mile lsland, mais nous
continuerons à y apporter le meilleur soin en matière
de sécurité. »
3.04.79
Le Monde
« Un accident de ce type est pris en compte dans la conception
des centrales françaises. Nos centrales doivent pouvoir
contenir des émissions de radioactivité - même
dans le cas de tels accidents. De plus, la centrale américaine
comporte un appareil qui s'est avéré défaillant
et qui est très différent sur les centrales françaises.
»
2.04.79
Libération
« Rien ne conduit à modifier le programme nucléaire
français. Seuls les faits comptent, ce n'est pas avec des
arguments irrationnels que l'on mène une politique.»
25.04.79
Le Matin
« Nomination de 6 experts + analyse devant le Sénat.
»
« Les conséquences de l'accident sur l'environnement
ont été pratiquement nulles »
« Il n'est apparu aucun élément de nature
à modifier notre attitude à l'égard des centrales
à eau légère du modèle utilisé
en France ou à remettre en cause notre doctrine en matière
de sûreté nucléaire.»
« On doit d'ores et déjà noter qu'il n'est
apparu aucun élémert de nature soit à modifier
notre attitude générale à l'égard
des centrales à eau légère du modèle
utilisé en France dans les conditions où elles sont
exploitées, soit à remettre en cause la doctrine
générale adoptée en matière de sûreté
nucléaire, et notamment le principe des barrières
successives dont le bien-fondé vient d'être confirmé.
»
« Dans le souci d'assurer la plus large et la plus objective
information des Français, le gouvernement mettra en oeuvre,
lorsque les travaux d'analyse et d'interprétation seront
suffisamment avancés, la procédure de la communication
à la télévision comportant l'utilisation
du droit de réponse et du débat contradictoire.
»
7.04.79 (débat à l'assemblée)
Le Monde
« Nul n'a contesté que le recours au nucléaire
soit inéluctable. »
« La Communauté Européenne va donner son concours
au projet Thermos
(réacteur calogène) qui va pouvoir être réalisé.
»
TANGUY (IPSN CEA)
2.04.79
Le Matin
« Nous avons complètement refait l'analyse des problèmes
de sûreté et de sécurité de la filière
comme si les Américains
ne l'avaient pas fait eux-mêmes. »
« Il faut revoir les analyses prévisionnelles de
risques. »
« ... Car EDF a eu la sagesse de choisir un réacteur
standardisé et de porter tous ses efforts sur une seule
et même technique. »
Christian GERONDEAU
2.04.79
(Directeur de la Sécurité Civile et routière)
Le Figaro
«Ces plans sont en cours d'élaboration à l'échelon
local. Nous sommes dans une phase de transition au plan de l'information
nucléaire. »
KOSCIUSKO-MORIZET
3.04.79
Le Monde et Libération
« ... Si des enseignements sur la sécurité
montraient la nécessité de modifier certaines dispositions,
celles-ci seraient instantanément modifiées dans
toutes les centrales françaises. »
« ... Modifications de détail: car ce sont des détails
qui sont en jeu. »
25.04.79
Le Matin
« Le directeur adjoint de la NRC, Harold Dentov, déclare
que la probabilité pour qu'un accident similaire se produise
à l'avenir dans une centrale Babcock and Wilcox était
de 10 %, alors qu'elle n'est que de 1 % pour des centrales construites
par d'autres sociétés. »
Raymond BARRE
3.04.79
Le Monde
« C'est un événement considérable...
Il est plus considérable par ses retombées psychologiques
que par la réalité technique que nous pouvons observer.
Sur cette réalité technique, je ne peux encore rien
dire... Si la centrale de Three Mile lsland est du même
type que les réacteurs qui sont construits en France, cette
centrale présente des caractéristiques techniques
très différentes et le scénario qui s'est
déroulé aux Etats-Unis ne pourrait se présenter
de la même façon en France. Nous avons, en effet,
des systèmes de sécurité qui prennent en
compte la possibilité de tels accidents techniques et ceci
nous met à l'abri de conséquences qui pourraient
être considérables. »
Question: « Le gouvernement est-il décidé
à remettre en question son programme électronucléaire
? »
Réponse : « Ma réponse sera: non. Parce
que si la France doit multiplier les mesures de sécurité,
elle ne peut renoncer à l'énergie électronucléaire.
»
A propos des déchets: « Jusqu'ici nous avons
résolu le problème sans que cela provoque des drames
et nous continuerons à le faire... »
Question: « Où met-on les déchets
? »
Réponse: « En divers endroits. »
M. LEBLOND
4.04.79
(Directeur de Fessenheim)
Le Monde
« Au vu des renseignements qui me sont parvenus lundi, je
puis affirmer que Fessenheim est à l'abri d'un accident
comparable à celui de Three Mile lsland.»
ENCARTS
Les caractéristiques de la centrale
de Three Mile lsland
Lieu Géographique
Commune de Dauphin County - Etat de Pennsylvanie (États-Unis).
Aéroport civil à 4 km.
Villes voisines
Middletown - 5 km - 9 000 habitants
Harrisburg - 16 km - 68 000 hab.
Lancaster - 25 km - 580.000 hab.
Ainsi on trouve 9 700 habitants dans un rayon de 5 km et pratiquement
1 millions d'habitants dans un rayon de 50 km.
Caractéristiques générales
Architecte industriel : B et R / Gilbert
Chaudière : Babock et Wilcok
Groupe Turbo-Alternateur : Westinghouse
Puissance thermique : 2 772 MW
Puissance électrique brute 959 MWe
Puissance électrique nette 905 MWe, soit un rendement de
32,7 %
Refroidissement sur réfrigérant atmosphérique
à tirage naturel
Historique
Commande chaudière 3 février 1967
Permis de construire 4 novembre 1968
Mise en service industrielle prévue à l'origine
en octobre 1976
Première criticité :28 mars 1978
Mise en service industrielle réelle : 30 décembre
1978
Caractéristique de la chaudière
Température d'entrée du coeur : 291 o
C
Température de sortie du coeur : 320 o C
Pression 150 bar
Masse des éléments lourds (UO2) : 82
t.
Enrichissement initial : 2,57
Nature de la gaine : Zircaloy 4
Type réseau: 15 x 15.
Générateur de vapeur (type Babock)
nombre : 2
tubes en inconel
Turbine
vitesse de rotation 1800 tour/minute
température de vapeur haute pression : 296 o
C
pression de vapeur haute pression 62 bar
pression au condenseur : 85 millibar.
