29/03/2006 - La
commission des Affaires économiques a adopté mercredi
soir le projet de sur les déchets radioactifs, a-t-on appris
de source parlementaire.
Le débat en séance
publique sur ce projet doit commencer le 6 avril à l'Assemblée. L'examen du texte en commission a eu lieu parallèlement
à la discussion en séance publique de celui sur
la transparence et la sûreté nucléaire.
La commission a adopté un amendement du rapporteur Claude
Birraux (UMP) qui crée une commission nationale d'évaluation
du financement des charges de démantèlement des installations
nucléaires.
Alors que le projet de loi prévoit qu'un groupement d'intérêt
public peut être constitué dans tout département
où se trouve un laboratoire souterrain ou un centre de
stockage en couche géologique profonde et que celui-ci
est censé entre autres, effectuer des aménagements
de territoire dans les zones distantes de moins de dix kilomètres
de l'accès à ces installations, la commission a
décidé de renvoyer à un décret la
fixation de la grandeur du périmètre concerné
par cette disposition.
Il a aussi été décidé que les collectivités
territoriales qui se sentaient concernées, même situées
en dehors du périmètre, puissent demander à
faire partie du groupement. Un amendement créant au sein
de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs
(Andra) un fonds pour la construction de centres d'entreposage
ou de stockage, a aussi été voté.
La commission a aussi prévu qu'une personne ayant exploité
une installation nucléaire, reste tenue d'évaluer
les charges de gestions des déchets radioactifs et de prévoir
les budgets nécessaires à leur gestion, même
si elle ne l'exploite plus.
Face au faible taux de conditionnement des déchets radioactifs
de moyenne et longue vie, la commission a décidé
que "les propriétaires de déchets de moyenne
activité à vie longue produits avant 2015 les conditionnent
avant 2025".
Selon le ministre délégué à l'Industrie,
François Loos, ce texte vise à
établir une "feuille de route" des étapes
à franchir pour régler la question de la gestion
des déchets radioactifs.
Il fait suite à la "loi Bataille" du 30 décembre
1991 qui donnait aux pouvoirs publics 15 ans pour approfondir
les recherches sur la gestion des déchets nucléaires
et trouver une solution pour le stockage des plus dangereux.
Communiqué de presse commun ACRO et GSIEN du 28 mars 2006
Le projet de loi présenté le 22 mars en conseil des ministres ignore les conclusions du débat sur les déchets nucléaires et est donc inacceptable pour l'ACRO et le GSIEN. Pourtant, le représentant du Ministère de l'Industrie concluait le dernier débat à Lyon en insistant sur la nécessité de solutions « réversibles » et son « refus d'être piégé dans des solutions sans alternatives » avant de déclarer : « la copie qui va sortir de chez nous est différente de ce que nous aurions fait il y a quatre mois » On a failli le croire.
Dès l'article 1er, la définition de « déchets radioactifs [qui] s'entend de matières radioactives pour lesquelles aucune utilisation ultérieure n'est prévue » est trop restrictive et ouvre la porte à de nombreux abus. En effet, sous prétexte que certaines matières sont hypothétiquement recyclables, elles ne sont pas considérées comme déchets, même si dans les faits, elles ne sont pas recyclées et ne le seront jamais. Nous proposons donc plutôt de considérer comme déchet radioactif, toute matière radioactive non utilisée dans un délai à fixer. Cela va au-delà des problèmes de taxe, car seuls les « déchets » étrangers sont interdits de stockage en France. Nous souhaiterions aussi qu'il soit interdit de stocker à l'étranger des déchets français.
Les solutions proposées à l'article 2 sont aberrantes. Ni le traitement, ni le conditionnement des combustibles usés ne réduisent la quantité de déchets radioactifs. Généraliser le traitement est absurde car le plutonium s'accumule actuellement « sur les étagères », comme presque la totalité de l'uranium de retraitement. Par ailleurs, la vitrification en fin de procédé est irréversible dans le sens où elle interdit toute reprise ultérieure des verres. Ce choix technologique est en contradiction avec la continuation des recherches sur la séparation-transmutation.
Ce même article décide du « stockage en couche géologique profonde » alors qu'aucune garantie scientifique ne permet d'affirmer que cette solution soit réalisable. Dans son dernier rapport, la Commission Nationale d'Evaluation précise que « les conditions d'une éventuelle décision finale de réalisation d'un stockage [souterrain] ne sont pas encore réunies. » Par ailleurs, le débat national sur les déchets a montré un fort rejet de cette solution par la population. Quant à la réalisation d'un « prototype d'entreposage pérennisé » recommandé par la Commission Nationale de Débat Public (CNDP), il n'est pas rendu obligatoire par la loi. Les études et recherches sur l'entreposage « pour répondre aux besoins, notamment en termes de capacité et de durée » du projet de loi ne sont pas celles pointées lors du débat.
Par ailleurs, nous pensons que les efforts de recherche sur l'axe séparation-transmutation sont trop onéreux par rapport aux espoirs potentiels de cette solution. Comment justifier l'exposition des travailleurs du nucléaire et les populations du présent siècle à un détriment certain sans protéger pour autant les populations futures dans 100 000 à des millions d'années ? En effet, « la CNE considère, dans son dernier rapport, que finalement la séparation-transmutation répond au principe de précaution de la charte de l'environnement plutôt qu'à la recherche d'une diminution du risque réel dû à la présence en profondeur des déchets. » Surtout, cette voie nécessite de prendre pour option de continuer le nucléaire sans prendre la mesure sur la quantité de déchets qui en résultera.
Si nous saluons la prise en compte des autres déchets dans la loi avec des échéances précises, nous regrettons que les solutions demandées ne soient pas expertisées par la commission nationale d'évaluation ni débattues par le public.
