Le Figaro, 08/07/2005 :
Déchets radioactifs: divergence de vues entre le CEA et
des députés
Ouest-France, 30/06/2005
La loi Bataille de 1991 prévoyait quinze années de recherche sur la gestion des déchets hautement radioactifs des centrales nucléaires. L'échéance approche, mais on est loin d'avoir trouvé la solution. Le laboratoire souterrain de Bure (Meuse) n'a pas encore permis de conclure en faveur du stockage profond dans l'argile.
BURE (de notre envoyé spécial) - Au milieu d'une campagne vallonnée où les céréales poussent sous le chaud soleil de juin, deux derricks blancs, dressés au milieu de rien. Ces chevalets de mines signalent la présence du laboratoire souterrain de Bure entre Meuse et Haute-Marne. C'est ici que l'Agence nationale pour la gestion des déchets nucléaires (Andra) a creusé l'argile jusqu'à 490 m pour tester les capacités du sous-sol à stocker des déchets hautement radioactifs. Après deux graves accidents de chantier, dont un mortel, le projet a pris beaucoup de retard.
Aujourd'hui, l'agence n'est pas en mesure d'affirmer que l'argilite constitue le meilleur choix. De nombreuses inconnues restent à étudier. Cette roche que l'on creuse à la dynamite va-t-elle conserver toutes ses qualités après les travaux ? Quel sera son comportement lorsque des déchets très chauds y seront stockés ? Failles, séismes, géothermie, faiblesse de la couche d'argilite, manque d'expérience, irréversibilité du stockage, risques importants de contamination : autant de questions sans réponse qui suscitent de nombreuses craintes chez les opposants.
Poursuivre les études ?
La Confédération paysanne, une association locale
de défense et la CFDT ont démissionné récemment
du Comité local d'information et de suivi (Clis). Elles
entendaient manifester leur inquiétude de voir le laboratoire
se transformer en lieu de stockage. Le Clis a mandaté un
cabinet indépendant - l'Institute of energy and environnemental
research (IEER) - pour mener une contre-expertise. Sa conclusion
: il faut poursuivre les études sur place, pendant encore
5 à 20 ans, selon la nature des déchets à
accueillir (Le nucléaire
s'arrêtera faute d'Uranium avant qu'une solution ne soit
trouvée aux déchets ?).
Selon la loi Bataille, deux autres sites auraient dû être testés, l'un dans le sel et l'autre dans le granit. D'épaisseurs trop faibles, les couches de sel ont rapidement été abandonnées. En revanche, alors que le granit de qualité ne manque pas sur notre territoire, aucun laboratoire n'a pu être implanté. Sur chaque lieu pressenti, et notamment dans l'Ouest, la population s'est vivement opposée à tout projet. Pour mener ses recherches, l'Andra a dû se tourner vers l'étranger, Suisse, Suède et Canada notamment.
Un bel héritage...
Par ailleurs, le Commissariat à l'énergie atomique
(CEA) planche sur les moyens de réduire la nocivité
- par la séparation des actinides mineurs - et la durée
de vie - par transmutation
- de ces déchets décidément bien encombrants.
« Avec l'arrêt de Super Phénix, nous avons pris du retard », explique Thierry Lieven, chef du projet « Colis haute activité ». Le réacteur Phénix de Marcoule qu'il a fallu réactiver à grands frais, permet de progresser mais, « les résultats ne montrent pas de maturité », souligne le représentant du CEA (bin voyons... voir le texte de Claude Boyer plus bas). Il faudra sans doute attendre la génération des réacteurs à neutrons rapides, celle d'après l'EPR, pour obtenir des résultats plus significatifs. C'est-à-dire, pas avant 2040-2050. « De toute façon, il n'y a pas urgence », dit-on à l'Andra.
En attendant, les déchets s'accumulent à la Hague où l'usine Cogéma retraite le combustible usé des centrales nucléaires. Après traitement, on récupère 96 % d'uranium appauvri, 1 % de plutonium et 3 % de déchets hautement radioactifs. Ces 3 % concentrent 97 % de la radioactivité du produit initial et sont mélangés à du verre. On estime le stock de déchets à haute activité à près de 100 000 m3.
Volume auquel il faut ajouter le million de tonnes de déchets de moyenne activité enfoui sous les tumulus de l'Andra à la Hague et les deux millions de tonnes qu'elle s'apprête à accueillir à Soulaines, dans l'Aube. Les plus actifs resteront dangereux pendant des milliers d'années ; les autres, plusieurs centaines.
Un bel héritage pour les générations futures qui va faire l'objet d'une consultation à l'automne sous l'égide de la Commission nationale du débat public. Les parlementaires, eux, auront à se prononcer début 2006.
Jean-Pierre BUISSON
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30/06/2005 - Le gouvernement se donne dix ans de recherches supplémentaires avant d'arrêter une solution définitive pour les déchets radioactifs issus des centrales nucléaires, ont indiqué jeudi les deux ministres en charge du dossier, François Loos et François Goulard. "Nous allons définir un calendrier d'une dizaine d'années supplémentaires", a expliqué devant la presse le ministre délégué à l'Industrie François Loos. La loi Bataille du 30 décembre 1991 fixait une période de quinze ans pour approfondir les recherches sur les déchets de haute activité à vie longue, avant que le parlement ne soit à nouveau saisi du dossier. Ces déchets ultimes, issus des centrales nucléaires après avoir été retraités, sont les plus dangereux et restent radioactifs sur des centaines de milliers d'années. Ils ne représentent que 4,4% des déchets nucléaires en volume, mais 99,9% de la radioactivité totale. "2006 (l'échéance fixée par la loi Bataille, ndlr) n'est pas une période pour une décision administrative", a estimé de son côté le ministre délégué à la recherche François Goulard. Les deux ministres en charge de ce dossier, qui recevaient jeudi deux rapports du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) faisant le point de quinze ans de recherche, ont rappelé le calendrier prévu: ouverture à l'automne d'un débat organisé par la Commission nationale du débat public, préparation d'un projet de loi qui sera présenté au Parlement "au premier semestre 2006". "On peut qualifier (ce texte), à ce stade, de loi d'étape", a estimé M. Goulard.
Le Monde, 5/02/05:
Trois journées d'audition parlementaire viennent de faire le bilan de près de quinze années de recherches sur le traitement et la gestion des rebuts de l'industrie nucléaire. A un an d'une nouvelle loi sur le sujet, le laboratoire censé qualifier leur stockage en profondeur a pris beaucoup de retard.