Enceinte : béton précontraint + acier.
Quelques problèmes de soupape...
et autres
21 mars 1979 : lors d'essai en inactif (combustible non chargé),
sur la tranche de Bugey 5, non fermeture intempestive des vannes
de décharge du pressuriseur, entraînant une dépressurisation
du circuit primaire et la rupture d'une membrane du réservoir
de décharge du pressuriseur...
6 avril 1979 : lors des essais en inactif sur une tranche de Gravelines,
non fermeture d'une soupape sur le circuit de refroidissement
du réacteur à l'arrêt et rupture d'une membrane
du réservoir de décharge : 300 m3 d'eau
« primaire » dans le bâtiment réacteur.
On peut s'interroger sur la volonté
de tenir compte de ces «incidents» lors des essais
lorsqu'on lit, dans une note interne à EDF, que pour les
matériels électriques:
«Il n'y aura pas répercussion des résultats
d'essais sur les matériels de Fessenheim et de Bugey ;
la seule exception concerne les moteurs RRA de Bugey pour lesquels
le SCSIN n'a accepté la mise en service que sous réserve
que la qualification soit obtenue pour les moteurs identiques
du Cp1»
RRA : refroidissement. du réacteur à l'arrêt.
SCSIN : Service Central de Sûreté des Installations
Nucléaires (le zinzin pour les habitués!...)
CP1 : Contrats programme no 1, autrement dit les tranches
900 MWe après Bugey.
Quel est le poids des services de sûreté
en France?
Le 5 février 1978, M. Christian de Torquat, chef du Service
Central de Sûreté des Installations Nucléaires
(Ministère de l'Industrie) écrivait au Directeur
du Gaz et de l'Électricité au même ministère
de l'Industrie, la lettre suivante (référence SIN
282/78):
Objet : Déclaration d'utilité publique des travaux
de construction d'une centrale nucléaire sur le site de
Cattenom (Moseile)
Référence : Votre lettre AS-2 - P/CN 593 du 2 janvier
1978
Par lettre citée en référence,
vous m'avez adressé le dossier d'enquête relatif
à la déclaration d'utilité publique des travaux
de construction d'une centrale nucléaire (deux tranches
de 900 MWe et deux tranches de 1300 MWe) sur le site de Cattenom
et vous m'avez demandé mon avis sur les problèmes
de sûreté qui pourraient être liés au
choix de ce site.
A cet égard, j'ai l'honneur de
vous faire savoir que j'estime que le site de Cattenom présente,
notamment du point de vue de la répartition de la population,
des caractéristiques nettement plus défavorables
que la plupart des sites précédemment utilisés
pour l'implantation de tranches nucléaires. Cette constatation
m'a amené, dès le 29 octobre 1975, à appeler
l'attention du ministre sur les réserves de mon service
sur le choix de ce site. En outre, dans le cadre de l'instruction
de la déclaration d'utilité publique des travaux
de construction d'une centrale nucléaire sur le site de
Cattenom, je vous ai d'ores et déjà précisé
de façon détaillée la position de mon service
sur le choix de ce site; je vous rappelle à cet égard
les termes de ma lettre SIN no 1432/76 du 14 décembre
1976.
Par ailleurs, comme vous le savez, le
ministre de l'industrie, du commerce et de l'artisanat a, par
lettre CAB no 4312 Z du 22 septembre 1977, demandé
au Premier ministre qu'une réflexion sur les directives
qui pourraient être élaborées quant au choix
des sites des centrales nucléaires pour ce qui concerne
les problèmes liés à la densité et
à la répartition de la populàtion, soit menée
au sein du comité interministériel de la sécurité
nucléaire. Cette réflexion n'a pas, à ce
jour, atteint un stade qui permette d'en esquisser les conclusions.
Dans ces conditions et dans l'attente
des résultats des travaux précités, je ne
peux que maintenir les réserves que j'ai déjà
exprimées depuis plus de deux ans sur le choix du site
de Cattenom pour l'implantation de tranches nucléaires.
»
Ce qui n'a pas empêché,
malgré toutes les réserves du Service chargé
de la Sûreté, M. Giscard d'Estaing d'annoncer qu'il
fallait que des tranches nucléaires soient engagées
le plus rapidement possible sur le site de Cattenom.
Questions:
- A quoi sert le SCSIN?
- Pourquoi ses avis ne sont-ils pas rendus publics?
Après la diffusion,
le 27 avril, du premier rapport de MM. Roche (SCSIN) et Cayol
(CEA), le Ministère de l'Industrie a annoncé que
celui-ci serait étudié par six personnalités
membres de l'Académie des Sciences. Le GSIEN a publié
le communiqué suivant:
« Le Groupement de Scientifiques
pour l'Information sur l'Energie Nucléaire s'élève
avec vigueur contre la campagne qui tend à faire croire
que l'information va être faite sur les conditions de sécurité
des centrales nucléaires construites en France.
Nous avons appris avec tristesse mais
sans réelle surprise l'annonce faite par Monsieur André
Giraud, de la création d'un comité compose de hautes
personnalités scientifiques, qui sera chargé d'examiner
les conclusions des experts et qui «suggèreront les
mesures à prendre en France pour renforcer la sûreté
des installations ».
Avec tristesse, car si certaines de ces
personnalités n'ont jamais cessé de faire chorus
avec nos officiels, il est certain que les autres, d'une honnêteté
reconnue, se sont laissés piéger dans un comité
croupion qui ne peut servir que d'alibi à nos décideurs.
La preuve en est, la suite de la déclaration
de Monsieur André Giraud, qui a déjà conclu
avant même que le comité se soit réuni (et
qui comme le premier ministre, avait déjà dès
le 31 mars 1979 émis des avis défmitifs) «il
n'est apparu aucun élément de nature à modifier
notre attitude à l'égard des centrales à
eau légère du modèle utilisé en France,
ou à remettre en cause notre doctrine en matière
de sécurité nucléaire. » (Le Matin
de Paris, 25.04.79).
Ce n'est pas un comité de sages
qu'il faut, mais une commission d'enquête qui élaborera
un document contradictoire, commission d'enquête qui doit
comprendre outre des représentants officiels, des représentants
des travailleurs, des scientifiques ayant émis des doutes.
Cette commission doit être habilitée
à avoir accès à tous les dossiers. Les dépositions
doivent être publiques.
La démocratie pratiquée
en France serait-elle en retrait par rapport à l'Angleterre
qui a fait les auditions de Windscale, par rapport à l'Allemagne
qui vient de procéder à une analyse publique du
dossier de l'usine de retraitement de Gorleben?
