La plage d'Almadraba devant la centrale nucléaire de Vandellos II, Tarragone, nord-est de l'Espagne, 28 août 2019.


Euractiv.com avec Reuters, 27 juin 2023:

Les favoris des élections espagnoles prévoient de faire volte-face dans la sortie du nucléaire

L'avenir de l'industrie nucléaire espagnole dépend des élections du mois prochain, le parti d'opposition désormais en tête des sondages faisant campagne pour étendre l'utilisation des centrales que le gouvernement souhaite fermer à partir de 2027.

Le débat, qui survient alors que le pays fait face à un été étouffant imputé au changement climatique, reflète des points de vue divergents entre le Parti populaire (PP) d'opposition conservateur et le Parti socialiste au pouvoir sur la manière de décarboner l'économie.

S'en tenir au nucléaire nécessite d'investir dans des centrales électriques vieillissantes, mais offre l'assurance d'une énergie stable et pourrait améliorer les liens avec la France voisine, dépendante du nucléaire.
Entre-temps, une transition plus rapide vers l'énergie solaire et éolienne offre une production moins chère, mais pourrait nécessiter une refonte du réseau pour faire face à des approvisionnements plus intermittents.
"Mon gouvernement aura pour politique d'annuler le déclassement prévu et de prolonger la durée de vie de nos centrales nucléaires", a déclaré lundi à Barcelone le leader du PP, Alberto Núñez Feijóo.
Les centrales nucléaires espagnoles produisent environ un cinquième de l'électricité du pays. "Nous ne pouvons pas débrancher 21 % de l'énergie installée en Espagne sans avoir 21 % supplémentaires capables de fonctionner avec des énergies renouvelables", a déclaré Feijóo, ajoutant que dans un tel scénario "le prix de l'énergie augmentera de façon exponentielle".

Pendant ce temps, les socialistes ont été l'un des principaux défenseurs en Europe d'une transition plus dure et plus rapide vers une économie zéro carbone, privilégiant les énergies renouvelables telles que le solaire et l'éolien. Avec un soleil et un vent abondants, ainsi que de vastes étendues de terres vides, l'Espagne détient toutes les cartes pour devenir un leader européen en matière d'énergies renouvelables, et certains experts en énergie estiment qu'un revirement nucléaire serait en contradiction avec la croissance attendue de ces sources d'énergie.

Jorge Morales de Labra, directeur de la société énergétique Proxima Energia, a déclaré que le maintien des réacteurs « découragerait les investissements dans les énergies renouvelables ». Néanmoins, des membres de l'équipe de Feijóo ont déjà eu des entretiens avec le secteur, a déclaré à Reuters une source proche des discussions. "Un gouvernement PP est plus susceptible de favoriser un atterrissage en douceur qui inclut le recours au nucléaire et un rôle plus important pour les technologies à faibles émissions de carbone telles que les biocarburants", a déclaré Ana Barillas d'Aurora Energy Research. "Mais une évaluation des coûts de ces technologies sera probablement une considération clé."

Des milliards d'euros

Les experts et les acteurs industriels évaluent à plusieurs milliards d'euros le coût du maintien en activité des centrales nucléaires. "D'un point de vue technique, les centrales nucléaires espagnoles peuvent continuer à fonctionner pendant des décennies", a déclaré Ignacio Araluce, président du groupe de pression Foro Nuclear. "Mais ils doivent être rentables." Il estime qu'il faudrait investir au moins 4 milliards d'euros sur deux décennies rien que pour faire fonctionner les centrales. Il a également appelé les décideurs politiques à alléger la pression fiscale, qui représente environ 40 % des quelque 60 euros qu'il en coûte pour produire un mégawattheure d'énergie nucléaire, afin de garantir la durabilité et la compétitivité de l'entreprise. Maria del Mar Rubio Varas, économiste de l'énergie à l'Université publique de Navarre, favorable à une prolongation, a déclaré que le nucléaire pourrait difficilement rivaliser avec les énergies renouvelables en termes de prix en raison de ses coûts élevés, mais « il peut rivaliser sur la stabilité et la grande quantité d'électricité qu'il peut produire ». fournir tout le temps. Une option prudente serait que tout futur gouvernement continue à exploiter seulement quelques usines les plus récentes, a-t-elle déclaré.

La première usine devant fermer ses portes en 2027, une décision doit être prise au plus tard à la mi-2024, a déclaré Araluce. Outre les coûts, il y a des considérations politiques à prendre en compte. Un changement de politique nucléaire aurait des implications plus larges en Europe, l'Espagne se joignant au coeur mené par la France pour que l'UE accorde un meilleur traitement à l'énergie nucléaire dans le cadre de son plan de transition zéro carbone. Cela pourrait également apaiser les tensions autour d'un projet de pipeline d'hydrogène reliant l'Espagne et la France, a déclaré Barillas. Araluce a déclaré qu'il voyait « de la place pour tout le monde » dans le cadre de l'ambition de l'Espagne de devenir une puissance énergétique verte. Dans un secteur énergétique plus large, un gouvernement conservateur considérera probablement plus favorablement les technologies à faibles émissions de carbone comme les biocarburants, qui ont suscité un intérêt considérable de la part des investisseurs étrangers en Espagne et des appels des entreprises à Madrid pour qu'il redouble d'ambition. "L'Espagne a un énorme potentiel en termes de production de biométhane", a déclaré Loreto Ordonez, PDG d'Engie Espana, lors d'un récent événement sur l'énergie, ajoutant que le plan déployé par le gouvernement "est insuffisant" et "il existe une marge d'amélioration très importante". .


 

Équipe éditoriale d'EFE verde, 4 janvier 2023 Madrid:

Les déchets radioactifs de Vandellós I retourneront en Espagne dans un entrepôt temporaire

Les déchets radioactifs de la centrale nucléaire de Vandellós 1 (Tarragone), qui a arrêté son activité en 1989 après un incendie, retourneront de France vers un entrepôt temporaire en Espagne, selon la version révisée du septième Plan Général des Déchets Radioactifs en cours de traitement. [...]


10/10/2014



L'accident de Vandellós I et les leçons non apprises

Alors que 25 ans se sont écoulés depuis l'accident de Vandellós I (Tarragone), nous nous trouvons dans une situation décevante dans laquelle notre gouvernement continue de miser sur les centrales nucléaires, en utilisant comme arguments les hypothétiques avantages de cette source d'énergie, malgré le fait que la réalité persiste. en les niant encore et encore. Mais de plus, les avantages hypothétiques ne sont pas contrebalancés par les problèmes que pose cette source d'énergie. Le risque d'accident est l'un des plus préoccupants.