Le public est le grand oublié de ce projet de loi, même si au niveau européen et international (convention d'Aarhus) son avis doit être pris en compte. Si une Commission Locale d'Information et de Suivi est prévue pour le « laboratoire souterrain », rien n'est prévu pour les centres où l'entreposage doit être étudié. De même, nous demandons que pour le plan national de gestion des matières nucléaires et déchets transmis tous les trois ans au Parlement soit organisé une véritable consultation du public. Cela signifie que tous les autres rapports demandés aux exploitants soient aussi rendus publics. Enfin, la commission nationale d'évaluation devrait être ouverte à la société civile pour tenir compte de l'avis des citoyens.
ACRO
Association pour le Contrôle de la Radioactivité
dans l'Ouest
138, rue de l'Eglise
14200 Hérouville St Clair
http://acro.eu.org
tél : 02 31 94 35 34
GSIEN
Groupement de Scientifiques pour l'Information sur l'Energie Nucléaire
2 rue François Villon
91400 Orsay
tél : 01 60 10 03 49
Mercredi 22 mars 2006 - Le Conseil des ministres a examiné mercredi un projet de loi sur la gestion des déchets nucléaires qui provoque la colère des associations écologistes. Celles-ci dénoncent en effet un feu vert donné à l'enfouissement des déchets radioactifs les plus dangereux.
A l'heure actuelle, 85% des déchets radioactifs sont stockés en surface sur des sites exploités par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) dans les départements de la Manche et de l'Aube. Les 15% restant, qui concentrent 99,9% de la radioactivité, sont entreposés dans des installations de surface à La Hague (Manche), Marcoule (Gard) et Cadarache (Bouches-du-Rhône), qui n'ont pas été conçues pour stocker définitivement ces déchets.
Pour les déchets de haute activité et à vie longue, l'Andra étudie la possibilité d'installer un site de stockage à Bure (Meuse). Le projet de loi présenté mercredi stipule que, après entreposage, les déchets ne pouvant être stockés définitivement en surface sont placés dans un «stockage réversible en couche géologique profonde». «En recourant au traitement des combustibles usés, à l'entreposage en surface des déchets puis à leur stockage en couche géologique, nous choisissons une solution sûre», affirme le ministre délégué à l'Industrie François Loos dans un communiqué.
Reste que, dans un communiqué commun,
Greenpeace, la Coordination nationale des collectifs contre l'Enfouissement
des déchets radioactifs, le Réseau Sortir du Nucléaire,
Agir pour l'Environnement, les Amis de la Terre et la Confédération
Paysanne ont lancé un appel aux parlementaires «pour
qu'ils refusent l'enfouissement»
L'Est-Républicain, 22 mars 2006:
Le Conseil des ministres examine aujourd'hui le projet de loi qui accorde dix années supplémentaires pour la recherche d'un site de stockage souterrain.
La loi Bataille de 1991 avait prévu
un grand débat parlementaire après quinze ans
de recherche. Objectif : trouver une solution définitive
au problème des déchets nucléaires issus
du parc des 58 centrales produisant près de 80 % de
notre électricité.
Aujourd'hui, l'avant-projet de loi sera présenté
en conseil des ministres. Et mi-avril, il devrait être
ficelé et prêt à être examiné
par les députés, puis ensuite en mai au Sénat. Selon
la procédure du vote bloqué en utilisant le fameux article
49-3 ? C'est ce que craignent les opposants à l'enfouissement
des déchets qui dénoncent à l'avance ce débat
parlementaire « tronqué ».
Les mêmes ont d'ailleurs critiqué « l'alibi
démocratique » du débat public,
orchestré à l'automne 2005 sous forme d'une dizaine
de réunions dans toute la France par la Commission particulière
(CPDP), et dont Georges Mercadal a présenté lundi
soir les observations à Bar-le-Duc.
Déchets ultimes
Ce rapport avait été remis au
début de l'année au gouvernement, qui a pu
s'inspirer également des conclusions d'experts d'autres
organismes en charge du nucléaire, pas toujours concordantes
d'ailleurs.
Car le débat reste ouvert. Si 90 % des déchets faiblement radioactifs
sont entreposés sans difficulté dans des centres comme
celui de Soulaines (Aube), les autres concentrant 99,9% de
la radioactivité sont extrêmement nocifs.
L'usine de retraitement de La Hague permet de réduire leur volume,
mais on ne sait que faire des déchets « ultimes »
à haute activité et à vie longue (plusieurs
centaines de milliers d'années). En 2020, leur volume
avoisinera 3.600 m3 sans compter les 55.000 m3 de combustibles
usés non retraités.
Pendant quinze ans, des recherches ont été effectuées
pour améliorer le conditionnement des « colis »
entreposés en surface, pour réduire leur nocivité
(séparation et transmutation
des radioéléments) et pour définir un éventuel site
de stockage en profondeur.
Principe de précaution
C'est à Bure (Meuse) qu'un laboratoire souterrain de recherche a
été construit dans une couche d'argile à
500 mètres de profondeur. Mais les études ont
pris beaucoup de retard et le rapport d'étape de l'agence
nationale (ANDRA) est incomplet aux yeux de nombreux experts.
Par ailleurs, le débat public a mis en évidence
une convergence pour privilégier la solution d'un
entreposage pérenne et réversible au nom du
« principe de précaution » reconnu
dans la Constitution.
Mais si cette idée est reprise dans le projet de loi, le gouvernement
espère concevoir à terme un projet de centre de stockage
géologique à l'horizon 2015 avec une exploitation en
2025, une telle autorisation étant accordée par
décret.
De quoi faire hurler les opposants qui dénoncent ce « passeport
pour l'enfouissement » alors qu'une pétition
a recueilli 50.000 signatures de Meusiens et Haut-Marnais
pour exiger un référendum.
