AFMT,
25/5/2010:
Madame le Juge nous signifiait que l'avocat
du Professeur Pellerin demandait à ce qu'il ne soit plus
mis en examen, ce qui n'est pas chose faite et d'autre part Madame
le Juge nous confiait le peu de moyens de la justice à
mener ses instructions d'autant plus pour les « grandes
affaires » dont la notre qui touche l'Etat et la finance.
La justice voit ses moyens de plus en plus étriqués
afin que les affaires soient au plus vite « réglées
» Ceci dit l'association est très heureuse d'avoir
comme avocat Maître Bernard FAU, qui a déjà
sauvé le procès une fois en le transformant en délit
de tromperie aggravée, droit commercial transposé
dans les affaires sanitaires, car ne l'oublions pas, le nuage
n'est pas que passé sur nos têtes mais la France
n'a pas fermé ses frontières aux denrées
alimentaires venant des régions les plus contaminées,
nos estomacs ont servi de poubelle de recyclage, les autres pays
avaient fixé des normes pour la protection de leur population,
nous pas et pour cause, et à la mi mai 86 la France était
convoquée à Bruxelles au travers de l'Office Mondial
de la Santé.
Le représentant de M PELLERIN a répondu que l'impact
du nuage était «
LOW » c'est-à-dire faible sur la France, qui
a refusé d'appliquer les normes de l'OMS de l'époque
Ce qui est à retenir aujourd'hui, c'est que si un nouveau nuage passe sur la France, ou qu'une centrale Française lâche de façon excessive de la radioactivité, personne ne sera plus au courant sauf les hautes autorités du nucléaire, les balises qui sont dans les gendarmeries, pompiers, centrales ne feront plus de bruit et la lecture se fera directement au Vésinet au nord de Paris là où se trouvait l'ancien SCPRI devenu IRSN aujourd'hui (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire)
Sachez que nous avons eu au tél aujourd'hui
les responsables d'associations ayant connu le même mépris
de l'Etat au niveau des scandales sanitaires (sang contaminé,
légionellose) et nous sommes prêts à monter
au Conseil de l'Europe pour crime contre l'humanité pour
empoisonnement, il est impensable que des faits aussi historiquement
graves soient balayés, c'est non une question de gauche
ou de droite c'est un combat pour le respect du monde qu'on laissera
à nos enfants.
Quand on sait que rien
que la consommation de lévothyrox a été multipliée
par 10 depuis l'année 1986 à aujourd'hui, sans parler
des autres traitements thyroïdiens, sans parler des leucémies
lymphoblastiques, des lymphomes et on en passe... tant de souffrances qui auraient servi à rien.
L'association rien que sur les plaignants Corses a déjà connu trois décès et une vingtaine en métropole.
A Montauban il n'y a même plus d'argent pour les soins palliatifs, des malades de l'association se voient tirer au sort le droit à la chimio à la Pitié Salpétrière de Paris, pour économiser on met des génériques qui apparemment question thyroïde sont sous dosés et coûtent plus chers en vérification TSH à la sécu. L'Euthyral n'est plus remboursé qu'à15%, alors qu'il est vital.
Hurlez votre mécontentement, tel à vos journaux locaux écrivez ne laissez pas passer ce silence cette honte dans votre maladie.
Le silence la peur elle n'ont jamais eu raison sur le long terme, merci de votre soutien, nous savons avec tristesse que la semaine de la thyroïde ne pose pas la question du pourquoi de tant de malades, et vivre avec ou sans thyroïde est bien le résultat d'un état, mais quel monde on laissera à nos enfants, un monde ou l'argent le compromis ont eu raison du serment d'Hypocrate, où les médecins connaissent de moins en moins de liberté de pensée et de recherche, celle-ci doit rapporter et pour cause.Et la médecine est de plus en plus corps et âme liée à la logique des laboratoires, jusqu'au jour où il y aura tellement de malades qu'on ne pourra plus payer les laboratoires...
Sachez que nous sommes prêts à
monter ensemble avec les autres associations de scandales sanitaires
à la cour Européenne de Justice.
Plus que jamais soutenez l'AFMT.
6/12/2007 - L'Etat a commis une faute en ne prenant pas "de mesures adaptées" face au passage du nuage radioactif de Tchernobyl, a estimé jeudi la commissaire du gouvernement du tribunal administratif de Bastia. Mais il n'est pas possible pour autant d'établir une relation de cause à effet entre la survenue de cancers en Corse et le nuage radioactif, a-t-elle ajouté. Le tribunal avait été saisi par deux Corses atteints d'un cancer de la thyroïde après l'explosion de la centrale nucléaire ukrainienne. La Corse a été la première région française atteinte par le nuage radioactif, le 29 avril 1986, trois jours après l'explosion d'un des réacteurs. Pour la commissaire du gouvernement, Geneviève Vescovali, il y a faute de l'Etat en raison de "l'absence de toute mesure adaptée aux risques éventuels inhérents à une augmentation de la radioactivité". Elle a cependant ajouté que "l'existence d'un lien de causalité, certain et direct, entre la présence du nuage radioactif et la survenance de la maladie des requérants n'est pas établi". Mme Vescovali a en outre écarté l'argument des avocats des plaignants selon lesquels l'information du public aurait été insuffisante et même volontairement falsifiée. Cet avis a été vivement contesté à l'issue de l'audience par l'avocat des plaignants Me Emmanuel Ludot : "Cela revient à dire que l'Etat a le droit de polluer quand il veut, où il veut puisque il n'est jamais possible de prouver avec certitude un lien de causalité, ni dans cette affaire, ni dans les contaminations de l'hépatite C, ni dans l'affaire du sang contaminé...". Le tribunal administratif de Bastia rendra sa décision le 20 décembre.
Lire: L'interview de Pierre Pellerin réalisée par Alexandre Sidorenko le 19 juin 1989 pour le journal Kiev-Soir
Un documentaire sur les mensonges des "autorités" sur le nuage de Tchernobyl, à noter les témoignages de pompiers corses de l'époque et de certains membres du personnel de centrales nucléaires. |
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"Tchernobyl Autopsie d'un nuage" (youtube) Un documentaire de 50mn sur les conséquences de Tchernobyl. Rappel: Cent-vingt cinq personnes souffrant de cancers ou d'affections de la thyroïde ont déposé plainte à Paris, dans le cadre d'une enquête ouverte sur les éventuelles conséquences sanitaires en France de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. |
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A propos du professeur Pierre Pellerin, l'ancien patron du Service de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI):
Lire:
"Que
faire en face d'un irradié ?"
(en PDF), Le directeur du SCPRI indique à ses confrères
la conduite à suivre... Le Quotidien du médecin
n°2422, 27 avril 1981.
Serment de secret sur la pollution radioactive pour les membres du SCPRI
" On aurait pu croire, que le développement
du nucléaire civil en France, avec le poids croissant d'EDF
sur la technique, allait quelque peu " civiliser " les
services tournés vers la protection du public comme le
SCPRI, les détacher doucement de leurs traditions guerrières.
Il s'est produit le contraire: avec l'intrusion en force du nucléaire,
c'est le secteur de l'énergie lui-même qui s'est
subrepticement militarisé, comme en fait foi le nouveau
serment, encore plus restrictif, auquel sont obligés depuis
1983 les ingénieurs et techniciens chargés de la
protection et du contrôle des matières nucléaires.
On trouvera [en lien] le décret
de 1966 visant les membres du SCPRI, signé de Georges Pompidou, et celui
de 1983 visant les travailleurs du cycle du combustible nucléaire, signé de Pierre Mauroy, et,
entre autres, de Rober Badinter. "
Extrait du livre "Crépuscule des atomes", Louis Puiseux, 1986.
PARIS (31/8/2006) - Le professeur Pierre Pellerin, poursuivi dans l'enquête sur le passage en France du nuage radioactif de Tchernobyl en 1986, a assuré devant la juge avoir totalement respecté la réglementation sur la protection des populations, ce que la Criirad, partie civile, conteste. "Aucune réglementation applicable à l'époque n'a été violée de quelque façon que ce soit par mon service et par moi-même", a assuré le professeur Pellerin lors d'une audition le 19 juin devant la juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy dont l'AFP a eu connaissance.
L'ancien responsable du Service de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI) a été mis en examen le 31 mai par la magistrate pour "tromperie aggravée". La justice lui reproche notamment d'avoir été responsable du maintien, de l'introduction et de l'exportation de denrées alimentaires dangereuses pour la santé, car dépassant les normes fixant les taux de radioactivité présentant des risques pour la santé.
Plus de 500 victimes de maladies thyroïdiennes sont parties civiles. Interrogée par l'AFP, la Criirad (Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité) dénonce la mauvaise foi de M. Pellerin. "La justice détient des dizaines de certificats signés de sa main affirmant que des lots d'aliments importés sont +consommables sans restriction+ alors que les analyses révélaient des niveaux de contamination très supérieurs aux limites fixées par un règlement européen du 31 mai 1986 d'application obligatoire en France", affirme-t-elle.
Le SCPRI avait pour mission de surveiller le niveau de contamination du territoire et d'alerter en cas de problème ses ministères de tutelle, dont celui de la Santé. Après le passage en France du nuage lié à l'explosion de la centrale ukrainienne de Tchernobyl, le 26 avril 1986, il affirmait que "l'élévation relative de la radioactivité" en France était "très largement inférieure au limites réglementaires et qu'il faudrait imaginer des élévations 10.000 ou 100.000 fois plus importantes pour que commencent à se poser des problèmes significatifs d'hygiène publique". "Il y a eu en 1986 une cacophonie totale dénoncée par les organismes internationaux sur les limites d'application obligatoire. On a présenté comme des limites réglementaires des références qui n'avaient aucun fondement ni scientifique ni réglementaire. Je m'en suis tenu, en ce qui me concerne, à la réglementation française et à la directive Euratom du 15 juillet 1980", s'est défendu M. Pellerin.
Interrogé par la juge sur la non-prise en compte de normes européennes plus restrictives, M. Pellerin a expliqué que, selon lui, ces recommandations n'étaient pas "contraignantes". La commission européenne recommande toujours "de tenir compte des conditions économiques et sociales des Etats membres", justifie-t-il.
"Les directives européennes qui obligent les Etats membres à tenir compte des spécificités anatomiques et physiologiques des enfants sont totalement contraignantes. Aucun Etat ne peut invoquer des conditions économiques pour s'en exonérer", répond la Criirad rappelant qu'un enfant en bas âge était dix fois plus vulnérable qu'un adulte à l'iode 131 véhiculé par le nuage radioactif. "Et de fait, en France, beaucoup d'enfants, notamment en Corse, ont reçu à la thyroïde des doses très supérieures aux limites de la réglementation française et européenne", conclut l'association.
Le Figaro, 18 juillet 2006:
Dès mai 1986, un haut fonctionnaire
dénonçait le pouvoir excessif du patron du Service
central de protection contre les rayonnements ionisants.
AUJOURD'HUI, le professeur Pellerin est convoqué chez le
juge qui enquête sur les conséquences de la catastrophe
de Tchernobyl en France. Patron du Service central de protection
contre les rayonnements ionisants (SCPRI) pendant près
de quarante ans, l'homme aujourd'hui âgé de 82 ans
a été mis en examen pour «tromperie»
le 31 mai dernier, vingt ans après l'accident. Il est soupçonné
d'avoir minimisé l'ampleur des retombées du nuage
en France, ce qui aurait empêché de prendre les mesures
de prévention rapidement adoptées dans les pays
voisins.
Au cours de ces rendez-vous, Pierre Pellerin livre pour la première
fois sa vérité à Marie-Odile Bertella-Geffroy
en charge du dossier. C'est un homme déterminé qui
se rend au pôle judiciaire de santé publique. «Il
est heureux de pouvoir s'expliquer car il estime n'avoir rien
à se reprocher», raconte son avocat Me Georges
Holleaux. Au magistrat, le scientifique a remis un courrier pour
lui demander de laisser ses collaborateurs en dehors de la procédure,
sur le mode «J'étais le directeur, je suis le
seul responsable...».
Pierre Pellerin dit avoir pris soin
d'informer Matignon ainsi que les ministres concernés ou
leurs plus proches collaborateurs.
L'étau judiciaire se resserre sur cet homme clef du dossier.Le
10 juillet dernier, il a dû s'expliquer sur un document
dont Le Figaro a eu connaissance. La note était
destinée au premier ministre de l'époque, Jacques
Chirac. Elle lui avait été adressée le 27
mai 1986 par Michel Lajus, le secrétaire général
du comité interministériel de la sûreté
nucléaire (SGCISN) qui y fait un bilan d'étape un
mois après la catastrophe. Il critique surtout vertement
les méthodes du spécialiste du nucléaire
en France. «Malgré une compétence que nul
ne songe à lui contester (...) le SCPRI n'apporte pas à
tous les partenaires (...) tout le concours qu'ils sont en droit
d'attendre de lui». Dans ce même document, Michel Lajus poursuit
«le directeur du service (NDLR : Pierre Pellerin)
s'arroge un pouvoir d'appréciation sur l'opportunité
de communiquer des informations à l'égard des pouvoirs
publics et du SGCISN, je considère cette attitude comme
une entrave de fait à leur bon fonctionnement en infraction
directe avec les textes réglementaires... Lorsqu'il s'agit
de l'information des médias et du public, il s'agit de
l'appropriation au niveau d'un service d'une responsabilité
gouvernementale et d'ordre politique lourde de conséquence
comme on vient de le voir».
Pour les parties civiles, ces quelques lignes illustrent les dysfonctionnements
qu'elles traquent depuis plusieurs années. «C'est
la confiscation du pouvoir politique par un fonctionnaire surpuissant
et omniprésent», constate Me Bernard Fau, l'avocat
de l'association des malades de la thyroïde.
Le gouvernement informé
Dans son audition, Pierre
Pellerin ne fait pas mystère d'avoir dû gérer
avec quelques collaborateurs, le mercredi 30 avril, veille de
jour férié, ce péril sanitaire. Il dit avoir
pris soin d'informer Matignon ainsi que les ministres concernés
ou leurs plus proches collaborateurs : Madelin à l'Industrie, Carignon à
l'Environnement, Guillaume
à l'Agriculture. Mais quelles sont
les données dont disposait réellement le patron
du SCPRI au moment où il déclare à ses autorités
politiques de tutelle et à la presse le 30 avril 1986 à
minuit : «Ce jour, situation dans l'ensemble stationnaire.
On note cependant sur certaines stations du Sud-Est, une légère
hausse de la radioactivité atmosphérique non significative
pour la santé publique».
Vingt ans après les faits, plusieurs associations de victimes
attendent le véritable scénario de la catastrophe.
Pour l'instant, aucune étude ne permet d'établir
un lien scientifique entre le nuage et le cancer de la thyroïde.
Les poursuites judiciaires restent suspendues à ces interrogations.
Marie-Christine Tabet
Dossier Tchernobyl / Instruction de Mme Bertella-Geffroy
Mise en examen du Pr Pierre PELLERIN / Scandale à Académie
des sciences
Cf. dépêche AFP et article du Monde de ce jour
Communiqué de la CRIIRAD
La « mise au point historique »
sur Tchernobyl publiée en 2003 par l'Académie des
sciences, censée rétablir la vérité,
invalider les mesures de la CRIIRAD et disculper définitivement
le professeur Pierre PELLERIN a été rédigée...
Réalisées à la demande
de Mme Marie-Odile BERTELLA-GEFFROY, magistrate en charge de la
plainte contre X déposée par la CRIIRAD et l'AFMT,
les écoutes téléphoniques
ne laissent aucune place au doute :
MM Pierre GALLE, Jean COURSAGET et Raymond PAULIN les 3
éminents professeurs qui ont signé l'article
ne sont que des PRÊTE-NOMS !
Ainsi que Pierre PELLERIN le déclare lui-même en
2003 à l'un de ses interlocuteurs, l'article devait « tout
casser » au niveau de l'instruction et constituer
« une référence incontournable ».
De fait, les erreurs, contrevérités et dissimulations
qui émaillent la « mise au point historique »
ont été reprises largement et sans aucune distance
critique par nombre de « scientifiques ».
Pour ne citer que le dernier exemple en date, on lit dans Le
Monde du 30 juin 2006 (Pierre Pellerin serein sur son nuage)
que Mme COLAS-LINHART soutient que les mesures de la CRIIRAD
ne tiennent pas compte du césium 137 militaire et surévaluent
par conséquent les dépôts de Tchernobyl. Déclaration
fausse et diffamatoire à l'égard de notre laboratoire
qui découle en droite ligne de l'article publié
par l'Académie des sciences. Les seules bonnes mesures
auraient été effectuées par le SCPRI que
dirigeait alors le Pr PELLERIN. Le fait que les valeurs publiées
en mai 1986 par cet organisme sous-évaluaient la contamination
d'un facteur 100 à 1 000 ( !) continue d'être
passé sous silence par la quasi-totalité des « scientifiques »
officiels.
Cette persistance dans la désinformation, entretenue au
plus haut niveau de la hiérarchie scientifique, est tout
aussi inquiétante, si ce n'est plus, que les fautes commises
en 1986.
Choquée par le contenu de l'article, la CRIIRAD avait demandé
dès 2005 à la juge d'instruction l'audition des Professeurs GALLE, COURSAGET et PAULIN.
Communiqué du 13 avril 2004 : « Bien que publié sous couvert de l'Académie des Sciences, cet article contient un nombre élevé d'affirmations tendancieuses, voire carrément fausses. La CRIIRAD souhaite que les auteurs soient invités à s'expliquer sur le contenu et les objectifs de leur publication. En effet, toutes les anomalies identifiées visent à dégager la responsabilité du SCPRI et à discréditer le travail scientifique des laboratoires qui ont mis en cause ses évaluations.
Compte tenu de l'instruction judiciaire en cours, la publication d'un tel article par l'une des plus hautes institutions scientifiques françaises n'a rien d'anodin (ni, peut-être, de fortuit).
Connaissant aujourd'hui le véritable
rôle qu'ont joué ces personnalités, leur audition
s'impose plus que jamais.
Par ailleurs, la CRIIRAD a adressé ce jour, à M.
BRÉZIN, président de l'Académie des sciences,
un courrier recommandé avec accusé de réception
demandant un rectificatif
public, une enquête interne et un droit de réponse.
Pour plus d'information,
vous trouverez sur le site de la CRIIRAD, www.criirad.org à partir de ce jour
18h :
1/ un texte explicatif
2/ la lettre de la CRIIRAD au président et aux membres
de l'Académie des sciences
Le Monde, 12//7/06:
Des écoutes téléphoniques le montrent : le professeur Pierre Pellerin, ancien directeur du Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI), serait le véritable auteur de la "mise au point historique" sur l'affaire du nuage de Tchernobyl publiée en 2003 dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences. Cet article concluait qu'"en France, les retombées ont été très inférieures à celles qui auraient pu justifier des contre-mesures (sanitaires) préventives", dédouanant ainsi... le professeur Pellerin, responsable en 1986 du contrôle des retombées du nuage. Le document était pourtant signé par Pierre Galle, Raymond Paulin et Jean Coursaget, trois spécialistes de médecine nucléaire et de radiotoxicologie.
Photo prise au Vésinet le 16 octobre 1986 du professeur Pierre Pellerin, visitant les laboratoires du service de protection contre les rayonnements ionisants dont il était le directeur. La Commission de recherches et d'informations indépendantes sur la radioactivité lui reproche d'avoir minimisé l'impact sur la santé des Français des retombées radioactives consécutives à l'accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl en avril 1986.
L'explication figure dans le dossier d'instruction
de la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy, qui a mis en examen,
le 31 mai, M. Pellerin pour "tromperie aggravée"
dans l'affaire de l'impact sanitaire de l'explosion de la centrale
nucléaire.
Perquisitionnant l'Académie des sciences, la magistrate
avait saisi les versions successives de cet article scientifique
qui dédouanait le service central de protection contre
les rayonnements ionisants (SCPRI) et son ancien patron de toute
minimisation des risques sanitaires liés au passage du
panache radioactif.
S'interrogeant sur la paternité de l'article, un récent
rapport d'expertise commandé par la juge estimait que "M.
Pellerin était intervenu sur (sa) rédaction".
Il concluait : "On peut se demander d'ailleurs s'il n'en
est pas lui-même le rédacteur."
Des écoutes posées sur la ligne du professeur Pellerin
viennent accréditer ce soupçon. Le 16 juillet 2003,
appelant le cabinet de son avocat, il explique à une collaboratrice
de celui-ci qu'il va lui remettre une nouvelle version d'un rapport
déposé à l'Académie des sciences.
"J'aimerais avoir votre avis, dit-il, sur ce document
que je ne signe pas mais que j'ai rédigé à
98 % et que mes collègues Coursaget, Galle et Paulin prennent
sous leur entière responsabilité. C'est entendu
que c'est eux qui l'ont rédigé avec mon aide."
Quelques jours plus tard, il explique à une correspondante
du Commissariat à l'énergie atomique : "Galle
et Coursaget ont fait un travail de relecture. Toute la partie
technique, c'est moi qui l'ai faite, et je ne signe pas pour la
bonne raison que si j'avais signé, (l'article) n'aurait
pas été accepté."
Une autre conversation est édifiante : redoutant de devoir
s'expliquer devant la justice, l'académicien Pierre Galle,
premier signataire de l'article, appelle, le 19 novembre 2003,
M. Pellerin, pour lui demander où il est censé avoir
puisé les données qui ont nourri l'article. Aussitôt,
Pierre Pellerin lui donne, presque mot pour mot, la réponse
figurant dans le deuxième point de l'article de l'Académie
que M. Galle est censé avoir rédigé.
La genèse du document a été laborieuse. Soumis
le 17 juillet 2002 à l'Académie, l'article n'a été
accepté qu'un an plus tard, le 9 juin 2003, et publié
en septembre. Etait-on conscient, Quai Conti, de l'implication
de Pierre Pellerin dans sa rédaction ?