Ni les graves accidents survenus dans le monde, ni celui domestique qui nous concerne, n'ont poussé nos autorités à décider d'abandonner cette source d'énergie. Ces lignes sont une petite contribution pour tenter de faire avancer le débat dans la société. Le souvenir de la catastrophe de Vandellós I est une bonne occasion pour tenter d'inscrire le débat nucléaire à l'agenda politique. Après tout, l'option de l'énergie nucléaire implique un déficit démocratique, à une époque où les exigences de transparence et de participation sont plus grandes. Il s'agit d'une option énergétique qui nuit à la majorité et profite à une minorité. Le risque nucléaire, de par ses caractéristiques, est un exemple clair de l'imposition d'un danger que la société n'a pas accepté.

C'était l'accident

Le 19 octobre 1989, à 21 h 39, se produit l'accident nucléaire le plus grave de l'histoire atomique espagnole. À ce moment-là, un incendie s'est déclaré dans l'alternateur numéro 2, dans le bâtiment des turbines, où est produite l'énergie électrique. Ce bâtiment était adjacent au réacteur et au bâtiment des systèmes auxiliaires électriques où se trouve la salle de contrôle.

L'incendie s'est produit à la suite d'une défaillance mécanique de la turbine [1] due à des fissures dans les ancrages. Ces fissures auraient d'ailleurs pu être détectées grâce à des contrôles de maintenance avec des techniques bien connues [2]. Ces essais n'ont pas été réalisés en 1986, malgré les recommandations du Conseil de sûreté nucléaire (CSN).

En plus de cette recommandation, la CSN exigeait une série de modifications à l'usine qui, en 1989, n'avaient pas encore été mises en pratique. Il convient de noter qu'aucun système de refroidissement d'urgence n'a été installé et que le réacteur n'a pas été isolé du système électrique. Si cela avait été mis en pratique, l'accident aurait été moins grave.

La centrale de Vandellós I (Tarragone), propriété de l'entreprise franco-espagnole HIFRENSA, a commencé à fonctionner en 1972. Elle avait une puissance de 480 MW et se distinguait considérablement du reste des centrales nucléaires espagnoles. Les centrales nucléaires ordinaires sont refroidies et modérées par l'eau, tandis que Vandellós I était refroidie par du gaz et sa réaction nucléaire était modérée par du graphite. Cela entraîne des inconvénients notables du point de vue de la sécurité, car lorsqu'une perte de liquide de refroidissement se produit dans une centrale nucléaire ordinaire, le modérateur est également perdu, de sorte que la vitesse de la réaction diminue et qu'elle est moins difficile à contrôler
[c'est la théorie des promoteurs du nucléaire pour les REP]. Cependant, dans le cas de Vandellós I, la perte de liquide de refroidissement n'impliquait pas, bien au contraire, l'arrêt de la réaction.

De plus, dans ce type de réacteurs, le traitement des déchets est soumis à des garanties pour éviter la prolifération nucléaire car leur combustible usé contient du plutonium qui peut être extrait à des fins militaires. Un autre problème est que le graphite radioactif ne peut pas être géré comme un déchet de moyenne ou faible activité et ne peut donc pas être transporté à El Cabril (Córdoba). En effet, le carbone 14, l'élément radioactif du graphite, a une demi-vie de plus de 5 000 ans, qui dépasse celle autorisée à être déposée dans ledit entrepôt de déchets. En fait, des solutions folles telles que son incinération ont été proposées autrefois pour son élimination. Il se trouve actuellement dans l'usine elle-même, en attente d'une forme de gestion adaptée aux déchets de haute activité en Espagne. Les projets d'ENRESA sont de déposer les quelque deux cents mètres cubes de graphite radioactif dans le futur Entrepôt Transitoire Centralisé (ATC) lorsqu'il commencera à fonctionner.

L'incendie qui s'est déclaré dans la turbine a progressé dans les trains de câbles et a brûlé plusieurs canalisations et équipements clés de l'usine. Le batiment du réacteur a même été inondé par l'eau de mer. L'eau a rendu inutiles deux des quatre turboréacteurs à gaz qui refroidissaient le réacteur. Pendant quelques instants, les paramètres du réacteur furent sur le point de dépasser les valeurs de sécurité, ce qui aurait entraîné une fusion du coeur, une explosion et une fuite massive de radioactivité. Heureusement, l'eau de mer n'est pas montée plus haut et les deux autres turbosoufflantes ont continué à fonctionner. Le hasard a joué ici un rôle favorable. [...]

Le CSN avait demandé à plusieurs reprises à l'usine de contrôler ces défauts de turbine, ce que Hifrensa n'a pas fait. Ce non-respect aurait pu donner lieu, comme on l'a vu, à un accident nucléaire aussi grave que celui de Fukushima et, malgré cela, le CSN n'a pas arrêté la centrale [...] Ce que la CSN a fait, c'est demander à deux reprises au ministère de l'Industrie de sanctionner l'usine, ce que cette instance a fait. Mais ces sanctions s'élevaient respectivement à 600 000 et 1 million de pesetas (3 600 et 6 000 euros), ce qui était ridicule. Lors de sa comparution devant la Commission de l'Industrie du Parlement, Donato Fuejo, président de la CSN, a déclaré que l'accident était dû à des défauts de conception originale et non au vieillissement des installations.

Étonnamment, Donato Fuejo a ajouté que l'organisme qu'il présidait ne disposait d'aucun pouvoir, ni de mécanismes coercitifs, ni de moyens personnels et techniques pour remplir sa mission [3]. Au cours de la même comparution, Fuejo a déclaré que tous les systèmes de sécurité sont tombés en panne les uns après les autres et que l'accident n'a pu être évité que grâce à l'habileté des opérateurs. Il convient également de noter la confusion qui s'est produite après l'accident, tant au CSN qu'à l'installation elle-même.

Ces événements ont été portés devant la justice, l'avocat Marc Viader étant chargé de l'accusation populaire. La sentence a été prononcée le 6 mars 2000 et, étonnamment, il s'agissait d'un acquittement puisqu'elle proclamait que l'accident de Vandellós I était fortuit et imprévisible. Les groupes Acció Ecologista et AEDENAT [4] ont souligné à juste titre que dans ce cas, il devrait y avoir un arrêt préventif de toutes les centrales, nucléaires ou non, dotées de turbines similaires à celle de Vandellós I, car à tout moment des incendies de ce type pourraient survenir. L'attitude des directeurs techniques du CSN, également considérés comme accusés, a été déterminante.

