Boursier.com, 1/7/2009:
La Grande-Bretagne s'inquiète de la sécurité du réacteur nucléaire français EPR... Selon 'The Times', le régulateur nucléaire britannique a envoyé un courrier à Areva et à EDF pour leur notifier de sérieuses réserves sur la sécurité de la technologies de leur réacteur de troisième génération.
La lettre de l'Inspection des installations nucléaires (NII) fait notamment état d'inquiétudes sur le contrôle et l'instrumentation de l'EPR. Selon la NII, la technologie de l'EPR contient en effet des 'failles', en particulier parce que ses différents sous-systèmes, censés être indépendants, seraient en réalité interconnectés, risquant d'entraîner des réactions en chaîne en cas d'incident. "Nous avons de sérieuses inquiétudes concernant votre projet, qui permet à des systèmes de sécurité de classe inférieure de passer outre ('override') des systèmes de sécurité de classe supérieure", écrit la NII, qui menace d'interdire la construction de l'EPR en Grande-Bretagne si ces problèmes ne sont pas réglés.
Une telle éventualité serait un coup très dur pour Areva et EDF... Ce dernier a en effet investi 15 MdsE fin 2008 pour acquérir l'électricien britannique British Energy, dans l'espoir de construire et d'exploiter au moins 4 réacteurs EPR (technologue développée par Areva) dans ce pays. Quant à Areva, l'EPR est son produit-phare, dont les deux premiers deux chantiers sont en cours, l'un en Finlande et l'autre en France à Flamanville.
L'EPR a toujours été présenté par ses concepteurs comme plus fiable et sécurisé que les réacteurs des deux générations précédentes. Selon 'The Times', les deux groupes français seraient d'ores et déjà en train de travailler sur une modification de l'EPR pour satisfaire aux demandes britanniques...
Enerpresse, 18/3/2009:
Lundi, à Birmingham, Luc Oursel a provoqué la stupeur. Au cours d'une conférence sur l'énergie nucléaire en Grande-Bretagne, le président d'Areva NP a indiqué que le groupe français réaliserait dans ses usines un tiers des composants de l'îlot nucléaire (les pièces forgées notamment) de la dizaine d'EPR qu'il compte construire outre-Manche. Les autres lots, a-t-il précisé, seront attribués, par appels d'offres, aux entreprises britanniques et à leurs concurrents. Cette répartition annoncée du business a fort déplu. S'exprimant dans les colonnes du Times, Sue Ion, ancienne directrice de la technologie de BNFL, a critiqué cette «French exclusion zone» et indiqué que les entreprises britanniques pourraient fournir plus de 80% des composants des centrales. Une opinion partagée par les syndicalistes de l'Unite.
27/1/2009 - Le gouvernement britannique a donné mardi le coup d'envoi du processus de sélection des sites qui accueilleront les futures centrales nucléaires dont il souhaite la construction au Royaume-Uni, en invitant les groupes du secteur à lui faire ses propositions d'ici deux mois. Le ministère de l'Energie et du changement climatique, qui supervise le processus, a également détaillé les critères de sélection, dont l'un des principaux est que les nouvelles centrales ne devront pas être construites à proximité de "centres de peuplement majeurs" ni de certaines zones militaires. Ces sites seront situés exclusivement en Angleterre et au Pays de Galles, en raison de l'opposition catégorique des autorités écossaises et nord-irlandaise à la construction de centrales nucléaires sur leur territoire. "Les industriels ont indiqué que les sites les plus souhaitables sont situés à côté des centrales nucléaires existantes", a précisé dans un communiqué le ministère. "L'énergie nucléaire peut améliorer la sécurité de l'approvisionnement en énergie et être un moteur dans la transition vers des sources d'énergie à faible émission de CO2", a réaffirmé le ministre Ed Miliband, en annonçant le lancement du processus de sélection lors d'un "forum du développement nucléaire" qui s'est déroulé ce mardi à Londres.