Ont participé à ces travaux
des contre-experts de toute nationalité, Arnéricain,
Anglais, Suédois et même Français.
Pourquoi faut-il qu'en France, le principe
soit toujours celui des enquêtes d'utilité publique,
où un commissaire enquêteur peut se permettre de
considérer que, comme il n'est pas compétent, il
ne tient pas compte des avis contre, mais fait entière
confiance aux experts officiels (exemple: enquête sur le
site du Pellerin)?
Aux U.S.A., il fallut un scandale pour
que la N.R.C., organisme indépendant de l'AE.C., des constructeurs
et des exploitants, soit créé.
Aura-t-on toujours en France la chance
que les incidents comme celui survenu à Bugey le 21 mars
1979 sur la tranche 5 (avec l'ouverture de la vanne de décharge
et rupture de la membrane du ballon de décharge analogue
à Three Mile Island) ou celui survenu à Graveline
le 3 avril 1979 (perte de 50 m3 d'eau du circuit primaire
par défaillance d'une vanne du circuit de refroidissement
du réacteur à l'arrêt) aient lieu toujours
lors des derniers essais en inactif, environ 3 mois avant le démarrage
de ces réacteurs ?
Faudra-t-il un Three Mile Island français
pour que soit créée une commission indépendante
dont les conclusions seront respectées et qui pourra imposer
ses décisions à EDF et Framatome?
De toute façon, le programme électronucléaire
français repose sur un bluff permanent soutenu par une
campagne d'intoxication faite sous forme d'une information lénifiante
et tronquée.
Le G.S.I.E.N. rappelle avec force sa
demande d'un débat sur la politique énergétique
française et plus particulièrement sur la part de
1'électronucléaire. Il demande en outre l'arrêt
du programme en l'état des centrales divergées,
tant que ce débat n'aura pas eu lieu.
Période
Activité
Curies/tonne
KRIPTON
83 m
1,86 h
1,23 105
85 m
4,5 h
1,7 105
85 f1
10,7 ans
9,85 103
87
1,27 h
5,13 105
88
2,8 h
7 105
892
191 sec
8,6 105
903
32,3 sec
8,3 105
IODE
128
1150 sec
104
1291
1,6 107 ans
3 102
130 m
552 sec
1,5 104
130 f
12,3 h
2,13 104
131
8,03 jours
1,07 106
132 f
2,3 h
1,54 106
133 f
20,8 h
2,15 106
135
6,7 h
2 106
1374
230 sec
2 106
XENON
131 m
12 jours
7,05 105
133 m
2,25 j
3,1 105
133 f
5,3j
2,16 106
135 f
9,14 h
5,06 105
1. EquiIibre
non atteint à TMI.
2. Donne du Strontium 89 de période 50 jours.
3. Donne du Strontium 90.
4. Donne du Cesium 137.
(p. 11: schéma du réacteur dans le 1er dossier)
A titre d'information et sans aucun commentaire, le lecteur jugera, nous donnons intégralement un texte paru dans le Bulletin no 128 (mars 1979) d'information des chefs d'Unité d'Electricité de France
1. Se référer
constamment à la notion de service public
· Avoir le souci
prioritaire de l'intérêt du client, de l'accueil
du public, de la réduction des inconvénients qui
résultent pour lui de la construction et de l'exploitation
de nos ouvrages;
- Ne pas se prévaloir
abusivement de l'intérêt général même
si nous avons la conviction de lui subordonner toujours celui
d'EDF;
- Ne pas laisser dégénérer
« l'esprit maison » en une appropriation de l'entreprise
par ses agents
- Faciliter au personnel
cette «défense de la nationalisation», à
laquelle il tient comme la Direction, en recherchant toujours
avec lui la qualité du service et des relations extérieures.
2. Passer de l'information
aveugle et sourde à la vraie communication
- Se vouloir le plus possible
une maison de verre, mais en se comportant en conséquence;
- Limiter au minimum strictement
indispensable le domaine du secret et du confidentiel
· Ne pas répugner
à avouer les faiblesses de l'entreprise si on a la volonté
de les combattre
· Dénoncer la rétention intéressée
de l'information tant interne qu'externe;
· Faire la chasse
au jargon des spécialistes. S'attacher à bien se
faire comprendre
· Se garder de l'illusion
qu'il suffit d'informer pour intéresser et à plus
forte raison pour convaincre
· Admettre que la
seule rationalité technico-économique ne suffit
pas à entraîner l'adhésion et que l'information
est inutile si on ne sait la faire désirer
· Etre à
l'écoute des publics interne et externe. Accueillir avec
attentions les points de vue différents et rechercher leur
complémentarité
- Favoriser toutes les
formes d'information remontante et mieux cerner les vrais centres
d'intérêt du personnel
· Améliorer
le dialogue avec le personnel par l'ouverture, la loyauté,
l'appel au respect du service public
- Comprendre que les hommes
ont plus besoin de considération que d'information, surtout
si cette information ne les implique pas directement.
3 - Donner toute l'importanoe
qu'elles ruéritent aux Relations Publiques
· Ne pas considérer
les Relations Publiques comme une fonction secondaire destinée
seulement à « mettre dc l'huile dans les rouages
», car une bonne image de l'~tabh.ssement demande bien d'autres
efforts
· Chasser l'esprit
technocratique et marquer une juste considération aux hommes
de plume ou de tribune.
Notes:
7. Voir note 5
8. Analyse complémentaire
Dans ce chapitre, nous allons tenter d'aller
plus loin dans l'analyse de l'accident. Mais, compte tenu de la
complexité et aussi de l'importance de ce qui s'est passé
aux Etats-Unis, nous nous proposons de revenir sur ce sujet dans
les prochains numéros.
Affirmons
tout d'abord qu'un accident comparable à celui de TMI
peut arriver en France plus d'une fois dans les cinq ans à
venir. A
l'appui de cette affirmation, nous allons, dans ce numéro,
traiter du scénario et des responsabilités impliqués,
en réservant pour une prochaine étude de revenir
sur la conception de l'exploitation des centrales mises en cause
par l'analyse de T.M.I.
Signalons également que nous essaierons
de publier prochainement un « bêtisier TMI »
plus complet que celui qui figure dans ce numéro. Ceci
devrait permettre de remettre à leur place dans l'esprit
du public un certain nombre de vedettes et de «compétences»
dont les affirmations péremptoires pourraient encore inspirer
confiance.