Finalement, la fermeture définitive de l'usine est décidée. Il s'agit de l'accident le plus grave survenu dans une centrale nucléaire en Espagne [...]. Aujourd'hui encore, les représentants du Forum Nucléaire osent affirmer qu'il ne s'agissait pas d'un accident nucléaire et qu'en réalité, il n'était pas si grave. Et cela avec toutes les circonstances aggravantes qui ont été évoquées.

Le risque nucléaire

Le risque nucléaire a la particularité d'être difficile à percevoir, car il combine une faible probabilité d'accident avec les effets énormes et destructeurs qu'il entraîne. La probabilité réelle qu'un accident se produise est environ 20 fois plus élevée que celle estimée, mais les accidents nucléaires restent suffisamment rares pour que le public oublie ce risque. Bien que les accidents graves soient relativement rares, comme cela a été dit, leurs effets sont si dévastateurs et si étendus qu'il n'est pas judicieux de maintenir les centrales nucléaires en activité. [...]

Par conséquent, outre le danger que représente le maintien de l'énergie nucléaire elle-même, cela implique un grand déficit démocratique car il met en danger des personnes qui ne l'ont jamais accepté. Bien qu'il existe d'autres activités industrielles qui font également des victimes, comme les accidents d'aviation, celles-ci ont la particularité que les utilisateurs acceptent le risque de prendre l'avion.

Bien qu'ils aient tous en commun les dommages potentiels qu'ils provoquent et la faible probabilité d'occurrence, chaque accident nucléaire est différent et possède ses propres caractéristiques. Après un accident, toutes les parties intéressées analysent ce qui s'est passé et tentent d'en tirer des conclusions, depuis les groupes antinucléaires jusqu'à l'industrie nucléaire. Cette dernière n'hésite jamais à affirmer qu'elle tire les leçons et les applique dans les réacteurs qui continuent de fonctionner et dans ceux qui sont nouvellement construits. Mais la question est pertinente : jusqu'à quand continueront-ils à apprendre ? Combien d'accidents devrons-nous encore subir pour atteindre des niveaux de sécurité acceptables ? Il n'y a pas de solution : nous sommes humains, nous sommes parfaits, nous ferons toujours des erreurs et laisserons une faille ouverte à la production de nouveaux accidents.

En fin de compte, c'est un problème éthique. L'industrie nucléaire veut continuer à bénéficier des avantages économiques générés par l'énergie nucléaire et que la population ne partage pas. Et les problèmes générés par cette source d'énergie, notamment le risque nucléaire, ne suffisent pas à les dissuader de l'utiliser. Les pouvoirs publics doivent, dans ce cas comme dans d'autres, défendre l'intérêt commun des citoyens et procéder à la fermeture progressive des centrales nucléaires. Mais il est une fois de plus confirmé que le pouvoir économique a une grande influence sur la politique et que notre gouvernement est parfaitement aligné sur les intérêts de l'industrie nucléaire. Et cela sans même ouvrir un débat public digne de ce nom.

Maintenant Garoña et puis les autres

Le plus probable est que la prochaine usine dont la fermeture sera définitivement décrétée sera celle de Garoña, même en tenant compte des tentatives de Nuclenor de la maintenir ouverte, avec le soutien flagrant du gouvernement PP. Cela a amené à modifier la Réglementation des Installations Nucléaires et Radioactives (RINR [5] ) pour convenir à Garoña. Il est insensé de dépenser des ressources et d'utiliser les forces de la CSN pour examiner toute la documentation que Nuclenor enverra audit organisme. Mais il est également frappant d'insister pour maintenir la Garoña ouverte dans les conditions de sécurité douteuses dans lesquelles elle se trouve. Cela montre que les leçons n'ont pas été tirées de Vandellós I, de Fukushima, de Tchernobyl ou d'Harrisburg.

Il convient d'ailleurs de noter la diversité des usines qui ont subi des accidents. Pour s'en tenir aux exemples cités : Harrisburg était une usine à eau sous pression modérée par de l'eau, Fukushima était une usine à eau bouillante modérée par de l'eau, Tchernobyl était refroidie par de l'eau et modérée par du graphite et, enfin, Vandellós I était refroidie par du gaz et modérée par du graphite. Malgré cette diversité de modèles, ils ont tous en commun le caractère instable de la réaction nucléaire en chaîne, difficile à arrêter une fois les mécanismes d'arrêt défaillants.

La Catalogne a certainement eu le malheur de ne posséder ni plus ni moins que quatre des dix réacteurs nucléaires mis en service dans notre pays, ce qui représente en soi une menace pour le territoire. Deux d'entre eux, Vandellós I et II, se trouvent au bord de la mer, avec les risques que Fukushima a montrés pour ce type de centrales : au-delà du fait qu'un tsunami est plus ou moins probable, il faut penser au grave problème que représente implique que la radioactivité atteint la mer soit par la surface, soit par les eaux souterraines, et contamine les écosystèmes marins, la pêche, les plages, etc. Et les deux autres centrales, Ascó I et II, sont refroidies par l'Èbre, qui serait un vecteur de premier ordre pour propager la radioactivité en cas de fuite hypothétique.

Le plus judicieux est donc de fermer les centrales nucléaires par étapes, en tenant compte notamment du fait que l'énergie qu'elles fournissent peut être avantageusement remplacée par d'autres sources.

Conclusions

L'accident de Vandellós I et d'autres survenus dans le monde ont montré que l'énergie nucléaire est intrinsèquement dangereuse. On a vu que ce risque est transversal, puisque différents modèles de centrales électriques basés sur des technologies différentes et des réacteurs situés dans différents pays ont subi des accidents : États-Unis, ex-Union Soviétique, Japon,... Les résistances à tirer ces leçons et insistent pour maintenir en fonctionnement les réacteurs qui fonctionnent encore. Cela ne peut s'expliquer que par une confiance absolue dans le fait que les moyens de sécurité fonctionneront à 100%, ce que la réalité s'obstine à nier encore et encore, ou parce que les intérêts d'une minorité passent avant ceux de la majorité.

L'utilisation de l'énergie nucléaire elle-même comporte un risque présentant des caractéristiques particulières qui le rendent très difficile à gérer. La probabilité qu'un accident se produise est faible, mais ses effets sont si dévastateurs que le risque est inabordable. En revanche, il s'agit d'un risque global, non localisé, qui relève d'un des paris technologiques du XXe siècle. À l'heure actuelle, nous devrions déjà avoir suffisamment de maturité pour distinguer les technologies qui apportent des avancées dans nos vies de celles dont les inconvénients ne compensent pas leurs apports, comme c'est le cas des centrales nucléaires. Le problème est que le monde d'aujourd'hui repose sur la souveraineté des États et qu'il n'existe aucune forme de gouvernance mondiale qui nous permette de faire face à ces risques.