Le 30 décembre 1991, la loi dite "Bataille" donnait un délai de quinze ans à la nation pour étudier la meilleure façon de gérer les déchets radioactifs de haute activité à vie longue - les rebuts les plus toxiques de l'industrie nucléaire -, dont la durée de vie peut se compter en milliers, voire en centaine de milliers d'années.
Quinze ans se sont presque écoulés depuis et 2,3 milliards d'euros ont été consacrés à ces recherches. Quel bilan en tirer, alors que le gouvernement s'apprête à proposer, en 2006, une nouvelle loi sur ces déchets radioactifs ?
Trois auditions parlementaires ont récemment eu lieu, dont la dernière le 3 février, à l'initiative de Christian Bataille, député (PS) du Nord (très pro-nucléaire) et père de la loi de 1991, et de son collègue UDF (lui aussi, très pro-nucléaire) Claude Birraux (Haute-Savoie). Il s'agissait de faire le point sur les trois pistes de recherche que le texte de 1991 avait invité à prospecter.
Séparation-transmutation. Ces opérations visent à trier les différentes "espèces" de radionucléides (éléments radioactifs) pour permettre un conditionnement différencié et leur faire perdre une partie de leur radioactivité, notamment en les recyclant dans les combustibles que "brûlent" certains réacteurs nucléaires.
Ces techniques sont déjà au centre de la doctrine française du retraitement des combustibles nucléaires usés. Pour les déchets du futur, la possibilité de séparation des différents éléments radioactifs n'est démontrée qu'à l'échelle du laboratoire.
Les expériences de transmutation n'ont pas progressé au rythme escompté, en raison de l'arrêt du surgénérateur Superphénix, dont les neutrons rapides auraient permis d'expérimenter plus largement ces technologies (bin voyons... voir texte de Claude Boyer plus bas).
Le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) a dû se rabattre sur le vieux réacteur expérimental Phénix. Mais celui-ci, après une cure de jouvence coûteuse, devra fermer ses portes en 2008. Cette voie suppose donc des partenariats avec le Japon et la Russie, qui disposent de réacteurs appartenant à cette filière.
Les projets d'incinérateurs de ces déchets faisant appel à des accélérateurs de particules ne sont pour l'heure guère avancés en dépit de l'enthousiasme du Prix Nobel de physique, Carlo Rubbia. Les premières expérimentations ont même conduit à de graves déconvenues, comme en Suisse à l'Institut Paul Sherrer.
Au total, résume André-Claude Lacoste, directeur de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), "on ne prévoit pas de mise en oeuvre industrielle de la transmutation avant au mieux 2040-2050".
Le stockage en profondeur. Il a pour principe de placer les déchets à l'abri de couches géologiques. La loi de 1991 prévoyait d'étudier cette option dans plusieurs laboratoires. Mais en raison des oppositions locales, un seul site, à Bure (Meuse), a pu être retenu. L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) y a creusé deux puits et une "niche" d'expérimentation. Les galeries ne seront pas achevées avant 2006. Les forages et les études sismiques ont cependant permis de commencer l'étude du comportement des roches argileuses.
Le but des recherches est notamment de vérifier que la "zone endommagée" par le creusement de l'ouvrage - un volume de roche correspondant à un tiers du rayon des galeries - conserve son rôle de barrière vis-à-vis des infiltrations d'eau. Bernard Tissot, président de la Commission nationale d'évaluation (CNE), se veut optimiste et avance que "l'eau au-dessus et celle au-dessous de la formation argileuse n'ont ni la même composition ni le même âge".
Un rapport commandé par la commission locale d'information et de suivi (CLIS) de Bure a récemment mis en cause la qualité des recherches conduite par L'Andra (Le Monde du 12 janvier). Elle récuse ces conclusions et estime que le Parlement disposera en 2006 d'éléments "significatifs" pour apprécier l'option du stockage.
Plusieurs questions restent cependant ouvertes. Un tel site a-t-il vocation à accueillir directement des combustibles usés ? Quel dimensionnement faudrait-il prévoir pour le combustible usé chargé en plutonium, le MOX, beaucoup plus "chaud" ? Faut-il ou non rendre le stockage réversible, afin de se donner les moyens de récupérer des matières valorisables ? Si Pierre Gadonneix, président d'EDF, a rappelé que tous les combustibles issus des centrales avaient vocation à être retraités (ne pas retraiter c'est reconnaître comme le font les américains, que ce qui sort des centrales ne sont que des déchets bien encombrants), on ne peut exclure un changement de doctrine dans l'avenir.
L'entreposage en surface et subsurface. Cette solution est déjà mise en oeuvre dans les sites nucléaires, où les combustibles usés, puis retraités, sont conservés en attendant que leur température baisse et que leur radioactivité décroisse. Mais l'entreposage véritable suppose des sites dimensionnés pour fonctionner à une échelle séculaire. Il faut donc développer de nouveaux conteneurs.
Des recherches complémentaires sont nécessaires pour évaluer l'impact des dégagements d'hélium dans les combustibles enserrés dans des colis de béton, spécialement pour le MOX, insiste Robert Guillaumont, de la CNE, pour qui les études des mécanismes d'altération à long terme des colis vitrifiés doivent "être consolidées" (du nov-langue typique des nucléocrates).
Les questions de génie civil doivent aussi être étudiées car les ouvrages de surface ne peuvent actuellement être garantis pour des durées excédant le siècle. Un consensus semble donc se dégager pour voir dans l'entreposage une solution temporaire. "Mais incontournable", souligne André-Claude Lacoste, pour qui "il faut avoir une idée de la façon dont on en sortira".
C'est pourquoi les études sur les conteneurs devront intégrer l'option du stockage géologique, qui semble avoir la préférence de la majorité des opérateurs du nucléaire (no coments).
Hervé Morin
Ils ont osé le faire !
Le réacteur à neutrons
rapides de Marcoule, tombé en panne lors de son 49è
cycle de combustible (en 1989/1990), n'avait que peu fonctionné
depuis, pour la clôture de son 49 cycle (fin 1994) puis
lors d'une tentative sur le 50è cycle en 98/99.
La panne : des pertes multiples de réactivité, n'avait
jamais trouvé de "version officielle" ; la version
officieuse et probable n'étant à l'évidence
pas avouable.
Conçu à l'origine comme prototype de surgénérateur,
capable de produire plus de plutonium qu'il n'en consommait, il
devait postérieurement être reclassé, comme
son successeur Superphénix, en laboratoire d'"incinération"
des actinides mineurs.