Gérard Bonneau
Francine BAVAY, vice-présidente du Conseil
régional d'Ile-de-France, chargée de la santé
Communiqué, 21/03/2006:
Le projet de loi sur la gestion des matières et déchets radioactifs devrait être présenté au Conseil des ministres le 22 mars prochain, comme toujours dans la plus grande discrétion. S'il était voté, il créerait une « prime de stockage » offerte aux départements accueillant sur leur territoire des sites d'entreposage de déchets radioactifs, afin, selon l'exposé des motifs du texte, de « marquer la reconnaissance de la nation pour les territoires participant aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs ». Aux départements poubelles, la patrie reconnaissante !
Cette prime pourrait s'élever jusqu'à 40 millions d'euros par an. A l'heure où tous les départements sont financièrement étranglés dans leurs nouvelles compétences sociales du fait du désengagement de l'Etat et de l'explosion de la précarité, il y a de quoi appâter plus d'un conseil général !
En quinze ans, l'Etat nucléocrate n'a réussi à imposer aux populations qu'un seul site de stockage souterrain, qui reste expérimental, à Bure. 9 Français sur 10 sont hostiles à la présence d'un site de stockage près de chez eux. A présent, il ne s'agit de rien de moins que d'acheter des élus pressurés par leurs nouvelles missions, pour justifier la poursuite d'un programme qui fait de la France le pays le plus nucléarisé du monde, et donc dépendant considérablement d'un combustible étranger et non renouvelable.
Pour plus de « transparence », il n'y a plus qu'à proposer à EDF ou à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) de gérer elles-mêmes le revenu minimum d'existence, l'allocation handicap, le fonds d'aide aux jeunes, et même le coût des licenciements arbitraires du CPE dans les départements poubelles de l'industrie nucléaire !
Cette nouvelle manuvre montre qu'iI est urgent
et nécessaire d'en finir avec l'arbitraire du tout nucléaire
en France, de démocratiser les choix énergétiques
et de favoriser les énergies renouvelables.
21/03/2006 - Le
député PS Arnaud Montebourg s'est insurgé
mardi dans un communiqué contre un projet de loi sur la
gestion des déchets radioactifs, qui devrait être
approuvé mercredi par le Conseil des ministres, estimant
qu'il "fige dès maintenant, sans aucune nécessité
ou urgence, une solution contestable techniquement et mal acceptée".
"Non au projet de loi gouvernemental qui privilégie
l'enfouissement, oui à une gestion responsable des déchets
nucléaires", indique le député.
Pour M. Montebourg, ce projet "tente d'accréditer
l'idée, à travers une solution +simplificatrice+,
qu'il serait possible de régler, une bonne fois pour toutes,
le problème des déchets nucléaires".
Il rappelle que la Commission Particulière du Débat
Public avait "recommandé de poursuivre l'expérimentation,
sur dix ans, d'un entreposage réversible en grandeur réelle".
"D'un revers de la main, le gouvernement balaye les propositions
de cette commission", note-t-il.
Greenpeace, Paris, le 15 mars 2006:
Alors que le conseil économique et social se prononcera cet après-midi sur le projet de la loi déchets, Greenpeace alerte l'opinion publique et les parlementaires sur la dangerosité de ce texte. Pour l'association écologiste en effet, le projet de loi du gouvernement donne le feu vert à l'enfouissement des déchets en l'absence de certitudes scientifiques et en dépit du principe de précaution. Il confirme aussi le statut de poubelle nucléaire internationale de la France.
Le projet de loi qui devrait être présenté au Conseil des Ministres le 22 mars prochain s'inscrit en rupture avec la dernière loi sur le sujet datant de 1991, qui donnait 15 ans à la recherche pour étudier trois axes de gestion. Faisant fi de l'opposition à cette option et aux nombreuses incertitudes scientifiques largement mises en évidence au cours du débat public, le projet élève l'enfouissement au statut de « solution de référence » et fixe des échéances en 2015 pour trouver un site d'enfouissement et en 2025 pour le début de son exploitation.
« Ce projet de loi est un véritable scandale pour l'environnement, puisqu'on prend aujourd'hui une décision qui va engager les générations futures, alors que pas un scientifique ne peut aujourd'hui nous assurer que l'enfouissement est faisable, sûr et pérenne sur des centaines de milliers d'années » explique Frédéric Marillier, chargé de campagne nucléaire à Greenpeace France. « Le gouvernement agit en dépit du bon sens et en totale contradiction avec les grands principes environnementaux aujourd'hui inscrits dans la constitution comme le principe de précaution. En fait le gouvernement n'est guidé que par une seule logique : « régler » l'épineux problème des déchets nucléaires pour ouvrir définitivement la voie à la relance du nucléaire. »
Par ailleurs, alors que les actions en justice
de Greenpeace (1) démontrent la situation illégale
de nombreux déchets nucléaires
étrangers, le projet de loi, loin de tenter de mettre fin
à cette situation, ouvre au contraire la voie à
un stockage de fait de déchets étrangers en France.
Le projet de loi introduit en effet une définition d'exception
du déchet nucléaire écartant de nombreuses
matières radioactives nécessitant une gestion, et
assouplit l'article de loi interdisant jusqu'alors le stockage
des déchets étrangers.
« Ce projet de loi tend à faire de la France une poubelle nucléaire internationale. Au lieu de renforcer le droit face aux abus, la loi choisit le chemin inverse et facilite l'activité de Cogema qui a pour conséquence le stockage de déchets nucléaires de tous horizons en France » déclare Yannick Rousselet chargé de campagne nucléaire à Greenpeace France.