23/1/2009 - L'Autorité britannique de démantèlement nucléaire, la Nuclear Decommissioning Authority (NDA), a proposé vendredi quatre sites pour accueillir des nouvelles centrales atomiques destinées à renouveler le parc nucléaire britannique vieillissant. La NDA a proposé au gouvernement de fournir aux opérateurs souhaitant construire de nouveaux réacteurs des terrains situés à côté des centrales nucléaires existantes de Sellafield (dans le nord-ouest de l'Angleterre), Wylfa (au Pays de Galles), Oldbury (sud-ouest de l'Angleterre) et Bradwell (sud-est). Tous ces sites ont la particularité d'abriter des centrales nucléaires d'ancienne technologie Magnox, qui sont soit en fin de vie, soit déjà en cours de démantèlement. Celle de Sellafield, présentée comme la première centrale nucléaire civile du monde, a fonctionné de 1956 à 2003. Un porte-parole de Downing Street a assuré que le Premier ministre Gordon Brown était satisfait de ce choix. D'autres centrales pourraient être bâties sur des sites appartenant au groupe nucléaire British Energy, racheté récemment par le français EDF, ce qui assure à ce dernier un rôle clé dans la relance de l'énergie nucléaire au Royaume-Uni.
Rappel sur le nucléaire
en Grande-Bretagne:
- Windscale, une
passoire rebaptisée Sellafield
- L'incendie
de 1957 (et un documentaire
vidéo de 50 mn en RealVidéo
21 kb qui explique le rôle de l'usine et les circonstances
de l'accident.)
- La fuite
de 1973
- Le
site le plus polluant d'Europe
- Les enfants maudits de Sellafield
- Dents de lait au plutonium
Les Echos, 3/12/2008:
Pour des questions de concurrence, l'acquisition
de British Energy s'annonce un peu plus compliquée que
ce que les dirigeants d'EDF avaient espéré. La Commission
européenne a prolongé hier jusqu'au 22 décembre
son examen du dossier. Un délai qui va lui permettre de
tester auprès des clients et des concurrents de British
Energy les solutions proposées par EDF pour résoudre
les problèmes de concurrence posés par ce rapprochement
entre deux des grands acteurs de l'électricité outre-Manche.
Le groupe français n'a pas précisé hier les
propositions qu'il a présentées. Selon les analystes,
EDF pourrait céder certaines centrales de British Energy
ou des terrains proches de ses sites nucléaires. Ses concurrents
pourraient y construire des installations atomiques.
Le Monde, 7/11/2008:
Pierre Gadonneix n'a pas la réputation de casser facilement sa tirelire. Aussi le PDG d'EDF a-t-il surpris certains de ses pairs en annonçant, le 24 septembre, qu'il débourserait 12,5 milliards de livres (15,6 milliards d'euros) pour acquérir British Energy (BE), qui exploite huit des dix réacteurs nucléaires en service en Grande-Bretagne. Le groupe français a déposé son offre, mercredi 5 novembre, mais la question demeure : a-t-il acheté trop cher un parc de centrales vieillissantes, quand bien même l'opération lui ouvre les portes du marché nucléaire britannique et accroît sa part du marché de l'électricité outre-Manche ?
L'acquisition la plus importante de l'histoire d'EDF est scellée. Mais une étude vient relancer le débat qui oppose dirigeants et syndicats. A la demande du comité d'établissement de l'entreprise, le cabinet groupe Alpha a analysé cet achat pour savoir si EDF n'a pas payé un prix trop élevé, compte tenu de la qualité médiocre des actifs de l'opérateur britannique et des perspectives de prix de l'électricité dans ce pays.
Alpha a étudié trois valorisations - haute, intermédiaire et dégradée - prenant en compte deux critères : le taux de disponibilité des centrales britanniques (nombre d'heures de fonctionnement dans l'année) et la capacité qu'aura EDF à augmenter les tarifs dans un univers très concurrentiel où cinq autres groupes se disputent le marché.
Dans le scénario optimiste pour l'activité à venir d'EDF, BE ne vaudrait pas 12,5 mais 10,7 milliards de livres, estime Alpha. Dans le scénario médian, sa valorisation tombe à 9,8 milliards et dans le plus bas à 6,8 milliards. "Un prix de 12 milliards ne paraît pas atteignable, même dans les conditions les plus favorables, c'est-à-dire sous la double hypothèse de prix élevé et de forte disponibilité des centrales", en concluent les experts d'Alpha. EDF aurait donc payé un "premium" qui leur semble injustifié. Pour les syndicats, il s'agit moins de "noircir" le tableau que d'informer au mieux les 160 000 salariés d'EDF.