Dès le subterfuge avéré de la "surgénération",
ce réacteur n'avait plus lors d'utilité, ce qui
réduisait à néant la théorie de l'abondance
énergétique nucléaire avec des "rapides"
qui fertiliseraient l'uranium 238 non énergétique.
C'est tout le programme électronucléaire français
qui faillit sombrer dans le ridicule. Pour pallier cet échec,
le programme Mox, mélange d'uranium appauvri et de 6% de
Plutonium, comme combustible dans les réacteurs à
eau pressurisée fut lancé afin de justifier le maintien
de la filière avale du cycle de combustible et la poursuite
du retraitement chimique des combustibles irradiés par
Cogéma La Hague. Curieusement d'ailleurs, les décrets
d'autorisation de création des 28 réacteurs à
eau pressurisée de 900 MWé du palier CPY, autorisaient
l'utilisation du Mox bien avant l'échec de Superphénix,
comme si d'importants décideurs n'avaient qu'une confiance
très limitée dans l'avenir de la surgénération
et envisageaient un terrain de repli pour la filière plutonium
et l'usine de retraitement.
Mais ce procédé est particulièrement coûteux
et double sensiblement le prix du kilowattheure nucléaire,
comparé au combustible à uranium légèrement
enrichi (3 à 4% d'U 235 au lieu de 0,7% dans l'uranium
naturel).
L'autre justificatif avancé pour pallier l'échec
de la surgénération était l'élimination
des déchets radioactifs par transmutation. Si ce procédé
est en théorie possible, son étude au CEA dans les
années 70 démontrait, tant par le calcul des sections
efficaces que par le retour d'expérience des réacteurs
à neutrons rapides Rapsodie et Phénix, que la réalité
était tout autre, il produisait en réalité
plus d'actinides mineurs (les déchets les plus toxiques
et de longue vie) qu'il n'en consomme.
C'est à un parlementaire peu scrupuleux, le député
Bataille (PS) que fut demandé l'établissement de
rapports mensongers, falsifiés, pour valider politiquement
cette décision qui permet de faire croire aux populations
que la "science" est en passe de trouver une solution
aux problèmes des déchets nucléaires. Ces
rapports ont obtenu la complicité candide d'un député
Vert Européen, principal opposant revendiqué à
l'usine Cogéma La Hague, qui de sa haute incompétence
et au "nom des populations futures", justifiait les
études sur la
transmutation nucléaire, donnant
ainsi une légitimité écologique à
son pire ennemi.
En 1992, le patron de la sûreté nucléaire,
viré par le ministre de l'Industrie Strauss-Kahn après
avoir signifié son opposition au redémarrage de
Superphénix, fut remplacé par une mauviette servile,
qui déclara sans l'ombre d'un scrupule que cet ex-surgénérateur
tête de série industrielle, déclassé
en prototype puis en laboratoire géant à neutrons
rapides, était apte à reprendre du service, ce,
malgré les problèmes de sodium non résolus
et l'absence d'accumulateurs de pression dans les quatre boucles
du circuit secondaire. Il fallut attendre le carton rouge de la
Cour des comptes en 1997, à 60 milliards de francs, non
compris les frais d'études (27 milliards de F en 1988 dans
le
rapport Rouvillois) pour décider
de l'arrêt de ce fleuron de la haute stupidité des
politiciens et scientifiques français. Il n'avait fonctionné
qu'un an d'équivalent "pleine puissance" en 11
ans de service. Officiellement, le "point" fut accordé
aux écolos, ce qui évitait de perdre la face et
d'avouer l'échec scientifique, technologique et économique
devant les populations.
Cette année, ce brillant patron de la sûreté
nucléaire, qui nous a liquidé en 10 ans le peu de
transparence et de culture de sûreté durement acquises
dans l'après Tchernobyl - mais qui s'empresse de co-signer
les textes de propagande atomique dans la presse - a à
nouveau donné son aval au redémarrage de Phénix,
une installation dont on sait, depuis les incidents de 89/90,
que la réaction neutronique peut ne pas être contrôlable.
Associés à quelques politiciens véreux et
à la bande de scientistes du CEA, ce Grand Maître
de la sûreté nucléaire a donc permis au CEA
et au gouvernement la remise en service de Phénix, réacteur
vieux de 30 ans, dont le seul but est de fournir aux politiciens
un justificatif falsifié mais crédible, à
destination des populations, afin de laisser croire que la science
va trouver la solution à un problème qui n'en a
aucune et dont les résultats sont connus depuis un quart
de siècle, ceci pour maintenir les croyances erronées
dans les capacités énergétiques du nucléaire.
Phénix n'est qu'une coûteuse et particulièrement
dangereuse opération de propagande ; une gigantesque opération
de désinformation !
Claude Boyer,
Lettre d'information
du Comité Stop Nogent-sur-Seine
n° 98 mai-juillet 2003
Le Monde, 5/02/05:
"Mon brevet de démocratie, je le tiens de mes électeurs !"A l'ouverture des trois journées d'audition qu'il a organisées à l'Assemblée avec Christian Bataille, Claude Birraux, député (UDF) de Haute-Savoie, a vertement répondu à Sortir du nucléaire.
La fédération écologiste, invitée à y participer, avait en effet décidé de les boycotter : "Nous ne voulons pas cautionner une parodie de démocratie, a-t-elle déclaré. Nous ne participerons pas à des auditions publiques faisant intervenir essentiellement des acteurs et décideurs industriels - Andra, CEA, Cogema, EDF, BRGM, etc. - et politiques favorables au nucléaire, et dont le déroulement empêche toute contre-expertise ou contradiction."
Pour autant, tous les opposants au nucléaire n'ont pas opté pour l'abstention. C'est le cas de Monique Sené, du Groupement de scientifiques pour l'information sur l'énergie nucléaire (GSIEN), qui n'a pas manqué d'intervenir pour réclamer la poursuite des recherches, et l'élargissement de la future loi à l'ensemble des déchets radioactifs. Fallait-il s'abstenir ?
"Il n'y a pas les purs et les impurs. Compte tenu du manque de clarté du dossier, les deux attitudes se défendent", indique la physicienne, qui n'a pas le sentiment, par sa présence, d'avoir cautionné telle ou telle option nucléaire. Mais sans la "bouderie" de Sortir du nucléaire, "peut-être la Commission du débat public n'aurait-elle pas été activée", note-t-elle.