Greenpeace dénonce le projet de loi comme dangereux et inacceptable. L'association écologiste invite les parlementaires à regarder avec grande attention ce texte et à le rejeter, seule option responsable pour un élu représentant les citoyens d'aujourd'hui mais aussi, dans ce cas, de demain.
Notes :
(1) Dans un arrêt du 7 décembre 2005, la Cour de
Cassation a condamné Cogema pour stockage illégal
de déchets nucléaires australiens, dans un procès intenté par Greenpeace.
Le 3 mars dernier, le tribunal de Cherbourg donnait à nouveau
raison à Greenpeace dans une affaire concernant le stockage
de déchets hollandais, Cogema étant sommé
de donner sous peine d'astreinte une série de documents
dont les contrats passés avec le client hollandais. Greenpeace
prépare d'autres démarches juridiques.
Libération, 13/03/2006 :
Nucléaire. Les experts concluent quinze années de recherches avant le débat sur la loi.
Dernier avis d'experts avant que la parole aille au législateur. C'est le statut du texte remis vendredi aux parlementaires par la Commission nationale d'évaluation des recherches sur les déchets nucléaires. Une commission d'experts créée par la loi de 1991, dite «loi Bataille», du nom du député PS qui en fit la proposition. Une loi qui prévoyait quinze années de recherches sur le destin des déchets les plus radioactifs de la filière nucléaire, sortis des réacteurs d'EDF. C'est donc cette année - avant l'été, a dit le gouvernement - que le Parlement doit se prononcer sur la suite à donner à ces travaux.
Le rapport de la commission peut sembler contradictoire.
Il affirme, en effet, que «les pouvoirs publics ont désormais
les moyens de construire une stratégie de gestion des déchets
radioactifs à vie longue». Pourtant, il ne délivre
pas de feu vert pour l'enfouissement géologique, mais uniquement
un constat positif sur les résultats acquis sur le site
de Bure (Meuse) et
un programme de validation définitive du concept. Quant
à l'hypothèse d'un entreposage de longue durée,
renouvelable, en surface ou peu enterré, il reste à
«choisir un site et y conduire les études»,
si cette idée est retenue par les députés.
Pour la voie de la séparation poussée des radioéléments
et de leur transmutation,
«il n'y a pas actuellement suffisamment de résultats
pour prendre une décision de nature industrielle».
Ce concept, pour séduisant qu'il puisse être, ne
pourrait prendre vie qu'avec la «génération IV» des réacteurs
nucléaires, à neutrons rapides, et donc à
l'horizon 2040 au plus tôt. Manifestement, les experts de
la commission sont très dubitatifs sur la possibilité
de réacteurs incinérateurs de déchets dont
la première mission ne serait pas de produire de l'électricité.
En outre, la possibilité de transmuter les radioéléments semble élevée pour les actinides mineurs (noyaux plus lourds que l'uranium), alors que ces derniers auraient tendance à rester scotchés dans une couche argileuse. Mais faible pour l'iode, justement l'élément qui aurait tendance à s'en échapper à long terme. D'où la conclusion générale : «retenir le stockage géologique comme la voie de référence et l'étudier complètement». Un message qui va soulever l'ire des opposants au nucléaire.
Sylvestre Huet
Libération, 13/03/2006 :
Professeur à l'université Paris-VII, Ghislain de Marsily est membre de la Commission nationale d'évaluation des recherches sur les déchets radioactifs depuis 1991.
Le rapport de la CNE dit que «les conditions
d'une éventuelle décision finale de réalisation
d'un stockage ne sont pas encore réunies». Précaution
d'experts ?
Le message de la commission est clair. On ne peut pas dire : «Décidons
dès maintenant de stocker les déchets nucléaires
à Bure.» Les durées et la nature des observations
réalisées dans le laboratoire souterrain ne sont pas encore
suffisantes pour conclure ainsi. Il faut poursuivre ces travaux
au moins dix années. Regarder comment la roche se tasse.
Mener des expériences sur la propagation de la chaleur,
le scellement des galeries, la vitesse de diffusion des radionucléides
dans la couche géologique, le devenir des gaz de corrosion
dans le site. Enfin, il faut étudier le périmètre
alentour, afin de vérifier si les conditions observées
à Bure se maintiennent sur des dimensions compatibles avec
un stockage. Tant que les réponses à toutes les
questions posées ne sont pas là, la décision
de stocker les déchets nucléaires doit rester suspendue.
Pour la CNE, «le stockage est la voie de référence pour une gestion définitive des déchets nucléaires ultimes». Est-ce contradictoire ?
Non. Nous considérons que les solutions que l'on peut imaginer pour les déchets doivent pouvoir se référer à cette solution de base, étudiée par la plupart des pays exploitant des centrales nucléaires. Ensuite, on peut s'y référer pour se demander : «Qui dit mieux ?» Entreposage de longue durée ou, pour certains déchets, transmutation en réacteur, voire un autre site. Cette comparaison avec des alternatives exige d'avoir fini la caractérisation du site. Pour l'instant, les résultats obtenus depuis 1998 sur les questions posées par la commission - failles, circulation des eaux... - [Non, lire: L'enfouissement des déchets radioactifs est-il aussi rassurant que le prétend L'ANDRA ?] apportent des réponses satisfaisantes. La suite des travaux, coûteuse, nous paraît nécessaire, mais aussi un investissement qui recèle de fortes chances d'aboutir à un succès : démontrer que cette couche géologique peut confiner la radioactivité suffisamment longtemps pour que l'éventuelle sortie de radionucléides intervienne suffisamment tard et avec un flux assez faible pour qu'il soit sans conséquences sanitaires et très inférieur à la radioactivité naturelle du lieu. Ce calcul, pour être robuste, retient les hypothèses les plus pessimistes, mais c'est nécessaire pour l'extrapolation prudente de nos mesures décennales sur 300 000 ans.