Le groupe voulait-il - coûte que coûte - s'emparer de BE, quitte à payer une grosse rallonge ? Ses dirigeants n'ont pas souhaité commenter l'étude d'Alpha, renvoyant aux explications fournies par M. Gadonneix, fin septembre, lors de l'annonce de l'offre publique d'achat amicale d'EDF sur BE. "La valeur retenue, disait-il, correspond à notre estimation des actifs nucléaires de BE, tels que nous les avons identifiés par des audits approfondis." Il évoquait des calculs valorisant l'entreprise à 20 milliards d'euros. Elles reposaient sur un prix futur de l'électricité très élevé, alors qu'il affirme avoir retenu "des hypothèses de prix prudentes" pour que l'avenir ne lui réserve que de bonnes surprises.
Trop cher ou pas, EDF achète des centrales et des sites sur lesquels il veut installer quatre EPR, le réacteur de troisième génération. Le premier pourrait entrer en service en 2017. Ce rachat marque une étape importante dans une stratégie de consolidation de sa base européenne et de développement dans le nucléaire à l'international.
Jean-Michel Bezat
Libération, 24/6/2008:
Négociations. Avec un parc en piteux état, le groupe britannique ne serait pas si attrayant.
Et si EDF était en train de se fourvoyer ? En souhaitant prendre le contrôle de British Energy (BE), l'électricien français serait en train de renouer avec ses vieux démons qui, dans son histoire encore récente, lui ont fait faire de grossières erreurs en matière d'acquisition. C'est la thèse développée en interne par plusieurs cadres qui s'inquiètent de voir leur groupe s'apprêter à faire un chèque de 14 milliards d'euros pour racheter un parc de huit centrales nucléaires, en piteux état. Et qui ne servira à rien.
Pour la direction d'EDF, le fait que l'Etat britannique vende sa participation de 35 % dans le capital de BE serait une occasion en or pour se mettre en position de devenir le futur numéro 1 du nucléaire civil au Royaume-Uni. Mais personne, dans l'entourage de Pierre Gadonneix, le patron d'EDF, n'est dupe. On sait bien que le parc de British Energy n'est pas flamboyant. A l'exception du site de Sizewell (au nord de Londres), les sept autres centrales (utilisant la vieille technologie graphite gaz) tournent autour de 50% de leur capacité théorique. «C'est beaucoup mieux qu'il y a cinq ans. Il y a eu depuis un vrai effort d'investissement et de maintenance», assure une source proche du dossier.
Zones protégées. Si une petite moitié du parc est condamnée à être arrêtée d'ici quatre à cinq ans, EDF parie qu'il pourra faire fonctionner les autres centrales au moins jusqu'en 2020. Et après ? EDF est catégorique : l'Etat britannique s'est engagé, en 2003, à prendre à sa charge tous les coûts du démantèlement.
Pour autant, le calcul d'EDF ne se limite pas à l'exploitation d'un parc vieillissant et peu performant. Car le français voit grand : il veut faire pousser, grâce à l'acquisition de BE, au moins quatre EPR sur le sol britannique avant 2020. Pour faire simple, l'électricien français achèterait donc BE moins pour ces centrales que pour ses terrains qui, demain, lui permettront de construire ses EPR. Mais, et c'est là tout le problème, selon nos informations, un seul site de BE pourrait accueillir en l'état un futur EPR.
Si on met de côté les deux centrales écossaises (où il existe un moratoire sur le nucléaire), il reste donc six sites potentiels. Or, soit par manque de place, soit à cause de zones protégées, ou de risques d'élévation du niveau de la mer, voire de faille sismique, un seul de ces emplacements (celui de Sizewell) peut a priori accueillir un EPR. Sans le reconnaître officiellement, EDF en a bien conscience, puisque depuis une grosse année, il rachète, en toute discrétion, des terrains privés autour de la centrale d'Hinckley Point et de celle de Wylfa, propriété non pas de British Energy, mais de la Nuclear Decommissioning Authority (NDA), organisme public en charge du démantèlement des centrales.
Et c'est là que le dossier devient baroque : pourquoi se porter acquéreur de BE, tout en achetant des terrains ? «Nous savons qu'EDF a acheté des terrains privés en bordure de la centrale de Wylfa, au Pays de Galles. Mais ils n'ont pas assez d'espace pour construire un EPR. S'ils veulent en faire un, ils auront besoin du terrain de la centrale qui appartient à la NDA», souligne Bill Hamilton, chef de la communication à la NDA. En revanche à Hinckley Point, EDF serait propriétaire d'une superficie suffisante pour construire tout seul un EPR. Sans l'aide de BE.