AUDITIONS "SUPERFICIELLES"
Mycle Schneider, de l'agence Wise-Paris (spécialisée dans les questions d'énergie et proche des mouvements écologistes), a lui aussi assisté aux auditions. "Elles sont l'illustration de l'interchangeabilité des analyses entre le ministère de la recherche, Areva, et le CEA, qui présentent exactement les mêmes transparents", s'insurge-t-il.
Il pointe également le caractère parfois incestueux du domaine, où tel ancien responsable du retraitement chez Cogema se retrouve désormais au Commissariat à l'énergie atomique pour plancher sur les mêmes questions. Pour lui, les auditions sont restées "superficielles". La question du combustible MOX au plutonium n'a quasiment pas été abordée, "alors qu'il faut 150 ans pour que les colis redescendent à 100 °C". De même, la question de la réversibilité de l'enfouissement lui semble ne pas avoir été assez étudiée.
A propos de la loi de 1991 elle-même, il constate qu'elle n'est pas respectée, dans la mesure où un seul laboratoire d'étude du stockage en profondeur a été construit, alors que le texte de loi employait le pluriel. "Cela pose une question de droit, note-t-il. Mais si la sûreté à long terme prime tout, force est de constater qu'on n'a pas fait le nécessaire pour l'assurer."
A cette question de la multiplicité des laboratoires, la réponse n'est pas univoque parmi les écologistes. Claude Collin, de Nature Haute-Marne, qui, lui aussi, a suivi les auditions, est contre. "Ma position, c'est ni ici ni ailleurs, indique- t-il. Pour l'instant, l'entreposage permet d'attendre pour étudier d'autres solutions."
A l'approche de 2006, les élus locaux de la Meuse, où le stockage géologique pourrait être réalisé, semblent contaminés par cet attentisme. Arsène Lux, maire (UMP) de Verdun, souligne la "petite contradiction" qui consiste à juger les bétons peu fiables en surface et à faire confiance au stockage en profondeur, où l'eau pourrait cir- culer. "D'ici 100 ans, s'interroge- t-il, n'aurons-nous pas trouvé des solutions de transmutation ?" Pour Christian Namy, président (div. dr.) du conseil général, les auditions "montrent que les recherches doivent se poursuivre".
Hervé Morin
Le Monde, 5/02/05:
Trois questions à Christian Bataille
02/02/05 - Un rapport d'expertise sur le site d'enfouissement de déchets nucléaires de Bure critiquant le projet de stockage a priori choisi par les députés aurait été écarté des débats.
Un rapport d'expertise commandé et payé
par le Comité local d'information et de suivi du site d'enfouissement
de déchets nucléaires de Bure, dans la Meuse, a finalement été
"écarté" des débats à l'Assemblée
nationale sur le sort des déchets nucléaires français,
son contenu n'étant "pas du goût des expertisés",
indique le Canard enchaîné mercredi 2 février.
Selon l'hebdomadaire, alors que les représentants de l'industrie
nucléaire défilent devant les députés
pour leur présenter "les solutions envisagées
pour se débarrasser des milliers de tonnes" de déchets
nucléaires produits, le rapport critiquant la solution
avancée par ces derniers "n'a pas été
invité à la fête". Ce rapport de l'Institute
for Energy and Environmental Research (IEER), "qui emploie
des scientifiques de différents pays" émet
des critiques vigoureuses sur les travaux de l'Agence nationale
pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) concernant
le site de Bure, choisi a priori, selon le Canard, par les parlementaires
comme solution au stockage nécessaire des déchets
français.
Défaillance
Le rapport reproche notamment à l'Andra "une évaluation
des risques sismiques sérieusement défaillante"
ou encore de "ne pas avoir suffisamment étudié
quelques points critiques comme le dégagement de chaleur
de certains déchets qui pourraient développer des
cycles de vapeur continus dans la zone de stockage pendant des
siècles". L'Andra ne se serait pas non plus penchée
sur "le risque d'une intrusion humaine accidentelle ou délibérée"
et le principal auteur du rapport estime que "la sécurité
de l'ensemble du projet est trop aléatoire". Or "l'Andra
avance une thèse rigoureusement inverse" indique le
Canard qui souligne qu'aucune expérimentation supplémentaire
n'est au programme pour éclairer la décision du
Parlement qui doit être prise l'an prochain.
NouvelObs, 27/1/05:
Des experts défendent l'enfouissement au Parlement
Le Figaro, 22/01/2005 :
La recherche sur les déchets nucléaires a fait des «progrès considérables» au cours des quinze dernières années, mais un long chemin reste à parcourir avant de parvenir à des solutions industrielles. Tels sont les deux principaux enseignements que l'on peut tirer des auditions publiques organisées jeudi, à l'Assemblée nationale, par les députés Christian Bataille (PS Nord) et Claude Birraux (UMP Haute-Savoie).
Tout au long de la journée, une vingtaine d'experts français et étrangers sont venus exposer les dernières avancées concernant l'axe 1 de la «loi Bataille». Autrement dit, les recherches sur la «séparation» et la «transmutation» des radioéléments les plus nocifs présents dans les combustibles usés provenant des centrales nucléaires.
De prime abord, les nouvelles sont plutôt bonnes. Le volume des déchets à vie longue (déchets B et C) produits au cours des quinze dernières années a été divisé d'un facteur dix ! Ce qui fait dire à Anne Lauvergeon, présidente du directoire d'Areva, qu'aujourd'hui : «La très grande majorité de l'inventaire est constituée du nucléaire historique. Nous avons à gérer le passé plus que l'avenir.» Autre point positif : le CEA a découvert une molécule capable d'extraire du combustible retraité deux radio éléments particulièrement toxiques, l'Américium et le Curium. Enfin, plusieurs procédés de transmutation assez futuristes existent sur le papier : les réacteurs à neutrons rapides et les systèmes pilotés par accélérateur (ADS).
Mais le directeur général de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, André-Claude Lacoste, qui a le sens de la litote, a prévenu que leur «mise en oeuvre n'interviendra pas dans un délai proche». Alors que le réacteur expérimental Phénix sera vraisemblablement arrêté en 2008-2009, André-Claude Lacoste s'est dit «très frappé» de n'avoir encore «reçu à ce jour aucun dossier de sûreté pour aucune installation» de remplacement. (Normal, le lobby nucléariste sait bien que la transmutation est bidon)
Prenant visiblement acte de l'absence de solution industrielle à moyen et long termes, le ministre délégué à la Recherche, François d'Aubert, a souligné la nécessité «d'un mode de gestion complémentaire, entreposage ou stockage géologique». Deux auditions publiques consacrées à ces axes de recherche sont prévues les 27 janvier et 3 février prochains, avant la publication du rapport final vers la mi-mars.