Vous plaidez pour un «entreposage profond» des déchets de moyenne activité. Pourquoi ?
On considérait, au départ, que le stockage profond devait être irréversible. Après les réactions de citoyens souhaitant que l'on puisse revenir en arrière, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs a proposé un stockage réversible durant trois siècles. Mon idée est que, pour les déchets de moyenne activité à vie longue, la dialectique peut se renverser. Stockage profond et entreposage en subsurface ne sont pas très différents en termes d'ingénierie. Dans le débat public, l'entreposage de longue durée a émergé comme une alternative nécessaire. Mon opinion est que, finalement, les déchets de moyenne activité sont très peu susceptibles d'être repris, après entreposage, en raison de la petite quantité de radioéléments diluée dans une masse de béton, bitume, ferraille... Or, à la différence des verres contenant les déchets à haute activité, on peut les stocker tout de suite, car ils ne sont pas chauds. Si les gens refusent un enfouissement définitif, on peut très bien les mettre dans un stockage profond, tout en ayant la possibilité de les ressortir durant trois siècles. On dispose alors des avantages des deux solutions en supportant le coût d'une seule. Cette solution permet à nos descendants de finir le travail sans trop d'efforts ou de tout ressortir s'ils le veulent [???]. L'entreposage, au moment où l'on passe au stockage profond, exigerait plus de travail. Et le jour où on fermerait le stockage, ce serait après au moins 150 ans d'observation. Quant aux verres et autres déchets C (combustibles usés non retraités), il n'est pas urgent d'étudier un entreposage de longue durée puisqu'on a déjà ceux de La Hague, valables un siècle et sans nécessité d'en multiplier les capacités tant les volumes sont faibles.
Sylvestre Huet
La Voix du Nord, 1/02/2006 :
L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire donne un avis favorable
L'INSTITUT de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a donné un avis favorable au stockage en profondeur des déchets radioactifs. Cette décision sera débattue courant 2006 par le parlement, qui pourra s'il le souhaite établir la feuille de route des étapes à franchir.
Les experts de l'IRSN (organisme public d'expertise
sur le nucléaire) concluent qu'un stockage de déchets
radioactifs dans la couche argileuse étudiée par
le laboratoire souterrain
de Bure, à
cheval sur les départements de la Meuse et de la Haute-Marne,
«apparaît techniquement faisable».
La «loi Bataille» de 1991, qui porte le nom du rapporteur
Christian Bataille député du Cambrésis, donnait
aux pouvoirs publics quinze ans pour approfondir les recherches
sur la gestion des déchets radioactifs et trouver une solution
pour le stockage des plus dangereux, issus des centrales nucléaires.
Points à approfondir
Conformément à la loi Bataille,
l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs
(ANDRA) vérifie à Bure que la géologie du
secteur est favorable à la conservation en toute sécurité de matières
radioactives pendant plusieurs centaines de milliers d'années.
Le laboratoire doit aussi s'assurer originalité française
que ce stockage est «réversible».
Les experts de l'IRSN indiquent que «de nombreux points
resteront néanmoins à approfondir», notamment
«la conception des ouvrages du stockage» qui devra
se révéler efficace.
«Un crime» pour les associations
De son côté, le réseau
«Sortir du nucléaire», qui revendique l'adhésion
de plus de 700 associations, dénonce le rapport de l'IRSN
comme «plus que suspect». Pour le réseau associatif,
« l'enfouissement des déchets nucléaires les
plus dangereux est un véritable crime contre les générations
futures».
«Le principe même de l'enfouissement doit être
rejeté par les citoyens, par simple respect de nos descendants
», ajoute «Sortir du nucléaire», qui
déplore «une caution pour la décision
arrêtée depuis longtemps par le pouvoir français
et l'industrie nucléaire de se débarrasser
des déchets les plus dangereux en les enfouissant sous
terre ».
Ph. Pascal GÉRARD
01/02/2006 - L'entreposage à faible profondeur des déchets radioactifs est apparu comme une solution pragmatique et rassurante pour une grande majorité des participants aux débats publics sur la gestion de ces rebuts, dont le compte-rendu a été publié mercredi par une commission ad hoc.
"L'entreposage en sub-surface, à faible profondeur, a été remis en selle" au fil des auditions qui se sont tenues pendant quatre mois, a estimé le président de la Commission particulière du débat public sur la gestion des déchets nucléaires, Georges Mercadal, en présentant son rapport destiné à éclairer la rédaction d'un projet de loi sur la question.
Cette opinion offre une nouvelle voie par rapport aux trois présentées dans un document préparé par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques : le stockage géologique à grande profondeur, la séparation-transmutation et l'entreposage en surface. Pour l'Office parlementaire, ces trois outils devraient être inscrits dans la future loi de gestion à long terme des déchets nucléaires de 2006.
Le ministre délégué à l'Industrie François Loos a estimé, l'été dernier, que les recherches menées sur les déchets radioactifs (un investissement total de près de 2,5 milliards d'euros) ont permis de constater que "ces trois axes de recherche" apparaissaient aujourd'hui comme "complémentaires".
Plus de 3.000 personnes ont participé au débat public et, selon le rapport, leurs "préoccupations constantes" concernaient leur santé, leur sécurité, leur environnement, pour aujourd'hui et pour leurs enfants.
Tout au long des 12 étapes du débat public, les gens ont fait part de leur "circonspection vis-à-vis de la réversibilité du stockage géologique profond", tel qu'il sera expérimenté à 490 m de profondeur dans le laboratoire souterrain de Bure, dans l'est de la France, a noté M. Mercadal.