«Rois des couillons». C'est d'autant plus troublant que la NDA a déclaré vouloir mettre aux enchères certains de ses sites (dont Wylfa) pour permettre à un nouvel acteur de venir concurrencer le futur propriétaire de BE. Pourquoi alors s'entêter à vouloir prendre le contrôle du groupe si on peut faire sans ? Pour l'instant, EDF y voit un atout politique. «C'est clair que si EDF n'obtient pas la garantie de Londres de pouvoir construire plusieurs EPR sur les sites de BE, alors on est les rois des couillons», s'amuse un administrateur, pourtant favorable au projet.
La direction d'EDF, elle, se dit droite dans ses bottes et ne déposera son offre que si elle a la certitude de pouvoir construire ses quatre EPR, sans l'acquisition de nouveaux terrains. Pour un groupe évalué à 11,2 milliards de livres (14,2 milliards d'euros), c'est le moins.
Lire: Les Anglais savent dorénavant qu'un ouvrier du nucléaire court 8 fois plus de risques qu'un autre d'avoir un enfant leucémique... les Français, eux, ne le savent pas.
16/10/2006 - British Energy, qui produit 20% de l'électricité consommée au Royaume-Uni, a annoncé lundi qu'il allait arrêter des réacteurs nucléaires pour réparation après avoir découvert des fissures et une fuite dans trois de ses huit centrales. Des fissures ont été relevées dans les générateurs de ses centrales de Hinkley Point (ouest de l'Angleterre) et Hunterston (nord-ouest). "Les préparations sont en cours pour arrêter les réacteurs afin de procéder à des inspections et d'entreprendre toute réparation nécessaire", a indiqué British Energy dans un communiqué. Le groupe, dont l'Etat britannique détient 65%, a également découvert une "importante fuite" dans un tuyau souterrain du circuit de refroidissement de la centrale de Hartlepool (nord-est). La production va y être également interrompue pour réparation et des inspections seront également nécessaires à la centrale de Heysham (nord-ouest). Les centrales de British Energy sont de vieilles installations. Celles de Hinkley et Hartlepool ont été mises en service en 1976 et celle de Hunterston en 1983. Elles doivent être démantelées entre 2011 et 2014. La nouvelle faisait perdre 16% de sa valeur à l'action British Energy à la Bourse de Londres lundi après-midi.
Libération le 28/12/02:
A long terme, la question de l'existence du secteur est bel et bien posée. Aucun signe de renouvellement du parc nucléaire ne se dessine, alors que les derniers réacteurs auront fermé en 2020.
Londres de notre correspondant
Le nucléaire britannique est subclaquant. British Energy, entreprise privatisée qui assure un quart des besoins en électricité du royaume, aurait déjà fait faillite sans l'aide in extremis de l'Etat. BNFL, sa rivale publique, ne se porte guère mieux avec ses six centrales vieillissantes et son usine de retrai tement très controversée de Sellafield. L'argent pour renouveler le parc ou recycler les déchets fait défaut. Au pays du thatchérisme et de la Troisième Voie, l'ennemi principal de l'atome civil n'est plus l'écologie, peu active sur le terrain politique, mais le marché. Malgré eux, les ultralibéraux pourraient bien réussir là où les Verts ont échoué. En quatre ans, une série de privatisations a bouleversé le secteur de l'énergie et entraîné une chute de 40 % du prix de gros de l'électricité. C'est autant de gagné pour les consommateurs. Mais, à l'autre bout de la chaîne, tout le monde souffre. Au cours actuel de 23,7 euros le mégawatt-heure, rares sont les producteurs qui réalisent encore des profits.
Menace. En septembre, Bri tish Energy a échappé de peu au naufrage. Ses dirigeants ont créé la surprise en menaçant de mettre la clé sous la porte s'ils n'obtenaient pas de l'Etat un «soutien financier immédiat». Après 740 millions d'euros de pertes en 2001, le groupe affichera cette année un déficit estimé à 800 millions d'euros. Et sera bientôt obligé de mettre en vente ses branches américaine et canadienne, les seules rentables.
C'est encore l'histoire d'une privatisation ratée au Royaume-Uni. Le géant nucléaire fait partie, avec le rail, des dernières entreprises publiques vendues par les conservateurs à la fin de leur règne. En quatre ans, son action est passée de 70 livres à 0,60 livre. Fin novembre, l'Etat a donc dû lui accorder un prêt-relais de 1 milliard d'euros jusqu'en mars et s'est engagé à couvrir ses frais de retraitement des déchets. En échange, il contrôlera, via BNFL, 65 % de ses revenus futurs. Une quasi-renationalisation au prix fort. Le plan de sauvetage coûtera aux contribuables entre 150 et 200 millions chaque année pendant dix ans. Selon un dirigeant du secteur, le groupe «paie ses erreurs stratégiques. Il a raté le tournant de la diversification».