L'imposition du risque nucléaire, précisément en raison de sa nature mondiale, est profondément antidémocratique. Les gens sont obligés d'accepter ce danger, sans aucun bénéfice et sans que leur opinion soit prise en compte. Les pouvoirs publics, le gouvernement espagnol dans notre cas, décident de faire passer les intérêts des bénéficiaires de l'industrie nucléaire avant ceux de la majorité de la population.

Francisco Castejón,
Écologistes en action.

[1] Les aubes de turbine se brisent à cause de la rupture de leurs ancrages, qui étaient fissurés. La rupture génère plusieurs points chauds qui finissent par enflammer le pétrole et l'hydrogène.
[2] Les plus courants sont les rayons X, les liquides pénétrants ou les ultrasons. Les courants de Foucault peuvent également être utilisés.
[3] El País, 22/02/1990
[4] Actuellement, les deux groupes font partie d'Ecologistas en Acción.
[5] Le RINR est la pierre angulaire de la réglementation de la sûreté nucléaire en Espagne. Le changement introduit permet à une usine de demander sa réouverture pendant un an à compter de la délivrance de son arrêt d'exploitation, "à condition que ce ne soit pas pour des raisons de sécurité". Ainsi, les Cessations d'Exploitation ne peuvent être considérées comme définitives qu'un an après leur délivrance par le CSN.

 

 

Libération, 28/8/2008: 

Incidents en chaîne dans les centrales espagnoles

Outre-Pyrénées, la sortie du nucléaire prévue en 2028 n'incite pas à investir dans la sécurité. [???]

«Il faut mettre un terme au manque de sécurité dans les centrales nucléaires espagnoles.» Le Conseil de sûreté nucléaire (CSN) a perdu patience. Devant la réitération d'incidents dans les centrales (une trentaine depuis le début d'année), les exploitants des huit réacteurs espagnols ont été sévèrement réprimandés. Et convoqués, début septembre, à une réunion extraordinaire. «Nous allons faire un inventaire complet et approfondi des incidents et des risques qui persistent. Nous seront intraitables», a commenté le CSN. En outre, les quatre groupes électriques, propriétaires des centrales (Iberdrola, Union Fenosa, Endesa et HC Energia), sont sommés d'investir massivement dans la prévention : le CSN est persuadé que la majorité des incidents déclarés auraient pu être évités si les «dispositifs humains et matériels» avaient été plus «conséquents».

Incendie. La dernière frayeur en date remonte au week-end dernier. Un incendie s'est déclaré dans la salle des générateurs de la centrale de Vandellos II, au sud de la Catalogne. L'incident a heureusement eu lieu hors du réacteur (arrêté jusqu'à nouvel ordre), sans avoir de conséquence radiologique. Endesa et Iberdrola qui contrôlent le consortium qui gère la centrale assurent que l'incendie ayant endommagé un générateur est dû à la vibration excessive dans l'alternateur. Soupçonneux, le CSN a envoyé trois inspecteurs sur place afin de déterminer si la cause de l'incident est liée à des failles techniques connues de ses services depuis des mois. Les écologistes, Greenpeace en tête, affirment que l'incendie est dû à une fuite d'hydrogène qui a explosé au contact de l'air, ce qui augmenterait la gravité de l'incident.

Les revers de ce type se multiplient. La semaine dernière, le réacteur de la centrale de Garoña, près de Burgos, a aussi dû être arrêté. Plus grave : la centrale de Cofrentes, dans la région de Valence, totalise dix incidents cette année. Et en avril, le CSN avait annoncé qu'une fuite radioactive s'était produite dans la centrale d'Asco I (Catalogne). La presse indique que les propriétaires d'Asco I ont caché cette fuite au CSN pendant six mois. Fou de rage face à cette «opacité irresponsable», l'autorité recommande au gouvernement d'infliger aux gérants du réacteur une amende record pouvant aller jusqu'à 22,5 millions d'euros.

Perspective. Ce débat sur la sécurité nucléaire survient dans une conjoncture difficile. Le gouvernement Zapatero est déterminé à abandonner progressivement l'option nucléaire - qui produit 18 % de l'électricité consommée en Espagne. Ainsi, en 2028, si le plan est maintenu, le dernier réacteur espagnol aura cessé de fonctionner. Comme le notent divers experts, une telle perspective n'est pas faite pour encourager les exploitants à investir pour le renforcement de la sécurité dans les centrales. [Sauf que les accidents et incidents graves n'attendent pas la sortie progressive du nucléaire pour avoir lieu !!!]

 


RIA-Novosti, 7/5/2008: 

Espagne: fuite radioactive dans une usine de combustible de Salamanque (radio)

Une fuite de substances radioactives s'est produite dans une usine de combustible de la compagnie Enusa dans le village de Jusbado (Salamanque), annonce mercredi la Radio nationale espagnole (RNE), se référant au Conseil espagnol de sécurité nucléaire (CSN). "La fuite s'est produite lors d'une vérification de routine de l'état des machines dans l'atelier de production du combustible destiné aux centrales nucléaires", lit-on dans le communiqué. Selon le CSN, "l'incident est dû à une erreur de l'opérateur, qui s'est mis à démonter un appareil, sans l'avoir déconnecté au préalable". "La fuite de particules radioactives s'est produite après que l'opérateur a ôté le couvercle de la machine. Lui et six de ses collègues ont été évacués en urgence afin de subir des analyses médicales", annonce RNE. La radio souligne que "la fuite n'a pas eu d'influence sur la santé des travailleurs, qui portaient des masques respiratoires et que la radiation ne s'est pas répandue au-delà de l'atelier". Le travail de l'usine a été suspendu pendant deux heures, et une opération de désactivation a été organisée. En Espagne, la dernière fuite de substances nucléaires avait eu lieu dans la centrale nucléaire d'Asco (Tarragone) en novembre 2007.