Jean Dercourt, secrétaire perpétuel de l'Académie,
se dit "estomaqué" par le contenu des
écoutes téléphoniques. Si leur teneur venait
à être prouvée en justice, indique-t-il, les
Comptes-Rendus de l'Académie publieraient une mise
au point. Il précise que l'article de 2003 ne constitue
pas la position officielle de l'Académie sur Tchernobyl,
mais qu'il avait été publié avec la mention
"débat", et qu'à ce titre une éventuelle
réponse serait examinée avec le même soin.
Selon la procédure, l'avis des mêmes relecteurs serait
sollicité, mais aussi celui des auteurs initiaux...
Malgré plusieurs relances, Le Monde n'a pas réussi
à joindre MM. Galle et Coursaget. Quant à Jean Paulin,
il a coupé court : sa contribution se serait bornée
à enrichir le texte de données provenant de l'Institut
qu'il a dirigé à Marseille. Il affirme n'avoir eu
"aucune relation avec Pellerin depuis vingt ans".
L'avocat de M. Pellerin, Me Georges Holleaux, sollicité
à plusieurs reprises, n'a pas donné suite.
La Commission de recherche et d'information indépendantes
sur la radioactivité (Criirad), partie civile dans le dossier,
réclame l'audition des cosignataires par la juge. Contestant
les conclusions de leur article, l'association les accuse d'avoir
"abusé de leur notoriété et de celle
de l'Académie pour faire croire à une validation
extérieure du travail du SCPRI et du professeur Pellerin
et ainsi influencer l'instruction et l'opinion publique".
Hervé Morin et Cécile
Prieur
Le monde, 30/6/06:
A son propos circulent toutes les légendes. Il aurait arrêté le nuage de Tchernobyl à la frontière ; aurait fait construire un hôpital dans un abri antiatomique sous l'établissement qu'il dirigeait ; aurait continué à hanter les lieux, de nuit, bien après son départ à la retraite... Pierre Pellerin, qui dirigeait le Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI) en 1986, continue de fasciner, vingt ans après l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl.
Mis en examen, le 31 mai, pour "tromperie
aggravée" par la juge d'instruction Marie-Odile
Bertella-Geffroy dans le dossier des conséquences du passage
sur la France du nuage radioactif, le professeur Pellerin, 82
ans, est soupçonné d'avoir minimisé l'impact
sanitaire de ces retombées.
Depuis sa mise en examen, il a rendez-vous tous les mardis avec
la juge pour des auditions qu'il transforme en cours magistraux
sur le nucléaire. C'est que l'affaire a réveillé
la combativité du
vieux monsieur, qui réclamait depuis
le dépôt de la plainte, en 2000, par la Commission
de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité
(CRII-Rad)
et l'Association française des malades de la thyroïde
(AFMT), de livrer sa version des faits. S'il refuse toujours de
parler aux médias, il reste fermement convaincu d'avoir
pris les bonnes décisions dans la gestion de la crise :
aux avant-postes en 1986, il est, à ce jour, la seule personne
à être directement mise en cause dans l'affaire.
L'homme est un pur produit de la "nucléocratie"
française. Médecin électroradiologiste, médecin
du travail, agrégé de biophysique, il a fondé
le SCPRI en 1956 et en est resté l'inamovible directeur
jusqu'en 1992. A l'origine dépendant de l'Inserm, placé
sous la tutelle du ministère de la santé, le SCPRI
est très vite devenu un acteur incontournable du secteur
nucléaire, fort en 1986 de 120 salariés, contre
3 à l'origine. Sis au Vésinet (Yvelines), il est
chargé de la protection de la population contre la radioactivité
: il effectue des mesures dans l'environnement, dans et autour
des installations nucléaires, et établit normes
et techniques de prévention. Ses prérogatives et
son autonomie en font alors quasiment un Etat dans l'Etat.
Le patron du SCPRI est décrit comme "un autocrate
de dimension unique". "Il avait notamment sous
ses ordres deux adjoints, qu'il méprisait de façon
joyeuse", se souvient Jean-Claude Zerbib, ancien ingénieur
de radioprotection du Commissariat à l'énergie atomique
(CEA), qui reste encore ébahi par "sa répartie
et son toupet incomparables". Aucune initiative n'était
tolérée : "En réunion, ses adjoints
sortaient toujours cinq minutes avant de donner leur point de
vue, le temps d'en référer à Pellerin",
raconte Jean-Claude Nénot, ancien responsable de la radioprotection
à l'Institut de protection et de sûreté nucléaire
(IPSN). Il cultivait le goût du secret, peut-être
hérité de ses missions sur les sites d'expérimentation
de la bombe française à Reggane (Algérie)
et Mururoa. "C'était un homme difficile, très
rigoureux, qui ne laissait rien passer, et qui vous engueulait
facilement, témoigne Rémy Carle, ancien patron
du parc nucléaire d'EDF. On redoutait de l'avoir au
bout du fil, car il était un peu rude." EDF a
pourtant accepté sans barguigner les exigences du professeur,
qui imposait jusqu'à la couleur des voyants d'alerte des
appareils de mesure.
C'est que Pierre Pellerin est un croisé de l'atome. En
1974, au moment du lancement du programme électronucléaire
français, il estime, devant l'Agence internationale de
l'énergie atomique que "le véritable danger
serait que l'opposition à l'énergie nucléaire
ne se généralise et mette alors réellement
en cause le développement indispensable de cette source
d'énergie particulièrement saine". La même
année, dans les Annales des Mines, il recommande
de "ne pas développer de façon excessive
les mesures de sécurité dans les installations nucléaires
afin qu'elles ne provoquent pas une anxiété injustifiée".
[Les Annales des Mines,
fondée en 1794, sont une des plus prestigieuses et des
plus crédibles parmi les revues publiées par les
grands Corps de l'Etat français.]
Sa soif de contrôle paraît sans limites. Monique Sené,
du Groupement des scientifiques pour l'information sur l'énergie
nucléaire (GSIEN) se souvient que dans les années
1980, le GSIEN avait lancé une étude auprès
de médecins alsaciens pour voir comment ils réagiraient
en cas de catastrophe nucléaire. "Pierre Pellerin
avait fait passer une note auprès du conseil de l'ordre
pour s'y opposer", affirme la physicienne. Le chef du
SCPRI n'avait pas non plus été enthousiasmé
par les campagnes du GSIEN en faveur des intérimaires du
nucléaire, dont le suivi des expositions aux rayonnements
était jugé défaillant. "La grande
antienne était de ne pas affoler les populations",
résume Mme Sené.
Lorsque la catastrophe de Tchernobyl survient, le 26 avril 1986,
cette vision a-t-elle pesé dans l'appréciation des
risques ? La France, à la veille des deux ponts traditionnels
de mai, étrenne à peine sa première cohabitation
entre François Mitterrand et Jacques Chirac. L'URSS est
toujours debout, le principe de précaution encore dans
les limbes. Le nucléaire civil, fils de l'atome militaire,
reste une affaire d'initiés.
Pierre Pellerin occupe donc naturellement le terrain : à
partir du 29 avril, le SCPRI diffuse plusieurs dizaines de communiqués,
à la tonalité rassurante - l'IPSN, les ministères
de la santé et de l'agriculture en font autant. Le SCPRI
centralise toutes les mesures réalisées sur le territoire.
Les centres de recherche du CEA, les portiques des centrales EDF
détectent bien le passage du nuage, mais on leur défend
de diffuser des informations au public. "A Saclay, la
direction avait fait interdire un tract explicatif des mesures
que nous avions prises, qui ne montrait pourtant rien de très
inquiétant", se rappelle M. Zerbib.
Alors que les pays voisins mettent en oeuvre une série
de moyens de protection des populations (distribution d'iode,
interdiction de certaines denrées...), la France ne prend
d'abord aucune initiative : Pierre Pellerin affirme, le 2 mai,
que "ni la situation actuelle ni son évolution
ultérieure ne justifient dans notre pays quelques contre-mesures
sanitaires que ce soit". Les médias lui font encore
confiance.
Mais, le 10 mai, tout bascule. Invité du journal de TF1
par Jean-Claude Bourret, le Pr Pellerin a la surprise de trouver
face à lui la physicienne Monique Sené. Désarçonné,
il décrit des retombées radioactives bien plus importantes
qu'admises jusqu'alors. En direct et cartes à l'appui,
il parle de contamination jusqu'à 400 fois supérieure
à la radioactivité déjà présente
dans l'environnement... La thèse du mensonge d'Etat peut
enfler. [Le Monde
toujours égal à lui-même !!!]
Voir:
Un documentaire sur les mensonges des "autorités" sur le nuage de Tchernobyl, à noter les témoignages de pompiers corses de l'époque et de certains membres du personnel de centrales nucléaires. |
|
La CRII-Rad s'appuie notamment sur l'analyse de Bella Belbeoch, ingénieur docteur, membre du GSIEN, et qui réclame, dès 1987, la démission du professeur pour "incompétence". Mme Belbeoch décortique les nombreuses contradictions entre les communiqués du SCPRI et les données qu'il a diffusées de façon confidentielle, quelques mois plus tard.
Face aux attaques, Pierre Pellerin ne reste pas inerte. Quiconque
insinue publiquement qu'il aurait nié le passage du nuage
sur la France s'expose à des poursuites en diffamation
- Noël Mamère, notamment, en a fait les frais en 2002.
Mais l'homme est loin d'être isolé : le 14 juin 2005,
un prestigieux comité de soutien comprenant le Prix Nobel
de physique Georges Charpak, l'ancien premier ministre Pierre
Messmer, et divers hauts responsables de la filière nucléaire
française écrit au président de la République
pour dénoncer les "odieuses attaques"
lancées contre "ce grand serviteur de l'Etat"
qui a su éviter à la France "une panique
injustifiée".
L'argument est repris par l'éminent cancérologue
Maurice Tubiana, qui
connaît le Pr Pellerin depuis l'agrégation de médecine,
"en 1953 ou 1954". L'ancien directeur de l'Institut
Gustave-Roussy, relève que, dans d'autres pays, le passage
du nuage aurait entraîné une vague d'avortements
"préventifs". Les études épidémiologiques
montrent pourtant des situations contrastées : pas d'avortements
supplémentaires en Finlande, Suède et Autriche,
par exemple, mais une augmentation significative en Italie et
en Grèce.
Pour les défenseurs du Pr Pellerin, l'inquiétude
était d'autant plus injustifiée que les retombées
en France ont été sans commune mesure avec celles
des pays avoisinants la centrale ukrainienne. La biophysicienne
Nicole Colas-Linhart, qui a organisé, le 7 avril un colloque
de "mise au point" rappelle que les essais atomiques,
pratiqués de 1954 à 1966, ont projeté dans
l'atmosphère terrestre 400 fois plus d'iode 131 et 35 fois
plus de césium 137 que l'accident de Tchernobyl. Elle remet
en cause les mesures effectuées par la CRII-Rad en affirmant
qu'elles ne tenaient pas compte de la présence antérieure
de ces radionucléides dans l'environnement.
Au sein du milieu nucléaire, le Pr Pellerin est devenu
un enjeu symbolique. Certains, comme Jean-Luc Pasquier, ancien
directeur scientifique de l'OPRI, organisme qui succéda
au SCPRI en 1994, met en garde contre une relecture "anachronique"
du comportement du Pr Pellerin. "Les moyens à sa
disposition - mesures instantanées, capacités de
modélisation, standardisation des données - étaient
bien moins développés que ceux dont nous disposons
aujourd'hui, qu'il a contribué à développer",
avance-t-il.
D'autres osent le droit d'inventaire, comme à l'IPSN, où
on revisite les données de l'époque pour reconstituer
des cartes de l'impact du nuage, qui se sont progressivement rapprochées
des données de la CRII-Rad. Une modélisation vivement
contestée par le Pr André Aurengo, chargé
par le gouvernement d'un groupe de travail sur le sujet. Même
l'Académie des sciences s'en mêle. Publiée
en 2003, une "mise au point historique" a repris
les données du SCPRI pour conclure que "les retombées
ont été très inférieures à
ce qui aurait pu justifier des contre-mesures autres que le contrôle
des denrées importées". Problème
: selon le rapport d'expertise versé au dossier d'instruction,
"le Pr Pellerin est intervenu sur la rédaction
de cet article". Interrogé sur ce point,
son avocat ne nie pas la relecture du professeur.
Persuadés de ne pouvoir se faire entendre des médias,
une cinquantaine de médecins ont fait publier, dans Libération
daté 19-20 novembre 2005, un placard publicitaire "à
l'attention des malades de la thyroïde". "Il
n'y a pas d'effet Tchernobyl en France", affirment les
signataires, dont le Pr Tubiana, qui voient dans les malades français
des "otages d'un lobby antinucléaire et juridico-médical".
Voir:
Un
documentaire de 50mn sur les conséquences de Tchernobyl. |
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Hervé Morin et Cécile
Prieur
Le Monde, 2/6/2006:
UNE SILHOUETTE cassée en deux par l'âge, c'est à peu près tout ce que l'on en voyait, mercredi 31 mai, dans les journaux télévisés du soir. Un vieillard, marchant à l'aide d'une canne, entrait dans une annexe du Palais de justice, à Paris. Il n'avait pas un regard pour ceux qui l'accusent de leur avoir menti effrontément, il y a près de vingt ans.
Le professeur Pierre Pellerin, âgé de 83 ans, ancien chef du service central de protection contre les rayonnements ionisants en sortait, quatre heures plus tard, lesté d'une mise en examen pour " tromperie aggravée ". C'est lui qui avait pris en main, en 1986, la communication officielle concernant les risques encourus par la population française après le passage du nuage radioactif de Tchernobyl.
Le but n'était pas alors d'informer le public, mais d'éviter un retournement de l'opinion, acquise jusque-là au nucléaire, alors que la France était en pleine phase de construction de ses centrales.
On a donc inventé cette fable selon laquelle le nuage de Tchernobyl avait respecté les frontières françaises. Les maraîchers, les producteurs de lait, au Danemark, en Allemagne et jusqu'en Ecosse, avaient été mis en garde, et certains produits avaient été interdits à la consommation en raison, en particulier, des risques de cancer de la thyroïde pour les enfants. Pas en France.
Il a donc fallu près de vingt ans pour que la justice identifie enfin celui qui a été le chef d'orchestre de ce mensonge d'Etat. Il n'était pourtant pas difficile à trouver.
On voyait sur TF1 des images d'archives éloquentes. " Il s'agit d'une radioactivité qui est mesurable, mais qui ne présente aucun inconvénient sur le plan de la santé publique ", disait le professeur Pellerin lors d'une conférence de presse, un mois après l'explosion. " Cela ne menace personne actuellement, sauf peut-être dans le voisinage immédiat de l'usine, et encore, c'est surtout dans l'usine que je pense que les Russes ont admis qu'il y avait des personnes lésées ", ajoutait-il.
On admirera ce " peut-être ", alors que des milliers de gens avaient été contaminés sur place. On voyait encore le même professeur Pellerin commenter une carte de France montrant, région par région, les taux de radioactivité atteints. On sait maintenant que ces chiffres avaient été manipulés.
Les moyennes servaient à masquer les niveaux très élevés atteints dans certaines zones, où le nuage s'était transformé en pluie. Au moment même où, dans ce qui était encore l'URSS, Mikhaïl Gorbatchev s'efforçait à une certaine transparence, le lobby nucléaire français faisait exactement le contraire.
Communiqué conjoint du jeudi 1er juin 2006:
CRIIRAD Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité Téléphone : 04 75 41 82 50 Télécopie : 04 75 81 26 48 E-mail : contact@criirad.org Internet : www.criirad.org |
AFMT Association Française des Malades de la Thyroïde BP1 82700 BOURRET Tel/Fax : 05 63 27 50 80 E-mail : asso.thyroide@worldonline.fr |
Réaction des parties civiles : AFMT et CRIIRAD
· L'Association Française des Malades de la Thyroïde et la Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité avaient déposé plainte contre X, le 1er mars 2001, conjointement avec une cinquantaine de malades (environ 500 aujourd'hui) afin de faire sanctionner l'incapacité de l'État français à assurer la protection de la population française contre les retombées radioactives consécutives à l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl le 26 avril 1986.
· Les deux associations se félicitent de la mise en examen du Professeur Pellerin qui était à l'époque directeur du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants et avait, à ce titre, pour principale mission de surveiller la contamination du territoire français et d'alerter si nécessaire le ministère de la Santé afin que des mesures de protection soient prises. Les preuves accumulées depuis 20 ans, et confirmées par l'instruction, démontrent qu'il a complètement failli à sa mission en publiant des chiffres très fortement sous-évalués et en n'assurant pas la protection des populations à risque, et en particulier des enfants.
· La mise en examen de l'ancien directeur du SCPRI constitue un geste fort auquel sont sensibles toutes les personnes qui souffrent aujourd'hui d'une pathologie susceptible d'avoir été provoquée par leur exposition aux retombées de Tchernobyl et tous ceux qui luttent depuis 20 ans aux côtés de la CRIIRAD afin que toute la lumière soit faite sur ce dossier.
· La décision de Mme Bertella-Geffroy intervient alors que les pouvoirs publics couvrent depuis 20 ans les fautes commises en 1986 et que des organismes publics et des personnalités scientifiques de premier plan ont usé de leur notoriété pour réécrire l'histoire et exonérer l'État français et le professeur Pellerin de toute responsabilité. Les associations tiennent d'ailleurs à saluer le travail de la magistrate qui a poursuivi les investigations en dépit des pressions, des obstacles et de l'indigence des moyens attribués au pôle santé publique.
· La CRIIRAD et l'AFMT sont conscientes que la Justice ne pourra sanctionner qu'une petite partie des fautes commises du fait des contraintes de l'action juridique (délais de prescription, défini-tion des chefs d'inculpation, caractère non spécifique des cancers radio-induits, modalités de la charge de la preuve, etc). Cependant, dans un contexte de négation totale et systématique des fautes commises en 1986, la décision de mise en examen sur la base du délit de tromperie aggravée constitue une avancée d'une extrême importance.
· La Justice est en effet, à ce jour, la seule institution à avoir fait un pas vers l'établissement de la vérité et la recherche des responsabilités. Du côté des pouvoirs publics, de la représentation nationale et des services officiels, c'est la politique de l'autruche et le silence qui prédominent ... quand ce n'est pas la complicité active.
· L'AFMT et la CRIIRAD se battent depuis des années pour que la gravité des dysfonctionnements passés soit reconnue et que de telles situations ne puissent pas se reproduire. Elles ne peuvent, malheureusement, que constater qu'en cas d'accident la population n'a pas plus de garantie qu'en 1986 que la défense des intérêts sanitaires l'emportera sur les considérations financières et économiques. L'incapacité à reconnaître les fautes passées laisse mal augurer de l'avenir.
· La démarche conjointe de la CRIIRAD et de l'AFMT est une démarche citoyenne pour que soient préservés la santé et le droit des personnes face aux intérêts particuliers des lobbies nucléaires ou d'une prétendue raison d'État. Elles espèrent que l'actuelle instruction débouchera sur un procès à la hauteur de ces enjeux.
Le Figaro, 1 juin 2006:
L'ancien directeur du service de protection contre les rayons ionisants a été mis en examen hier soir.
LE PROFESSEUR Pierre Pellerin qui a dirigé
pendant près de quarante ans le Service central de protection
contre les rayonnements ionisants (SCPRI), organe chargé
du risque nucléaire, a été mis en examen
hier soir dans le dossier Tchernobyl par le juge Marie-Odile Berthella-Geffroy.
A 82 ans, ce haut fonctionnaire est le premier Français
mis en cause dans cette affaire.
Que lui reproche-t-on ? Il est soupçonné
d'avoir minimisé les retombées du nuage radioactif
en France. Dans leur expertise du 25 novembre 2005, les professeurs
Genty et Mouton considèrent que «la restitution
par le SCPRI des informations n'a été ni complète
ni précise et certaines valeurs ont été occultées».
Dans leurs conclusions, ils écrivent : «La
publication de valeurs moyennes était de nature à
masquer les pics de contamination.»
Pour quelles infractions est-il poursuivi ? Le professeur
Pellerin a été mis
en examen pour tromperie aggravée. Cette qualification,
passible de quatre ans d'emprisonnement, de 72 000 euros d'amende, avait conduit le docteur Michel Garretta, dans l'affaire
du sang contaminé, en prison. La mauvaise information fournie
par Pierre Pellerin aurait conduit à mettre sur le marché
des produits dangereux.
En outre, le scientifique a été placé sous
statut de témoin assisté pour des «blessures
involontaires». Les plaignants affirment que les radiations
leur ont provoqué des cancers de la thyroïde. Pour
l'instant, aucun élément matériel ne permet
de le démontrer.
Pourquoi cette mise en examen vingt ans après ? L'information
judiciaire a été ouverte en mars 2001 à la
suite d'une plainte de l'Association française des malades
de la thyroïde. L'instruction, qui comprend déjà
une vingtaine de tomes, a donné lieu à de multiples
perquisitions au SCPRI et dans différents ministères.
L'expertise demandée par le juge en juillet 2002 lui a
été remise en novembre dernier. C'est ce document
qui met en cause le directeur de SCPRI.
Y aura-t-il d'autres mises en cause ? Un adjoint de l'ancien
directeur du SCPRI serait dans le collimateur.
Des politiques devront-ils rendre des comptes ? Les ministres
de l'Industrie, Alain Madelin, de l'Agriculture, François
Guillaume et de la Santé, Michèle Barzach ont géré
conjointement la crise. Pour l'instant, les parties civiles ne
semblent pas décidées à leur demander des
comptes. «Nous verrons bien ce qui a motivé les
décisions de Pierre Pellerin, explique Bernard Fau,
l'avocat de plaignants, mais il ne s'agit pas d'une chasse
aux politiques.»