Enfm, remarquons que les autorités
françaises semblent faire leur possible pour oublier l'accident
en regrettant que les Américains aient fait tant de bruit
autour. Tirant l'enseignement, il y a maintenant la volonté
d'organiser préventivement l'information de façon
à avoir une information officielle et unique: voir à
ce sujet le rapport Augustin du 4.6.79 (l'accident nucléaire
de TMI, Mission d'études sur le déroulement de la
crise).
Mais abordons maintenant
les analyses physiques;ce qui s'est passé dans la
centrale deThree Mile Island:
S'appuyant sur:
- des télex officiels largement diffusés en
France auprès des spécialistes,
- les courbes enregistrées à TMI durant l'accident
et diffusées aux missions étrangères par
la N.R.C. au milieu des 800 pages de sténotypie des réunions
(rapportées par la « mission spéciale »
du GSIEN à TMI),
- les interprétations physiques des spécialistes,
la connaissance des centrales PWR et leurs conditions d'exploitation,
nous allons essayer de préciser et rectifier les interprétations
données dans le rapport officiel de la mission Roche-Cayol
(voir plus haut). Nous nous excusons par avance du caractère
technique de ce qui suit, mais nous pensons indispensable de donner
ces informations... sachant que la Gazette peut apporter des précisions,
y compris aux technocrates qui forment une partie de ses lecteurs!
Les cinq graphiques joints, réalisés
à partir des courbes dont on notera qu'elles n'ont pas
été diffusées par le rapport officiel, permettent
de mieux apprécier et interpréter la séquence
des événements.
On peut distinguer quatre phases:
- les deux premières minutes : initiation de l'accident
(figure 1),
- les seize premières minutes : «suivre la notice»
(figures 2 et 3),
- les seize premières heures : une improvisation...
qui finit bien (figures 4 et 5),
- du 28 mars à nos jours : à quand l'arrêt
sûr ?
Phase 1
Initiation de l'accident
Le manque d'alimentation
normale en eau secondaire des GV entraîne le déclenchement
(c'est-à-dire la fermeture) de la turbine. Une montée
très rapide de la pression primaire entraîne l'ouverture
automatique de la vanne de décharge du pressuriseur vers
t = 3 à 6 secondes. En effet, le manque d'alimentation
en eau aux GV ne permet pas un transfert de chaleur suffisant
entre primaire et secondaire.
Vers t = 9 à 12 s, l'arrêt
d'urgence automatique du réacteur permet d'arrêter
la montée de pression primaire: avant t = 15 s, cette pression,
en chutant, passe en-dessous du seuil de refermeture de la soupape
de décharge du pressuriseur.. Or cette soupape ne se
ferme pas: dès t = 15 s, la situation est
ainsi celle d'un «accident de perte de réfrigérant
primaire par brèche intermédiaire en phase vapeur
au pressuriseur».
Le terme intermédiaire
caractérise la taille de la brèche dans la classification
des accidents «pris en compte» à la conception,
par comparaison à la «grosse brèche»
qui caractérise le dimensionnement de l'enceinte.
La figure 1 montre qu'à
t = 15s, le niveau secondaire aux GV n'a baissé que de
2 m sur les 10 m et plus que comportent leurs faisceaux de tubes
(la gamme de mesure, elle, se limite à - 4 m au-dessous
du niveau normal) : bien qu'il en résulte une diminution
de la surface d'échange utile, la pression aux GV n'a pas
encore baissé. Le manque de réserves d'eau des
GV de TMI n'a donc pas joué dans l'initiation de l'accident
de brèche primaire intermédiaire.
On notera également que les pompes
d'alimentation de secours des GV n'atteignent leur plein régime
qu'à t = 30 s: les vannes manuelles restées fermées
par erreur sur les circuits d'alimentation de secours auraient-elles
été ouvertes dès t = 0, l'alimentation de
secours aurait été sans effet sur l'ouverture et
la non-fermeture de la soupape de décharge du pressuriseur.
Ainsi, le manque d'eau alimentaire de secours n'a pas joué
à TMI dans l'initiation de l'accident de brèche
primaire intermédiaire.
Les spécialistes français,
dans leur totalité, se sont mis d'accord sur cette interprétation,
avancée semble-t-il par EDF. Babcock et Wilcox, constructeur
des générateurs de vapeur de TMI, soulignait le
premier point à la revue américaine Nucleonics
Week dès avant le 26 avril : « La pression initiale
s'est maintenue dans les GV durant 1,5 à 2 minutes».
L'EPRI, Institut de Recherche sur l'Energie Electrique, financé
par une majorité de producteurs d'électricité
américains, et qui fait techniquement autorité aux
USA, partagerait cette analyse. La NRC en resterait à sa
première interprétation.
On peut noter également que cette
première phase se termine par le démarrage automatique
de l'injection de sécurité à t =2 mn sur
un signal «Basse pression primaire» aux environs de
110 bars (1600 psi), tandis que le «niveau pressuriseur»
croit jusqu'à une valeur proche de sa valeur initiale.
Phase 2
«Suivre la notice» (figures 2 et 3)
On remarque, sur les figures 2 et
3, les points d'intervention des opérateurs qui ont
porté sur l'injection de sécurité et sur
l'alimentation de secours des GV.
Sur l'injection de sécurité,
l'action a été indiscutablement très néfaste
globalement, empêchant un refroidissement nécessaire
du réacteur aussi bien que la compensation du volume de
vapeur évacué par la soupape coincée ouverte.
(Ce deuxième point n'apparaîtra qu'au-delà
de t = 1 h 40, au début de la troisième phase).
La figure 2
montre qu'à t = 6 mn, l'eau primaire atteint l'ébullition
massive dans la moitié chaude du circuit. Cette situation,
qui durera jusqu'à t = 14 h 30, conduira à un assèchement
localisé du combustible qui, alors non refroidi, verra
sa température croître dangereusement.
Sur l'alimentation de secours des GV,
l'action a été bénéfique, stoppant
la chute de la pression secondaire des GV avant qu'elle ne fut
réellement basse (figure 5 à t = 8 minutes)
en arrêtant la montée en température de l'eau
primaire. On notera également que les « niveaux »
secondaires aux GV sont restés « bas », ce
qui montre que cette situation n'empêche pas un refroidissement
suffisant du primaire (voir phase 1).