 


Espagne: une centrale nucléaire a minimisé l'importance d'une fuite radioactive

15/4/2008 - Une centrale nucléaire de la province espagnole de Tarragone (nord-est), appartenant au groupe Endesa, a minimisé l'importance d'une fuite radioactive et s'expose à des sanctions, a-t-on appris mardi auprès du Conseil de sécurité nucléaire (CSN) espagnol. Le CSN indique dans un communiqué qu'il pourrait sanctionner le groupe d'électricité Endesa, propriétaire de la centrale Asco I, pour avoir fourni des "informations incomplètes" et erronées à propos de cette fuite radioactive intervenue le 26 novembre lors d'une opération de maintenance. Lors d'une visite de contrôle, entre le 5 et le 7 avril, visant à faire la lumière sur cet incident révélé le 4 avril par la centrale, le CSN a constaté que la fuite avait été significativement plus importante que ce qu'Endesa lui avait communiqué. L'importance de la fuite "est cent fois supérieure à ce que la centrale a déclaré la semaine dernière", a déclaré au quotidien El Pais le sous-directeur de la protection radiologique de cet organisme, Manuel Rodriguez. "L'impact radiologique qui résulte de ces nouveaux renseignements reste presque insignifiant pour la population voisine de la centrale et en-deçà des limites légales pour le personnel de la centrale", relativise toutefois le CSN dans son communiqué. A la suite de son inspection, l'organisme de contrôle espagnol a décidé de reclasser l'incident du niveau 1 au niveau 2 de l'échelle internationale des incidents nucléaires, qui en compte sept au total. Endesa va effectuer des mesures de radioactivité auprès des personnes passées par ou à proximité de la centrale depuis l'incident, soit entre 700 et 800 personnes, employés, visiteurs et riverains. Le 4 avril, 44 élèves ont notamment visité la centrale et le directeur de leur établissement a exigé qu'ils soient soumis à des examens. Selon le CSN, Endesa a déjà réalisé des mesures auprès de 579 personnes sans rencontrer aucune trace d'assimilation de matériel radioactif. Le CSN a indiqué qu'il allait lui-même entamer dès maintenant une campagne indépendante de surveillance radiologique. "Il s'agit d'un des quatre incidents les plus graves de l'histoire nucléaire espagnole", selon le quotidien El Pais. Greenpeace avait révélé en premier l'existence de la fuite radioactive. La centrale nucléaire ASCO I l'avait détectée le 14 mars mais n'en avait informé le CSN que le 4 avril.

 

 


Amende record de 1,6 million d'euros pour une centrale nucléaire espagnole

2/8/2006 - Le gouvernement espagnol a annoncé mercredi avoir infligé une amende record de 1,6 million d'euros à une centrale nucléaire qui avait connu en 2004 une avarie de son système de refroidissement.
Le ministère espagnol de l'Industrie a indiqué dans un communiqué avoir imposé trois amendes d'un montant total de 1,6 million d'euros à la centrale nucléaire Vandellos II, exploitée depuis 1987 par les compagnies d'électricité espagnoles Endesa (72%) et Iberdrola (28%).
Il souligne que cette sanction, prise sur recommandation du Conseil de la sécurité nucléaire (CSN), "est la plus importante jamais infligée en Espagne à une installation de ce type", et se justifie par le "caractère prioritaire de la sécurité des centrales nucléaires".
La centrale Vandellos II, située dans la région de Tarragone (nord-est), avait subi le 25 août 2004 un incident sérieux, avec la rupture d'un joint de tuberie de son système de refroidissement liée à un problème de corrosion, qui avait été "sans conséquences pour ses employés et l'environnement".
Ses responsables sont triplement sanctionnés pour leur mauvaise maintenance à l'origine de l'accident, pour ne pas avoir effectué les réparations exigées par le CSN et pour avoir omis de signaler à ce dernier les premiers problèmes de corrosion de l'installation, qui remontaient à 1993.

 

Première en Espagne: une centrale nucléaire a été fermée

MADRID - Pour la première fois en Espagne, une centrale nucléaire a définitivement arrêté sa production dimanche, après 38 ans de fonctionnement, sur décision politique. Il s'agit du plus ancien des sept réacteurs nucléaires du pays.


Carte de 1993 extraite de l'Atlas du nucléaire civil et militaire de Gérard Chaliand et Michel Jan.

1 mai 2006 - Cet arrêt, salué comme une "victoire" par les écologistes, intervient alors que, facture pétrolière aidant, une nette inflexion en faveur de l'option nucléaire est récemment apparue dans le discours des socialistes espagnols au pouvoir.
L'arrêt définitif de la centrale José Cabrera, à Almocinad de Zorita, près de Guadalajara (centre), était prévu dimanche soir.
Il fait suite à une décision politique et aux critiques des écologistes qui la jugeaient peu sûre. Son propriétaire, le groupe Union Fenosa, assure qu'elle aurait pu boucler sans problème son cycle de 40 ans de production et fermer en 2008 comme initialement prévu.
Greenpeace a saisi l'occasion pour exiger du chef du gouvernement socialiste, José Luis Rodriguez Zapatero, qu'il tienne sa promesse électorale d'annoncer un calendrier de fermeture progressive de toute la filière nucléaire espagnole.


Extrait de l'Atlas du nucléaire civil et militaire de Gérard Chaliand et Michel Jan, 1993.

"Il existe actuellement beaucoup trop d'ambigüités sur ce thème au sein du gouvernement", a déclaré le directeur des campagnes de Greenpeace en Espagne, Mario Rodriguez à l'agence Europa Press.
La gauche espagnole, animée d'un fort courant antinucléaire et anti-Otan au début des année 1980, s'est ralliée au pragmatisme défendu par l'ancien gouvernement de Felipe Gonzalez.
L'avenir de l'énergie nucléaire fait l'objet d'un débat entre pouvoirs publics, écologistes et industriels, à l'initiative du ministère de l'Industrie qui organise des séances de travail mensuelles en vue de présenter des conclusions lors du prochain débat sur l'Etat de la nation.
Les centrales nucléaires espagnoles génèrent actuellement 22,88% de la production d'électricité. Union Fenosa prévoit de remplacer la centrale José Cabrera par une centrale électrique classique à cycle combiné, dotée de deux groupes de 400 mégawatts et cinq fois plus puissante que la précédente. (ATS)

 

Vandellos II: production ou sécurité ?

27/5/2005 - Les techniciens du Conseil de la sécurité nucléaire (CSN) en Espagne ont expliqué aux Cortès à Madrid leur version de l'incident survenu à Vandellos II, versant de nouvelles contradictions à la polémique qui ébranle l'organisme public.

Les huit experts responsables du rapport sur l'incident du mois d'août sur la centrale de Vandellos II, le plus grave depuis 1992, ont expliqué que le CSN avait depuis 1991 exempté l'installation catalane d'essais de contrôle de la canalisation dont la rupture en 2004 est à l'origine de l'incident. La présidente du CSN, María-Teresa Estevan Bolea avait affirmé, il y a un mois, devant les mêmes députés ne pas savoir pourquoi ces essais n'avait pas été effectuées dans la centrale et soutenu que ces vérifications auraient évité l'accident.