Qu'est-ce qui pourrait faire évoluer le dossier ? Les
déclarations du professeur Pellerin ainsi qu'une enquête
épidémiologique conduite en Corse, particulièrement
irradiée. Seule cette étude sanitaire sur un millier
d'écoliers de 1986, scolarisés dans 13 villages,
pourrait établir un lien entre des cancers et le nuage
radioactif.
Marie-Christine Tabet
Communiqué CRIIRAD, mercredi 31 mai
2006:
Dossier TCHERNOBYL
Liste des principales accusations portées par la CRIIRAD
(voir le détail dans le communiqué complet présenté in fine)
Rappel : Pierre Pellerin a joué un rôle déterminant dans la gestion de la crise de Tchernobyl en 1986. En tant que directeur du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants, il avait en effet la charge de la surveillance radiologique du territoire et il devait alerter le ministre de la Santé en cas de problème nécessitant des mesures de protection.
La CRIIRAD accuse M. Pierre Pellerin, directeur du SCPRI,
1. d'avoir diffusé des affirmations absurdes et surtout irresponsables sur l'ampleur réelle de l'accident survenu à la centrale nucléaire de Tchernobyl et d'avoir mis ainsi en danger la santé des habitants de l'ex URSS et de pays très touchés comme la Pologne, en se prononçant contre la distribution d'iode stable, ainsi que la santé des Français qu'il a alors encouragés à se rendre dans les pays contaminés.
2. d'avoir été incapable de rendre compte de la réalité de la contamination et de son évolution et d'avoir publié délibérément des chiffres totalement faux sur l'intensité des dépôts radioactifs : la sous-évaluation a atteint un facteur 1 000 !!!
3. d'avoir triché de façon éhontée sur l'appréciation de la contamination afin de faire croire à un événement complètement insignifiant ne nécessitant aucune mesure de protection, y compris dans les régions les plus contaminées, y compris pour les femmes enceintes et les enfants.
4. d'avoir tout fait pour empêcher la mise en oeuvre de mesures de protection contre la contamination des produits alimentaires (ceux produits en France et en Europe, comme ceux provenant des pays de l'Est), n'hésitant pas à violer, ce faisant, des textes d'application pourtant obligatoire.
5. d'avoir menti sur les normes de radioprotection, de les avoir utilisées de façon incorrecte et d'avoir été incapable d'assurer la protection des groupes à risque ainsi qu'il en avait l'obligation.
6. d'avoir en particulier privé les enfants de la protection qui leur était due, non seulement en 1986 mais aussi jusqu'à son départ en 1994, grâce à la falsification du décret fondamental de radioprotection.
Toutes ces accusations ont été
détaillées et transmises, preuves à l'appui,
à la Justice.
L'action de la Justice
La CRIIRAD fait totalement confiance à Mme Bertella-Geffroy, magistrate en charge de l'instruction de la plainte contre X déposée le 1er mars 2001, conjointement avec l'AFMT (association française des malades de la thyroïde). Elle a pu mesurer sa détermination malgré l'importance des pressions qui se sont exercées au plus haut niveau.
La CRIIRAD est bien sûr consciente que la Justice ne pourra sanctionner qu'une petite partie des fautes commises du fait des contraintes de l'action juridique (liées notamment aux délais de prescription, aux chefs d'inculpation, à la charge de la preuve en matière de dommages sanitaires, etc).
Toutefois la Justice est la seule institution
qui ait eu le courage, à ce jour, de se saisir du dossier
Tchernobyl. C'est pourquoi, le simple fait que le Professeur Pellerin
ait été convoqué, qu'on lui demande de rendre
compte de ses actes et que sa mise en examen soit envisagée,
constitue une étape d'une extrême importance, un
acte fort attendu depuis très longtemps par la population
française, et tout particulièrement par les personnes
dont la pathologie est susceptible d'avoir été induite
par l'incurie des responsables de 1986.
Le silence des politiques
Du côté des pouvoirs publics,
des responsables de la radioprotection (DGSNR, ASN) comme de l'élite
scientifique, les 20 dernières années sont marquées
par, au mieux, la lâcheté, au pire, la complicité
active. La CRIIRAD n'a pas pour autant l'intention d'abandonner
le terrain. Elle demande aujourd'hui au Gouvernement de démettre
M. André-Claude LACOSTE, directeur de la direction
générale de la sûreté nucléaire
et de la radioprotection (DGSNR dite aussi Autorité de
Sûreté Nucléaire) de tout pouvoir de décision
en matière de radioprotection. Étant donné
que ce haut responsable considère, et a déclaré
publiquement, que la crise de mai 1986 a été gérée
avec sérieux et qu'aucune mesure de protection n'était
justifiée, il est choquant et dangereux qu'il puisse décider
des mesures à prendre (ou à ne pas prendre !)
si la population française était à nouveau
exposée à une contamination.
PS : un communiqué commun AFMT & CRIIRAD sera publié dès que sera connue la décision de Mme Bertella-Geffroy sur la mise en examen éventuelle de M. Pierre Pellerin.
Communiqué CRIIRAD complet:
En 1986, Pierre Pellerin était directeur du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants (SCPRI). L'une des principales missions de ce service était de pratiquer toutes les mesures permettant de déterminer le taux de radioactivité dans tous les milieux où sa présence pouvait présenter un risque pour la santé des populations et d'alerter le cas échéant le ministre de la Santé afin que soient prises les mesures de protection nécessaires..
C'est vers lui que se sont tournés tous les responsables, autorités sanitaires, Préfets, directeurs de DDASS, médecins afin de savoir si la situation nécessitait, ou non, de mettre en oeuvre des mesures de protection. On peut apprécier l'importance que les décideurs lui accordaient à l'époque à travers le courrier que le Préfet de Haute-Corse adressait en 1986 au président de l'Assemblée territoriale : "Seul le SCPRI est en mesure d'analyser les prélèvements réalisés et surtout d'en interpréter correctement les résultats (...) La complexité du sujet ainsi que la multitude des données à recueillir ne permettraient à quiconque d'autre que le SCPRI de donner des indications valables sur l'intensité du phénomène et les mesures à prendre (ou à ne pas prendre)."
Liste des principales accusations portées par la CRIIRAD à l'encontre du directeur du SCPRI, Pierre PELLERIN :
1. Nous accusons M. Pellerin, directeur du SCPRI d'avoir
diffusé des affirmations absurdes et irresponsables sur
l'ampleur réelle de l'accident survenu à la centrale
nucléaire de Tchernobyl et d'avoir mis ainsi en danger
la santé des citoyens de l'ex URSS, des pays de l'Est et
de la France.
Nous accusons en particulier le professeur Pellerin :
· d'avoir affirmé dès le 29 avril et alors qu'il ne disposait d'aucune information : "En ce qui concerne les populations, il y a certes un problème d'hygiène publique, mais pas de réel danger, et certainement pas plus loin que 10 à 20 km au nord de la centrale",
· d'avoir conseillé, dès le 2 mai, le maintien des voyages touristiques en URSS, en indiquant que : "les inquiétudes concernant le tourisme ou les missions en URSS et dans les pays de l'Est sont sans fondement sanitaire. Les autorités soviétiques ont, dès l'origine, bien entendu, consigné toutes les zones où de telles situations auraient pu ou pourraient encore se présenter". Or, à cette date, personne ne savait comment la situation allait évoluer, les rejets radioactifs massifs se sont poursuivis 10 jours durant, du 26 avril au 5 mai, les masses d'air contaminé se dispersant de façon imprévisible, au grès des conditions météorologiques. Les soviétiques ne considèreront la situation maîtrisée qu'à la fin du mois de mai. Rappelons par ailleurs que les premières cartes de contamination ne seront disponibles qu'en 1989 et que des zones très contaminées, situées à plusieurs centaines de kilomètres de Tchernobyl seront alors évacuées.
· d'avoir déconseillé l'utilisation d'iode stable (permettant d'éviter la fixation de l'iode radioactif sur la thyroïde) dans les pays de l'ex URSS et des pays comme la Pologne en affirmant que cette mesure n'était pas justifiée hormis à quelques dizaines de kilomètres de la centrale. Aujourd'hui plus de 4 000 personnes qui étaient enfants en 1986 sont atteintes de cancers de la thyroïde provoqués par Tchernobyl et le bilan attendu à terme est d'au moins 50 000 cas (et ce pour la seule cohorte des enfants !).
2. Nous accusons M. Pellerin d'avoir été incapable de rendre compte de la réalité de la contamination et de son évolution et d'avoir publié délibérément des chiffres totalement faux sur l'intensité des dépôts radioactifs : sous-évaluation d'un facteur 1000 !
Nous l'accusons en particulier :
· de n'avoir pas su mettre en place une méthodologie adaptée à la crise, un dispositif de surveillance ciblé sur les secteurs et les produits à risque, d'avoir publié des résultats incohérents, incomplets et tardifs. Il est difficile de savoir ce qui relève de l'incompétence du laxisme ou de la volonté délibérée de minorer les chiffres.
· d'avoir privilégié le contrôle des secteurs faiblement contaminés alors que les régions les plus touchées par la contamination sont restées sans surveillance ou avec une surveillance tout à fait insuffisante (aucun prélèvement de végétaux même pas des légumes critiques types salades et épinards sur la région Corse pendant tout le mois de mai 1986 ! ; aucun prélèvement de lait ni en Corse, ni en région Provence Côte d'Azur les plus précocement touchées (dès le 29 avril) pendant toute la première semaine de mai ! ; le suivi de la contamination des thyroïdes de bovins, un indicateur clef de la contamination a concerné presque exclusivement la moitié ouest de la France : rien en Corse, rien dans les départements situés à l'est du Rhône, rien dans le Jura, rien en Alsace !).
· d'avoir, en particulier, publié tout au long du mois de mai 1986 des bilans de contamination des sols tellement minorés qu'ils en devenaient ineptes. Les bilans établis aux 7, 15 et 23 mai donnent des niveaux de contamination de 100 fois (régions de l'ouest) à 1 000 fois (régions de l'est) inférieurs à la réalité. Des écarts d'un facteur 2 à 3 sont compréhensibles en période de crise mais pas des facteurs 100 ou 1 000 qui font toute la différence entre une contamination anodine et une contamination préoccupante.
· d'avoir sciemment ignoré les retombées radioactives associées à la pluviosité alors que ses propres études, conduites dans les années 70-80, lui avaient enseignaient que la pluie joue un rôle déterminant dans la contamination, pouvant multiplier par 10 ou plus l'intensité des dépôts.
· de ne s'être pas donné les moyens de contrôler dans les délais les plus brefs et de la façon la plus précise et exhaustive la contamination de l'air : mesures généralement trop tardives, trop globales (pas d'identification des radionucléides), n'incluant qu'un faible pourcentage de la contamination en halogènes faute de dispositifs de piégeage des isotopes gazeux de l'iode qui constituaient pourtant plus de 80% du total.
· D'avoir publié, sous sa propre en-tête, une carte météorologique complètement fausse montrant la France presque entièrement protégée par un anticyclone le 1er mai 86 alors qu'elle était au contraire totalement recouverte par le panache radioactif avec des activités aussi élevées à Bordeaux que dans l'Est de la France.
3. Nous accusons le professeur Pellerin d'avoir triché de façon éhontée sur l'appréciation de la contamination afin de faire croire à un événement complètement insignifiant ne nécessitant aucune mesure de protection.
Nous l'accusons notamment :
· d'avoir menti sur l'impact de la contamination provoquée par le passage du nuage de Tchernobyl en affirmant, dans un communiqué spécial explicatif intensément diffusé à partir du 2 mai aux autorités sanitaires, aux Préfets, aux DDASS, aux médecins, aux pharmaciens, aux journalistes et au public :
"L'élévation relative de la radioactivité relevée sur le territoire français à fa suite de cet incident est très largement inférieure aux limites recommandées par la CIPR et aux limites réglementaires françaises, elles-mêmes fixées avec des marges de sécurité considérables. Il faudrait imaginer des élévations dix mille ou cent mille fois plus importantes pour que commencent à se poser des problèmes significatifs d'hygiène publique. " [Si on multiplie par 100 000 cela fait un débit de dose de 6 rad/heure ! Au bout de 5 heures la formule sanguine se modifie et en moins de 20 heures on est nettement dans le domaine des effets déterministes...]
Ce communique a joué un rôle décisif dans l'absence de toute mesure de protection et même de la plus élémentaire précaution (inutile, par exemple, de faire consommer aux enfants pendant les quinze premiers jours de mai du lait en poudre à la place du lait frais contaminé),
4. Nous accusons, M. Pellerin, directeur du SCPRI, d'avoir tout fait pour empêcher la mise en oeuvre de mesure de protection contre la contamination des produits alimentaires.
Nous l'accusons notamment :
· d'avoir délibérément ignoré les règlements et recommandations édictés par la Commission européenne dans le but de limiter la consommation d'aliments contaminés afin de "sauvegarder la santé des consommateurs" en les qualifiant de limites purement douanières et en invitant chacun à consommer les aliments dont la contamination dépassait pourtant les normes.
· d'avoir ainsi favorisé la consommation de produits d'importation contaminés, en déclarant que "toutes les denrées alimentaires ou produits ci-dessus mentionnés sont sans exception consommables sans restriction" alors que certains des lots contrôlés dépassaient largement les limites imposées par le règlement CEE n°1707/86 du Conseil du 30/5/86.
· d'avoir ainsi favorisé la consommation de produits français et européens dont le taux de radioactivité était supérieur aux seuils de tolérance recommandés dès le 6 mai par la Commission européenne (et repris officiellement par le gouvernement français le 7 mai), alors que ces limites portaient sur des aliments sensibles : le lait et les produits laitiers, les légumes et les fruits.
5. Nous accusons M. Pellerin d'avoir menti sur les normes de radioprotection, de les avoir utilisées de façon incorrecte et d'avoir été incapable d'assurer la protection des groupes à risque ainsi qu'il en avait l'obligation.
6. Nous l'accusons
en particulier d'avoir privé les enfants de la protection
qui leur était due, non seulement en 1986 mais aussi jusqu'à
son départ en 1994, grâce à la falsification
du décret fondamental de radioprotection.
Nous l'accusons notamment :
· de n'avoir pas assuré la protection des groupes à risque, c'est-à-dire de toutes les personnes qui du fait de leur situation géographique, de leur âge, de leur régime alimentaire ou de leur profession, ... risquaient de recevoir des doses de rayonnement très supérieures à celles de la moyenne des français, des doses de rayonnement supérieures aux limites réglementaires, qui nécessitaient des mesures de protection, alors que la radioprotection imposait d'assurer la protection individuelle de chaque Français ;
· d'avoir appliqué délibérément aux enfants les limites annuelles d'incorporation réservées aux adultes alors que pour garantir aux enfants une protection équivalent, il faut fixer des limites jusqu'à 10 fois plus basses pour les enfants). Il porte ainsi une lourde responsabilité dans l'exposition des populations corses et tout spécialement dans les doses de rayonnement encaissées par la thyroïde des enfants et des foetus.
· d'avoir falsifié le contenu du décret n°88-521 qui transposait en droit français les prescriptions des directives Euratom de 1980 et 1984. En effet, le paragraphe stipulant que les limites d'incorporation devaient être adaptées aux particularités anatomiques et physiologiques des enfants a été supprimé lors de la transposition ! Cet acte délictueux n'a jamais été sanctionné alors qu'il a permis d'exposer les enfants à des niveaux de risque très supérieurs (jusqu'à 10 fois) aux maxima tolérés pour les adultes. Cette altération du texte de base de la radioprotection des populations démontre que l'absence de prise en compte des enfants en 1986 était bel et bien délibérée.
31/5/2006 - La convocation ce mercredi par la justice de Pierre Pellerin, ancien chef de l'autorité de protection nucléaire, et sa possible mise en examen vont marquer un tournant dans l'enquête sur les contaminations, longtemps occultées, lors du passage du nuage de Tchernobyl en France.
Le professeur Pellerin, 84 ans, ancien responsable du Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI), est convoqué mercredi par la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy et pourrait être le premier responsable mis en examen dans cette enquête, ce dont se sont félicitées quelques-unes des 500 parties civiles dans le dossier.
Cette magistrate du pôle santé publique du tribunal de grande instance de Paris est en charge depuis juillet 2001 d'une instruction pour "atteintes involontaires à l'intégrité d'autrui" en lien avec le passage en France du nuage issu de l'explosion de la centrale ukrainienne de Tchernobyl, en 1986. Une expertise rendue fin 2005 a fait état de mesures radioactives "occultées" par les autorités de contrôle françaises. Selon cette expertise, Pierre Pellerin a fourni des cartes de relevés incomplètes.
Les auteurs du rapport ont estimé que la publication de valeurs moyennes par département a masqué la présence d'isotopes radioactifs dangereux concentrés dans certaines zones à forte pluviosité. Le rapport précise que plusieurs relevés établis en France contiennent des valeurs comparables à celles de "certains territoires proches de la centrale de Tchernobyl" entre avril et juin 1986.
Sur ce fondement notamment, la juge Bertella-Geffroy pourrait mettre en examen M. Pellerin pour "tromperie aggravée" plus particulièrement en ce qui concerne les pathologies liées à la thyroïde. La juge n'a pas besoin d'un supplétif pour être saisie de cette infraction et aucune demande en ce sens n'était parvenue lundi au parquet, a indiqué une source proche du dossier. Selon une autre source, le Pr Pellerin devrait être entendu comme témoin assisté sur les faits de "blessures involontaires". La convocation de Pierre Pellerin et sa possible mise en examen ont été saluées par les parties civiles et les opposants au nucléaire.
"La faute majeure qui est reprochée à M. Pellerin est d'avoir trompé l'autorité publique et les populations sur les risques encourus", a déclaré Me Bernard Fau, avocat de l'Association française des malades de la thyroïde (AFMT). "Enfin ! Vingt ans pour que la justice mette en examen les responsables du plus gros mensonge dans le nucléaire civil sur les retombées du nuage de Tchernobyl en France, pour que les victimes se sentent reconnues et respectées", s'est exclamée Chantal Garnier, coprésidente de l'AFMT.
Le Réseau "Sortir du nucléaire"
a estimé dans un communiqué que "même
s'il doit logiquement être sanctionné, le Pr Pellerin
ne doit pas servir de paravent aux responsables politiques de
l'époque". Il s'agit d'"une étape importante
vers la vérité", a estimé par ailleurs
estimé le président de la Commission de recherche
et d'information indépendantes sur la radioactivité
(Criirad), Roland Desbordes.
RFI, 31/5/06:
Vingt ans après la catastrophe de Tchernobyl, Pierre Pellerin est convoqué par la justice. Au moment de l'accident dans la centrale ukrainienne, il était responsable de la sécurité des Français contre les radiations. Pierre Pellerin devrait être mis en examen dans le cadre d'une instruction pour « atteintes involontaires à l'intégrité d'autrui ». C'est la conséquence juridique d'une plainte déposée en 2001 par une association de malades de la thyroïde et par une association indépendante de mesure de la radioactivité.
En 1986, au moment de la catastrophe de Tchernobyl,
le professeur Pellerin dirige le Service central de protection
contre les rayonnements ionisants (SCPRI). Cette administration
est peu connue du public. Pourtant, c'est elle qui est chargée
de garantir à la population la protection contre la radioactivité.
Information du public, plans d'évacuation en cas de besoin,
niveau de radiations acceptable pour les travailleurs du nucléaire,
pour les personnes habitant à proximité des centrales
et pour toute personne soumise à une contamination imprévue
comme celle de Tchernobyl : la mission du SCPRI est de mettre
en oeuvre les mesures de protection pour la santé des populations.
Fin avril et début mai 1986, on apprend que le nuage radioactif
échappé de la centrale ukrainienne accidentée
recouvre une bonne partie de l'Europe. Pourtant le SCPRI l'affirme :
ce nuage n'a pas atteint la France, il est retenu aux frontières
grâce aux bienfaits d'un anticyclone.
Des années ont passé avant que l'évidence
ne s'impose : le nuage radioactif ne s'était pas arrêté
à Monaco. Des pays voisins de la France avaient d'ailleurs
pris des mesures immédiates comme l'interdiction de consommer
du lait ou des légumes frais. Ces pays reconnaissaient
ainsi que leur sol avait été pollué par les
retombées radioactives. En France, la catastrophe provoque
la naissance d'une association indépendante de mesure de
la radioactivité. C'est la CRIIRAD, Commission de recherche
et d'information indépendantes sur la radioactivité.
Elle s'installe au bord du Rhône dont l'eau peut avoir des
traces de radioactivité en raison de la proximité
de plusieurs installations nucléaires. La CRIIRAD s'intéresse
également à Tchernobyl.
C'est en 2001, 15 ans seulement après la catastrophe, que
l'association porte plainte contre X, conjointement avec l'Association
française des malades de la thyroïde. Pendant toutes
ces années, la CRIIRAD a épluché les rapports
internationaux pour évaluer l'ampleur de la catastrophe.
Dans le même temps, des Français atteints du cancer
de la thyroïde ont créé une association. L'ingestion
de césium, radioélément rejeté en
quantité considérable dans l'atmosphère après
l'explosion nucléaire de 1986, serait responsable d'une
augmentation des cas en France.
Pour les malades, un combat presque perdu d'avance
Ces malades parviendront-ils à faire la preuve du lien
entre le nuage de Tchernobyl et la dégradation de leur
état de santé allant souvent jusqu'à l'ablation
de la thyroïde, cette glande qui sert à réguler
les hormones ? Rien n'est moins sûr. Trop d'années
ont passé entre la date de la catastrophe et le dépôt
de leur plainte. Et des années passeront encore avant que
la justice n'établisse les responsabilités de cette
petite épidémie française. Epidémie
d'ailleurs contestée par les spécialistes. Ils estiment
qu'on trouve plus parce qu'on cherche mieux depuis 1986.
Pour l'heure, Pierre Pellerin, ex-responsable de la protection
des Français face aux rayonnements ionisants, est convoqué
par le juge en tant qu'ancien directeur du Service central de
protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI) pour « atteintes
involontaires à l'intégrité d'autrui ».