Le « niveau » au pressuriseur,
observable sur la figure 2, n'a ici, en réalité,
que peu de signification. Son évolution a néanmoins
joué un rôle déterminant dans le déroulement
de l'accident: c'est en effet essentiellement sur celle-ci que
s'est basée 1'intervention des opérateurs sur l'Injection
de Sécurité, comme le confirme la figure 2.
Les opérateurs ont certainement suivi en cela la notice
mise à leur disposition pour les situations accidentelles
de la chaudière, appelée «procédure
de conduite post-accidentelle».
Nous ne connaissons pas la «procédure» en usage
à TMI, nous savons seulement que sur la procédure
en cours d'élaboration pour les centrales françaises
qui vont démarrer sont signalés comme « phénomènes
à éviter »:
- la rupture de la membrane d'éclatement du ballon de décharge
(rupture de la seconde barrière entre les produits radioactifs
et l'environnement, la première étant les gaines
du combustible et la troisième l'enceinte de confinement),
- la cavitation des pompes primaires, le remplissage du pressuriseur
après démarrage de l'I.S.
On ajoutera que, selon l'EPRI, dont Nucleonics
Week cite l'analyse détaillée dans son numéro
du 21 juin, les opérateurs «followed the book»[8].
En réalité, les spécialistes
savent depuis plusieurs années que lors d'une fuite en
phase vapeur du pressuriseur, l'indication du niveau de cet appareil
ne mesure plus un niveau d'eau, qui d'ailleurs n'existe plus:
il s'agit d'nne mesure de colonne d'eau par différence
de pression entre deux points placés sur une même
verticale d'un bidon. Dans le cas présent, le bidon n'est
plus qu'une tuyauterie traversée de bas en haut par un
débit de vapeur ou d'émulsion. On dispose donc d'une
mesure de débit non étalonnée.
L'opérateur, qui n'en croyait
pas ses yeux, voulut néanmoins éviter le remplissage
du pressuriseur et le remplissage du ballon de décharge:
si le « niveau » avait effectivement représenté
le niveau de l'eau, il importait donc d'arrêter d'injecter
dans le circuit primaire un fort débit d'eau à pression
élevée, et de se borner à compenser la perte
d'eau par la brèche.
A la fin de cette seconde phase, la rupture
de la membrane du ballon de décharge était un échec
pour l'opérateur, qui néanmoins avait retrouvé
son « niveau » de pressuriseur et voyait décroître
pression et températures primaires...
8. « Suivaient le livre ».
Phase 3
Une improvisation... qui finit bien (figures 4 et 5)
Le primaire était quand même
en ébullition dans sa masse entre le coeur et les générateurs
de vapeur. Ainsi les choses se sont-elles gâtées
une heure après la fin de la seconde phase les pompes primaires
se sont mises à vibrer dangereusement. Ces vibrations étaient provoquées
par la «cavitation[9]», fonctionnement perturbé
par la présence de poches de vapeur dans les pompes. Les
opérateurs ont ainsi arrêté les unes après
les autres les pompes de la boucle B, puis celles de la boucle
A.
Etait-ce écrit sur leur «procédure»
? Nous ne le savons pas. Ça l'est sur les «procédures
» françaises. La NRC laisse entendre que ce n'était
pas préconisé sur la « procédure »
de TMI « seule l'enquête détaillée,
actuellement effectuée par la NRC, permettra de préciser
les raisons exactes de l'arrêt des pompes, qui apparaît
dès aujourd'hui comme une grave erreur d'appréciation»,
lit-on en effet dans le rapport officiel «Roche-Cayol».
Le Directeur de la Qualité et
de la Sécurité industrielles au ministère
de l'industrie, Monsieur François Kociusko-Morizet a confirmé
cette thèse de la NRC au Comité «Veil»
pour l'«information» sur l'énergie nucléaire,
le 7 mai dernier : il s'est d'abord appliqué à démontrer
que l'accident a véritablement commencé au moment
où, l'inertie des GV Babcock étant insuffisante,
l'alirnentation de secours des GV faisait défaut. Il a
ensuite estimé que «l'exploitant avait pu avoir peur
de détériorer des pompes qui coûtent très
cher, ou de casser ces pompes, mais pouvait prendre le risque
d'en casser une en attendant... »
D'autres spécialistes estiment
que ces pompes avaient du être arrêtées beaucoup
plus tôt, et que les laisser fonctionner dans un primaire
diphasique risquait d'entraîner leur rupture et une seconde
brèche primaire, plus difficilement maîtrisable encore
que la première...
On ne sait donc pas trop ce qui se serait
passé si les opérateurs n'avaient pas arrêté
ces pompes, on sait que les ayant arrêtées, ils ont
vu la situation se détériorer à un point
que la «procédure» était alors totalement
dépassée et qu'il ne restait plus que l'improvisation
pour éviter le pire: la fusion du coeur.
En effet, comme le montrent les figures
4 et 5:
- plus aucun échange n'a eu lieu entre primaire et secondaire,
entraînant la chute de pression dans les GV et la montée
de leurs niveaux,
- l'eau primaire est devenue très hétérogène,
la moitié comprise entre les GV et le coeur (branches froides)
devenant de plus en plus froide et la moitié comprise au-dessus
du coeur dépassant la limite supérieure de la gamme
de mesure de températures.
Toute circulation était alors
interrompue dans l'ensemble du circuit primaire, interdisant un
bon refroidissement du coeur. Seule une convection localisée
dans la cuve pouvait intervenir, convection d'une eau saturante,
comme le montre la figure 4, et ne pouvant donc éviter
l'assèchement localisé du combustible. Un dénoyage
d'une partie importante du coeur est certainement intervenue au
cours de cette phase, dont la période la plus critique
semble avoir eu lieu vers t = 8 heures: eau primaire très
chaude, dépressurisation très importante, d'où
importante vaporisation et assèchement étendu sur
les gaines du combustible.
9. Cavitation: formation de gaz (donc cavité) dans
un liquide en mouvement (se produit quand la pression décroît).
Les opérateurs,
s'appliquant apparemment à conserver un niveau de pressunseur
visible en réduisant l'injection de Sécurité,
ont mis en oeuvre la métliode expérimentale en jouant
sur l'isolement de la ligne de décharge du pressuriseur:
- fermer la « brèche » ralentissait la va-porisation
et réduisait le volume de la bulle de vapeur accumulée
dans le dôme de l'enceinte et dont on pouvait craindre qu'elle
n'atteigne le coeur qu'elle aurait asséché irrémédiablement,
- ouvrir la brèche évacuait de l'énergie
et pouvait permettre d'espérer atteindre les conditions
de refroidissement du primaire par le circuit de réfrigération
àl'arrêt.