Mais la contradiction vient de l'intérieur, la directrice technique à la sécurité nucléaire du conseil, Isabel Medallo, considérant ledit examen «n'est pas le moyen le plus adéquate pour détecter ce genre de problème. Il aurait même pu ne pas servir à détecter la corrosion de la conduite», a-t-elle déclaré au sortir de sa comparution, lundi. I.Medallo estime également que les services de Vandellos II «ont préféré la production à la sécurité», le redémarrage du réacteur en août «s'est effectué dans des conditions de sécurité qui n'étaient pas les plus adéquates», a-t-elle insisté.

Un des experts a y compris déclaré aux groupes de l'Assemblé que l'incident du 25 août pourrait être reclassé de niveau 3, ce qui ne s'est plus vu depuis 1989, lors d'un incident sur Vandellos I. Les députés des Cortès sont sortis sceptiques de l'audience des experts qui contredisent leur présidente, le groupe socialiste réitérant son intention de réformer le CSN.

 

 

La production d'un tiers des centrales nucléaires en Espagne paralysée

18/3/2005 - La production d'un tiers des neuf centrales nucléaires en fonctionnement en Espagne se trouve paralysée à la suite de différentes pannes, a-t-on appris vendredi auprès du Conseil supérieur du Nucléaire (CSN). Deux des réacteurs de la centrale d'Asco I (Tarragone, nord-est) ont dûs être arrêtés à la suite d'une panne dans les transformateurs électriques de sortie qui ne devrait pas être réparée avant deux semaines. Une fuite d'huile s'est produite, sans provoquer de risques pour la population, selon le CSN. La centrale de Vandellos, située également dans la région de Catalogne, a suspendu ses activités pour recharger son combustible après la détection d'un problème dans le système d'eau de "services essentiels" de la centrale. Elle devrait reprendre ses activités dans un peu plus d'un mois. Enfin, la production de la centrale de Garona, près de Burgos (centre-nord de l'Espagne) a été arrêtée pour une recharge de combustible prévue depuis deux mois, mais au cours d'une inspection, une anomalie dans le système de ventilation a été repérée. Le responsable du nucléaire de l'organisation écologiste Greenpeace, Carlos Bravo, a dénoncé le "mauvais fonctionnement" des centrales nucléaires catalanes et "le manque de sécurité de la technologie nucléaire espagnole, intrinséquement dangereuse". Il existe neuf centrales nucléaires en fonctionnement en Espagne, peu en comparaison à d'autres pays européens comme la France, le Royaume-Uni ou même l'Allemagne.

 


Vue de la centrale nucléaire de Vandellós I (à gauche) et Valdellós II (à droite) à Tarragone.



Revue GAIA, N°13, décembre 1997:
Le démantelement de Vandellos I (PDF)
L'auteur Miguel Mutliz Gutiérrez est membre du groupe Acciô Ecologista.




Wise Amsterdam n°320, 3/11/89:
(Référence 320.2207, Wise Tarragone)

Le feu à Vandellós 1

Les maires de quatre municipalités proches de Vandellos (Mont Roig, Tivissa, Pradip et l'Ametlla) demandent l'arrêt des réacteurs 1 et 2 jusqu'à ce que les niveaux de sécurité soient conformes aux directives du Conseil de Sûreté nucléaire (en 1988 il y a eu trois incendies à Vandellos 2 en l'espace de cinq mois, voir WISE 305.3048).

D'après un article de "El Pais" du 25 octobre, l'AIEA a dit que l'accident de Vandellos 1 était l'incident le plus grave dans une installation nucléaire depuis Tchernobyl. Mais l'AIEA démentirait.

Les causes de l'accident du 19 octobre proviennent de l'arrêt de brusque (pour des raisons encore inconnues) d'une turbine. Le poids de la machine (cinq tonnes) a réchauffé l'huile de lubrification, qui s'est décomposée et a dégagé de l'hydrogène qui à son tour a explosé. La turbine a alors pris feu.

Comme la centrale n'a pas d'équipement contre l'incendie, elle a fait appel à des pompiers des environs (jusqu'à ceux de Bella Terra, située à 100 km). L'incendie a duré quatre heures et demi et sérieusement affecté deux des quatres liaisons entre la turbine et le système de réfroidissement de la centrale.

Le Conseil de Sûreté nationale et le gouvernement ont d'abord déclaré qu'il n'y avait pas eu de fuite radioactive, mais les autorités ont contredit par la suite cette affirmation en disant qu'il n'y avait pas de niveau de radiation significatif et que les populations des environs ne couraient aucun risque. WISE Tarragone a publiquement demandé aux autorités de Catalogne de rendre publiques les mesures qu'elles fait faire près de la centrale.

Les Commissions ouvrières, syndicat auquel sont rattachées des organisations de pompiers, dit que les pompiers ont risqué leur vie parce qu'ils ne disposaient pas des équipements prévus par le plan d'urgence nucléaire et qu'ils n'avaient été, prévenus des risques de radioactivité. Ils ont ainsi commis des erreurs : ils ont d'abord utilisé de l'eau parce qu'ils ne connaissaient pas la nature du sinistre (ce qui a provoqué des courts-circuits supplémentaires dans le système électrique). La fumée importante qui s'est dégagée au-dessus du site serait venue des isolateurs électriques (d'après Carlos Fernandes Palomero).

Les pompiers ont ensuite été emmenés à Vandellos 2, où on a vérifié leur niveau de contamination, les analyses se sont révélées négatives, mais Ils ont demandé, lors une conférence de presse, qu'il soit procédé à un nouvel examen par des médecins indépendants de l'industrie nucléaire.

Vandellos 1 est arrêtée, sans doute pour six mois au moins. L'Hifrensa, consortium franco-espagnol qui exploite la centrale, envisage de refaire démarrer ce réacteur avec une seule turbine, à 50% de ses capacités. Le réacteur de Chinon A 3, de même nature que Vandellos et qui connaît des problèmes de corrosion analogue, doit être démantelé. Une de ses turbines pourrait être transportée à Vandellos.

Le prototype de Vandellos 1, la centrale de St-Laurent-des-Eaux a également connu de nombreux incidents. Le 13 mars il a été le théâtre de l'accident connu le plus grave dans une installation française. L'unité 1 de St. Laurent doit être démantelée en avril 1990, et l'unité 2 en 1992.