Les acteurs du nucléaire ont assuré au fil des débats que l'entreposage en sub-surface permettrait de surveiller les colis pendant 300 ans, en les reconditionnant si nécessaire. "Le message fort qui est ressorti du débat est -hâtons-nous lentement- sur le stockage géologique", a dit M. Mercadal.
Il a souligné que "les gens du secteur nucléaire ont soit appuyé, soit pas critiqué l'idée de pousser, pendant les 15 prochaines années (période des tests en profondeur, ndlr), les deux solutions d'une manière très concrète : l'entreposage en sub-surface sur un site déterminé, pour voir comment il pourrait être de longue durée et pérennisé, et le stockage dans l'argile", en profondeur.
L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), organisme public d'expertise sur le nucléaire, a donné mardi un avis favorable à l'éventuel stockage en profondeur, déclarant qu'il "apparaît techniquement faisable".
Les associations anti-nucléaires s'y opposent. "L'enfouissement des déchets nucléaires les plus dangereux est un véritable crime contre les générations futures" et "doit être rejeté par les citoyens, par simple respect de nos descendants", affirme le réseau "Sortir du nucléaire", qui fédère 718 associations opposées à cette énergie.
Pour le moment, écrit la Commission,
"les déchets à vie longue sont sous contrôle"
et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) estime
que l'on peut "se donner du temps" pour trouver une
solution à leur gestion sur le long terme.
01/02/2006 - Le
réseau "Sortir du nucléaire" a dénoncé
l'organisation du débat public sur les déchets radioactifs,
mercredi dans un communiqué, après la publication
d'un rapport de la commission ad hoc, et il a demandé un
"véritable débat national" sur le nucléaire.
Le réseau, qui fédère 718 associations opposées
au nucléaire, a critiqué "un débat sur
le nucléaire "découpé en tranches"
pour éluder la vraie question", qui est l'énergie
nucléaire : trois débats publics ont été
organisés, sur la gestion des déchets radioactifs,
sur les futurs réacteurs EPR et sur le réacteur expérimental
de fusion nucléaire Iter.
"Les décisions ont été prises"
avant les débats publics, a-t-il estimé. "La
loi sur les déchets était quasiment écrite
dès mars 2005" avec les recommandations de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques,
a-t-il poursuivi.
Le président Jacques Chirac a annoncé le lancement
d'un réacteur dit de
4ème génération et un accord international
prévoit l'installation de Iter à Cadarache.
"Sortir du nucléaire" demande donc "l'annulation
de toutes les décisions déjà prises et l'organisation
d'un véritable débat national sur le nucléaire
et ses projets, avec mise en concurrence des autres voies possibles,
dont les économies d'énergie ou les énergies
renouvelables".
01/02/2006 - La
commission particulière du débat public sur la gestion
des déchets nucléaires a rendu public mercredi son
rapport au gouvernement sur quatre mois d'auditions, pour éclairer
la rédaction du projet de loi sur la question qui sera
présenté au Parlement au deuxième trimestre
de 2006.
Plus de 3.000 personnes ont participé aux débats,
qui ont fait apparaître les préoccupations sur de
très nombreux secteurs liés au nucléaire
tels que les risques pour la santé et la sécurité,
les limites des domaines que devra couvrir la future loi (quels
déchets...), le maintien du principe du retour à
leurs propriétaires des déchets étrangers
traités en France, l'impact des faibles doses, la question
du secret sur les opérations liées au nucléaire...
En ce qui concerne la gestion à long terme des déchets
radioactifs, "des interrogations pour +être sûrs+
subsistent" et "la controverse s'est focalisée
sur le choix entre stockage et entreposage", souligne la
Commission.
La participation citoyenne a été largement revendiquée,
souligne-t-elle, avec notamment "une demande pressant pour
un référendum
local" dans la région de Bure, à cheval
sur les départements de la Meuse et de la Haute-Marne,
où est expérimenté un laboratoire souterrain
dans la couche argileuse.
Le débat public sur la gestion des déchets radioactifs
s'était ouvert le 12 septembre à Bar-le-Duc (Meuse),
à proximité du laboratoire de recherche de Bure,
et s'était poursuivi dans onze villes de France.
Le réseau "Sortir du nucléaire", qui fédère
718 associations opposées à cette énergie,
avait d'emblée refusé d'y participer. D'autres associations,
dont Greenpeace, s'en sont retirées, après que le
secret-défense eut été invoqué dans
le cadre du débat public sur le futur réacteur nucléaire
européen EPR, mené parallèlement.
31/01/2006 - L'Institut
de radioprotection et de sûreté nucléaire
(IRSN), organisme public d'expertise sur le nucléaire,
a donné un avis favorable à l'éventuel stockage
en profondeur des déchets radioactifs, solution à
l'étude dans un laboratoire souterrain de l'Est de la France,
a annoncé l'IRSN.
Les experts de l'IRSN concluent globalement qu'un stockage de
déchets radioactifs dans la couche argileuse étudiée
par le laboratoire souterrain de Bure, à cheval sur les
départements de la Meuse et de la Haute-Marne, "apparaît
techniquement faisable", indique l'organisme dans un communiqué.
"Au stade actuel des investigations relatives à la
possibilité de réaliser un tel stockage, il n'a
pas été mis en évidence d'élément
rédhibitoire pour l'établissement, le moment venu,
d'un dossier de sûreté appuyant une demande de création
d'une telle installation, si cette décision était
prise", précise l'IRSN.
Les experts de l'IRSN indiquent que "de nombreux points resteront
néanmoins à approfondir", notamment "la
conception des ouvrages du stockage, afin de montrer l'efficacité
des dispositions prises pour confiner les déchets radioactifs".