Marc Mennessier
Libération, 21 janvier 2005:
Sur la voie des cimetières radioactifs
Journal de la Haute Marne, 20/01/2005 :
Un institut scientifique américain a rendu son rapport sur les travaux réalisés par l'Andra sur le site de Bure. Devant le comité local d'information et de suivi, le rapporteur a souligné un programme réalisé avec des techniques de pointe, mais «pas suffisamment transparent pour émettre un avis (...) dans le délai imparti»
Une bombe. Arjun Makhijani, directeur de l'Institute for Energy and Environmental Research (IEER), a remis jeudi 13 janvier, à Saint-Dizier, le rapport commandé par le Clis début 2003. Examinant le travail de l'Andra (Agence nationale de gestion des déchets radioactifs) sur le site meusien de Bure, il a conclu qu'en l'état actuel des choses, «un jugement sur la faisabilité de la construction d'un centre de stockage géologique (...) est très prématuré».
Une fois n'est pas coutume, les opposants ont applaudi le rapporteur. Le directeur de l'IEER a développé devant le Clis ses arguments, issus d'une année de travail. Le programme est certes impressionnant, mais «insuffisant». Et de pointer les failles du système. Le problème crucial, selon l'IEER ? L'Andra n'a pas assez travaillé sur l'EDZ (Excavation damaged zone), la zone composée d'argilite* où le creusement est effectué. Cette roche, qui s'étend autour de chaque forage, voit lors de son creusement, selon certains scientifiques sa perméabilité multipliée par 100 sur une distance de 5 m.
Des tests sur les roches préconisés
Jaak Daemen, l'auteur de cette partie du rapport, reconnaît que «d'excellentes recherches en laboratoire et études de modélisation» sont en cours, mais qu'elles ne peuvent pas «remplacer des investigations in situ à grande échelle», études nécessaires «sur plusieurs années», Selon lui, il est «important d'effectuer des recherches sur les effets des cycles de déshydratation/réhydratation dans les roches comme les argilites». De tels tests pourraient «fournir un outil de recherche efficace» afin de prévenir «une éventuelle détérioration de l'argilite». Or, aucun test de ce genre «ne semble envisagé» par l'Andra.
Arjun Makhijani a fourni un certain nombre de recommandations sur des sujets «que l'Andra n'a pas suffisamment» pris en compte, selon l'IEER. Scénarii de défaillance des scellements, risques de fracturation dus aux gaz, taux de dégradation des colis de déchets radioactifs, présence de roche (calcite hydrogénique) supposant «une possible circulation d'eau»... Autant de risques combinés qui pourraient avoir pour conséquence la circulation de matière radioactive.
Bataille d'experts
Scénario catastrophe, pour Patrick Landais, directeur scientifique de l'Andra. Point par point, il a répondu aux critiques de l'institut américain, reprochant aux scientifiques indépendants de dresser «un catalogue». Difficile de faire autrement, selon eux avec 10000 pages de document à lire «sans pouvoir rencontrer un scientifique de l'Andra», Le débat d'experts a tourné à l'aigre,
Le rapport des scientifiques américains apporte un nouvel éclairage, L'IEER préconise la poursuite des travaux, devant les maigres résultats obtenus par l'Andra. Une approche plus au goût des opposants à l'enfouissement, qui sans apporter de réponse au problème des déchets radioactifs, a au moins le mérite de poser de nouvelles questions.
Grégory Marin
* Argilite : roche sédimentaire composée d'éléments très fins.
Le rapport de l'institut américain IEER, avec plus de 100 pages, est plutôt long à lire. Il a donc fait l'objet de trois synthèses.
La première est rédigée par la plus proche collaboratrice du rapport, Annie Makhijani. L'épouse française d'Arjun Makhijani, le directeur du projet pour l'IEER, a traduit chapitres et conclusions avant de les synthétiser. On peut se douter que sa synthèse est l'exact reflet du travail du groupe de scientifiques.
Pour le Clis, c'est le secrétaire scientifique, Jérôme Sterpenich, qui a rédigé la synthèse. En traduisant (du français au français) au passage «examen critique» du programme de recherche de l'Andra par «rapport final à propos du programme expérimental». Là où l'IEER parle de programme «de pointe dans que/ques domaines», «satisfaisant» dans d'autres, mais «insuffisant, voire absent dans d'autres», le secrétaire scientifique traduit «l'ensemb/e des scientifiques reconnaît que /'Andra a réalisé un travail sérieux, important, parfois qualifié d'excellent», sans s'étendre sur les lacunes soulignées par les experts américains.
Une troisième synthèse signée Antoine Godinot, un géologue reconnu, a été envoyée au bureau du Clis et à l'IEER. Comme celle de Jérôme Stepernich, elle souligne que «le temps presse» avant l'échéance parlementaire de 2006, date à laquelle les représentants du peuple devront se prononcer sur la pousuite des travaux à Bure. Surtout, lui souligne «les points faibles des données et raisonnement de l'Andra qui nous intéressent». (lire: L'enfouissement des déchets est-il aussi rassurant que le prétend L'ANDRA ?)
Notamment en ce qui concerne l'EDZ (lire ci-dessus).
Trois synthèses, trois manières de lire le rapport. La première est littérale, une simple traduction. La deuxième adoucit les conclusions de l'enquêteur indépendant, la troisième les voudrait plus accusatrices. La pédagogie semble un peu absente de ces démarches. Pas sûr que le citoyen ait beaucoup à gagner dans des batailles d'experts qui ne prennent pas la peine de lui expliquer les enjeux et les risques de tels travaux.
G.M.
Afin d'émettre un rapport impartial sur les travaux de l'agence nationale de gestion des déchets radioactifs, le Clis a fait appel à l'lnstitute for Energy and Environmental Research (IEER). Le groupement de sept experts a des domaines de compétences variés et complémentaires : isolement géologique, aspects mécanique des travaux, comportement thermique, géochimie, séismologie...
Suite à l'appel d'offres lancé par le Clis en février 2003, l'lEER a étudié les travaux de l'Andra sur le site de Bure selon plusieurs axes: constructibilité des ouvrages et conditions de réversibilité d'un stockage, capacité à sceller les ouvrages d'un stockage, extension des perturbations dues à un stockage; capacité de confinement de la formation géologique dite "Callovo-Oxfordien", possibilité de transfert d'éléments radioactifs et d'éléments toxiques entre la formation du Callovo-Oxfordien et la biosphère et contexte sismique, géologique et hydrogéologique régional.