500 plaignants lui reprochent d'avoir fourni des cartes incomplètes
de la radioactivité sur le sol français. Le rapport
d'expertise élaboré par la justice, fin 2005, fait
également état de mesures radioactives « occultées »
par les autorités de contrôle.
Toujours selon les auteurs du rapport d'expertise, la publication
de valeurs moyennes a permis de masquer des concentrations d'éléments
radioactifs dans certaines zones où la pluviosité
avait été forte. Ce rapport précise encore
que plusieurs mesures relevées sur le sol français
sont d'un niveau comparable à celui relevé dans
« certains territoires proches de la centrale de
Tchernobyl ».
La juge Marie-Odile Bertella-Geffroy pourrait mettre le professeur
Pellerin en examen pour « tromperie aggravée ».
« La faute majeure qui est reprochée à
M. Pellerin est d'avoir trompé l'autorité publique
et les populations sur les risques encourus »,
a pour sa part déclaré l'avocat de l'association
de malades de la thyroïde, Bernard Fau.
« Il considérait que la dose pouvait être
100 fois plus élevée »
« Comment se fait-il qu'il (le professeur Pellerin)
ait pu signer des papiers autorisant la consommation de produits
alimentaires sans restriction alors qu'ils dépassaient,
très largement, en Allemagne ou en Italie, les limites
européennes en matière de radioactivité ? »,
s'interroge Roland Desbordes, le président de la CRIIRAD.
« Le Professeur Pellerin a tiré les mesures
de radioactivité qui l'intéressaient en écartant
sans justification les plus élevées. Dans quel but,
je ne sais pas, c'est à la justice de voir »,
explique encore le président de l'association.
La CRIIRAD interpelle le professeur Pellerin parce qu'il a géré
la crise, en France, après la catastrophe de Tchernobyl.
Et si le volet judiciaire de l'affaire ne concerne que l'aspect
français de la catastrophe, l'association rappelle que
le professeur Pellerin était également expert auprès
de la Commission de Bruxelles. « Il a critiqué
les autorités européennes et locales qui voulaient
prendre des mesures plus fortes, comme des mesures d'évacuation.
Pour les Français, en tant qu'expert, il considérait
que la dose pouvait être 100 fois plus élevée »,
explique encore le président de la CRIIRAD.
Le procès ne couvrira pas les responsabilités internationales
du professeur Pellerin. Il était aussi expert à
l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans les années
qui ont suivi l'accident, il s'est rendu à plusieurs reprises
dans les deux républiques soviétiques les plus contaminées,
l'Ukraine et la Biélorussie, pour « soutenir
les autorités de radioprotection soviétiques et
contrer les scientifiques ukrainiens et biélorusses qui
réclamaient une meilleure radioprotection de la population,
ce qui aurait impliqué un programme d'évacuation
bien plus important que celui prévu par les autorités
soviétiques », écrivait Bella Belbeoch
dans la Gazette du nucléaire, il y a plusieurs années
déjà.
Le débat sur les suites de la catastrophe dans les autres
pays européens soumis à des retombées n'est
pas l'objet de la procédure en cours. Pourtant dans tous
les pays où Tchernobyl a laissé des traces, également
en France et en Russie où le nucléaire est très
développé, se pose la question des doses acceptables
pour la santé humaine. Si les autorités sanitaires
d'un pays décident de les durcir, cette précaution
a automatiquement un coût supplémentaire. Il faut
évaluer le budget d'éventuelles évacuations,
des relogements et du surcoût pour les systèmes de
santé.
Colette Thomas
Communiqués de presse du Réseau "Sortir du nucléaire", 29/5/2006:
Le Réseau "Sortir du nucléaire" se félicite de la prochaine mise en examen du Pr Pellerin, cheville ouvrière du mensonge d'Etat lors du passage du nuage de Tchernobyl sur la France en avril et mai 1986.
Cependant, même s'il doit logiquement être sanctionné, le Pr Pellerin ne doit pas servir de paravent aux responsables - politiques et du nucléaire - de l'époque.
Les responsables politiques de 1986 étaient clairement informés de la gravité de la situation et de la nécessité de mettre en oeuvre des mesures sanitaires comme ce fut le cas dans de nombreux pays d'Europe :
- Interdiction à la consommation des
aliments les plus dangereux : légumes frais, lait, champignons,
etc.
- Confinement des enfants, interdiction de jouer dans les bacs
à sable, etc.
Le Président de la République
de l'époque étant décédé, il
ne peut bien sûr plus être poursuivi, mais doivent
être aujourd'hui poursuivis, en particulier :
- M Chirac, premier Ministre en 1986
- M Juppé, porte-parole du Gouvernement
- Mme Barzach, ministre de la Santé
- M Guillaume, ministre de l'Agriculture
- M Pasqua, ministre de l'Intérieur
Il est nécessaire que l'enquête remonte aussi jusqu'aux dirigeants d'EDF, de la Cogéma et du CEA, qui ne pouvaient ignorer les résultats des mesures opérées par leurs services partout en France et qui ont menti, au moins par omission. Ils doivent être poursuivis pour "non assistance à personnes en danger".
Libération, 28 mai 2006:
Vingt ans après le passage du nuage
de Tchernobyl, le Pr Pellerin, responsable de la radioprotection
en France à l'époque, est convoqué par la
justice mercredi · Selon nos informations, il devrait être
mis en examen pour «tromperie aggravée». Et
bénéficier du statut de témoin assisté
pour «blessures involontaires» · La juge Marie-Odile
Bertella-Geoffroy instruit le dossier dit des «cancers de
Tchernobyl»
Elle hésite, ose à
peine y croire. «Cette mise en examen? Depuis le temps qu'on
l'attend» Chantal L'Hoir Liesse est présidente de
l'association française des malades de la thyroïde,
à l'origine d'une plainte collective en 2001. Selon nos
informations, le professeur Pierre Pellerin, directeur du Service
central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI)
au moment du passage du nuage de Tchernobyl au-dessus du ciel
français, vient de recevoir une lettre de la juge d'instruction,
Marie-Odile Bertella-Geoffroy, chargée du dossier dit des
cancers de Tchernobyl. Convoqué mercredi, il devrait être
mis en examen pour «tromperie aggravée». Et
bénéficier du statut de témoin assisté
pour «blessures involontaires».
Plus de cinq ans après le dépôt de la plainte,
et plus de vingt ans après l'explosion de Tchernobyl, c'est
la fin d'une première étape d'un marathon judiciaire.
Une lenteur d'autant plus impressionnante qu'aujourd'hui les faits
reprochés - à savoir une dissimulation du passage
du nuage de Tchernobyl au-dessus du ciel français (lire
ci contre) - sont largement admis. Pour autant, cette rétention
d'informations vaut-elle mise en examen? La juge d'instruction
a multiplié les expertises, contre-expertises et perquisitions.
Elle a pu noter que les cabinets ministériels (en particulier
celui d'Alain Madelin, alors ministre de l'Industrie, et celui
de Michèle Barzach, alors ministre de la Santé)
ont été peu informés. D'où l'explication
de cette mise en examen unique, celle d'un haut fonctionnaire,
Pierre Pellerin, aujourd'hui âgé de 82 ans. Selon
les parties civiles, la juge s'est appuyée sur le fait
que «faute d'avoir transmis des informations, des aliments
ont pu être contaminés». Un grand nombre de
pays européens voisins avaient pris, eux, des mesures de
protection.
Reste la traduction juridique de l'affaire et, d'abord, le choix
de la qualification: la tromperie aggravée. Dans ces dossiers
sanitaires, c'est une question complexe. Faut-il parler de blessures
volontaires, d'empoisonnement, de non-assistance à personne
en danger? Juridiquement, la qualification de tromperie s'applique
à des personnes qui sont dans la chaîne de production.
Là, ce n'est pas le cas. Mais le qualificatif «aggravé»
est employé quand l'action «a des conséquences
dommageables sur l'homme». Ce qui est éventuellement
le cas. Le parquet, qui suit de près l'instruction, a adopté
la même logique que la juge, manifestement rassuré
que l'affaire ne remonte pas au niveau politique. Quant à
la qualification de «blessures volontaires» pour laquelle
Pierre Pellerin sera entendu comme «témoin assisté»,
il concerne le volet sanitaire, avec la survenue de cancers de
la thyroïde. Problème: comment établir un éventuel
lien entre le nuage et les cancers? A présent, aucune causalité,
du moins en France, n'a pu être démontrée.
Dernier problème juridique: la prescription. A partir de
quand court-elle? A partir de l'explosion de la centrale? De l'apparition
des premiers cancers susceptibles d'être liés au
passage du nuage? Du dépôt de la plainte? La juge
a retenu le dépôt de la plainte. S'appuyant sur le
fait que, dans l'affaire de l'hormone de croissance, la chambre
de l'instruction avait jugé que la «tromperie aggravée»
était «une infraction clandestine par nature»
dont la «prescription doit partir du jour où l'infraction
est apparue ou a pu être constatée dans des conditions
permettant l'exercice de l'action publique».
Dans ce dossier, la mise en examen de Pierre Pellerin marque,
en tout cas, un tournant. Il faut s'attendre maintenant à
une très rude bataille de procédure.
Eric FAVEREAU
Le Monde, 25 avril 2006:
Entre les estimations de 1986 et celles d'aujourd'hui, il existe un gouffre. Incompétence des autorités de sûreté nucléaire ou mensonge ?
Le nuage de Tchernobyl est bien passé sur la France, au cours des jours qui ont suivi l'explosion du réacteur no 4 de la centrale nucléaire ukrainienne, le 26 avril 1986. Toute la question est de déterminer l'ampleur des retombées de particules radioactives sur le sol français, à la faveur notamment des fortes pluies enregistrées début mai, cette année-là. En vingt ans, les évaluations ont considérablement évolué.
Le 7 mai, puis le 16 mai 1986, le Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI), dirigé par Pierre Pellerin, diffusait des cartes de l'activité totale des dépôts au sol des particules radioactives. Sur le second document, elles s'échelonnaient de 25 becquerels par m2 en Bretagne à 500 Bq/m2 dans l'ensemble de l'est de la France, un chiffre modeste.
En 2005, une carte de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), lointain successeur du SCPRI, reconstituant les retombées de mai 1986, montre un paysage bien différent : les dépôts du seul césium 137 dépassent dans certaines zones (Alsace, région niçoise, sud de la Corse) les 20 000 Bq/m2, avec des pointes supérieures à 40 000 Bq/m2 ! Comment expliquer cette différence d'un facteur parfois supérieur à 1 000 ?
Pour Corinne Castanier, directrice de la Criirad, un laboratoire indépendant qui, dès 1986, avait entrepris ses propres mesures de radioactivité, on peut y voir au choix la marque de " l'incompétence du SCPRI, ou celle d'un mensonge délibéré ". La Criirad, partie civile dans une plainte contre X pour " défaut de protection des populations contre les retombées radioactives de l'accident de Tchernobyl " déposée en 2001, conjointement avec l'Association française des malades de la thyroïde (AFMT), penche pour la seconde hypothèse. Elle entend démontrer que les autorités ont minimisé les retombées et n'ont pas pris les mesures sanitaires préventives qui s'imposaient - et que plusieurs pays voisins ont appliquées, comme la restriction de consommation de certains aliments.
En décembre 2005, un rapport transmis à la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy, chargée de l'instruction de l'enquête sur le passage du nuage de Tchernobyl au-dessus de la France, affirmait que des mesures radioactives ont été " occultées " par les autorités de contrôle de l'époque. Selon ce rapport, le SCPRI aurait restitué de façon incomplète les données en sa possession.
Depuis 1986, de nombreuses cartes ont été constituées. En 1997, l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN), successeur du SCPRI, en a produit une en se fondant sur les mesures de contamination des végétaux et du lait. En 2003, une nouvelle carte est proposée, mettant en relation les dépôts et les précipitations. Certaines données de la Criirad y sont intégrées. L'ensemble dévoile des niveaux de contamination bien plus élevés que précédemment.
Mais ce résultat est contesté, notamment par le professeur Aurengo. Spécialiste de médecine nucléaire, il se déclare, dans un courrier au gouvernement qui l'a chargé d'animer un groupe de travail sur le sujet, " consterné " par les résultats de l'IPSN. Il les qualifie de " méthodologiquement contestables et très probablement faux (...), diffusés sans aucune validation scientifique ". Pour tenir compte de ses remarques, l'IPSN inclut des mesures atmosphériques dans sa reconstitution. Une nouvelle carte est produite en 2005 : " Le résultat restait très proche de celui de 2003 et collait bien, à l'échelle de la France, avec les données de la Criirad ", résume Didier Champion, directeur de l'environnement et de l'intervention à l'IRSN.
Dernier épisode, le 27 mars, le conseil scientifique de l'IRSN (qui a succédé à l'IPSN) confirme la validité des travaux de l'Institut concernant les retombées de Tchernobyl en France. D'une certaine manière, il s'agit aussi d'un hommage rendu au travail de la Criirad, l'IRSN ayant puisé dans les données de l'association - sans que celle-ci soit d'ailleurs associée aux travaux en question.
Reste à expliquer le rapport de 1 à 1 000 entre les cartes de 1986 et celles d'aujourd'hui. " La première carte du 7 mai 1986 était très fruste. Les chiffres avancés ressemblent beaucoup à ceux des dépôts secs de particules radioactives, beaucoup moins concentrés que les dépôts humides, dus aux précipitations ", avance Didier Champion. Malheureusement, note-t-il, plus personne à l'IRSN n'a la mémoire de la façon dont le SCPRI a procédé : " C'est un peu un puzzle pour nous. " Un puzzle d'autant plus difficile à reconstituer qu'une information judiciaire est en cours, et que chaque acteur campe sur ses positions.
Pour Jacques Repussard, directeur général de l'IRSN, les premières cartes de 1986 ont été constituées à partir d'un réseau qui manquait de densité, ce qui s'est traduit par un " effet lampadaire ", de grandes zones restant dans l'ombre : " Ils ont fait des moyennes avec ce qu'ils avaient sous la main. " Vingt ans après, note-t-il, il n'est pas certain que, face à une situation d'urgence, le réseau d'alerte soit suffisant pour nourrir de façon satisfaisante les modèles de prévision d'impact qui ont été développés.
Hervé Morin
PARIS (24 avril 2006) - Vingt ans après la catastrophe de Tchernobyl,
et cinq ans après le dépôt des premières
plaintes en France, le dossier d'instruction est dans une impasse,
les investigations déjà menées n'ayant pas
permis d'établir de "lien de causalité"
entre le passage du nuage radioactif et les maladies dont souffrent
les victimes.
Saisie du dossier depuis juillet 2001, la juge d'instruction
parisienne Marie-Odile Bertella-Geffroy cherche à apporter
la preuve d'une corrélation entre le passage du nuage et
certains cancers dont souffrent les victimes. L'information judiciaire
vise les faits de "violences volontaires" et "atteintes
involontaires à l'intégrité physique".
Mais la magistrate
réfléchit en ce moment à l'opportunité
de requalifier ces faits en "tromperie", un délit
prévu par le code pénal, a-t-on indiqué de
sources judiciaires. De son côté, le parquet de Paris
semble circonspect. "Nous sommes en train de réfléchir
à une autre qualification",
note-t-on prudemment dans l'entourage du procureur.
Car, la tromperie s'applique plutôt à un produit
précis, comme par exemple un médicament. Le code
pénal prévoit ainsi une peine de deux ans de prison
maximum pour "quiconque aura trompé ou tenté
de tromper le contractant" sur la nature d'un produit, son
origine, ou sur "l'aptitude à l'emploi, les risques
inhérents à l'utilisation, les contrôles effectués,
les modes d'emploi ou les précautions à prendre".
"Est-ce vraiment applicable à un nuage radioactif?",
s'interroge une source proche du dossier. Rien n'est moins sûr.
"On cherche à faire tenir le dossier", commente
une source judiciaire.
Car si la magistrate dispose de nombreux documents démontrant
que les autorités françaises étaient conscientes
du danger dès le début de la catastrophe, ces mêmes autorités n'ont
pêché que par omission. Des faits difficiles à
poursuivre sur le plan pénal.
La juge a également ordonné un certain nombre d'études
épidémiologiques, notamment en Corse et dans l'Est
de la France, régions particulièrement exposées.
Mais les résultats de ces études ne sont pas encore
revenus. "Et il sera difficile d'en déduire une quelconque
responsabilité, parce que d'autres facteurs extérieurs
peuvent influencer la santé des populations locales",
note une source judiciaire.
Reste que la France "est le seul pays d'Europe à avoir
des plaintes de malades de la thyroïde", souligne Roland
Desbordes, président de la CRIIRAD (Commission de recherche
et d'information indépendantes sur la radioactivité).
"Les malades de la thyroïde ont le sentiment qu'à
cause de l'incurie du gouvernement, ils sont malades".
Les pays voisins de la France avaient pris de mesures de précaution
en avril-mai 1986 comme le retrait de la consommation de certains
aliments contaminés. En Pologne et dans certaines régions
d'Allemagne, une partie de la population a pris de l'iode stable
pour protéger sa thyroïde des effets de l'iode radioactif.
Plus de 500 personnes sont désormais parties civiles dans
le dossier de la juge Bertella-Geffroy. Des "victimes"
qui comptent sur la justice pour réparer les dégâts.
Et réclament toujours la mise en examen du Pr Pierre Pellerin,
l'ancien directeur du Service central de protection contre les
rayonnements ionisants (SCPRI).
Pour l'instant, aucune mise en examen n'est intervenue dans le
dossier. Le 1er mars 2001, 53 premières plaintes ont été
déposées, suivies par 125 autres le 5 octobre 2001
par des personnes s'estimant victimes d'un cancer lié au
passage du nuage radioactif sur la France.
L'Est républicain, 18/4/2006:
Après cinq ans d'enquête judiciaire,
les plaignants attendent que la réalité d'une contamination
longtemps occultée en France sur le passage en 1986 du
nuage radioactif, soit enfin démontrée.
Dans cette enquête pour « atteintes involontaires
à l'intégrité d'autrui » confiée
à la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy du pôle santé
de Paris en juillet 2001, une expertise rendue fin 2005 fait état
de mesures radioactives « occultées » par les
autorités de contrôle françaises.
Parmi les personnes visées figure le professeur Pierre
Pellerin, 84 ans, ancien responsable du Service central de protection
contre les rayonnements ionisants (SCPRI) qui a fourni des cartes
de relevés incomplètes.
Mises en examen
A un autre niveau, selon une source proche
du dossier, l'enquête pourrait également s'orienter
vers les cabinets des ministres de la Santé et de l'Industrie
du gouvernement de Jacques Chirac (1986-1988), respectivement
Michèle Barzac et
Alain Madelin. « Il est logique,
compte tenu de ce que l'on sait, qu'il y ait rapidement des mises
en examen », estime Me Bernard Fau, l'un des avocats des
parties civiles. « La question est maintenant de savoir
pourquoi les responsables ont agi ainsi », a-t-il ajouté.
Plus de 500 victimes de maladies thyroïdiennes sont aujourd'hui
parties civiles, aux côtés de la Commission de recherche
et d'information indépendante sur la radioactivité
(Criirad) et de l'Association française des malades de
la thyroïde (AFMT). Selon les auteurs du rapport d'expertise,
la publication de valeurs moyennes par département a masqué
la présence d'isotopes radioactifs dangereux concentrés
dans certaines zones à forte pluviosité.
Expertises en Corse
Le rapport précise que plusieurs relevés
établis en France contiennent des valeurs comparables à
celles de « certains territoires proches de la centrale
de Tchernobyl » entre avril et juin 1986. En outre, Marie-Odile
Bertella-Geffroy a confié en avril 2005 à deux médecins
une expertise épidémiologique portant sur 13 villages
de Corse, pour tenter d'établir un lien de causalité
entre le passage du nuage et les maladies thyroïdiennes.
Les experts sont notamment chargés de comparer les données
relevées sur des habitants âgés à l'époque
de moins de 15 ans, à celles réalisées sur
des enfants atteints de pathologies thyroïdiennes en Bélarus
et en Ukraine. Environ 1 000 personnes doivent être contactées.
Les 13 villages ont été choisis en raison de mesures
radioactives élevées, mais également parce
que les populations y vivent en quasi-autarcie et consomment des
produits laitiers, fruits ou légumes locaux. Parallèlement,
l'assemblée de Corse a voté le 11 avril le financement
d'une enquête épidémiologique, qui doit être
confiée à une « structure indépendante
», sur les retombées du nuage de Tchernobyl sur l'ensemble de l'île.
Corsica:
Vingt ans après la catastrophe de
Tchernobyl, l'instruction menée par la juge Marie-Odile
Bertella-Geffroy, touche à son terme. La preuve d'un mensonge
d'Etat est avérée, mais pourra-t-on établir
la mise en danger de la santé des gens ?
Qui est ou qui sont, finalement, les « x »
visés par la plainte déposée en mars 2001
par l'Association française des malades de la thyroïde
(AFMT), la Commission de recherches et d'information indépendante
sur la radioactivité (CRIIRAD) et une cinquante de personnes
souffrant de pathologies thyroïdiennes conséquence
selon elles des retombées, en France, du nuage de Tchernobyl
? Vingt ans après la catastrophe et le passage du nuage
sur une partie de la France, dont la Corse, il est possible que
tombent les réponses. En effet, l'instruction judiciaire
est bouclée et le volumineux rapport - près de 1
500 pages - remis l'an passé à la juge Marie-Odile
Bertella-Geffroy par les experts Paul Genty et Gilbert Mouthon,
contiendrait des éléments suffisamment accablants
pour entraîner de premières mises en examen.
Les parties civiles avaient initialement jusqu'au 9 mars dernier
pour formuler d'éventuelles observations quant à
ce rapport. En fait, la CRIIRAD a bénéficié
d'un délai supplémentaire de quelques jours, jusqu'à
la fin mars. Mais précisait son président, Roland
Desbordes, les réserves éventuellement formulées
ne concernent aucunement les conclusions contenues dans ce document
et sur lesquelles, dit-il, « il n'y a rien à
redire, les experts ont bien regardé dans toutes les directions.