Ces tentatives n'ont pas abouti. Cependant,
pour des raisons encore a éclairer, la circulation naturelle
semble s'être rétablie au-delà de t = 10 heures.
La décharge des accumulateurs dans la cuve y a sans doute
contribué. L'homogénéisation du circuit primaire
a alors été favorisée par une nouvelle fermeture
de la brèche » vers t = 13 h 30, et les opérateurs
ont pu remettre en service sans dommage les pompes primaires de
la boucle A le refroidissement par le générateur
de vapeur A mettait fin à cette phase périlleuse.
Phase 4
A quand l'arrêt sûr?
Nous ne nous étendrons pas dans
la présente Gazette sur cette dernière phase, non
moins périlleuse que la précédente, et qui
n'est pas terminée aujourd'hui, à notre connaissance.
Il s'est agi d'abord d'éliminer
la «bulle» d'hydrogène, de gaz de fission radioactifs
et de vapeur, qui s'était constituée dans la partie
supérieure de la cuve et qui mettait en péril le
bon refroidissement du coeur.
Il s'est agi ensuite de recombiner l'hydrogène
accumulée dans l'enceinte, afin d'éviter une explosion
d'hydrogène plus puissante que celle qui s'était
produite à t = 10 heures au cours de la phase 3 (voir
figure 5), qui aurait pu, fissurant l'enceinte, conduire également
à la catastrophe, par relâchement massif de radioactivité
dans l'environnement.
Il s'agit enfin d'amener le circuit primaire
dans une configuration «d'arrêt sûr»,
malgré les défaillances de matériels qui
ii'ont pas été conçus pour fonctionner dans
de telles conditions (injection de sécurité, instrumentation,
générateurs de vapeur...) ou qui étaient
défaillants avant l'accident (circuit de refroidissement
à l'arrêt fuitard) malgré les risques de manque
d'alimentation électrique, malgré les multiples
fuites d'une eau primaire dont le niveau de radioactivité
rend les interventions très problématiques voire
impossibles, malgré les tonnes d'effluents liquides qui
sont dans le même cas, etc.
Un bilan des rejets dans l'environnement
ne pourra être fait qu'après la fin de cette quatrième
phase. Il semble que pour ce qui est du coeur, ou de ce qu'il
en reste, il soit désormais à l'abri de tout risque
de fusion.
La NRC n'a pas craint
d'insister sur les « erreurs humaines » commises à
son avis dans la salle de commande de TMI. Sans vouloir trop préjuger
de ses mobiles, on doit préciser que:
- le terme «erreur humaine» est très ambigu
et a été facilement transformé en «fautes
des opérateurs», «d'ailleurs insuffisemment
formés dans le cas particulier de TMI »,
- le terme «erreur humaine» tend à mettre hors
de cause la machine, c'est-à-dire essentiellement sa conception...
qui est néanmoins l'oeuvre d'autres hommes,
- le terme «erreur humaine» tend enfin à faire
croire que les opérateurs ont agi en tout de leur propre
initiative. Or nous venons de voir qu'ils se sont avant tout appliqués
à suivre les «procédures» rédigées
antérieurement par des spécialistes ayant étudié
le problème à tête reposée
La NRC, ea réalité, est
ici juge et partie : n'est-ce pas elle qui a contrôlé
la bonne conception de la chaudière de TMI ? N'est~e pas
elle qui a contrôlé la bonne rédaction des
procédures post-accidentelles, qui a réglementé
la formation des opérateurs?
Si cette formulation a été
reprise par Babcock, le constructeur de la chaudière, par
Giraud, ministre français de l'industrie et par ses hommes,
enfin par une certaine presse ostensiblement pro-nucléaire,
ce n'est pas par hasard, c'est parce qu'ils y ont trouvé
leur compte: les officiels français n'ont pas cru devoir
démentir cette formulation, eux qui ont eu tout le temps
d'apprendre, depuis début avril, qu'elle était fallacieuse.
Voyons donc où sont les véritables défaillances:
En phase 1
- manque d'alimentation normale des GV: défaut banal, à
mettre au compte de la fiabilité des matériels ou
des circuits,
- manque d'alimentation de secours: faute grave, mais n'a pas
joué de rôle matériel à TMI.
Ce n'est pas une faute d'opérateur, c'est l'accumulation
d'une faille antérieure, dans les procédures d'entretien
et de passage d'un quart au suivant, et d'une faute de conception
de la salle de commande, qui aurait dû signaler de façon
aveuglante l'indisponibilité d'un circuit essentiel pour
la sûreté,
- non fermeture de la soupape de décharge du pressuriseur:
défaillance de matériel, ou de son circuit de
commande.
En phase2
- indication sans signification de la mesure de «niveau»
du pressuriseur: faute de conoeption, existant sur toutes
les chaudières nucléaires à eau «pressurisé
», PWR, quel que soit leur constructeur,
- isolement d'enceinte non actionné par la mise en service
de 1'I.S., comme se serait le cas en France par exemple: défaut
de conception particulière à la chaudière
de TMI et probablement à d'autres chaudières
nucléaires, mais probablement aussi défaut de «procédure»
avant d'être une faute d'opérateur!
- arrêt de l'injection de sécurité, et remise
en route seulement à trop faible débit: action due
au défaut de représentativité de la «mesure
de niveau» du pressuriseur, soit un défaut de
conception, annulé avec un défaut de procédure,
comme nous l'avons vu. Monsieur François Kociusko-Morizet
lui-même reconnaissait, le 7 mai, qu'«il est difficile
de reprocher à l'opérateur» d'avoir arrêté
l'Injection de Sécurité. La formation des opérateurs
est sans doute en cause, néanmoins elle l'est pour la quasi-totalité
des opérateurs en centrales nucléaires dans le monde.
Une formation suffisante requiert des efforts d'étude du
même ordre que la rédaction de bonnes «procédures»,
et des efforts d'organisation supérieurs encore: les autorités
de sûreté sont autant impliquées par une insuffisance
que par l'autre.