Vandellos 1 a une longue histoire de surchauffe et de corrosions (de son système de refroidissement, justement). Le réacteur n'était qu'à 80-85 % de sa capacité quand l'accident s'est produit. Après l'accident de Tchernobyl, le Conseil de Sûreté national a ordonné cinq modifications, mais deux seulement avaient été menées à bien. L'une de celles qui n'ont pas été accomplies est directement liée à l'accident : le CSN avait demandé que les quatre alimentations du système de refroidissement soient rendues plus indépendantes les unes des autres. Une cinquième liaison aurait été rendue impossible par suite de son coût. Si le système de refroidissement avait cessé de fonctionner, les 3000 tonnes de graphite auraient pris feu.

Le CSN a admis que cet accident était le pire jamais survenu dans une centrale espagnole, mais le public n'a pas été depuis tenu au courant des investigations sur ses causes. D'après WISE Tarragone, l'incendie aurait pu être évité parce que le même type d'accident était déjà arrivé à l'un des deux réacteurs d'Asco (autre centrale nucléaire espagnole). Les opérateurs de Vandellos n'en avaient pas tiré d'enseignement. Toujours d'après WISE Tarragone, le système de défense incendie de Vandellos 1 ne répondrait pas aux normes de l 'AIEA.

Des organisations antinucléaires de la région ont appelé à une manifestation le vendredi 27 octobre devant le siège de l'Hifrensa à Barcelone. Une manifestation devant la centrale a été appelée par les municipalités voisines de Vandellos pour le 4 novembre.

(sources WISE-Tarragone, "El Pais" des 22, 24, 25, 27 et 28 octobre 1989 ;
Nuclear Power Reactors in the World, édition d'avril 1989).

 


Der Spiegel, 30/10/89:


Photo rajoutée par Infonucléaire.


"Panik im Kontrol Iraum"
Panique dans la salle de contrôle

Le jeudi 19 octobre, les habitants des environs de la centrale de Vandellos ont pu voir s'élever la fumée d'un incendie situé sur le site nucléaire. Ce n'est qu'au cours des jours suivants qu'ils ont pu apprendre ce qui s'était passé.

Une des deux turbines de la centrale a explosé et s'est enflammée. L'incendie, alimenté par huile lourde des compartiments de la turbine s'est étendu et a mis en danger le système de refroidissement du réacteur.

On n'a sans doute évité l'accident majeur que de justesse.
Les antinucléaires pensent qu'il s'agit là de l'accident de centrale le plus grave depuis Tchernobyl. Les autorités et les équipes de secours ont également sombré dans la confusion devant l'accident qui touchait ce vieux réacteur, "de l'époque de De Gaulle" (d'après le ministre de l'industrie espagnol).

Il est entré en service en 1972, utilise de l'uranium naturel et est refroidi par du dioxyde de carbone. L'eau de mer circule dans le secondaire pour évacuer la chaleur excédentaire, et 3000 tonnes de graphite servent de "modérateur". Quatre pompes fournissent le dioxyde de carbone nécessaire. L'arrêt de cette alimentation entraînerait l'incendie du graphite et produirait un accident comparable à celui de Tchernobyl. Or l'incendie de la turbine a endommagé deux des quatre pompes et menacé les deux autres. Le circuit secondaire a même connu des périodes de déséquilibre au cours de la nuit de l'accident : les deux pompes encore en état de marche ont connu des moments de dysfonctionnement.

L'accident a pris naissance "loin du réacteur" (d'après les paroles d'un représentant de la centrale) : une des turbines a dû être déconnectée par suite de problèmes techniques, ce qui a produit de violentes vibrations dans le circuit de refroidissement [...]. Une fissure est apparue, l'hydrogène est entré par là et au contact de l'air s'est enflammé. L'incendie s'est propagé jusqu'au système de cables électriques.

D'après le syndicaliste Ruiz (des Commissions Ouvrières), lorsque les pompiers sont arrivés, les techniciens étaient en pleine confusion, et prenaient la fuite. Les pompiers n'avaient pas été prévenus qu'il s'agissait d'un feu d'huile et de cables électriques, et leur premier véhicule ne contenait pas de la mousse, mais de l'eau (pour les feux de forêts). Même avec la mousse, l'incendie ne s'arrêtait pas parce qu'il était alimenté par des canalisations souterraines. Les pompiers ont finalement dû combattre directement le foyer sans vêtements de protection, et sans savoir s'ils subissaient des radiations.

L'action de sauvetage a presque causé la catastrophe : l'eau initialement déversée a envahi les sous-sols de la centrale et menacé de provoquer l'arrêt des systèmes de sécurité encore en état. Il a fallu la pomper, mais on a retiré beaucoup plus d'eau que ce qui avait été déversé. "Nous ne savions pas, à ce que dit un membre des équipes de secours, si le circuit secondaire n'avait pas explosé et libéré toute cette eau, ou si nous l'avions nous même transférée du bassin alimentation du système".

Ce n'est que le jour suivant que la température du réacteur est revenue à sa valeur normale.

Les négligences ne se sont pas arrêtées là : les pompiers n'ont n'ont été soumis à un contrôle de radioactivité que quatre jours plus tard (la poussière radioactive éventuelle ne pouvait plus être détectée).
Dans toute la Catalogne, les pompiers n'ont à leur disposition que trois combinaisons pour intervenir en milieu irradié. Ils menacent de ne pas se déplacer pour un incendie de centrale à l'avenir s'ils ne reçoivent pas d'appareil de mesure de radioactivité.

Le mardi 24 octobre, un transformateur auxiliaire de la centrale a subi un court-circuit, avec un fort relâché de fumée. L'affaire n'a pas eu de suite mais la population ne s'en est pas moins inquiétée.

Les autorités veulent remettre en marche Vandellos 1 dans quatre mois (elle est sensée fermer en 2003) en remplaçant la turbine par un appareillage venu de la centrale analogue de Saint Laurent

 


 
Après l'incendie à Vandellós 1, photos rajoutées par Infonucléaire.


El Pais, 29/10/89:

Vandellos brûle

Ce sont des habitants proches de la centrale qui ont indiqué vers 21 H 40 à la police que de la fumée sortait par moments de la centrale. L'avarie s'est produite dans le turbogénérateur du groupe primaire. L'hydrogène est entré en contact avec l'air, provoquant une explosion. La salle de contrôle située à 15 m du réacteur a commencé à être envahie par une épaisse fumée. Il a fallu utiliser des masques à oxygène pour continuer à travailler. Des conduites amenant de l'eau de mer ont été rompues par l'incendie et la salle a été remplie d'un mètre d'eau (ce qui a bloqué divers systèmes de sécurité).