Le travail de l'lEER a débuté en janvier 2004, Une année lui aura été nécessaire pour compulser les 10000 pages de documents fournies par I'Andra.
PARIS (20 janvier 2005) - Ecologistes et Verts estiment "faussé"
le débat parlementaire sur l'avenir des déchets
nucléaires qui s'ouvre jeudi à l'Assemblée
avec des auditions de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
(OPECST).
Le "débat
est tronqué" puisque le gouvernement a déjà
choisi de renouveler le parc de réacteurs, de poursuivre
le retraitement des combustibles usés et de stocker en
profondeur les déchets vitrifiés, déclare
Yves Marignac de Wise-Paris,
une ONG spécialisée dans les études critiques
de l'énergie nucléaire.
Le réseau "Sortir du nucléaire" a décidé
pour sa part de boycotter les auditions, refusant de "cautionner
une parodie de démocratie". L'opposition entre pro
et anti-nucléaires commence déjà avec la
définition des déchets radioactifs, rappelle Frédéric
Marillier de Greenpeace-France. Pour les organisations de protection
de l'environnement, tous les combustibles déchargés
des réacteurs sont usés et représentent des
déchets, qu'il s'agisse de plutonium et d'uranium, d'autres
produits de fission (cobalt, césium, technécium)
ou des substances les plus toxiques, les actinides mineurs (américium,
neptunium, curium).
Pour les pouvoirs publics, plutonium (1/1 000 000 ème de gr de plutonium inhalé
suffit à provoquer un cancer) et
uranium ne sont pas des déchets parce qu'ils sont potentiellement
retraitables, c'est-à-dire qu'ils peuvent être séparés
des autres combustibles irradiés et réutilisés
sous forme de MOX
(mélange d'oxydes d'uranium et de plutonium) pour fabriquer
à nouveau de l'électricité. Les déchets
à éliminer sont donc essentiellement les produits
de fission et les actinides, actuellement vitrifiés (coulés
dans du verre).
En réalité, juge l'ancien ministre de l'Environnement
Yves Cochet (Verts), "les capacités de retraitement
ne sont pas suffisantes". Ne serait-ce que pour cette raison,
la plupart des combustibles usés ne sont pas recyclables
et représentent des "déchets" extrêmement
dangereux qui s'accumulent inexorablement. Certes l'EPR (European pressurized reactor), le réacteur
de 3ème génération que le gouvernement a
décidé de lancer, "pourrait" utiliser
davantage de MOX que les réacteurs actuels, observe M.
Cochet. "Mais cela ne suffira pas". D'une manière
générale, explique-t-il, écologistes et Verts
sont hostiles au retraitement parce qu'il implique de longs transports
de plutonium et multiplie les risques d'accidents, de terrorisme
et de prolifération.
Aux termes de la loi Bataille de 1991, le Parlement est appelé
à trancher en 2006 le sort des déchets les plus
dangereux (de moyenne activité à vie longue ou de
haute activité). Il peut choisir entre les trois voies
de recherche proposées par Christian Bataille, député
PS (Nord):
- Le stockage géologique, en profondeur, est a priori définitif.
Il est étudié actuellement dans le laboratoire de
Bure (Meuse).
- L'entreposage est en surface ou subsurface (à quelques
dizaines de mètres de profondeur) et a priori réversible.
- La transmutation
permet de transformer les actinides en substances à vie
courte dans des réacteurs à neutrons rapides.
Verts et écologistes excluent stockage géologique,
"coûteux et dont la faisabilité n'a été
démontrée nulle part", et transmutation, "rêve
d'alchimiste et fuite en avant, impliquant nouveaux réacteurs
et nouveaux déchets".
Ils se prononcent pour l'entreposage en surface ou subsurface,
dans l'enceinte ou au plus près des centrales, seule solution
qui permette de récupérer les déchets "si
une solution plus intelligente que le stockage définitif
se présente" un jour, résume Pierre Delacroix
de France nature environnement (FNE).
18/01/05 - Le problème hautement controversé de la gestion des déchets nucléaires reviendra jeudi au premier plan de l'actualité avec des auditions devant une commission de parlementaires, en préparation d'un projet de loi que doit présenter le gouvernement en 2006.
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques entendra au cours de cette session, consacrée à "la séparation et la transmutation", les acteurs du nucléaire - AREVA, CEA, EDF... - ainsi que des représentants d'associations de l'environnement ou de consommateurs, des syndicats et des élus locaux des régions concernées.
Mais écologistes et Verts estiment "faussé" ce débat parlementaire : il est "tronqué" puisque le gouvernement a déjà choisi de renouveler le parc de réacteurs, de poursuivre le retraitement des combustibles usés et de stocker en profondeur les déchets vitrifiés, déclare Yves Marignac de l'ONG Wise-Paris. Le réseau "Sortir du nucléaire", qui a décidé de boycotter la réunion de jeudi.
Deux autres sessions d'auditions, organisées par les députés PS Christian Bataille (Nord) et UMP Claude Birraux (Haute-Savoie), se tiendront les 27 janvier et 3 février. Elles seront respectivement consacrées au "stockage réversible ou irréversible" et au "conditionnement et entreposage de longue durée" des déchets nucléaires.
L'Office publiera ensuite un rapport destiné au gouvernement, qui présentera dès le début de l'année 2006 au Parlement un projet de loi sur les déchets radioactifs de haute activité (déchets C).
La "loi Bataille" du 30 décembre 1991 sur cette question donnait aux pouvoirs publics quinze ans pour approfondir les recherches et trouver une solution pour le stockage des déchets les plus dangereux, ceux résultant de l'activité des centrales nucléaires et ayant pour certains éléments une durée de vie de plusieurs millions d'années.
Outre les avis des experts des parties prenantes, le gouvernement pourra s'appuyer notamment sur les premières données fournies par le laboratoire souterrain de Bure (Meuse), où une première "niche d'expérimentation" est entrée en fonction en novembre à 450 m de profondeur.
En novembre, le ministre délégué à l'Industrie Patrick Devedjian s'était refusé à préciser si, au terme de ses consultations, une solution serait retenue pour le stockage des déchets, ou si le gouvernement se donnerait une nouvelle période de réflexion. "Il faudrait qu'une solution soit retenue. Le débat doit avoir lieu, mais je ne veux pas aller plus vite que la musique", avait-il expliqué.