Les seules remarques portent sur quelques éléments
de l'argumentaire scientifique qui méritent d'être
bétonnés ». Mais dans l'ensemble, les
parties civiles estiment que le travail réalisé
par les experts est allé au-delà de ce qu'ils pouvaient
espérer. Il ne se contenterait pas d'évoquer simplement
des négligences : il pointe du doigt des « fautes »,
des « manipulations » et établit
les responsabilités. Confirmant que l'Etat a délibérément
minimisé l'impact de la catastrophe et des retombées
radioactives, nié les risques de contamination et délibérément
caché l'étendue de la contamination des sols dans
certaines régions telles que l'Est, les Alpes, la vallée
du Rhône, les environs de Nice et surtout... la Corse. Une
contamination pourtant connue du gouvernement. Pour preuve, cette
transcription manuscrite d'une réunion, tenue à
la mi-mai 1986 au ministère de l'Intérieur, faisant
état de chiffres « qui ne peuvent être
diffusés ». Une transcription dont ont du reste
fait état Jean-Charles Chatard et Eliane Parigi dans un
documentaire de 52 minutes coproduit par France 3 Corse et intitulé
« Corse, le mensonge radioactif ». Un mensonge
rien moins que pieux, motivé par la « raison
d'Etat », estime pour sa part Jean-Charles Chatard,
non sans rappeler qu'en Italie, où le gouvernement prit
rapidement des mesures et ne tenta pas de dissimuler les risques
de contamination induits par le passage du nuage au-dessus de
la Botte, Tchernobyl n'a pas manqué de peser sur l'issue
du référendum de 1987 et le refus de l'énergie
nucléaire par les Italiens. Par ailleurs, reconnaître
une contamination importante des sols dans certaines zones du
territoire, pouvait contribuer à instaurer une défiance
à l'égard de nombreuses productions agricoles françaises.
Pour les journalistes Chatard et Parigig, il ne fait pas de doute
que dès les premiers jours qui ont suivi l'arrivée
du nuage sur la France - car il n'a pas, comme ce fut prétendu
à l'époque, pris la peine de faire un détour
-, on savait très exactement en haut-lieu quels étaient
les risques en mettant tout en oeuvre pour dissimuler la vérité.
C'est également ce qu'indique le rapport remis à
Marie-Odile Bertella-Geffroy ?
On ? « x » ? Mais qui au juste ? Des fonctionnaires
? Des ministres ? En première ligne, encore plus difficile
à ignorer qu'une vache dans un couloir, il y a bien sûr
le Service central de protection contre les rayonnements ionisants
(SCPRI) et son responsable de l'époque, le professeur Pierre
Pellerin dont la CRIIRAD a demandé l'année dernière
la mise en examen. Voilà près de vingt ans que Pierre
Pellerin est régulièrement mis en cause, ce qui
l'a conduit à plusieurs reprises à intenter des
actions en diffamation obtenant le plus souvent gain de cause.
Aujourd'hui, le rapport Genty-Mouthon tend à indiquer que
l'institution qu'il dirigeait n'aurait pas communiqué toutes
les informations dont elle pouvait disposer, voire - plus grave
encore - en aurait fourni des fausses. La fameuse transcription
manuscrite de la réunion au ministère de l'Intérieur
fait état d'un « accord entre SCPRI et IPSN
(Institut de protection et de sûreté nucléaire
qui n'existe désormais plus en tant que tel, ndlr) pour
ne pas sortir de chiffres ».
En fait de première ligne, ne doit-on pas considérer
que Pierre Pellerin a été de ceux qu'on fait monter
au casse-pipe. Qui ? Celles et ceux à qui le responsable
du SCPRI n'aurait pas seulement évité d'avoir à
démissionner ? Mais pourra-t-on faire remonter la chaîne
des responsabilités jusqu'aux ministres alors en place
? « Il n'est pas impossible, estime Roland Desbordes,
que certains hauts fonctionnaires, pour se défendre, cherchent
à se faire couvrir par des hommes politiques de l'époque.
Et là, ça risque de devenir intéressant... »
Peut-être les plaignants vont-ils, au bout de tant d'années,
avoir droit à un début de vérité.
Mais auront-ils pleinement gain de cause ? L'instruction porte
sur des « atteintes involontaires à l'intégrité
physique par manquement délibéré à
une obligation de sécurité ou de prudence ».
Or, si le « manquement délibéré »
semble avéré, reste encore à établir
qu'il a entraîné des atteintes à « l'intégrité
physique ».
Et, quand bien même des responsabilités ou même,
soyons fous, des culpabilités seraient établies
au plus haut, sera-t-il possible de mettre en évidence,
et de façon indiscutable, un lien de causalité entre
les dissimulations, les mensonges des pouvoirs publics et les
pathologies que présentent plusieurs centaines de plaignants
?
En Corse, le juge Bertella-Geffroy a ordonné une expertise
laquelle, confiée à deux médecins, porte
sur treize villages de l'île qui ont connu, au moment du
passage du nuage, de fortes pluies. Elle concernera, plus particulièrement
ceux qui, entre la fin avril 1986 et la fin de l'année,
étaient âgés de moins de 15 ans ou in utero,
pour tenter de mettre en évidence chez eux une augmentation
des maladies de la thyroïde par rapport au reste de la population.
Il y a peu d'espoir que ce travail soit concluant, estiment certaines
personnes proches de l'enquête, en invoquant notamment le
peu de moyen dont dispose la mission, non sans dénoncer
un champ de recherche trop restreint.
Selon Roland Desbordes, toutefois, cette expertise en Corse se
justifie à plus d'un titre : « Outre qu'il n'y
a pas moyen de réaliser ce travail sur toute la France,
il y a encore pas mal de polémiques sur les retombées
de Tchernobyl sur le continent, ce qui n'est plus le cas pour
la Corse. » Par ailleurs, toujours selon le président
de la CRIIRAD, il devrait être plus facile de distinguer
sur l'île deux types de population et de montrer qu'en fonction
de leur lieu de résidence, l'une a été plus
touchée que l'autre. « Si l'on parvient à
faire apparaître une différence très nette
en la matière, cela permettra d'établir une corrélation »
qui, reconnaît-il, ne constituera pas pour autant une « preuve
scientifique à 100 % », mais - déjà
- « pouvoir faire ressortir une corrélation
serait un point positif ».
Elisabeth Milleliri
L'Express, 9/3/2006:
Le nuage radioactif ne s'était pas
«arrêté à la frontière».
Les négligences et manipulations des autorités françaises
pourraient entraîner des mises en examen
Et si, vingt ans après l'explosion de la centrale nucléaire
de Tchernobyl, les centaines de Français victimes présumées
du nuage radioactif voyaient leur combat pour la vérité
enfin récompensé? Ouverte en 2001, l'instruction
judiciaire semble entrer dans sa dernière ligne droite
depuis que la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy a reçu
les conclusions définitives du rapport sur la gestion de
la crise par les autorités publiques. Ce pavé de
1 448 pages, rédigé par Gilbert Mouthon et Paul
Genty, serait «suffisamment accablant» pour entraîner
de premières mises en examen dans ce dossier délicat.
Avant cela, la juge a fixé au 9 mars
la date butoir à laquelle les parties civiles doivent remettre
leurs observations sur ledit rapport. A l'origine de la plainte
contre X pour «empoisonnement et administration de substances
nuisibles» se trouvent en effet deux associations, la Commission
de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité
(Criirad)
et l'Association française des malades de la thyroïde
(AFMT). Selon nos informations, celles-ci devraient se cantonner
à des remarques de forme, voire à des compléments
de détail, et, contrairement à ce qui avait été
envisagé dans un premier temps, ne demanderaient pas de
contre-expertises. Afin de ne pas retarder l'instruction. «Le
travail des experts va au-delà de nos espérances,
explique Bernard Fau, l'avocat de l'AFMT. Il ne parle pas de négligences
mais de manipulations; il pointe les fautes et désigne
les responsables.»
Parce que, dans les premiers jours de la catastrophe, entre le
26 avril et le début du mois de mai 1986, l'Etat a d'abord
minimisé son impact pour ne pas effrayer la population
d'un pays fortement nucléarisé. Et, au fil des jours,
le déni s'est transformé en un fantasme passé
à la postérité, celui d'un nuage qui se serait
gentiment arrêté à nos frontières.
«Les risques de contamination ont toujours été
niés, ainsi que l'irradiation de la population, avec pour
conséquence l'absence de toute prophylaxie et, en particulier,
l'absence d'administration d'iode», est-il écrit
dans le rapport. D'autres mesures, telle l'interdiction de consommer
le lait et les salades, auraient pu être décidées,
comme en Allemagne ou en Italie. Voilà pour les négligences.
«Les experts soulignent aussi la volonté de masquer la réalité», renchérit Thierry Billet, l'avocat de la Criirad. Très vite après le drame, l'étendue de la contamination des sols, dite «en taches de léopard» dans certaines régions du pays - l'Est, les Alpes, la vallée du Rhône, les environs de Nice et surtout la Corse - liée à deux facteurs aggravants (la pluie et l'altitude), était largement connue dans les plus hautes sphères du gouvernement. En témoigne une transcription manuscrite d'une réunion qui s'est tenue au ministère de l'Intérieur le 16 mai 1986, dont la conclusion est sans équivoque: «Nous avons des chiffres qui ne peuvent être diffusés.»
Maquillage des données. Négligences, dissimulations Le rapport d'expertise évoque, enfin, une volonté de maquillage des données. Avec, en ligne de mire, l'autorité chargée de surveiller les retombées radioactives, le Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI) et son directeur, le Pr Pierre Pellerin. Cette institution «n'a visiblement pas restitué toutes les informations (...). (Et) les cartes qui ont été fournies sont inexactes dans plusieurs domaines.» Plutôt que de mettre en exergue les chiffres élevés et dangereux de quelques lieux fortement contaminés, on a choisi la mystification en les diluant dans des projections nationales, «alors qu'il était bien précisé que des valeurs moyennes n'ont aucune signification dans ces cas, ce que le SCPRI ne pouvait ignorer», accusent Mouthon et Genty.
Aussi lourd soit-il, le rapport souffre d'une faiblesse: il ne peut établir un lien de causalité entre les dissimulations des pouvoirs publics et la maladie. Sur ce point, la juge Bertella-Geffroy attend dans les prochaines semaines les résultats d'une expertise sanitaire lancée en Corse. Sans réel espoir qu'elle soit concluante. Dans tous les cas, «l'instruction doit progresser vers de premières mises en examen», estime Roland Desbordes, le président de la Criirad. A défaut de responsables politiques, Pierre Pellerin, héraut inoxydable du nucléaire (il a créé le SCPRI en 1956), pourrait rapidement en faire partie, non pas sous la qualification pénale d' «empoisonnement», mais sous celle, plus large, de «tromperie aggravée». Un symbole fort pour l'une des plus anciennes affaires de santé publique.
Bruno D. Cot
4/1/06 - Une
expertise judiciaire est en cours depuis avril 2005 dans 13 villages
corses où les pluies ont été les plus fortes
au moment du passage du nuage de Tchernobyl en 1986, à
la suite de plaintes de malades de la thyroïde, a-t-on appris
mercredi de sources proches du dossier.
Cette ordonnance d'expertise fait suite à une trentaine
de plaintes de personnes résidant en Corse qui souffrent
d'une pathologie thyroïdienne ayant entraîné
au moins trois mois d'incapacité totale de travail, selon
l'une de ces sources.
L'expertise a été confiée en avril à
deux médecins par la juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy
chargée depuis juillet 2001 de l'enquête française
sur le passage du nuage et saisie à ce jour de quelque
400 plaintes.
Les villages visés par cette expertise judiciaire sont
Ventiseri, Serra-di-Fiumorbo, Quenza, Solaro, Sari-Solenzara,
Prunelli-di-Fiumorbo, Conca, Chisa, Ghisonaccia, Lecci, Zonza,
San-Gavino-di-Fiumorbo, Isolaccio-di-Fiumorbo.
Les experts devront se concentrer plus particulièrement
sur les enfants de moins de 15 ans ou in-utero sur une période
allant de fin avril 1986 -l'accident de la centrale ukrainienne
s'est produit le 26 avril- jusqu'à la fin 1986 pour établir
une augmentation éventuelle des maladies de la thyroïde
par rapport au reste de la population.
Cette nouvelle expertise est liée à un rapport notifié
en décembre aux parties civiles qui soulignait que des
mesures radioactives ont été "occultées"
aux pouvoirs publics par le Service central de protection contre
les rayons ionisants (SCPRI) surtout au détriment des "foetus
et des enfants en bas âge".
Ainsi selon ce rapport, la publication de "valeurs moyennes"
par département a "masqué" la réalité
d'une contamination très localisée à des
zones qualifiées de "tâches de léopard".
Ces régions étaient plus particulièrement
exposées en raison de la pluviosité à l'époque
de l'accident nucléaire et de leur altitude, ce qui est
le cas pour les villages corses concernés par l'expertise.
Voir: "Tchernobyl, autopsie d'un nuage",
un documentaire de 50mn en Realvideo 33Kb.
Lire:
- Tchernobyl : effets sur la santé (en
France)
- Opération pour blanchir définitivement le Professeur
Pellerin et sa "gestion" post-Tchernobyl en 1986.
CRIIRAD
471 avenue Victor HUGO 26000 VALENCE
Renseignements
Roland Desbordes 04 75 05 32 59
CRIIRAD 04 75 41 82 50
Communiqué CRIIRAD
jeudi 15 décembre 2005
Le 1er mars 2001, une plainte contre X était déposée par la CRIIRAD, l'AFMT et 200 plaignants individuels présentant une pathologie de la thyroïde susceptible d'être imputée à leur exposition aux retombées radioactives de Tchernobyl. La plainte est instruite par Mme Marie-Odile Bertella-Geffroy qui a confié aux professeurs Genty et Mouthon une mission d'expertise destinée à : 1/ recenser les résultats d'analyse disponibles lors du passage du nuage radioactif de Tchernobyl, 2/ déterminer comment ces résultats ont été restitués aux autorités décisionnaires et au public et 3/ évaluer les conséquences prévisibles de la contamination.
Mercredi 14 décembre 2005, la CRIIRAD a reçu, par l'intermédiaire de son avocat, maître Thierry BILLET, la notification des conclusions des experts. En complément du rapport d'étape du 16 février 2005, a été versé au dossier un rapport complémentaire, en date du 9 novembre 2005 qui traite notamment de la contamination des sols français par les retombées de Tchernobyl, paramètre clef qui détermine le niveau de contamination des cultures et des produits animaliers (lait, viande).
La CRIIRAD va étudier ce rapport avec attention et remettra ses observations et ses éventuelles demandes d'expertise complémentaire avant le 9 mars 2006 conformément au délai fixé par Madame la Juge d'instruction
Il apparaît d'ores et déjà que les conclusions générales rédigées par les experts confirment largement les accusations portées par la CRIIRAD sur la base des éléments de preuve établies par son laboratoire.
Rappelons en effet que la CRIIRAD a constitué sur cette question un dossier accablant [1] pour les services de l'État (SCPRI). Il démontre notamment la sous-évaluation considérable (de 2 à 3 ordres de grandeur dans toute la moitié Est de la France !) de la quantité de radioactivité retombée sur les sols et susceptible d'intégrer la chaîne alimentaire. On notera en particulier, pendant toute la période de crise, l'occultation de l'incidence de la pluie que les responsables du SCPRI savaient pourtant déterminante (ainsi que l'attestent leurs travaux antérieurs à 1986 sur les retombées des essais nucléaires atmosphériques)
La CRIIRAD va étudier le rapport avec d'autant plus d'attention que les publications relatives à la contamination des sols français continuent d'être censurées par les successeurs du SCPRI (par la DGSNR / ASN notamment) et de faire l'objet d'une intense désinformation (cf. les publications parues sous l'égide de l'Académie de Médecine et de l'Académie des Sciences).
La CRIIRAD rendra publique l'analyse qu'elle transmettra à la Justice.
[1] Cf. Atlas de contamination des sols, éditions Yves
Michel, 2002 et site Internet www.criirad.org page d'accueil, cliquer dans
la colonne de gauche sur « Tchernobyl / France ».
15/12/2005 -
L'expertise qui vient d'être rendue à la justice
montrant que des mesures radioactives ont été "occultées"
par les autorités de contrôle lors du passage du
nuage de Tchernobyl en 1986 au dessus de la France confirme qu'il
y eu "un véritable mensonge d'état", ont
estimé jeudi des associations anti-nucléaires.
Un rapport d'expertise vient d'être rendu à la juge
d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy, chargée de
cette information judiciaire depuis juillet 2001, indiquant que
le Service central de protection contre les rayonnements ionisants
(SCPRI) a eu connaissance de données précises concernant
la contamination radioactive de la France peu après le
passage du nuage. Or, le SCPRI, dirigé par le Pr Pierre
Pellerin, a restitué ces informations aux autorités
et au public de façon incomplète et imprécise,
selon les experts.
Selon le Réseau Sortir du nucléaire, qui revendique
la participation de quelque 720 associations, "il ne faut
pas se focaliser sur le seul Pr Pellerin, bien que sa responsabilité
soit accablante". "C'est un véritable mensonge
d'Etat qui a été mis en oeuvre dans le but de protéger
l'image du nucléaire français, dont la plupart des
centrales venaient à peine d'être mises en service",
ajoute le réseau associatif dans un communiqué.
"Comme dans les pays voisins de la France, il aurait fallu
appeler à ne pas consommer de légumes frais et de
produits laitiers, qui captent le plus la radioactivité,
à ne pas laisser les enfants jouer dans les bacs à
sable, etc.", relève Sortir du nucléaire
"Au lieu de cela, les autorités françaises
ont délibérément menti", selon ces associations,
qui estiment qu'"aujourd'hui encore, le nucléaire
français ne fonctionne que dans l'opacité".
14/12/2005 - Un
rapport d'expertise rendu à la juge chargée de l'enquête
française sur le passage du nuage de Tchernobyl en 1986
au dessus de la France a souligné que des mesures radioactives
ont été "occultées" par les autorités
de contrôle, a-t-on appris mercredi de sources proches du
dossier.
Ce rapport définitif des experts Paul Genty et Gilbert
Mouthon a été notifié en fin de semaine dernière
aux parties par la juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy,
en charge de cette information judiciaire depuis juillet 2001.
Selon ce rapport, le Service central de protection contre les
rayons ionisants (SCPRI) a eu connaissance de données précises
concernant la contamination radioactive de la France peu après
le passage du nuage.
Or le SCPRI a restitué ces informations aux autorités
et au public de façon incomplète et imprécise,
selon les experts.
Selon une source proche du dossier, si les autorités avaient
eu connaissance des informations recueillies par le SCPRI, elles
auraient pu ordonner de façon ciblée des mesures
pour la protection des populations.
Ces mesures auraient fait défaut notamment aux foetus et
enfants en bas âge particulièrement exposés,
toujours selon le rapport d'expertise cité par une source
proche du dossier.
Le Figaro, 13 mai 2005:
France 2 a diffusé hier soir un reportage dans l'émission «Envoyé spécial» qui verse de nouvelles pièces accablantes au dossier de la gestion de la catastrophe de Tchernobyl par les autorités françaises, en 1986.
Il est aujourd'hui bien établi (1) que dans les jours qui ont suivi l'explosion du réacteur ukrainien, le 26 avril 1986, le SCPRI (Service central de protection contre les rayonnements ionisants), dirigé par le Pr Pierre Pellerin, n'a pas rendu publiques toutes les mesures de radioactivité dont il disposait. Le film de Laurence Jourdan et Jean-Charles Chatard va plus loin, documents à l'appui, dans la reconstitution du mensonge par omission auquel ont participé plusieurs services de l'Etat.
Premier exemple : le 7 mai 1986, un courrier de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) adressé à un responsable de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) indique que «des restrictions quant à la consommation immédiate de ce lait peuvent donc demeurer justifiées». La veille, le ministère de l'Agriculture (le ministre est François Guillaume), dans un communiqué, a affirmé que «le territoire est totalement épargné par les retombées des radionucléides». C'est surtout la note du 16 mai émanant du ministère de l'Intérieur (le ministre de l'époque est Charles Pasqua), révélée par les deux journalistes, qui témoigne clairement de la volonté de retenir l'information : «Nous avons des chiffres qui ne peuvent pas être diffusés. (...) Accord entre SCPRI et IPSN pour ne pas sortir de chiffres.»
Le silence organisé sur les mesures gênantes de radioactivité se poursuit pendant plusieurs semaines : en Corse, l'une des régions les plus touchées par les particules radioactives du «nuage», un médecin inquiet, le Dr Fauconnier, envoie au SCPRI des prélèvements de lait de brebis pour analyse. Le 8 juillet 1986, le Pr Pellerin demande au service local chargé de répondre au Dr Fauconnier de communiquer au médecin corse «les résultats des analyses de son lait de brebis des 26 et 27 mai, mais pas les autres». Le Dr Fauconnier les obtiendra quatre mois plus tard. Les auteurs du reportage affirment qu'à l'époque, le SCPRI a constaté que la radioactivité de certains échantillons de lait de brebis en Corse était neuf fois supérieure aux normes européennes de consommation. Dans le Var, le CEA a constaté des valeurs quatre fois supérieures aux normes.
Ces nouveaux éléments ainsi que
certains témoignages inédits, d'anciens de l'IPSN
et du CEA, ne feront pas progresser la démonstration d'un
lien éventuel entre la contamination radioactive due à
Tchernobyl et les cancers de la thyroïde. En l'absence de
véritables études épidémiologiques,
ce lien est quasiment impossible à établir scientifiquement.