En phase 3
- l'arrêt des pompes primaires semble ne pas avoir été
une erreur. En France, selon des procédures en cours,
cela aurait été une faute de les arrêter
si tard. Il s'agit donc soit d'une action préconisée
par une «procédure» en cours à TMI,
soit d'une action d'improvisation dans une situation non prévue
par les «procédures». Dans les deux cas, cette
action semble avoir été positive, en dépit
de ses conséquences immédiates, qui n'ont été
que la mise en évidence du manque d'eau dans le circuit
primaire, résultant des actions antérieures,
- quant aux manoeuvres se situant entre t = 1 h 40 et t = 16 h,
nous avons vu qu'elles avaient été improvisées,
ce qu'il n'était pas admis jusqu'alors d'exiger d'un opérateur
de centrale nucléaire dans de telles conditions. On notera
d'ailleurs que les spécialistes de la NRC sont arrivés
en salle de commande vers t = 7 h, et que les ingénieurs
de chez Babcock, peu après, cherchaient toujours dans les
«tables» si le primaire était ou non à
l'état diphasique...
En phase 4
- la bulle est le résultat des fautes antérieures
auxquelles s'ajoutent les erreurs d'appréciation dans des
calculs qui n'avaient pas prévu un tel relâchement
de gaz de fission par les éléments combustibles.
Les difficultés d'évacuation sont liées à
la conception même de la chaudière configuration
du circuit primaire qui permet le passage d'une bulle dans le
dôme de la cuve. Il s'agit donc bien ici d'une faute
de conception,
- l'explosion d'hydrogène n'a heureusement pas dépassé
la pression de calcul de l'enceinte (environ 5 bar). Néanmoins
une explosion plus puissante n'a été évitée
que par l'ardeur mise à approvisionner la centrale en recombineurs
d'hydrogène. Il y a eu là une faute d'organisation.
Cette rapide revue des défaillances mises en évidence à TMI montre qu'en ce qui concerne les 7 défaillances vraiment décisives: indisponiblité de l'alimentation de secours, non fermeture de la soupape de décharge, non représentativité du niveau du pressuriseur, non isolement de l'enceinte durant les 5 premières heures, arrêt ou réduction de l'I.S., formation d'une bulle dans la cuve, et accumulation d'hydrogène dans l'enceinte,
- la conception de la chaudière est
en cause 5 fois,
- les procédures de conduite 3 fois,
- l'organisation immédiate de l'exploitation et de la
sûreté 2 fois,
- la formation des opérateurs 1 fois,
- la défaillance du matériel 1 fois.
Pour ce qui est de l'arrêt des pompes primaires, la Gazette informera ses lecteurs quand tous les spécialistes seront tombés d'accord, nous estimons aujourd'hui que ce n'était pas une mauvaise manoeuvre.
Three Mile Island est-il donc possible en France?
Pour ce qui est de
la probabilité, nous l'avons indiquée au début
de ce papier.
Pour ce qui est de la gravité,
nous devons d'abord dire que les relâchements de radioactivité
à l'extérieur ont été d'ores et déjà
supérieurs à ce qui avait été annoncé
jusqu'ici, la NRC l'a récemment admis. Nous devons dire
ensuite que le relâchement de radioactivité à
l'intérieur de l'enceinte dépasse ce qui avait été
prévu en France pour l'accident «enveloppe»,
dit «de dimentionnement de l'enceinte». Plusieurs
éléments permettent d'affirmer que le même
accident aurait pu être en France plus grave qu'il ne le
fut à TMI. Nous reviendonrs là-dessus dans une
prochaine Gazette.
Pour ce qui est du scénario, nous
pouvons affirmer dès aujourd'hui que sur les 7 défaillances
citées ci-dessus, seul le non-isolement de l'enceinte durant
les 5 premières heures ne se serait pas produit.
Quand on sait que la majeure partie des
rejets radioactifs dans l'environnement de TMI a eu lieu depuis
l'isolement de l'enceinte, selon un rapport récent de la
NRC elle-même, on «comprend» le silence total
des autorités françaises sur l'aspect dit «technique»
de l'accident de Three Mile island.
Petit lexique
Accumulateurs
réservoirs d'eau borée froide sous une pression
de 41 bars.
ANG: Alimentation Normale des Générateurs
de vapeur en eau secondaire.
Boucles A et B: le circuit primaire de la chaudière
de TMI comporte la cuve et deux « boucles » comportant
chacune, essentiellement, un générateur de vapeur
en série avec deux pompes primaires en parallèle
(voir schéma).
Fan cooler: système de refroidissement de l'atmosphère
de l'enceinte par ventilateur et radiateur air-eau dans l'enceinte
et échangeur à l'extérieur de l'enceinte.
Le circuit fermé permet le confinement de l'enceinte. Il
est réputé tenir aux ambiances accidentelles. Ce
dispositif n'existe pas sur les chaudiêres nucléaires
françaises.
GV: Générateur de Vapeur. Le « niveau
» des GV est mesuré de la même façon
que celui du pressuriseur: mesure d'une différence de pressions.
I.S.: Injection de Sécurité, système
appelé, aux USA, ECCS (Emergency Core Cooling System) et
injectant de l'eau froide sous pression dans la cuve en cas d'accident,
afin d'assurer un refroidissement suffisant du réacteur.
I.S.H.P.: Injection de Sécurité Haute Pression.
Prévue pour injecter de l'eau froide dès les premiers
instants d'une dépressurisation de la cuve (dès
110 bars à TMI). C'est de l'ISHP qu'il sera ici toujours
question, même sous l'appellation «I.S.».
Après l'accident
de TMJ, la CFDT-EDT de l'Equipement (le service qui construit
les centrales) a envoyé au Directeur de l'Equipement une
lettre ouverte, dont nous extrayons ici quelques passages caractéristiques:
Ne pas cacher la probabilité
et la gravité d'un accident du type T.M.I. sur une centrale
française.
Plusieurs éléments montrent
en effet que les informations dont on disposait le 24 avril étaient
encore très optimistes. En effet
- la mise hors service de l'alimentation de secours des GV n'est
pas une condition nécessaire au développement d'un
accident du type T.M.I.[1],
- la réserve en eau secondaire des GV du type Westinghouse
n'aurait pas eu d'effet sensible sur le scénario de l'accident
de T.M.I.,
- l'Injection de Sécurité a démarré
automatiquement, à T.M.I., à l'instant t = 2 mn.
Cela n'aurait pas été le cas à Fessenheim
ou Bugey où l'on accordait 25 mn à l'opérateur
pour comprendre le processus et démarrer l'IS manuellement,
temps considéré comme «non totalement satisfaisant»
par l'autorité de sûreté,
- la circulation naturelle n'est pas plus possible sur une chaudière
Westinghouse que sur une chaudière Babcock, dès
que le circuit primaire a atteint l'état diphasique,
1. N.D.L.R. oe qui accroit
notablement la probabilité d'un tel accident.