En effet, il sera possible en 2006 de retenir une des filières proposées (stockage en profondeur, en surface ou proche de la surface, nature des couches géologiques concernées...), ou bien de décider simplement de se donner à nouveau du temps pour la réflexion.
18/01/05 - Talon
d'Achille du nucléaire ou argument polémique des
écologistes : la question des déchets radioactifs
reste un casse-tête, longtemps minimisé, aujourd'hui
sur la place publique mais sans qu'aucune solution définitive
n'ait encore été trouvée.
Ces déchets proviennent pour l'essentiel des 19 centrales
nucléaires en activité et des usines de retraitement
des combustibles usés. Chaque année, 1.200 tonnes
de combustibles usés sont déchargées des
réacteurs du parc électronucléaire. Huit
cents tonnes sont envoyées à l'usine Cogéma
de La Hague (Manche) : une partie est réutilisée
pour la fabrication de combustible neuf (MOX), le reste constituant des déchets
ultimes non-réutilisables. Quatre cents tonnes de combustibles
ne sont pas retraitées et sont entreposées dans
l'attente d'une décision.
Selon l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs
(Andra), le flux qui sort des installations de retraitement -
les déchets coulés dans des matrices de verre -
représente quelque 130 m3 par an. A la fin de la vie du
parc électronucléaire actuel, le volume total des
déchets vitrifiés ne devrait pas dépasser
6.000 m3, selon les experts.
Tous les déchets nucléaires ne sont pas logés
à la même enseigne et seuls les moins radioactifs
bénéficient aujourd'hui d'une solution opérationnelle.
Les déchets sont classés en trois catégories
:
- Déchets A : matériels divers liés à
l'exploitation et faiblement contaminés, ils représentent
90% du volume des déchets, mais seulement 1% du total de
la radioactivité. Ils sont aujourd'hui stockés dans
l'Aube.
- Déchets B : issus du retraitement des assemblages de
combustibles, ces déchets compactés représentent
10% de la radioactivité totale et 10% du volume, soit quelque
50.000 m3 à l'échéance 2020 pour l'ensemble
de ce qui a été produit depuis la mise en service
du parc nucléaire.
- Déchets C : ce sont les déchets ultimes, les plus
dangereux, la partie non-valorisable après retraitement
des combustibles usés. Ils représentent un faible
volume (1% du total), mais 90% de la radioactivité sur
des centaines de milliers d'années.
Ce sont les déchets B et C qui font l'objet de recherches
pour trouver une filière de gestion.
18/01/05:
Déchets nucléaires: le labo souterrain de Bure livre
ses premiers résultats
L'Est Républicain, 14/01/2005 :
BAR-LE-DUC. - Le Comité local d'information et de suivi (Clis) du laboratoire de recherche souterrain de Bure était réuni, hier à Saint-Dizier, pour prendre connaissance du rapport de l'Institute for Energy and Environmental Research. Cet organisme américain, constitué d'experts internationaux indépendants, est chargé d'évaluer le programme de recherche de l'Andra, l'agence nationale qui effectue des études en sous-sol pour vérifier la faisabilité d'un stockage de déchets hautement radioactifs dans les entrailles de la terre, à la lisière de la Meuse et la Haute-Marne.
Si Arjun Makhijani, directeur de l'IEER, a pu qualifier parfois « d'excellentes » les études menées par l'Andra, il a aussi mentionné que « de nombreux éléments déterminants du programme de recherche sont incomplets (résistance de la roche au creusement des galeries) ou n'ont même pas été entrepris (conductivité thermique des déchets) ».
« Manque de transparence »
Pour l'IEER, il ne fait aucun doute « qu'un jugement sur la construction d'un centre de stockage géologique à Bure est très prématuré... car les galeries d'expérimentation ne sont pas encore creusées. L'Andra en est au stade de la recherche préliminaire, et des expériences vont prendre encore plusieurs années ».
Le directeur a également déploré « le manque de transparence » et « l'absence d'échanges libres » avec les scientifiques de l'Andra, l'Agence nationale pour sa part dénonçant un rapport aux objectifs imprécis, et estimant que peu de recommandations de l'IEER pouvaient « éventuellement faire l'objet d'un examen par l'Andra dans l'évolution de son programme ».
Cette réunion du Clis a donné lieu à une bataille d'experts tandis que les recherches sont confinées actuellement dans une niche excavée à 450 mètres de profondeur. Mais c'est cinquante mètres plus bas, une fois les 300 mètres de galeries creusées dans une couche d'argilite (pas avant début 2006) que pourront véritablement être réalisées les expérimentations in situ pour savoir si un stockage réversible en profondeur est possible.
Gérard BONNEAU
Le Monde, 12/01/2005:
Une installation expérimentale étudie le stockage profond des rebuts nucléaires français. Les premiers résultats sont attendus d'ici à l'été.
Bure (Meuse) De notre envoyé spécial
Les oreilles se bouchent tandis que l'étroit ascenseur grillagé plonge dans les entrailles du sous-sol. A deux mètres par seconde, il mène à la cote - 445 mètres, à l'orée d'une couche géologique, le callovo-oxfordien, faite d'argilite, une roche vieille de 155 millions d'années. C'est là que l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) doit étudier la faisabilité d'un stockage en profondeur des rebuts nucléaires français les plus radioactifs et ceux qui sont encore actifs après des centaines de milliers d'années.
Ce laboratoire souterrain, situé sur la commune de Bure (Meuse), n'est qu'à l'état d'ébauche. Seule une niche de 40 mètres de long, à l'aplomb de futures galeries excavées courant 2005, a été truffée de capteurs. Casqué, appareil respiratoire à la ceinture, on y parvient par un dédale d'échelles. En attendant les galeries d'accès au puits auxiliaire profond de 490 mètres et les niches de secours pressurisées, scientifiques et techniciens se relaient en trois équipes par 24 heures, 6 jours sur 7, en "conditions de chantier".
Distante de plus d'une tour Eiffel, la surface n'est qu'un point de fuite lumineux. Dans la niche, on est frappé par l'enchevêtrement de câbles, de tubes, d'engins de forage et d'ordinateurs. Mais aussi par une statuette de Sainte-Barbe, patronne des mineurs, remisée dans une alcôve. L'ensemble cohabite, dans le vacarme de l'aération, sous la voûte grise d'argilite, dans un boyau de six mètres de diamètre. La roche est à portée de main.