En revanche, les révélations du film intéressent
forcément les quelque 500 malades qui ont porté
plainte contre X en 2000. Et si ces pièces ne figurent
pas déjà au dossier d'instruction, elles ne devraient
pas laisser indifférent le juge Marie-Odile Bertella Geffroy,
en charge du dossier.
(1) Voir notamment nos éditions du 26 avril 2005.
Fabrice Nodé-Langlois
BASTIA, 12 mai 2005 - Le conseil général PRG de Haute-Corse a réclamé jeudi un suivi médical des populations exposées au nuage de Tchernobyl en 1986, après avoir entendu un exposé sur la manière dont l'Etat aurait volontairement sous-évalué les taux de contamination en France, en Corse en particulier.
Cet exposé avait été fait par Roland Desbordes, président de la CRIIRAD, laboratoire privé créé après l'accident de la centrale ukrainienne du 26 avril M. Desbordes a notamment assuré que, "notamment en Corse, les retombées du nuage n'ont pas été prises en compte" et qu'en France, "des scientifiques ont été censurés" par un "gouvernement qui a menti".
Il a également déploré qu'aucune collectivité territoriale ne se soit portée partie civile pour "soutenir les populations qui ont porté plainte". "Aujourd'hui, les contaminations sont établies", estime le conseil général dans une délibération votée jeudi après cet exposé, et "on ne peut que conclure à un mensonge délibéré de ceux qui avaient mission de collecter les information" et de "protéger" les populations.
Ce texte "réclame avec vigueur" notamment "un suivi médical des populations les plus exposées" et "un registre des cancers" de la thyroïde dans le département. S'agissant d'éventuelles constitutions de parties civiles de collectivités locales, le président du conseil général, le député PRG Paul Giacobbi, a expliqué, qu'après avoir consulté des juristes, il lui paraissait difficile de le faire car le conseil général n'est pas, en tant que personne morale, victime d'un préjudice directement lié à Tchernobyl.
"Le conseil général décide d'explorer de nouveau les possibilités de conduire une action en justice", conclut toutefois le texte de la délibération. Une expertise remise récemment à la juge parisienne en charge de l'information judiciaire ouverte en juillet 2001 pour "violences involontaires", Marie-Odile Bertella-Geffroy, établit que le Service central de protection contre les rayons ionisants (SCPRI) avait eu à l'époque connaissance de valeurs de radioactivité parfois très élevées, mais avait fourni des cartes de relevés inexactes.
Plus de 400 personnes, dont une centaine en
Corse, ont porté plainte contre ce "mensonge d'Etat"
selon la CRIIRAD, partie civile, et leurs associations de défense.
Le Monde, 26/4/2005:
Bastia de notre correspondant
Le docteur Denis Fauconnier a eu "la puce à l'oreille" grâce à ses patients. Début mai 1986, ce médecin exerçant dans un petit village de Balagne, au nord-ouest de la Corse, a reçu la visite de clients qui rentraient d'un séjour sur l'île toscane d'Elbe, toute proche. En guise de souvenir de vacances, ceux-ci lui ont présenté une coupure de presse parue dans un journal local. L'article révélait qu'à la suite de la catastrophe de Tchernobyl, survenue dix jours plus tôt, le personnel d'une base de l'armée américaine située près de Pise, en Italie, avait été consigné dans ses quartiers.
"J'avais déjà entendu à la radio qu'une augmentation de la radioactivité avait été constatée aux environs de la Principauté de Monaco, se souvient M. Fauconnier. Lorsque mes patients ont ajouté qu'ils n'avaient pu trouver un seul légume frais sur l'île d'Elbe, j'ai compris que des mesures de protection avaient été prises parce que l'Italie était touchée par le nuage radioactif." Avant d'en déduire que si Monaco et l'Italie avaient été atteints, la Corse, voisine, l'avait été certainement.
Le nuage radioactif a plané une semaine au-dessus du relief à partir du 3 mai 1986. Des documents saisis par la justice, il ressort que le Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI) avait relevé, sur des échantillons de lait de brebis en Corse, des taux de radioactivité de 4 500 à 5 000 becquerels par litre, soit dix fois supérieur à la limite fixée, le 7 mai, par le ministère de la santé.
"AUCUN DANGER, AUCUN RETRAIT"
Les autorités sanitaires françaises, toutefois,
ne se sont pas alarmées. En juillet 1986, alors que des
analyses menées sur du foin attestaient une contamination
importante, une conseillère technique du ministère
de la santé assurait qu'il n'y avait "pas de protection
à prendre dans le domaine sanitaire" en Corse. "Aucun
danger, donc aucun retrait de consommation" pour les produits
frais, assurait toujours la direction des services vétérinaires
cinq ans plus tard. Entre-temps, l'île avait déjà
cessé de compter ses malades de la thyroïde.
Officiellement, l'augmentation de ces pathologies, fréquemment observées en cas d'exposition à une forte radioactivité, est due à de meilleures méthodes de dépistage. "Dans ce cas, pourquoi mes confrères du continent affirment-ils voir rarement de tels cas alors que dans mon cabinet, 7 patients sur 10 consultent pour des thyroïdites ?", se demande Laurence Gabrielli, endocrinologue à Bastia. Un constat empirique que confirme l'étude réalisée par un médecin insulaire, de 1997 à 2002 : avec 36 à 60 cancers de la thyroïde par an, la Corse connaîtrait une incidence de 13,8 à 23 cas pour 100 000 habitants, contre 4,5 cas en moyenne sur le continent.
Pour le docteur Gabrielli, "les chiffres importent peu" au regard de la cartographie de la radioactivité résiduelle, très révélatrice, selon elle. "J'appelle cela le triangle d'or, explique le médecin. Une zone située au sud de Bastia où les endroits les plus fortement contaminés sont également ceux où habitent mes patients atteints de pathologies thyroïdiennes."
L'étude épidémiologique prévue depuis 1986 n'a toujours pas vu le jour. "Lors de la mise en place, très tardive, de la Conférence régionale de la santé en 1996, nous avons demandé que cette enquête soit enfin menée, s'emporte Michèle Salotti, de l'association de défense de l'environnement U Levante. Puis nous avons réitéré cette demande les années suivantes. Sans jamais obtenir de réponse."
Antoine Albertini
L'Alsace, 26/4/2005:
«Une énorme truanderie scientifique». Ou encore: «La France, pays du mensonge triomphant». André Paris n'a pas l'habitude de mâcher ses mots. Cet homme en colère est le conseiller scientifique de l'Association française des malades de la thyroïde, qui impute l'augmentation de ces cancers à la radioactivité issue de la centrale de Tchernobyl. L'accident a exactement dix-neuf ans ce mardi 26 avril. Mais «la catastrophe, c'est aujourd'hui, c'est un arbre qui pousse», accuse l'association alsacienne Les Enfants de Tchernobyl, alors que le très autoritaire régime au pouvoir au Bélarus et certains organismes scientifiques français font tout pour accréditer l'idée du «Circulez, il n'y a rien à voir».
Mensonge d'Etat
Un langage déjà en vogue en 1986, quand le professeur
Pierre Pellerin, alors directeur du Service
central de protection contre les rayonnements ionisants (l'ex-SCPRI),
prétendait qu'il n'y avait en France «aucune élévation
significative de la radioactivité» et donc «aucune
raison de mettre en oeuvre des mesures sanitaires spéciales».
Mensonge d'Etat, dénoncent Les Enfants deTchernobyl et
André Paris. Ils l'ont redit hier à Mulhouse, lors
d'une conférence de presse. Aujourd'hui encore, plusieurs
millions d'Ukrainiens et de Bélarusses habitent sur des
territoires touchés par le nuage de Tchernobyl. «On
a trouvé des contaminations gigantesques», indique
Thierry Meyer, président de l'association humanitaire.
Les mesures de radioactivité réalisées par
une délégation alsacienne de l'association, l'an
dernier, ont en effet indiqué des valeurs de plus d'un
million de becquerels par mètre carré (Bq/m")
de césium 137 sur des aires de jeux et jusqu'à 11
millions dans des bois riches en baies et champignons normalement
interdits à la cueillette.
Des contaminations «gigantesques»
Dans un numéro hors série de leur revue Le Dniepr
(du nom du fleuve qui traverse le Bélarus et l'Ukraine),
consacré aux villages contaminés, Les Enfants de
Tchernobyl évoquent les mesures de radioprotection qu'il
faudrait mettre en oeuvre dans ces régions sinistrées.
Mais c'est pour déplorer aussitôt que dans ces zones
rurales, les conditions de vie ne permettent pas d'y avoir recours.
«On a le choix entre mourir de la radioactivité et
mourir de faim. Que voulez-vous qu'on fasse?», témoignent
des habitants rencontrés par les Alsaciens. Ceux-ci les
aident comme ils peuvent. Ils ont ainsi, depuis quelques années,
permis à plusieurs milliers d'entre eux de bénéficier
de cures de pectine. Pris dans un piège, beaucoup disent
leur absence d'espoir en l'avenir. «Cette fois-ci, soulignent
Thierry Meyer et les membres de la délégation, revenus
choqués, nous nous sommes donné les moyens de déterminer
les niveaux de contamination et de le faire savoir». Parmi
les destinataires du numéro spécial du Dniepr, diffusé
gratuitement: le président de la République Jacques
Chirac et les membres du gouvernement. Ce soir, à 17h,
un rassemblement «statique et silencieux» a lieu place
de la Réunion à Mulhouse.
Lucien Naegelen
Le Figaro, 26/4/2005:
Catastrophe Dix-neuf ans après l'accident, le responsable suisse de la radioprotection à l'époque estime que la crise a été mal gérée en France
Dix-neuf ans après l'accident de la centrale de Tchernobyl (Ukraine), la polémique sur la gestion de cette catastrophe par les pouvoirs publics français reste toujours aussi vive. Une situation unique en Europe. Selon le dernier Baromètre IRSN (1), les Français font de moins en moins confiance aux autorités pour leur dire la vérité sur les conséquences des retombées de Tchernobyl : ils sont passés de 49% en 1999 à 32% en 2004.
Une association de malades de la thyroïde et la Criirad, un laboratoire indépendant, ont porté plainte contre X en 2001 pour empoisonnement. L'association accuse les pouvoirs publics de ne pas avoir pris les mesures adéquates pour protéger la santé des populations. Elle a demandé récemment la mise en examen du Pr Pellerin qui dirigeait à l'époque le SCPRI (Service central de protection contre les rayonnements ionisants). C'est lui qui avait à l'époque entre ses mains le pouvoir d'autorité, d'expertise et de communication sur tout ce qui concernait la radioprotection en France.
Agé aujourd'hui de 82 ans, il a toujours refusé de répondre aux questions des journalistes. Il a le sentiment d'être victime d'un complot. Il assure n'avoir jamais dit que le nuage s'était arrêté à la frontière et gagne tous les procès contre ceux qui lui attribuent publiquement ces propos. À défaut de pouvoir revenir avec lui sur sa gestion de la crise, nous avons recueilli le témoignage de Serge Prêtre qui, en Suisse, était responsable de la radioprotection dans les centrales nucléaires. Un témoignage sans concessions.
LE FIGARO. - Au moment de l'accident de Tchernobyl vous étiez responsable de la sûreté nucléaire suisse. Comment avez-vous vécu cet événement ?
Serge PRÊTRE. - L'explosion du bloc 4 de la centrale de Tchernobyl a eu lieu dans la nuit du vendredi 25 au samedi 26. Ce n'est que lundi soir que les médias annoncent une augmentation anormale de la radioactivité en Suède et en Finlande. Certaines agences de presse avancent qu'il pourrait s'agir d'un accident nucléaire grave en Ukraine. À ce moment-là, c'est encore un fait divers très peu remarqué. Mardi 29, alors que je suis en réunion à Berne, un journaliste de la Radio Suisse Romande veut absolument me parler. Il est très excité et souhaite ma présence au studio pour le bulletin d'informations de 12 h 30. Je lui demande de rassembler un maximum d'informations et me pointe au studio. Je dis alors que si on a pu mesurer la radioactivité de l'air en Suède et en Finlande, à une distance de 1 000 km du lieu présumé de l'accident, c'est que l'accident doit être grave. Je précise aussi que, même si les conséquences radiologiques sont sévères pour les populations locales et régionales, elles ne peuvent être alarmantes à une distance de l'ordre de 1 600 km. Au journal télévisé du soir, on se demande si le nuage radioactif touchera la Suisse ou pas. Le lendemain mercredi 30, dans toute l'Europe centrale, les appareils de surveillance de la radioactivité commencent à réagir. Le jeudi 1er mai, les premières masses d'air contaminé sont présentes un peu partout en Europe. Le coeur du réacteur endommagé était à ciel ouvert et son graphite a brûlé pendant dix jours. Les rejets massifs de substances radioactives ont donc duré jusqu'au 5 mai. Pendant ce temps, la situation météorologique changea plusieurs fois et les masses d'air contaminées se sont donc promenées sur toute l'Europe en n'épargnant que l'Espagne, le Portugal et l'Islande.
Quelles ont été les réactions
en Europe ?
L'événement a fait la une des journaux allemands,
autrichiens et suisses en particulier, mais on a l'impression
que les médias français l'ont sous-estimé.
À l'inverse, dans certaines régions alémaniques,
les réactions ont été tellement fortes qu'on
a pu parler d'hystérie.
Quelles mesures de protection ont été
prises ?
En Suisse, nous avons estimé que la situation n'était
pas suffisamment dangereuse pour édicter des interdictions
et n'avons donné que des recommandations. Au nord de Bâle,
là où les trois pays (France, Allemagne et Suisse)
se touchent, on a assisté à des situations tellement
différentes que, rétrospectivement, ça a
un côté tragi-comique. Le meilleur exemple est celui
des épinards frais. En Allemagne, les autorités
du Bade-Wurtemberg ont exigé la destruction des champs
d'épinard par labour. En Suisse, nous avons recommandé
de bien laver les épinards frais. Du coup, plus personne
en Suisse ne consomma d'épinards frais. En France, la Préfecture
du Haut-Rhin ignorait le problème, et les médias
aussi. Donc il n'y avait pas de problème.
Vous avez vu de près la façon
dont ça se passait en France en participant à l'émission
télévisée de Michel Polac «Droit de
réponse» le samedi 31 mai 1986. Qu'en avez-vous retenu
?
Les médias français ont découvert que le
nuage radioactif était passé sur la France vers
la mi-mai. Pas avant. Le nuage de Tchernobyl était donc
devenu le thème de l'émission de Polac. Quelques
jours avant, il me téléphone pour m'inviter à
son émission. Il me demande de décrire ce que nous
avons fait en Suisse, mais je me doutais bien que la question
principale de Polac serait : «Pourquoi est-ce qu'en France
on n'a rien entrepris ?» Pour me préparer, je me
mis à rassembler les données radiologiques : degré
de contamination de l'air pendant le passage du nuage, débit
de dose de radiations ionisantes mesuré à 1 mètre
sur sol et degré de contamination du sol en césium
137. Je voulais comparer nos mesures en Suisse avec celles enregistrées
en Allemagne, en Autriche, en Suède, etc. Mais je me suis
aperçu alors que du côté de la France, il
y avait un black-out de l'information.
Qu'entendez-vous par là ?
J'avais obtenu quelques données auprès d'une collègue
de l'IPSN (Institut de protection et de sûreté nucléaire)
mais ça ne me suffisait pas pour me faire une idée
sur la situation en France. Le SCPRI était la plaque tournante
de l'information radiologique en France. Il disposait de sondes
réparties autour de toutes les centrales nucléaires
et analysait quotidiennement les salades et autres produits maraîchers
provenant de ces zones. Mais le SCPRI était avare de communication.
Ses communiqués de presse étaient laconiques, tranquillisants
et donnaient des valeurs moyennes sans aucune indication géographique.
Pour le SCPRI, toutes les valeurs de mesure inférieures
à un seuil placé étonnamment haut, étaient
qualifiées de «non significatives». L'information
donnée par le SCPRI était donc inexploitable.
Comment avez-vous réagi en découvrant
cette situation ?
Pour un scientifique qui cherche des informations, c'est frustrant
de savoir qu'elles existent, mais qu'on n'y a pas accès.
Ça m'a choqué et irrité. J'ai essayé
plusieurs fois de téléphoner au SCPRI, mais je n'ai
obtenu que des réponses évasives et M. Pellerin
n'était pas joignable. Tout se passait comme si, par décision
de principe, les informations sur la radioactivité ambiante
ne seraient divulguées que sous forme interprétée.
Ceci dit, le jugement scientifique du Pr Pellerin était
correct et fut confirmé par la suite. La dose due au passage
du fameux nuage fut nettement inférieure à la dose
annuelle due au radon (naturel) dans les habitations ou à
la dose due à une radiographie du thorax. Peut-être
que le Pr Pellerin a pris consciemment le risque de faire une
rétention d'information pour ne pas alarmer l'opinion publique
française et éviter les réactions hystériques
comme celles qui se sont développées en Allemagne.
Dans un premier temps, la stratégie a réussi. À
long terme, par contre, le boomerang n'en finit pas de revenir.
Avant l'émission de Polac, vous deviez
être bien embarrassé de ne trouver aucune donnée.
Comment avez-vous fait alors ?
J'étais effectivement très soucieux, mais j'ai eu
un coup de chance. En feuilletant des revues dans un kiosque à
Paris, je tombe sur le dernier numéro de Science et Vie
qui venait de paraître. Il y avait là les données
provenant des centres de recherche du CEA (Commissariat à
l'énergie atomique). C'était suffisant pour m'en
sortir. Dans l'ensemble, la contamination en France était
environ 3 à 10 fois moins sérieuse qu'en Suisse.
On sait aujourd'hui que les dépôts
radioactifs ont varié en fonction des pluies. On peut donc
se demander si l'absence de toute recommandation comme cela a
été fait en France n'a pas été une
erreur.
Même si les masses d'air étaient uniformément
contaminées, c'est vrai qu'on observait des «points
chauds», c'est-à-dire des petites régions
jusqu'à cinq fois plus radioactives que la contamination
moyenne aux alentours. Si on voulait savoir où les légumes
frais et le lait étaient fortement contaminés, il
fallait demander aux météorologues où il
avait intensément plu entre le 1er mai et le 8 mai. En
France, il y a eu des points chauds locaux en Alsace-Lorraine,
Rhône-Alpes et Corse. Cela montre bien que prendre ou ne
pas prendre des contre-mesures uniquement sur la base des valeurs
moyennes de contamination et de débit de dose est une procédure
insatisfaisante, car elle ne protège pas de façon
optimale des populations locales plus fortement touchées.
En Suisse, le point le plus «chaud» fut la région
de Lugano qui fut arrosée de pluies diluviennes lors du
passage du second nuage, le 3 mai. La contamination du lac conduisit
à une lente montée de la teneur en césium
137 dans le poisson. En septembre, il a fallu interdire de pêcher
dans le lac du Lugano. Ce fut la seule interdiction édictée.
Elle est restée en vigueur pendant deux ans. Notons en
passant, qu'on pouvait librement pêcher dans la partie italienne
du lac !
Dans votre analyse de la situation française,
vous vous montrez critique vis-à-vis de la presse.
Les médias français se sont réveillés
très tard. Ils ont cherché un coupable : le Pr Pellerin.
C'est alors qu'on a prétendu qu'il aurait dit que le nuage
de Tchernobyl s'était arrêté à la frontière
française. C'est un mauvais argument. La question reste
néanmoins posée : pourquoi l'ensemble des journalistes
français se sont-ils laissé museler par la rétention
d'information du SCPRI ? Il aurait été facile de
se procurer un compteur Geiger-Müller, de cueillir quelques
salades, d'apporter le tout sur le plateau télévisé
et de faire crépiter le compteur Geiger-Müller. Je
vous assure qu'une action de ce genre aurait débloqué
les données disponibles au SCPRI.
(1) Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (nos éditions du 22avril 2005).
Yves Miserey
Le Figaro, 26/4/2005:
Les cartes des retombées au coeur de la polémique
En février 2002, le gouvernement Jospin
a créé un groupe de travail afin de dresser une
nouvelle cartographie de la contamination du territoire français
par les retombées de Tchernobyl.
La mission de ce groupe dirigé par André Aurengo,
médecin spécialiste de la thyroïde, a été
confirmée par le gouvernement Raffarin en août 2002.
Le groupe devait remettre sa copie sous six mois. Trois ans plus
tard, on attend encore.
La polémique sur les cartes n'est pas nouvelle. Celles
dressées en 1986 par le SCPRI avaient déjà
fait l'objet de critiques.
Mais c'est la carte de France figurant dans l'atlas européen
de 1998 qui a ravivé le conflit. D'abord parce qu'elle
minimise les dépôts dans les régions les plus
touchées comme la Corse ou l'est de la France. Et aussi
parce que l'OPRI (Office de protection contre les rayonnements
ionisants), successeur du SCPRI, n'a transmis aux experts européens
que 35 mesures pour tout le territoire national. Un chiffre ridiculement
bas comparé à l'Italie (436 mesures), la Tchécoslovaquie
(776) ou l'Autriche (1 780)...
Un autre élément, plus souterrain, a aussi attisé
les conflits autour des cartes. À partir de 1997, en effet,
l'Institut de protection et de sûreté nucléaire
(l'autre expert public placé pendant longtemps sous la
férule du SCPRI et rattaché au CEA) a publié
à son tour de nouvelles cartes de contamination.
Cette initiative été perçue comme une menace
par les défenseurs du Pr Pellerin qui auraient préféré
que la problématique de Tchernobyl soit définitivement
close.
André Aurengo étant un proche du Pr Pellerin, on
comprend pourquoi, en 2003, il a dénoncé avec une
extrême virulence la carte de contamination publiée
à l'occasion du 17e anniversaire de Tchernobyl par l'IRSN
(le nouvel organisme public d'expertise né en 2002 de la
fusion entre l'IPSN et l'Opri).