Le Gouvernement Civil a décidé après 22 h de déclencher le Plan d'Urgence nucléaire de Tarragone. L'anné précédente, en sept mois de fonctionnement, Vandellos 2 avait connu trois incendies. Ce n'est qu'à 22 h 21 que le Gouvernement Civil a su où était située l'avarie. L'intervention des pompiers a eu lieu dans une confusion considérable, et dans une atmosphère de peur d'une fuite radioactive. A 23 h 33, la direction de la centrale admet que la réfrigération du coeur subit des interruptions. A 23 h 36, l'incendie est contrôlé, mais non pas étouffé. Ce n'est que vers 2 h du matin que la centrale peut dire que que le feu est éteint et que le refroidissement du coeur fonctionne.

Au matin, les autorités prétendent qu'il n'y avait pas de danger (mais la Protection Civile affirme le contraire).

II est probable que le Conseil de Sûreté nucléaire va exiger des réaménagements tels que les travaux seront longs (un à trois ans) et le coût énorme.

Le réacteur s'est trouvé arrêté 32 secondes après le début de l'incendie (on ne sait pas si c'est à la suite d'une réaction automatique, ou de l'action d'un opérateur). L'EDF qui possède des parts de Vandellos a déclaré qu'elle ferait tout pour que ce réacteur reste en fonctionnement jusqu'à l'an 2003, comme prévu. Vandellos 1 est une centrale au graphite-gaz d'un type voisin de celui des quatre réacteurs français qui vont être arrêtés au cours des trois prochaines années. EDF explique que la situation en France est différente : elle possède des centrales produisant du courant moins cher, ce qui n'est pas le cas de l'Espagne (EDF n'admettrait l'arrêt que si les parois du réacteur avaient subi des dommages structurels dans l'incendie).

La conception du réacteur était défectueuse en ceci que les vents ont poussé les flammes vers l'intérieur, vers le réacteur. Les autorités centrales espagnoles sont plus sceptiques sur l'avenir de Vandellos 1 et envisagent d'en faire une poubelle nucléaire.

Un plan d'urgence contesté

L'attitude de la direction de la centrale, qui a prévenu les pompiers avant l'autorité chargée du Plan d'Urgence nucléaire de Tarragone, pouvait compromettre l'efficacité du plan (dont la Protection civile a la charge).

Par ailleurs, les groupes écologistes locaux considèrent que l'objectif réel de ce plan est d'empêcher la fuite de la population irradiée (pour qu'elle n'entre pas en contact avec les populations non contaminées). II prévoit qu'en cas de fuite radioactive, les routes passent sous contrôle de la Garde civile, et que celle-ci aurait le droit de soumettre les gens à des examens radiologiques (dans des Unités de Répartition et de Decontamination qui d'après les écologistes ressembleraient plus à des camps de concentration qu'à des services d'aide sanitaire).

Pour que le plan puisse fonctionner, il faudrait que l'administration centrale fournisse des moyens qui font encore défaut (amélioration des voies de communication pour rendre possible des évacuations d'urgence, installation de mégaphones pour prévenir la population de la zone).

L'Ametlla (le comité antinucléaire) appelle à la grève générale pour demain 30 octobre afin d'obtenir le démantèlement de Vardellos 1

Ametlla de Mar est une ville (d'environ 5000 habitants) située à 9 kilomètres de la centrale. Le comité antinucléaire a convoqué une grève générale de 24 heures, qui est soutenue par la municipalité.

On demande le démantèlement immédiat de Vandellos 1, et le démantèlement progressif de Vandellos 2, Asco 1 et Asco 2 (toutes situées dans la province de Tarragone). Les habitants des environs s'estiment gravement lésés par les annulations de réservations hôtelières et d'achats de résidences d'été.

Le programme de la journée de grève comprend une "cacerolada" à dix heures du matin, un hommage à 12 heures à l'attention de trois femmes qui avaient été arrêtées en 1974 pour avoir manifesté contre le projet initial des centrales nucléaires, et une manifestation à 17 heures.

Le Comité antinucléaire est soutenu par les jeunes de la localité, et a reçu des facilités de la municipalité (locaux, lignes téléphoniques). Le fait qu'un circuit pour motocyclettes soit à moins de deux kilomètres de la centrale semble une source importante de motivation.

Les municipalités de Montroig, Pratdip et Tivissa sont moins engagées (ils demandent aussi la fermeture de Vandellos 1 et le gel du second réacteur tant que les carences du Plan d'Urgence ne seront pas comblées). Une manifestation a également été appelée par les étudiants pour le lundi 30 octobre. Diverses forces syndicales essayent de constituer un mouvement de citoyens antinucléaire à Tarragone. Le CDS doit proposer à la prochaine séance de la municipalité de cette ville le démantèlement de la centrale qui a subi l'incendie.

Les pompiers se sont de leur côté indignés de l'attitude du personnel de la centrale pendant l'accident. D'après Josep Pino, chef du détachement de pompiers de Amposta (près de Tarragone) : "Les techniciens ont fui de la zone du sinistre et nous sommes restés seuls pendant qu'on entendait des cris "ça va sur le réacteur", "ça va sur le réacteur". La direction de la centrale et la société Hifrensa ont démenti ces informations, et on parle de sanctionner l'auteur de ces paroles.



El Pais, 27/10/89:

L'accident de Vandellos est "le plus grave jamais survenu dans une centrale nucléaire espagnole

Le Conseil de Sûreté nucléaire, CSN, a déclaré dans un communiqué le 26/10/89 que l'accident du 19 octobre peut être considéré comme "l'événement le plus grave jamais survenu dans une centrale nucléaire espagnole". Un court-circuit s'est encore produit le 26 (dans un autre réacteur de Vandellos, mais n'a pas provoqué d'incendie). Un turbogénérateur principal a été détruit le 19, et le problème majeur portait sur le refroidissement du réacteur, qui n'était pas direct ement concerné par l'incendie. L'article signale quelques déclarations d'un porte-parole de WISE.
(voir aussi AFP du 24/10/89 qui rapporte qu'une enquête a été ouverte en raison du retard avec lequel l'accident a été annoncé aux autorités compétentes, et que la société propriétaire de la centrale,
l'Hispano Francesa de Energia Nuclear, est pour 25 % propriété d'EDF. Selon un communiqué de WISE, World Information Service on Energie, l'accident de Vandellos 1 est le plus important depuis celui de Tchernobyl).

 

 

Le Monde, 3 avril 1975:
Vandellos : première centrale nucléaire sur la Méditerranée