Ceux qui arrivent à sortir leur épingle du jeu, comme London Electricity, filiale d'EDF, Powergen ou Innogy, ne se contentent pas de produire de l'électricité. Ils la distribuent et la commercialisent, parfois ils assurent même son transport, comme Scottish Power. British Energy n'est présent qu'en amont de la chaîne et subit plus durement l'effondrement des prix.
Son principal problème se résume à deux chiffres : elle vend à 16 livres un mégawatt-heure qui lui coûte une livre de plus à produire. «Le nucléaire britannique est confronté à la fois à des prix exceptionnellement bas et, du fait de ses choix technologiques, à des coûts d'exploitation plus élevés que dans des pays comme la France ou les Etats-Unis», explique le consultant Gordon MacKerron. Lors de l'ouverture du marché à la concurrence, les tarifs de l'électricité, alors très élevés, ont encouragé les investisseurs privés à construire des centrales thermiques, le plus souvent à gaz, la formule de loin la plus rapide et la moins chère. A cause de plusieurs hivers particulièrement doux et de «cette ruée vers le gaz», la Grande-Bretagne produit actuellement trop d'électricité : 25 % de plus qu'elle n'en consomme. D'où la baisse des prix entamée depuis quatre ans.
«Jamais vu ça». La chute s'est accélérée avec l'introduction en mars 2001 de nouvelles règles de négoce - les New Electricity Trading Arrangements ou Neta -, destinées à permettre un ajustement plus rapide de l'offre et de la demande. Depuis, rien ne va plus dans le secteur de l'énergie britannique. «Je n'ai jamais vu ça, même dans les économies les plus libérales. Ici, les prix changent toutes les demi-heures», confie un professionnel qui a pourtant beaucoup voyagé. Le mois dernier, la filiale britannique de l'américain TXU a déposé son bilan. La plus importante centrale à charbon du pays, Drax, qui était son principal fournisseur, menace de faire de même. Un peu partout, de nombreuses usines ont été mises en veilleuse en attendant des jours meilleurs. «Le nucléaire n'a pas cette souplesse, souligne Gordon MacKerron. Que ses réacteurs soient ou non à l'arrêt, ses coûts restent sensiblement les mêmes.»
Ne serait-ce que pour des raisons de sécurité, le gouvernement néotravailliste ne laissera pas British Energy faire faillite, quitte à organiser son retour dans le giron de l'Etat. Mais, à long terme, la question de l'existence du secteur est bel et bien posée. Alors que les derniers réacteurs auront fermé en 2020, aucun signe de renouvellement du parc ne se dessine. Dans les circonstances actuelles, aucun entrepreneur privé ne se lancera dans une pareille aventure sans une aide publique massive. «Entre les délais de construction, le coût de l'investissement, les obstacles administratifs et l'incertitude politique, il faut reconnaître que ce n'est pas très engageant», s'écrie Gordon MacKerron.
Sommet de Kyoto. Problème : sans le nucléaire, qui assure 30 % de ses besoins en électricité, la Grande-Bretagne aura bien du mal à respecter ses engagements pris au sommet de Kyoto (ce sont les transports et l'industrie en général qui sont de gros producteurs de gaz à effet de serre, pas la production d'électricité qui représente très peu de l'énergie consommée en GB ou en France, mais cette propagande du lobby pro-nucléaire passe bien et même très bien dans la presse). Ses dirigeants prévoient d'accroître de 3 % à 10 % la part des énergies renouvelable d'ici à 2010, mais cela ne suffira pas à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Autre difficulté : avec l'épuisement du pétrole de la mer du Nord, le pays deviendra en 2005-2006 importateur net d'hydrocarbures, principalement de gaz russe. Autant de paramètres que le gouvernement de Sa Majesté va devoir prendre en considération dans son livre blanc sur l'énergie à paraître au printemps.
Plusieurs experts parient que le Royaume-Uni, au nom du protocole de Kyoto et de l'indépendance énergétique, ne renoncera pas au nucléaire, quitte à malmener ses sacro-saints principes libéraux. Déjà, le ministre de l'Energie, Brian Wilson, vient d'évoquer une possible réforme des Neta, le processus de fixation des prix de l'électricité.
Par Christophe BOLTANSKI