En effet, cette carte montre des taches de contamination sur la
Corse et l'est de la France. Elle est finalement plus proche de
l'atlas publié en février 2002 par la Criirad, le laboratoire indépendant
qui dénonce depuis toujours la gestion du Pr Pellerin,
que de l'atlas européen.
L'expertise publique sur les retombées de Tchernobyl est
donc minée par de multiples
conflits de pouvoir. Devenu membre du conseil scientifique
de l'IRSN, André Aurengo dresse maintenant la carte de
contamination avec les experts de l'organisme dont il a critiqué
les compétences scientifiques il y peu...
Yves Miserey
TOULOUSE (13/04/2005) - La Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité (CRII-Rad), l'Association française des malades de la thyroïde (AFMT) et plusieurs malades atteints d'un cancer de la thyroïde ont de nouveau affiché mercredi à Toulouse leur volonté d'aller jusqu'au bout de la procédure judiciaire.
C'est dans ce sens, qu'ils vont adresser le 30 juin prochain une série de conclusions à la juge d'instruction parisienne, Marie-Odile Bertella-Geoffroy, qui enquête sur une éventuelle corrélation entre le passage d'un nuage radioactif sur la France après l'accident dans la centrale ukrainienne et une augmentation des cancers dans le pays.
Animés d'une inébranlable volonté de démontrer que ce lien existe, les différents intervenants vont notamment demander à la magistrate de procéder à la mise en examen du Pr Pierre Pellerin, en sa qualité d'ancien directeur du Service central de protection contre les radiations ionisantes (SCPRI).
Les plaignants soupçonnent ses services d'avoir dissimulé des informations au grand public. Quatre ans après avoir déposé une première plainte contre X, le 1er mars 2001, l'AFMT et plus de 300 malades, aujourd'hui rejoints par la CRII-Rad, ont ainsi annoncé leur volonté de «poursuivre la lutte contre l'énorme mensonge ainsi que l'omerta politique médicale et scientifique encore en vigueur quand on évoque cette catastrophe».
Tous reprochent au Pr Pellerin d'avoir sous évalué «de plusieurs ordres de grandeur» le niveau réel des retombées radioactives, ainsi que de «ne pas avoir respecté les recommandations destinées à limiter l'incorporation des aliments contaminés» et enfin «pour ne pas avoir pris en compte la spécificité des enfants et de leur assurer ainsi la protection à laquelle ils avaient droit».
«C'est une honte pour notre pays que de ne pas vouloir reconnaître les graves erreurs commises dès le mois suivant l'explosion du quatrième réacteur de Tchernobyl en avril 1986», a déclaré Roland Desbordes, président de la CRII-Rad. Michèle Rivasi, fondatrice de la CRII-Rad, s'est elle offusquée de l' "omerta politique", mettant en cause «la complicité des responsables politiques de l'époque, à savoir le président de la République François Mitterrand ainsi que son Premier ministre Jacques Chirac».
Outre la mise en examen du Pr Pellerin, les plaignants réclament une étude épidémiologique sur la Corse, région où l'exposition de la population aux retombées de Tchernobyl a été particulièrement élevée. «Nous avons aujourd'hui assez d'éléments pour aller en correctionnelle», a affirmé Roland Desbordes qui ne «craint pas à un étouffement de cette affaire car aujourd'hui, tout est allé trop loin». Michèle Rivasi a ajouté que les plaignants espèrent que les mises en examen seront prononcées "dès la fin de l'annie 2005".
Mme Bertella-Geoffroy est saisie depuis juillet 2001 d'une information judiciaire pour «violences volontaires» et «atteintes involontaires à l'intégrité physique». Aucune mise en examen n'est intervenue pour l'instant dans le dossier. Lors de l'ouverture de l'information judiciaire, le parquet de Paris n'a pas retenu les qualifications criminelles que sont l' "empoisonnement" ou l' "administration de substances nuisibles".
Libération, 29 mars 2005:
Dix-neuf ans après l'explosion de la centrale de Tchernobyl, deux experts indépendants ont rendu la semaine dernière les conclusions préliminaires d'un rapport sur la gestion de la catastrophe par les autorités françaises. D'après eux, les autorités n'ont pas transmis tous les éléments dont elles disposaient. Et quand elles les ont transmis, elles les ont d'abord maquillés. Par exemple, le Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI) a eu connaissance de valeurs de radioactivité parfois très élevées après le passage du nuage radioactif sur le pays en avril et mai 1986, et les cartes de relevés qu'il a fournies étaient inexactes.
Impact. S'il est accablant, le rapport ne fait pas vraiment office de scoop, car on sait depuis longtemps que les autorités françaises ont minimisé la catastrophe et son impact pour ne pas effrayer la population d'un pays extrêmement nucléarisé. «Même si nous n'avons pas encore les conclusions finales du rapport, l'expertise démontre l'ampleur de la dissimulation, du maquillage d'informations fait par le gouvernement de l'époque afin de dissimuler à la population la dangerosité de la radioactivité et les conséquences sur la santé publique», affirme Me Ludot, avocat de certains malades de la thyroïde. Il demande dès à présent la mise en place d'un fonds d'indemnisation pour les victimes, estimant que la responsabilité politique est établie. «On n'attend ni un sursaut de morale, ni un aveu des politiques et de ceux qui ont géré l'après-catastrophe.»
Le rapport s'inscrit dans une instruction judiciaire entamée en mars 2001, quand l'Association française des malades de la thyroïde, 51 malades et la Commission de recherches et d'informations indépendantes sur la radio- activité (Criirad), au total près de 500 plaignants, ont déposé une plainte contre X pour défaut de protection des populations contre les retombées radioactives de l'accident. Pour ces parties civiles, les services officiels français ont menti et sous-évalué les contaminations des sols, de l'air et des aliments. En dissimulant des mesures capitales, ils ont failli à protéger la santé de la population française.
Les deux experts, Paul Genty et Gilbert Mouthon, ont épluché un à un les documents saisis en novembre 2001 dans différents ministères et organismes impliqués dans la prévention du risque nucléaire par la juge en charge du dossier, Marie-Odile Bertella-Geffroy. «Dans ces documents, il y a tout et n'importe quoi», signale Roland Desbordes, directeur de la Criirad. «En tout cas beaucoup de choses sans intérêt si l'expertise doit répondre aux questions suivantes : les services de l'Etat disposaient-ils des bonnes informations ? Et ont-ils transmis ces informations aux populations ?» A l'époque, beaucoup de mesures ont été effectuées. Par les centrales d'EDF, mais aussi par les industriels inquiets pour leurs installations.
Valeurs. Malgré tout, il existe peu de valeurs sur la contamination des sols, de la végétation et des aliments. Cette lacune est à l'origine de la naissance de la Criirad qui organise, dès 1986, un réseau de mesures radiologiques indépendant. Dès le début, elle relève des valeurs de radioactivité nettement supérieures à celles des autorités de contrôle. Et, en 2001, elle publie ses propres cartes. Aujourd'hui, l'association attend de recevoir les conclusions des experts pour se prononcer sur le fond. «Contrairement à Me Ludot qui s'agite dans tous les sens, nous ne pouvons pas faire de commentaires car nous souhaitons faire une étude critique de ce rapport que nous n'avons toujours pas reçu. Les arguments des experts doivent être inattaquables.» Aucun doute que des contre-expertises seront exigées.
Laure NOUALHAT
Libération, 29 mars 2005:
Si les malades français de la thyroïde se battent si fort pour mettre en lumière la duplicité des autorités, c'est qu'ils attribuent sans hésiter un lien de causalité entre le nuage de Tchernobyl et leur maladie. Or, ce lien de causalité ne fait pas l'unanimité chez les officiels de la sûreté nucléaire. Si bien que la juge Bertella-Geffroy a demandé une étude épidémiologique en Corse, où de nombreux cas ont été recensés, pour savoir si ce phénomène est lié à Tchernobyl.
Dix-neuf ans après, le bilan officiel retenu par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) se limite, tous pays confondus, à 32 morts et 2 000 cancers, non mortels, de la thyroïde, qui ont touché principalement des enfants (estimations de 1996). Si ce n'était pas si grave, ce serait risible. Depuis dix-neuf ans, les experts s'affrontent pour établir un bilan réaliste de l'accident. Les années passant, il se situerait entre 40 000 et 560 000 morts selon les estimations. Une sacrée fourchette.
Les populations touchées par la catastrophe se classent selon les niveaux et les durées d'exposition aux radiations. Le premier groupe le plus violemment exposé fut le personnel de la centrale et les équipes de secours intervenues les premières heures suivant l'explosion. Peu ont survécu. Ensuite, les 600 000 «liquidateurs» qui se sont chargés de la construction du sarcophage et du nettoyage des zones fortement contaminées. Ceux-là ont reçu des doses variables selon la durée de leur intervention et sa proximité avec le coeur du réacteur. Quelque 15 000 seraient déjà morts et plus de 50 000 invalides. On compte également 115 000 habitants évacués de la zone des 30 kilomètres entourant la centrale, notamment les habitants de la ville de Pripiat, distante de 2 kilomètres, dont on sait peu de chose.
Ensuite, viennent les populations qui vivent dans les territoires contaminés depuis toutes ces années. Environ 4 millions de personnes ! Pour finir, il faut prendre en compte les populations des pays survolés par le nuage, dont l'Allemagne, l'Autriche, la Norvège et... la France.
Laure NOUALHAT
NouvelObs, 29/3/05:
L'avocat Emmanuel Ludot a demandé dimanche
27 mars sur RTL la mise en place urgente d'un fonds d'indemnisation
pour les victimes françaises de la catastrophe de Tchernobyl,
estimant que la responsabilité politique était établie
dans cette affaire. "Les projecteurs sont sur la responsabilité
politique, elle est établie", a déclaré
Me Ludot, quelques jours après la remise à la justice
d'un rapport d'experts estimant que les autorités de contrôle
n'avaient pas tout dit après le passage du nuage de Tchernobyl
en France, en 1986.
Maquillage d'informations
Cette expertise "démontre l'ampleur de la dissimulation,
du maquillage d'informations fait par le gouvernement de l'époque
afin de dissimuler à la population la dangerosité
de la radioactivité et les conséquences sur la santé
publique", a dit l'avocat. "Il faut maintenant que l'Etat
indemnise", a-t-il poursuivi, réclamant la "mise
en place urgente d'un fonds d'indemnisation comme pour tous les
scandales de santé publique qu'on a pu connaître
ces dernières années".
Tf1, le 28 mars 2005:
Presque 20 ans après la catastrophe de Tchernobyl, une nouvelle expertise accrédite la thèse d'une dissimulation, par les autorités, d'informations sur le passage du nuage issu de l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, en 1986.
Le nuage de Tchernobyl ne s'est pas arrêté aux frontières de l'hexagone, les autorités françaises ont menti. C'est ce qu'affirme un nouveau rapport d'experts remis récemment à Marie-Odile Bertella-Geffroy, la juge chargée de l'enquête sur le passage en France entre le 30 avril et le 5 mai 1986, du nuage issu de l'explosion de la centrale nucléaire, en Ukraine.
L'expertise accrédite la thèse d'une dissimulation, par les autorités, du véritable danger de cette masse. A l'époque, les autorités expliquaient, cartes à l'appui, que le nuage radioactif s'était arrêté aux frontières françaises grâce à un anticyclone. Et donc, qu'il n'y avait pas de risque pour la santé des Français.
Une radioactivité plus élevée
Selon les experts, le physicien nucléaire Paul Genty et Gilbert Mouthon, les autorités auraient notamment minimisé l'ampleur des mesures effectuées. Sur la base de documents saisis lors de perquisitions dans des ministères et organismes impliqués dans la prévention du risque nucléaire, ils ont constaté que les mesures de radioactivité effectuées à l'époque par les autorités françaises, EDF, la Cogema ou la gendarmerie étaient beaucoup plus élevées que celles diffusées à la presse et à l'opinion publique.
Cette nouvelle expertise est la première confirmation officielle d'une thèse défendue dès l'époque des faits par les écologistes et des scientifiques indépendants. Ils avaient souligné le décalage entre les déclaration rassurantes des autorités et les mesures d'urgences prises dans les autres pays. En Allemagne, par exemple, la consommation de produits frais avait été interdite au moment du passage du nuage.
Cancers de la thyroïde
La juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy avait été saisie en juillet 2002 d'une information judiciaire contre X pour "atteintes involontaires à l'intégrité physique par manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence". Cette procédure faisait suite à des plaintes de plusieurs centaines de personnes souffrant de cancers ou d'affections de la thyroïde qu'elles imputent au passage du nuage.
L'avocat Emmanuel Ludot a demandé dimanche sur RTL la mise en place urgente d'un fonds d'indemnisation pour les victimes françaises de la catastrophe de Tchernobyl, estimant que la responsabilité politique était établie dans cette affaire.
CRIIRAD
471 avenue Victor HUGO
26000 VALENCE
France
Tél : + 33 (0)4 75 41 82 50
Fax : + 33 (0)4 75 81 26 48
contact@criirad.org
28 mars 2005 - Plusieurs centaines de malades, l'Association Française des Malades de la Thyroïde (AFMT) et la Commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité (CRIIRAD) ont déposé plainte contre X, le 1e mars 2001, pour défaut de protection des populations contre les retombées radioactives de l'accident de Tchernobyl.
L'instruction, conduite par Mme la juge BERTELLA-GEFFROY, a donné lieu à de nombreuses perquisitions et à la nomination de deux experts M. Paul GENTY et le Pr Gilbert MOUTHON.
Un premier rapport d'expertise (rapport d'étape daté du 16 février 2005) vient d'être transmis à la juge qui l'a adressé aux parties civiles.
La CRIIRAD en fera une étude détaillée et présentera ses conclusions le mercredi 13 avril, à Toulouse, au cours d'une conférence de presse commune avec l'AFMT.
Le dossier que la CRIIRAD a transmis à la justice et dont les experts juridiques devaient vérifier la validité, démontrait :
1/ la sous-évaluation considérable des niveaux de contamination (les cartes publiées les 7 et 15 mai 86 sous-estiùmaient, d'un facteur 100 à 1 000 et plus, les dépôts de radioactivité sur toute la moitié est de la France)
2/ la violation des différents textes réglementaires sensés protéger les personnes en limitant l'ingestion des aliments les plus contaminés (recommandation européenne du 6 mai 86, règlement européen du 31 mai 86, décret français du 6 juin 66, limites EURATOM de 1980 et 1984 différenciés pour les enfants).
Si la justice corrobore ces accusations, cela constituera une étape extrêmement importante. En effet, depuis bientôt 19 ans, ni les gouvernements qui se sont succédés, ni les services officiels en charge de la radioprotection n'ont reconnu les faits et la censure est toujours à l'oeuvre. Les cartes de la désinformation sont toujours absentes des rapports officiels avec interdiction d'y faire référence.
Pour tout renseignement complémentaire
vous pouvez joindre Roland Desbordes, président de la CRIIRAD
au 04 75 05 32 59 ou au 06 86 18 01 87
Le NouvelObs, 27/3/2005:
Le Service central de protection contre les
rayons ionisants a fourni des cartes de relevés inexactes
et les autorités de contrôle n'ont pas tout dit.
Des éléments d'une expertise remis récemment
à la juge chargée de l'enquête sur le passage
du nuage de Tchernobyl en France, indiquent que les autorités
de contrôle n'ont pas transmis tous les éléments
dont elles disposaient, a-t-on appris samedi 26 mars de source
proche du dossier. La juge Marie-Odile Bertella-Geffroy en charge
de cette information judiciaire depuis juillet 2001, vient de
recevoir des experts Paul Genty et Gilbert Mouthon les éléments
de cette expertise, comme l'ont indiqué plusieurs médias
samedi matin. Selon ces éléments, le Service central
de protection contre les rayons ionisants (SCPRI) a eu connaissance
de valeurs de radioactivité parfois très élevées.
En outre, les cartes de relevés que ce service a fournies
sont inexactes, selon les experts. Perquisitions Au cours de leur
travail, les deux experts se sont fondés sur les documents
saisis à l'occasion de perquisitions menées en novembre
2001 dans différents ministères et organismes impliqués
dans la prévention du risque nucléaire. Pour sa
part, la Commission de recherches et d'informations indépendantes
sur la radioactivité (CRIIRAD), partie civile dans le dossier,
qui a réalisé ses propres relevés et publié
ses propres cartes dès 2001, avait déjà montré
du doigt des valeurs de radioactivité nettement supérieures
à celles des autorités de contrôle. Le président
de la CRIIRAD Roland Desbordes, s'est dit "choqué"
par la publication dans la presse d'éléments de
l'expertise. Selon lui, ces révélations pourraient
avoir des "conséquences néfastes sur la suite
de la procédure". Il manque en outre encore quelques
éléments dans le travail des deux experts qui passe
par l'analyse minutieuse des nombreux documents saisis lors des
perquisitions, selon des sources proches du dossiers.
Le Figaro, 26/3/2005:
Près de vingt ans après l'accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, deux experts judiciaires confirment les doutes des associations de victimes françaises dans les conclusions de deux rapports dont Le Figaro a eu connaissance : les mesures de radioactivité fournies par les autorités de contrôle après les passages du nuage radioactif sur le France ne reflétaient pas la réalité. «Le SCPRI - le Service central de protection contre les rayonnements ionisants - avait pleinement connaissance du dépassement, quelquefois très important, des valeurs de radioactivité (...) dans l'air comme dans la chaîne alimentaire», écrivent les experts Paul Genty et Gilbert Mouthon, dans la première partie de leurs observations que le juge Marie-Odile Bertella-Geffroy a versées mardi à la procédure.
«Les cartes qui ont été fournies par le SCPRI sont inexactes dans plusieurs domaines. Un grand nombre de valeurs relevées dans différentes régions sont des moyennes alors qu'il est bien précisé que des valeurs moyennes n'ont aucune signification dans ces cas, ce que le SCPRI ne pouvait ignorer», poursuivent les deux auteurs dans le second volet de leur étude. Ces derniers considèrent en outre que le SCPRI n'a «visiblement pas restitué toutes les informations (...) aux autorités décisionnaires et au public».
Ces rapports s'appuient sur les documents saisis par le magistrat instructeur au cours de perquisitions dans des ministères et dans des organismes publics liés aux activités nucléaires. En 2001, une instruction a été ouverte à Paris et plus de 500 plaignants se sont d'ores et déjà constitués parties civiles. Les malades de la thyroïde reprochent aux autorités françaises de ne pas avoir tenu la population informée des risques après l'explosion. En l'absence d'un registre national des cancers de la thyroïde, le lien entre la catastrophe et ces pathologies reste toujours difficile à établir. Ces expertises montrent l'opacité qui a entouré les mesures de radioactivité en France. Reste à savoir si ce manque de transparence résulte d'une volonté politique de minorer les chiffres ou s'il s'agit d'une défaillance du système de veille sanitaire.
Marie-Christine Tabet
Le Figaro, 15/1/04:
Retombées du nuage de Tchernobyl : les
tout premiers éléments de l'expertise judiciaire
sont accablants pour les autorités françaises, selon
l'avocat des plaignants qui ont été reçus,
mardi, par Marie-Odile Bertella-Geffroy, le juge d'instruction
chargé de l'affaire. «Les experts expliquent que
les autorités de l'époque avaient connaissance des
mesures de contamination, qu'elles ont falsifié les chiffres
et n'ont pas alerté les populations concernées des
risques encourus», résume Me Curtil, le défenseur
des 230 malades de la thyroïde qui imputent leurs pathologies
au passage en France du nuage radioactif en 1986, après
l'explosion de la centrale de Tchernobyl.
En tout, ce sont 400 plaintes contre X avec constitution de partie
civile qui ont été déposées mais seules
230 ont été jugées recevables à ce
jour.
Les plaignants, originaires des régions les plus touchées
(l'est et le sud-est de la France), reprochent aux pouvoirs publics
de ne pas les avoir tenus correctement informés de la situation.
Pour confirmer ou infirmer ces accusations, les experts, dont
le rapport est attendu pour la fin du mois, ont travaillé
sur les nombreux documents saisis lors des perquisitions menées
depuis 2001 à l'initiative de Marie-Odile Bertella-Geffroy,
magistrat spécialiste des affaires sanitaires. Ils ont
repris de façon méthodique, jour par jour, les mesures
radioactives effectuées en 86 par des organismes publics
et privés (EDF, CEA, Cogema, hôpitaux, laboratoires
départementaux d'analyses vétérinaires).
Ils ont vérifié si ces éléments ont
bien été transmis aux autorités compétentes
puis ont examiné les informations que ces dernières
ont fournies au public.
«Les premiers résultats sont particulièrement
sévères pour le Service central de protection contre
les rayonnements ionisants (SCPRI) dont certaines pièces
révèlent qu'il a menti sur les chiffres»,
indique Me Curtil. Cet organisme, devenu depuis l'Institut de
radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN),
était chargé de contrôler les installations
nucléaires et de communiquer sur le sujet. Une perquisition
a été menée cet été chez le
professeur Pierre Pellerin, ancien directeur du SCPRI.
«Les autorités ont-elles péché par
ignorance ou en toute connaissance de cause ? interroge Roland
Desbordes, président de la Commission de recherche et d'informations
indépendantes sur la radioactivité (CRII-RAD), autre
partie civile. On a du mal à croire que les responsables
du SCPRI, qui comptent parmi les spécialistes mondiaux
de la radioprotection, ignoraient la gravité de la situation.»
La CRII-RAD a rendez-vous le 26 janvier dans le bureau de Marie-Odile
Bertella-Geffroy qui pourrait ordonner prochainement une expertise
épidémiologique, région par région,
avec examen des registres médicaux antérieurs à
1986. Car, outre la vérité sur la gestion de la
catastrophe, les plaignants qui souffrent de cancers de la thyroïde
réclament une reconnaissance de leur statut. Mais rien
ne sera plus difficile que d'établir la corrélation
entre leurs pathologies et ce nuage qui survola la France, il
y a presque dix-huit ans.