- les chaudières «françaises»
ne comportent pas le circuit de brassage et de refroidissement[2]
de l'air contenu dans l'enceinte qui existe sur la majorité
des chaudières PWR construites aux USA, qui évite
la mise hors service définitive de la chaudière
en cas de brèche intermédiaire et épargne
aux opérateurs le choix, en cas de petite brèche,
entre risquer de fissurer l'enceinte ou détruire leur machine,
- l'épaisseur d'enceinte en France est inférieure
à celle de TMI, ce qui correspondrait à une irradiation
directe à travers l'enceinte environ 30 fois supérieure
en France à ce qu'elle fut à TMI[3],
- l'accident de TMI semble n'être pas passé loin
de la catastrophe, notamment en cas d'arrêt plus tardif
des pompes primaires, ou d'explosion plus puissante de l'hydrogène,
- enfin, le rythme excessif de l'actuel programme, vis-à-vis
des moyens de l'industrie nationale, du maitre d'oeuvre et de
l'autorité de sûreté, sont des conditions
propres à accroître dans une large mesure toutes
les probabilités d'accidents,
- nous insisterons plus particulièrement sur l'inquiétante
faiblesse des moyens de l'appui technique de l'autorité
de sûreté, qui manifeste clairement quelles sont
les priorités du gouvernement actuel.
Nous n'insisterons pas sur la gravité
de la signification de l'incident de Gravelines. Nous avons seulement
noté que:
-pour les mêmes raisons qu'à TMI, rien ne permet
aujourd'hui d'affirmer que les opérateurs auraient agi
d'une façon sensiblement différente sur une chaudière
dont le coeur aurait été chargé,
- la gravité d'un tel accident aurait dans ce cas été
bien supérieure à celle de l'accident de TMI.
Plus loin, on peut lire:
- Si aucun délai n 'est encore annoncé dans les
intentions de la Direction dans la note du 18 mai, sinon pour
repousser le plus grand nombre d'applications au niveau du palier
N4, le CNLE-CFDT croit devoir préciser sur ce point
ses exigences a minima:
Actions conditionnant dès aujourd'hui
le maintien en service de Fessenheim 1 et 2, Bugey 2, 3, 4 et
la divergence de Bugey 5
- révision provisoire exhaustive des huit procédures
de conduite post-accidentelles citées dans le rapport du
18 mai,
- rédaction d'une procédure de conduite post-accidentelle
provisoire pour le cas d'une fuite du RRA, sur la base de l'expérience
de Gravelines, et en attendant la rédaction d'une version
définitive s'appuyant sur des simulations crédibles,
- correction de la logique de mise en route de l'injection de
sécurité pour les tranches de Fessenheim et de Bugey,
avec modification correspondante des procédures,
- remplacement par des soupapes de conception corrigée
de toutes et soupapes de sûreté de RRA éventuellement
semblables à celles de Gravelines,
- remplaçement par des vannes d'isolement modifiées
de toutes les vannes d'isolement de soupapes de décharge
de pressuriseurs qui ne permettraient pas à coup sûr
dès aujourd'hui un isolement total sous plein débit,
- révision du plan d'urgence en cas d'accident de dimensionnement
du réacteur, pour tenir compte du dépassement des
hypothèses admises comme réalistes jusqu'à
TMI quant aux conséquences radiologiques enveloppes.
Nous demandons à la Direction de l'Equipement
si ces conditions sont actuellement remplies, et sinon, de nous
dire quel est l'état actuel et quelles sont ses intentions
sur ces points.
Actions conditionnant impérativement
le chargement de toutes les tranches du CP1, y compris Gravelines
et Tricastin
Les mêmes, plus:
- retour à l'arrêt d'urgence automatique sur déclenchement
de la turbine au-dessus de 40 % de puissance nominale, comme pour
les tranches précédentes et pour les tranches du
palier
PWR 1300,
- présence permanente sur chaque site d'un recombineur
d'hydrogène opérationnel.
Actions devant donner lieu à des
applications dès que possible sur les tranches du palier
PWR 900
- amélioration de la signalisation en Salle de Commande
(information synthétique sur la disponibilité des
circuits de sûreté,
et pour l'aide au diagnostic, le suivi de l'état du fluide
primaire, etc.),
- réétude de la nécessité d'automatiser
certaines actions de sauvegarde au-delà des dix premières
minutes,
- construction d'un banc d'essai en conditions réelles
de toute la robinetterie primaire (ou auxiliaire nucléaire)
pour laquelle la qualification se révélera nécessaire
par ce moyen pour le palier N4,
- addition d'un système de refroidissement de l'enceinte
autre que l'aspersion en cas de petites brèches primaires,
- mesures propres à protéger le RRA contre les suppressions
tout en facilitant la tâche de l'opérateur et la
protection des pompes primaires lors du passage à l'état
monophasique,
- mesures propres à faire face à une perte totale
d'alimentations électriques, qui, dans l'état actuel,
peut conduire à un accident très grave en moins
d'une heure.
En ce qui concerne la filière «rapide
»,
L'objectif affiché par la Direction
de l'Equipement, d'alignement de la conception de la sûreté
de cette filière sur celle du PWR, n'est pas propre à
rassurer ceux qui ne croient ni à la sagesse d'un projet
comme Super Phénix, ni au bien fondé d'une recherche
à court terme de la compétitivité de cette
filière.
Intéressant non ?...
2. N.D.L.R.
le Fan-cooler de TMI, voir analyse complémentaire Ipetit
lexique)
3. N.D.L.R. compte tenu de la radioactivité répandue
par les nombreux composants fuitards des Circuits auxiliaires,
il faut aiourer que, selon les informations les plus récentes,
aussi bien le public à 1 km de la centrale que le travailleur
sur le site a 250 m Idose autorisée 10 fois plut forte)
auraient, avec une enceinte de confinement française, prit
en 10 h lau cours des 24 premières heures) la dose maximale
autorisée pour un an. A T.M.l., le temps était doublé
pour le travailleur du fait de la plut grande épaisseur
de l'enceinte.
La Gazette nucléaire n°26/27 mai-juin 1979.
(La Gazette
Nucléaire est éditée sur Internet grâce
à Yves Renaud.)
Three Mile Island (1979):
* 1er des trois
feuilletons
* 2e des trois
feuilletons
* 3e des trois
"feuilletons
sur les enregistrements des menbres de la Commission de Réglementation
Nucléaire (NRC).