La loi de 1991, dite "loi Bataille", donnait aux pouvoirs
publics 15 ans pour approfondir les recherches sur la gestion
des déchets radioactifs et trouver une solution pour le
stockage des plus dangereux, issus des centrales nucléaires.
Un projet de loi doit être discuté au Parlement au
cours du deuxième trimestre, mais il devrait se contenter
d'établir une "feuille de route" des étapes
à franchir pour régler cette question, souvent considérée
comme le talon d'Achille du nucléaire.
Le stockage à grande profondeur dans les couches argileuses
aux confins du Bassin parisien est à l'étude dans
le laboratoire souterrain de l'Agence nationale pour la gestion
des déchets radioactifs (Andra) à Bure, qui a rendu
son rapport en décembre.
Libération, 16/01/06:
Lyon envoyé spécial
Comment conclure un débat sans débat ? C'était le paradoxe de la dernière réunion publique du débat national sur la gestion des déchets radioactifs, tenue à Lyon, vendredi soir. Cette séance «de clôture», avait averti Georges Mercadal, le président de la Commission particulière du débat public (CPDP) - une autorité administrative indépendante - «ne sera pas un nouvel échange, mais l'exposé des points de vue réunis lors de la dizaine de réunions publiques depuis deux mois». D'où une salle presque muette et très sage. Mais une tribune où toutes les opinions se sont exprimées : de l'absence totale de doutes sur le nucléaire triomphant à la volonté de le stopper le plus vite possible, de l'affirmation selon laquelle les verres radioactifs de La Hague peuvent être enfouis sous terre au refus total de cette option.
Incinération. Les membres de la commission ont manifestement réussi l'essentiel de leur mission, permettre à l'ensemble des arguments et des propositions alternatives pour gérer les déchets nucléaires de s'affronter. Un exercice inédit. Il s'agissait d'un débat de politique générale et non d'un ouvrage particulier. Et aux conséquences non prévues. Alors que le gouvernement souhaitait une discussion limitée au destin des déchets ultimes des combustibles et des matériaux de démantèlement des centrales, «elle s'est élargie à l'ensemble des matières nucléaires et déchets radioactifs de la filière électronucléaire dans une vision à long terme et a inclus l'arrêt du nucléaire dans les options énergétiques à débattre», explique Dominique Boulier, universitaire et sociologue. L'expert indépendant Benjamin Dessus a ainsi pu faire calculer, par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), le volume de plutonium et d'actinides mineurs (neptunium, américium, curium) produits d'ici à 2140, selon toute une série de scénarios d'arrêt ou de poursuite du nucléaire et selon différentes technologies de réacteurs. Un exercice qui fait apparaître que même la technologie des réacteurs permettant l'incinération du plutonium et des actinides mineurs n'en diminue le volume qu'à long terme.
Quant au devenir des déchets déjà produits, le débat aura montré l'intérêt de mener en parallèle d'ici à 2020 les recherches sur l'enfouissement en sous-sol profond dans une perspective de stockage géologique définitif et une installation d'entreposage régulièrement renouvelée, afin de conserver un choix ouvert. Une orientation assez différente du dernier rapport de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, qui proposait que l'Assemblée vote sans attendre «le principe de l'enfouissement», sous réserve que les études en cours ne découvrent rien s'y opposant sur le site de Bure (Haute-Marne et Meuse). Un point de vue mis en difficulté par le géologue Ghislain de Marsily, de la Commission nationale d'évaluation des recherches sur les déchets, pour lequel «le stockage géologique ne peut être décidé en principe, c'est d'un lieu réel qu'il s'agit. Tant qu'il n'est pas démontré que ce lieu précis correspond aux exigences requises par le stockage, même si pour l'instant les études n'ont rien découvert de rédhibitoire, la décision d'y recourir ne peut être prise».
Rendez-vous. «La copie que ma direction proposera aux ministres sera différente de ce qu'elle aurait été sans ce débat.» Dixit Dominique Maillard, le directeur de la Direction générale de l'énergie et des matières premières (DGEMP) au ministère de l'Industrie, en conclusion de la réunion lyonnaise. La copie ? C'est le texte de projet de loi sur la gestion des déchets radioactifs que le gouvernement doit soumettre à l'Assemblée nationale cette année. Répondant ainsi à l'obligation posée par une autre loi, votée en 1991 et dite loi Bataille, qui organisait quinze années de recherche sur la gestion des déchets les plus radioactifs (lire ci-contre) et prévoyait ce rendez-vous parlementaire.
Continuité. Sincère ou non, le propos de Maillard souligne «le grand retour de l'administration dans le dossier», se réjouit Yves Le Bars, ancien président de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). «Alors que l'on soufre du court-termisme des cabinets ministériels et des responsables politiques, l'implication forte de la DGEMP dans le débat donne du long terme, de la continuité.» Une implication qui s'est traduite par la participation assidue de hauts fonctionnaires aux réunions publiques, aux effets parfois démystificateurs, surtout sur les sites nucléaires où, comme à Bar-le-Duc, «un public engagé, parfois en colère, s'insurge au nom de : "comment voulez-vous qu'on vous croie ?"» raconte la médiatrice Catherine Vourc'h. Ainsi, lorsqu'une citoyenne évoque son manque de confiance et le nuage de Tchernobyl lors de la réunion de Dunkerque, c'est Florence Fouquet, responsable de l'industrie nucléaire à la DGEMP, qui lui répond doucement : «Moi aussi, je suis de la génération Tchernobyl, j'étais en cinquième à l'époque.» Georges Mercadal se réjouit d'avoir permis «une rencontre directe entre les citoyens et des hauts fonctionnaires qui, malgré leur trac initial, ont su accepter les mises en cause publiques et sortir différents de cette expérience».