"Ici, nous conduisons trois grandes séries d'expériences, explique Jacques Delay, chef du service scientifique du laboratoire : il s'agit de vérifier l'imperméabilité de la roche, son aptitude au creusement et sa capacité à retarder la migration et à retenir les éléments radioactifs." On a injecté de la résine sous pression dans un forage, puis excavé l'ensemble pour voir si elle s'était propagée par des microfissures - cela n'a pas été le cas. La circulation de radioéléments permettra d'étudier leur baisse de concentration, indice de leur diffusion dans la roche.
D'autres capteurs devront mesurer sa déformation. Tout creusement affecte ce que les géologues appellent la "zone endommagée", du fait des variations de pression. Même si l'argilite n'a rien d'une pâte à modeler, les parois ont tendance à se rapprocher. "La convergence des galeries est de l'ordre de 4 à 5 millimètres", indique Philippe Stohr, directeur des projets. Des déformations induites à longue distance par... les Alpes.
L'excavation modifie aussi la façon dont se comporte l'eau présente dans la roche, à raison de 150 litres par mètre cube. A une telle concentration, on s'attend à la voir sourdre des parois. Il n'en est rien, "car elle est piégée dans des pores microscopiques", indique Jacques Delay, pour qui les deux forages censés mesurer un éventuel débit d'eau ne devraient guère livrer plus d'un demi-litre par an.
La diffusion éventuelle de radioéléments par son intermédiaire est un point essentiel des études en cours. Si l'uranium et le plutonium sont censés rester sur place, "on estime qu'il faudrait 100 000 ans aux traceurs radioactifs les plus rapides pour traverser la couche de quelque 130 mètres d'épaisseur", estime M. Stohr. Reste à le vérifier. Comme à s'assurer que la chaleur des colis radioactifs entreposés dans cette structure - jusqu'à 90 °C - n'en modifiera pas les caractéristiques sur une trop grande épaisseur.
9 MILLIONS D'EUROS VERSÉS
La majorité des capteurs (350 au total) a précisément pour fonction de mesurer les déformations induites par le prochain percement des quelques dizaines de mètres restants du puits principal et des galeries horizontales qui en partiront. Le système de recueil des données permettra aux scientifiques de suivre, depuis la surface, l'évolution des différents paramètres.
Alors que le laboratoire de 400 millions d'euros n'est pas achevé, les mois qui viennent suffiront-ils à qualifier des processus s'inscrivant sur une échelle de temps géologiques ? "Les éléments à notre disposition devraient permettre d'aboutir, avant l'été, à des résultats significatifs", assure François Jacq, directeur général de l'agence.
Le calendrier est serré pour l'Andra, dont le chantier a été stoppé un an après la mort accidentelle d'un ouvrier. En 2006, le Parlement doit étudier les différentes options de gestion des déchets radioactifs. Une échéance fixée par la loi dite Bataille de 1991, qui déterminait trois axes de recherche - transmutation, entreposage en surface et stockage profond.
Le laboratoire de Bure s'inscrit dans cette dernière option. La loi prévoyait une deuxième expérimentation, dans le granite, abandonnée en raison de fortes oppositions locales. Le laboratoire de Bure a suscité des réactions plus sporadiques. L'une des figures de l'opposition, André Mourot, un géophysicien retraité de 70 ans, ne désarme pas. Une descente, en décembre 2004, au fond du puits ne l'a pas convaincu. "La niche n'est pas au coeur de l'argilite. Il faut encore creuser 50 mètres pour atteindre le fond : le laboratoire n'existe pas", soutient-il. Il rappelle que 52 séismes ont été enregistrés dans la région depuis 1980. L'Andra fait valoir ses campagnes sismiques et ses multiples forages.
Les élus, qui ont accepté le principe du laboratoire et les quelque 9 millions d'euros versés chaque année à titre de compensation à chacun des départements de la Meuse et de la Haute-Marne, vont devoir répondre de leur choix. "Il va leur falloir assumer, indique Corinne François, présidente de la Coordination nationale des collectifs contre l'enfouissement des déchets. Il leur faudra dire à la population que cela va devenir un vrai site d'enfouissement." Ce qui signifierait, après quarante années d'exploitation du parc nucléaire français, quelque 7 000 m3 de déchets vitrifiés de haute activité et environ dix fois plus de déchets de moyenne activité à vie longue...
Hervé Morin
L'étude du stockage profond des déchets radioactifs est internationale.
Belgique : à Mol, l'argile de Boom est étudiée depuis 1980.
Canada : le laboratoire du lac Bonnet (granit), ouvert en 1984, devrait être bientôt fermé.
Etats-Unis : le laboratoire de Carlsbad (Nouveau-Mexique), creusé en 1982 dans une formation saline, est devenu, en 1999, un site de stockage de déchets militaires transuraniens. A Yucca Mountain (Nevada), le laboratoire est opérationnel depuis 1995 (roche volcanique).
Finlande : du combustible usé devrait être stocké sur le site granitique d'Olkiluoto, après validation sur le site d'Onkalo.
Japon : deux laboratoires en cours de réalisation, l'un sur l'île d'Honshu (géologie cristalline), l'autre sur l'île d'Hokkaido (sédiments non argileux).
Suède : le laboratoire d'Aspö (granit), à Oskarshamm, près de la mer Baltique, a été mis en service en 1995.
Suisse : à Grimsel, utilisation de conduites hydroélectriques dans le granit à partir de 1983. Sous le mont Terri, une galerie permet d'étudier depuis les années 1990 l'argile à Opalinus.
Saint-Dizier (Haute-Marne) pourrait accueillir
une réunion houleuse, jeudi 13 janvier. Un rapport controversé
y sera présenté au Comité local d'information
et de suivi sur le laboratoire de Bure qui l'avait commandé
en 2001. Réalisé par l'Institute for Energy and
Environmental Research (IEER) de Takoma Park (Maryland), ce dossier
présente un "examen critique du programme de recherche
de l'Andra pour déterminer l'aptitude du site de Bure au
confinement géologique des déchets de haute activité
et à vie longue". Si les recherches conduites
par l'agence sont parfois qualifiées d'"excellentes",
"de nombreux éléments déterminants
du programme de recherche sont incomplets sur des aspects essentiels
ou n'ont pas même été entrepris",
soutiennent les experts réunis par Arjun Makhijani, directeur
de l'IEER. Des commentaires de l'Andra sur une version préliminaire
de ce document n'avaient pas été plus tendres pour
l'IEER. "Sa mission était d'évaluer le programme
de recherche, pas ses résultats qui seront disponibles
à la fin du printemps", s'insurge François
Jacq, directeur général de l'Andra.