Le Midi Libre, 19/01/2005 :

Le transfert a été discrètement effectué vers Marcoule. La fabrication du Mox américain a démarré hier. Une opération de près d'un mois à Mélox. Sortir du nucléaire réagit

140 kilos de plutonium (1/1 000 000 ème de gr de plutonium inhalé suffit à provoquer un cancer) provenant de missiles nucléaires américains ont été livrés, il y a trois mois, à Cadarache (Bouches-du-Rhône), via Cherbourg, un transfert qui avait déjà fait l'effet d'une bombe auprès de Greenpeace et du réseau militant Sortir du nucléaire. On a appris hier, â Marcoule, que les quatre assemblages finalisant le fameux combustible Mox (un mélange d'oxydes d'uranium et de plutonium) avaient démarré le jour-même. Entre les deux, une montagne de discrétion autour du transport, à partir de Cadarache, de l'oxyde de plutonium transformé en "crayons".

L'animateur du réseau Sortir du nucléaire (1), Hervé Grimal, s'avoue d'autant moins surpris qu'il sait rappeler, non sans humour, qu'il avait quand même eu du flair en faisant savoir, dès le 10 janvier dernier (Midi libre dû 12 janvier), leur arrivée imminente dans le gard. Mais Sortir du nucléaire à beau avoir ses « antennes » - qu'on veut croire au moins étendues jusqu'aux Bouches-du-Rhône -, « il est certain que personne n'allait nous appeler pour nous dire le jour du transfert ». « Le plutonium est maintenant là et y va rester un certain temps. On va dénoncer encore une fois l'absence de transparence. Les risques d'accident et de détournement sont majeurs, il faut le dire. Il n'y a pas qu'a Tchernobyl qu'arrivent les accidents. On dénonce le fait que ce plutonium américain ­ ils sont très forts en l'appelant « Mox for peace » ! ­ fait partie des excédents de la Guerre froide, comme en Russie d'ailleurs ».

« Il y a en plus du plutonium qui est plus protégé qu'un autre, poursuit le porte parole du réseau. Il arrive quelquefois à Marcoule escorté d'une voiture banalisée. On peut défendre l'emploi, mais travailler pour des militaires est un sens. On n'a pas le droit de faire n'importe quoi au nom de l'emploi.» Et de marteler que son réseau ne va pas rester « inactif ».

On laisse comprendre ; du côté de Mélox que ces opérations seraient on ne peut plus classiques si elles ne consistaient simplement à rendre au civil du plutonium d'origine militaire (2).

« Il s'agit de valider la performance du Mox dans un réacteur nucléaire (3). Ce n'est qu'une petite parenthèse dans l'activité générale de notre usine. Il n'y a pas d'autres clients à ce titre. » Il ne s'agit dès lors ni plus ni moins pour Mélox que de « réaliser des assemblages tests pour démontrer une fiabilité », les États-unis ayant l'intention d'en tirer le meilleur parti possible dans la perspective de la construction d'une unité à quelque chose près similaire à Melox,

Personne, en tout cas, ne sait quel a été le mode de transport employé entre Cadarache et Marcoule, ni s'il a été effectué le jour ou la nuit. Le plutonium serait-il à ce point si peu dangereux qu'on peut bien se passer de signaler la route qu'il prend ?

Francis Persillon