Le débat a permis, selon Yves Le Bars, de «clarifier les rôles des acteurs sociaux et institutionnels, en particulier celui de l'Andra, dont l'autonomie et les missions doivent être renforcées». Il a également clarifié les questions posées au législateur, qui devrait, au premier semestre de cette année, voter deux lois. Celle sur la transparence et la création d'une haute autorité de la sûreté nucléaire annoncée par Jacques Chirac et celle sur la gestion des déchets. Si l'on en croit les propos tenus par Dominique Maillard, cette dernière pourrait décevoir les partisans d'un passage en force et rapide sur l'enfouissement géologique, tout en soulignant que cette proposition demeure la «solution de référence» pour les produits de fission enfermés dans les fûts de verre de La Hague.
Sylvestre Huet
Le Figaro, 16 janvier 2006:
Environ 150 participants, dont
une majorité d'«habitués» : manifestement,
les citoyens de la capitale des Gaules ne s'étaient pas
déplacés en masse, vendredi soir, au Palais des
Congrès de Lyon pour assister à l'ultime séance
du débat national sur la gestion des déchets radioactifs,
lancé à la fin de l'été. «Il y aurait eu davantage de monde si le
laboratoire d'études souterrain avait été
implanté à deux pas d'ici, dans la Bresse, comme
cela avait été un moment envisagé il y a
quinze ans...», confiait un participant au terme de
la soirée. Le choix d'une ville proche du petit village
de Bure (Meuse), site de l'actuel laboratoire, aurait effectivement
été plus approprié...
Cette petite fausse note mise à part, l'expérience
- une première en France - n'aura pas été
vaine, loin s'en faut, tant les passions, mais aussi les a priori
idéologiques restent à vif sur ce sujet hautement
controversé. «Le débat n'est ni une enquête
d'opinion, encore moins un référendum, ni la recherche
d'un consensus. Notre ambition était de faire le tour des
arguments en présence et d'en rendre compte, rien de plus»,
souligne Georges Mercadal, le président de la Commission
particulière du débat public (CPDP) sur la gestion
des déchets radioactifs, laquelle publiera, le 31 janvier
prochain, la synthèse finale de ces quatre mois de débat
(70 heures de réunion dans 14 villes, 500 questions posées
par 3 000 participants... ..)
Pari tenu. A tous les cassandres
qui contestaient, avant même qu'il ne commence, la validité
d'un tel exercice, Dominique Maillard,
le chef de la Direction générale de l'énergie
et des matières premières (DGEMP) au ministère
de l'Industrie, apportait un cinglant démenti : «La
copie du projet de loi que nous adresserons au gouvernement dans
les prochaines semaines sera différente de celle que nous
aurions rendue il y a quatre mois.»
La suite de la «loi Bataille». Ce texte qui sera débattu au Parlement au printemps fera suite à la fameuse «loi Bataille» du 30 décembre 1991, qui donnait aux pouvoirs publics quinze ans pour approfondir les recherches sur la gestion des déchets nucléaires et trouver une solution pour le stockage des plus dangereux. Parmi les principales propositions qui ont émergé du débat national, figure la création d'un site expérimental dédié à l'entreposage pérenne des colis de déchets en sub-surface (c'est-à-dire à flanc de colline) en mettant cette solution, soutenue par les écologistes, sur le même plan que le stockage en profondeur (500 m sous terre), actuellement privilégié par la filière nucléaire et le gouvernement. «En fait, le choix se résume à une question : préfère-t-on faire confiance à la société ou à la géologie pour contrôler durablement la radioactivité ?» relève Georges Mercadal.
Certes la couche d'argile de Bure, pressentie pour accueillir les déchets, présente des caractéristiques géologiques favorables. Mais, comme l'a rappelé le géologue Ghislain de Marsily, membre de la Commission nationale d'évaluation (CNE), «dix à quinze d'études in situ dans le laboratoire (dont la construction n'est toujours pas achevée, NDLR) sont encore nécessaires pour le confirmer».
Pour le président de la CPDP, «cela nous amène à 2020, une échéance charnière où se posera aussi la question du renouvellement de notre parc de centrales nucléaires». Un délai qui pourrait être mis à profit pour approfondir la solution de l'entreposage. Et montrer à ceux qui estiment que les jeux sont déjà faits qu'il n'y a pas «que le choix entre Bure, Bure et Bure.» Prudent, Dominique Maillard s'est bien gardé de trancher...
Catherine Vourc'h, membre de la CPDP et spécialiste en médiation, s'est déclarée hantée par une phrase prononcée le 12 septembre, lors de l'ouverture du débat public dans la salle surchauffée du lycée agricole de Bar-le-Duc (Meuse). «Ce soir-là quelqu'un dans la salle a lancé : pourquoi voulez-vous qu'on vous croie ?». Le rétablissement de la confiance reste un enjeu prioritaire.
Les points de consensus ont malgré tout émergé comme «l'élargissement du périmètre des déchets», en ne prenant pas seulement en compte, dans la future loi, les plus dangereux d'entre eux. Ou le «retour des déchets étrangers dans leur pays d'origine après retraitement».
Cette fois, Dominique Maillard a été affirmatif : «Ces points figureront dans le projet de loi.» Tout en avertissant qu'«il ne serait pas responsable de repousser indéfiniment des décisions que l'on peut prendre dès aujourd'hui».
Marc Mennessier
Libération, 16/01/06:
Le débat en chiffre
70 heures de
réunions publiques ont attiré 3 000 participants
pour 500 questions posées.
23 000 visites du site de la CPDP : www.debatpublic-lgvpaca.org/index.html.
600 000 documents distribués.
54 000 visiteurs de l'exposition à la Cité des
sciences.
350 articles ou reportages sur le sujet, dont 85 % en presse
écrite.