Jeudi 15 janvier 2004
L'information judiciaire confiée à la juge Marie-Odile Bertella-Geoffroy, concernant les victimes du passage du nuage radioactif de Tchernobyl, poursuit son cours. Un rapport d'expertise, qui sera déposé à la procédure d'ici à quelques jours, confirmerait la mise en cause des pouvoirs publics .
SI LA PLAINTE déposée devant
la Cour de justice de la République à l'encontre
de cinq ministres au pouvoir en 1986 vient d'être classée
sans suite, l'affaire du nuage de Tchernobyl fait toujours l'objet
d'une enquête confiée à la juge d'instruction
Marie-Odile Bertella-Geoffroy.
La juge a reçu cette semaine les représentants d'un
collectif de personnes malades de la thyroïde qui ont déposé
plainte pour avoir été victimes du passage du nuage
radioactif de Tchernobyl sur la France en 1986, après l'explosion
d'un réacteur de la centrale ukrainienne.
La juge cherche notamment à déterminer si, au vu
des mesures de radioactivité dont les autorités
françaises disposaient à l'époque, elles
ont donné suffisamment de consignes de prudence à
la population. La magistrate leur a fait part des avancements
de la procédure en cours depuis juillet 2001.
Plusieurs centaines de plaintes.
En avril 2002, 200 plaintes contre X,
avec constitution de parties civiles, pour « empoisonnement »
et « administration de substances nuisibles »,
ont été déposées par des personnes
malades de la thyroïde. Elles s'ajoutaient aux 53 plaintes
déposées le 1er mars 2001 et aux 125 plaintes
déposées le 5 octobre 2001. Toutefois, lors
de l'ouverture de l'information judiciaire, le parquet de Paris
a retenu les qualifications pour « violences volontaires »
et « atteintes involontaires à l'intégrité
physique ».
Selon Me Christian Curtil, avocat des plaignants, le rapport
d'expertise demandé par la juge pour déterminer
la responsabilité des autorités publiques et qui
sera versé à la procédure dans les prochaines
semaines, est « assez accablant »
, confie-t-il au « Quotidien ». Constitué
grâce à l'analyse de perquisitions, ce rapport prouverait
non seulement le silence des autorités mais surtout la
manipulation des chiffres. Il mettrait principalement en cause
le Service central de protection contre les rayonnements ionisants
(Scpri), l'autorité décisionnaire, qui aurait eu
connaissance des taux de contamination radioactifs largement supérieurs
aux taux autorisés. « Ce rapport est déjà
très rassurant pour les victimes, estime Me Curtil.
Il l'est aussi pour les scientifiques de la Criirad (Commission
de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité) »,
laquelle s'est constituée partie civile.
La contamination sous-évaluée.
« A notre connaissance, indique la directrice de la Criirad, Corinne Castanier,
le rapport d'expertise confirme les griefs que nous reprochions
aux autorités et services français : le mensonge
et la sous-évaluation des niveaux de contamination de l'air,
des sols et des aliments, ainsi que la violation des normes
et limites destinées à limiter les incorporations
de produits radioactifs et à protéger ainsi la santé
de la population française, et en particulier des enfants. »
Un règlement de la Commission européenne du 30 mai
1986 fixait notamment des limites de contamination en césium
pour l'importation de produits venant de pays non européens,
rappelle Corinne Castanier. « La Criirad s'est procuré
plusieurs documents du Scpri où figurent des produits en
provenance des pays de l'Est et de la Turquie (comme des noisettes
que les enfants ont retrouvées dans des pâtes à
tartiner et du chocolat) dont le niveau de contamination en césium
dépassait les limites réglementaires, poursuit-elle.
Au lieu de constater l'infraction, le directeur du Scpri précise
en commentaire que ces produits sont "consommables sans
restriction". »
Le rapport d'expertise ne démontre pas cependant « le
lien de causalité entre la faute des responsables français
et la pathologie thyroïdienne des plaignants »,
précise Me Curtil. Ce lien de cause à effet
sera difficile à prouver. Une enquête épidémiologique
indépendante pourrait, dans ce but, être ordonnée
par l'instruction.
Stephanie Hasendahl
PARIS 13 janvier 2004 - La juge d'instruction parisienne Marie-Odile Bertella-Geoffroy
a reçu mardi les représentants des personnes malades
de la thyroïde qui ont déposé plainte pour
avoir été victimes du passage du nuage radioactif
de Tchernobyl sur la France en 1986, a-t-on appris auprès
de leur avocat, Me Christian Curtil.
La magistrate leur a fait part des avancements de la procédure
en cours depuis juillet 2001. Mme Bertella-Geoffroy est saisie
d'une information judiciaire pour "violences volontaires"
et "atteintes involontaires à l'intégrité
physique". Aucune mise en examen n'est intervenue pour l'instant
dans le dossier.
La juge dispose désormais d'un rapport d'expertise qui
sera versé à la procédure dans les prochaines
semaines, a précisé Me Curtil à l'Associated
Press. "Le rapport est extrêmement favorable à
la plainte. Il pose clairement les responsabilités, mais
ne les impute pas", a ajouté l'avocat.
Le rapport met notamment en cause le Service central de protection
contre les rayonnements ionisants (SCPRI), l'autorité décisionnaire,
qui aurait eu connaissance des taux de contamination radioactifs
largement supérieurs aux taux autorisés, selon Me
Curtil.
"La juge décidera ce qu'elle décidera",
concernant d'éventuelles mises en examen, a souligné
Me Curtil indiquant que le rapport "ne démontre pas
encore un lien de causalité" entre le passage du nuage
radioactif et le défaut d'information des Français
éventuellement imputable aux autorités.
En avril 2002, 200 plaintes contre X, avec constitution de parties
civiles, pour "empoisonnement" et "administration
de substances nuisibles" ont été déposées
par des personnes malades de la thyroïde. Elles s'ajoutaient
aux 53 plaintes déposées le 1er mars 2001 et aux
125 plaintes déposées le 5 octobre 2001 par des
personnes s'estimant victimes d'un cancer lié au passage
du nuage radioactif sur la France après l'explosion d'un
réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl
(Ukraine) le 26 avril 1986.
Lors de l'ouverture de l'information judiciaire, le parquet de Paris n'a pas retenu les qualifications criminelles que sont l'"empoisonnement" ou l'"administration de substances nuisibles".
Le Figaro, 18/6/03:
Un nouvel épisode vient de s'ajouter au feuilleton sur les retombées de Tchernobyl en France, qui se poursuit depuis plus de dix-sept ans. La Criirad, l'association créée juste après la catastrophe du 26 avril 1986, pour effectuer les premières mesures indépendantes de la radioactivité en France, a adressé hier une lettre aux ministres de l'Environnement et de la Santé. Le courrier leur demande de trancher dans le différend qui oppose, entre eux, des experts au service de l'État, notamment au sein de l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire).
La Criirad souhaitait réagir à froid à la conférence de presse de l'IRSN du 24 avril 2003, organisée à l'occasion de l'anniversaire de Tchernobyl. La publication, la semaine dernière, d'un article du Figaro (1) sur les difficultés internes de l'IRSN a précipité le calendrier de l'association, a reconnu son président Roland Desbordes.
Rappel des derniers épisodes : le 24 avril dernier donc, l'IRSN présente une carte de la contamination de Tchernobyl en France. Même si ce document avait déjà été présenté (à quelques modifications près) l'an dernier à Ajaccio (2), «pour la première fois, estime Roland Desbordes, un service de l'État sort une carte avec laquelle nous sommes d'accord». Surtout, «ce document officiel remet en cause les informations officielles de 1986». Roland Desbordes a montré hier les cartes officielles (3) successives de 1986. Celle du 7 mai 1986, par exemple, indiquait une radioactivité totale au sol de 740 becquerels par mètre carré (Bq/m2) dans l'est de la France. En juillet 1986, on lit une valeur de 5 400 Bq/m2 de césium 137 en Rhône-Alpes. Chiffre passé à plus de 10 000 Bq/m2 (plus de 20 000 dans certaines zones) dans la nouvelle carte.
Dans son rapport 2003, l'IRSN fait état pour la première fois de «divergences très significatives» entre les cartes successives. Un fait essentiel pour la Criirad, qui rappelle qu'aucun homme politique aux affaires ou aucun officiel n'a jamais reconnu que les cartes de 1986 étaient fausses. Aussi la Criirad a-t-elle décidé de transmettre à la justice cette carte officielle, en tant que coplaignante avec l'Association des malades de la thyroïde, dans le cadre de la plainte instruite par le juge Marie-Odile Bertella-Geffroy.
Seulement, la nouvelle carte ne fait pas consensus. Le Pr André Aurengo, chargé par les ministres de la Santé et de l'Environnement d'établir les doses reçues par les Français à la suite de Tchernobyl, a violemment condamné la méthodologie à l'origine de la carte de l'IRSN, comme Le Figaro l'a révélé la semaine dernière. C'est pourquoi la Criirad «demande aux ministres de choisir, pour sortir par le haut de ce débat stérile».
Si la polémique reste vive, le débat s'est décrispé. André Aurengo, mis en cause par la Criirad, et un représentant de l'IRSN, Daniel Robeau, étaient présents hier au point presse de l'association. Chose impensable il y a dix ans. André Aurengo a réaffirmé hier ses doutes scientifiques sur la méthodologie de l'IRSN, tout en se déclarant prêt à travailler avec tous les protagonistes. Quelles que soient les suites de l'interpellation de la Criirad, le débat, scientifique puis judiciaire, est loin d'être tranché. Car, si un consensus était atteint sur la contamination du sol, il restera à reconstituer les doses effectivement reçues par les plaignants pour démontrer que des personnes ont effectivement développé des cancers de la thyroïde. Un long travail de calculs, qui ne pourra être exempt de controverses.
Fabrice Nodé-Langlois
(1) Nos
éditions du 10 juin 2003.
(2) Nos éditions du 31 janvier 2002.
(3) Carte établie en 1986 par le SCPRI, dépendant
du ministère de la Santé, devenu Opri en 1994 avant
de fusionner en 2002 avec l'IPSN dans le nouvel IRSN.
PARIS, 17 juin 03 -
L'association qui a pratiqué les premières mesures
indépendantes sur les retombées en France du nuage
de Tchernobyl a demandé mardi au gouvernement de trancher
définitivement les querelles d'experts, "après
17 ans de mensonges".
"Il est très important de sortir de 17 ans de mensonges
pour ne pas retomber dans une polémique stérile",
a déclaré devant la presse Roland Desbordes, président
de la Commission de recherche et d'information indépendante
sur la radioactivité (CRIIRAD), un laboratoire privé
créé après l'accident de la centrale ukrainienne
du 23 avril 1986.
Le nuage de Tchernobyl avait provoqué une vive polémique en France, les services officiels étant accusés d'avoir minimisé l'importance de la contamination et empêché ainsi que des mesures élémentaires de protection soient prises comme ce fut le cas dans d'autres pays européens.
L'Institut de radioprotection et de sûreté
nucléaire (IRSN), un établissement public né
de la fusion de plusieurs organismes d'expertise dans le domaine
nucléaire, avait publié en avril la première
carte complète de la contamination des sols de l'hexagone.
Cette carte a été violemment contestée par
un autre expert officiel, le Pr André Aurengo, spécialiste
de médecine nucléaire, chargé par le précédent
gouvernement d'animer un groupe de travail pour établir
une nouvelle estimation des doses reçues par la population.
Dans une lettre envoyée aux ministres de l'Ecologie, Roselyne
Bachelot, et de la Santé, Jean-François Mattei,
le Pr Aurengo se déclare "consterné" par
les résultats de l'IRSN. "Je suis consterné
que de tels résultats, méthodologiquement aussi
contestables et très probablement faux, aient pu être
diffusés sans aucune validation scientifique, au nom d'un
organisme officiel en charge de l'expertise en radioprotection",
écrit le Pr Aurengo dans cette lettre publiée par
la CRIIRAD.
Selon le spécialiste, le modèle proposé par
l'IRSN n'est pas cohérent avec les données recueilles
à l'époque. "Cette carte est contradictoire
avec les données dont on dispose", a indiqué
le Pr Aurengo.
"D'un côté, on a un service de l'Etat, de l'autre
une personne missionnée par l'Etat, en désaccord
avec cet organisme. Le gouvernement va devoir trancher",
a estimé de son côté le président de
la CRIIRAD, qui a envoyé lundi un courrier en ce sens à
Mme Bachelot et à M. Mattei.
Selon l'association, la carte établie par l'IRSN "donne
une représentation acceptable des ordres de grandeurs et
de la répartition spatiale de la contamination". "C'est
à nos yeux, poursuit la CRIIRAD dans sa lettre aux deux
ministres, la première étape, incontournable, vers
l'établissement d'un vrai bilan de l'accident et de sa
gestion par les autorités françaises".
Cette carte permet de quantifier et de situer les dépôts
sur les sols de radioéléments comme le césium
137. "A partir de là, il est possible de reconstituer
la chaîne alimentaire et d'établir des scénarios
de contamination", estime Roland Desbordes.
"On va pouvoir s'appuyer sur ce document en justice, alors
qu'il n'y avait jusqu'à présent aucune carte officielle
pour remettre en cause les informations données en 1986",
ajoute-t-il.
Plusieurs actions en justice sont en cours sur les conséquences
sanitaires du passage en France du nuage radioactif. Selon les
plaignants, l'absence de mesures de précaution aurait entraîné
notamment une recrudescence de cancers de la thyroïde.
Le Figaro, 10
juin 2003:
Nucléaire : la
transparence muselée
PARIS, 13 fév -
Une femme atteinte d'un cancer de la thyroïde, qui impute
sa pathologie au passage du nuage radioactif de Tchernobyl en
1986, a déposé mercredi une plainte devant la cour
de justice de la République contre cinq anciens ministres,
a-t-on appris jeudi auprès de son avocat. La commission
des requêtes de la CJR doit à présent examiner
la recevabilité de cette plainte pour "administration
de substances nuisibles", sachant que le lien de causalité
entre le cancer de la thyroïde et le passage en France du
nuage de Tchernobyl en 1986 est de l'avis des experts très
difficile à établir.
Les cinq ministres visés par cette plainte, en fonction
en 1986, sont Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur,
Michèle Barzac, ministre déléguée
à la Santé publique, Alain Carignon, ministre délégué
à l'Environnement, Alain Madelin, ministre de l'Industrie
et de la Recherche, et François Guillaume, ministre de
l'Agriculture, a précisé Me Emmanuel Ludot.
La plaignante, Josiane Tourou, 51 ans, reproche aux ministres
de ne pas avoir suffisamment informé la population des
risques entraînés par l'explosion du réacteur
4 de la centrale ukrainienne le 26 avril 1986.
PARIS 23/10/02 - Un peu plus d'un an après l'ouverture d'une information judiciaire sur les conséquences sanitaires du passage du nuage de Tchernobyl en France, l'enquête se concentre sur l'analyse de documents qui pourraient démontrer des négligences de responsables français.
Mardi, 26 nouvelles plaintes pour "empoisonnement" ont été déposées à Paris par des malades de la thyroïde persuadés que leur pathologie est liée au passage du nuage radioactif, portant le nombre de plaignants à 416.
Selon eux, les autorités françaises ne les ont pas tenus suffisamment informés des risques entraînés par l'explosion du réacteur 4 de la centrale ukrainienne, le 26 avril 1986, et, faute de mesures préventives, les ont conduits à consommer des aliments contaminés.
De l'avis même des parties civiles, montrer un lien direct de causalité entre chaque cancer et d'éventuels niveaux élevés de contamination - seize ans après les faits et alors que les éventuels aliments incriminés ont disparu - relève de la quadrature du cercle.
L'enquête menée par la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy depuis juillet 2001 se concentre donc sur la démonstration de négligences plus globales, que l'on pourrait déceler dans les documents saisis à l'occasion de perquisitions menées en novembre 2001 dans différents ministères et organismes impliqués dans la prévention du risque nucléaire.
Selon l'avocat des parties civiles, Me Christian Curtil, certains documents révèlent que les autorités françaises "n'ont, dans un premier temps, pas voulu alarmer la population puis ont cherché à couvrir leurs négligences", notamment quelques mois après le passage du nuage, à l'automne.
Dans une lettre datée du 6 novembre 1986, le préfet de Haute-Corse estime ainsi qu'il n'est pas nécessaire de réaliser des prélèvements sur les foins et ensilages, avançant notamment que "le microcosme insulaire, où toute mesure inhabituelle prend des dimensions extravagantes, démesurément grossies par les médias", n'y est pas propice.
Une autre note, adressée trois jours plus tard à la Direction de la concurrence par un inspecteur, déplore ce refus.
"Les arguments avancés ne paraissent pas toujours fondés", écrit-il, avant d'ajouter : "Seule une enquête systématique (...) aurait permis de préciser l'importance de la contamination globale sur les foins et ensilages et le cas échéant de mettre en oeuvre des mesures préventives".
Pourtant, des notes manuscrites datant d'octobre 1986 révèlent que les autorités disposaient depuis la mi-septembre de deux résultats sur les foins en Haute-Corse, indiquant des contaminations allant jusqu'à 4.400 becquerels par kilo de césium 134 et 137.
"L'ingestion de ces végétaux par les animaux cet hiver amènera à une augmentation de la contamination du lait et des viandes", note-t-on ensuite.
Outre sur la poursuite de l'analyse de tels documents, l'enquête repose également sur une expertise portant notamment sur la connaissance précise que les autorités avaient des niveaux de contamination et la diffusion de ces informations au public.
Une expertise épidémiologique
aura également pour but de déterminer s'il y a eu
une augmentation importante des cancers de la thyroïde, après
le passage du nuage.
Lettre au ministère de la santé:
Lyon, le 12 mars 2002
OBJET : DEMANDE D'AUDIENCE
Monsieur le Ministre de la Santé,
Comme a pu le souligner le Premier ministre lui-même, nous estimons que la moindre des choses concernant lindustrie nucléaire doit être une information véritablement transparente.
La commission de travail chargée d'étudier les conséquences du passage en France du nuage de Tchernobyl doit respecter cette transparence si souvent annoncée et jusqu'à présent jamais mise en oeuvre. Il apparaît aujourd'hui désormais clairement que, en avril et mai 1986, les autorités de l'époque avaient des informations précises concernant les risques encourus par la
population et que, contrairement à d'autres pays, les mesures nécessaires n'ont pas été prises.
Une plainte a été déposée par l'Association Française des Malades de la Thyroïde et l'instruction est menée par Mme le Juge d'instruction Bertella Geffroy. Le laboratoire indépendant CRII-rad a publié ces jours-ci des documents probants concernant les informations détenues par les autorités en 1986.
De fait, l'attribution de la présidence de la commission de travail au Pr Aurengo est incompatible sur cette question avec toute idée de neutralité et donc de transparence. En effet, M Aurengo est membre du Conseil dadministration d'EDF, membre de lUNSCEAR et s'est par ailleurs signalé à diverses reprises par des déclarations minimisant ou même niant les conséquences du passage du nuage de Tchernobyl en France.
Aussi, nous sollicitons auprès de vous, Monsieur le Ministre, une audience afin de vous soumettre nos propositions concernant la composition et les missions de la commission de travail chargée d'étudier les conséquences du passage en France du nuage de Tchernobyl.
L'ACRO (1), l'Association française des malades de la thyroïde (2) et Greenpeace (3), très préoccupées par une démarche dévaluation des conséquences de l'accident de Tchernobyl, souhaitent être associées à une rencontre avec les autorités de santé.
Ne doutant pas de recevoir une réponse de votre part, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, à notre volonté de faire connaître la vérité.
Le Conseil d'administration du Réseau "Sortir du nucléaire"
(1) Association pour le Contrôle de la
Radioactivité dans l'Ouest (ACRO) 138, rue de l'Eglise
14200 Hérouville Saint Clair Tel. 02 31 84 35 34 - Fax.
02 31 94 85 31
(2) Association française des malades de la thyroïde
- BP 1 82700 Bourret Tel. 05 63 64 83 69 - Fax : idem.
(3) Greenpeace 22, rue Rasselins 75020 Paris - Tel. 01 44 64 02
02 - Fax. 01 44 64 02 00
Communiqué du réseau "Sortir du nucléaire", 5/3/02:
Nuage de Tchernobyl sur le France : les
vraies raisons d'un mensonge d'État !
LE SCANDALE DU "PAYS CONTAMINÉ"
De nouvelles révélations par le laboratoire indépendant CRII-Rad démontrent un véritable mensonge d'État au moment du passage du nuage de Tchernobyl sur la France.
En annonçant le 26 février 2002 la création d'un "groupe de travail" sur cette question, le gouvernement ne cherche pas à lever le voile sur les véritables raisons de ce mensonge d'Etat (cf le dépêche AFP du 1er mars : " Commission sur les conséquences de Tchernobyl: une "manipulation", selon le réseau Sortir du nucléaire" )
Lors de précédents scandales de santé publique, des intérêts financiers ont amené à l'insoutenable, par exemple l'écoulement des stock de sang contaminé. Au contraire, pour le nuage le Tchernobyl, les mesures à prendre étaient d'un coût infime (consignes alimentaires, distributions de pastilles d'iode).
En réalité, c'est l'existence même de l'industrie nucléaire qui était menacée par le nuage de Tchernobyl : reconnaître la dangerosité d'un nuage venu d'aussi loin et donc à la radioactivité déjà affaiblie, c'était reconnaître la dangerosité des irradiations dites de "faibles dose".
Or, la France est couverte de centaines d'installations nucléaire qui rejettent depuis maintenant plus de 20 ans en toute légalité des effluents radioactifs liquides dans nos fleuves ( Iode 131 ou 129, etc.)et gazeux dans notre atmosphère (Tritium .....) Tout ces rejets se font suivant des normes fixées par les industriels qui ne tiennent aucun compte, contrairement aux discours officiels, de leur impact sur l'homme la faune et la flore. En particulier, la plupart des citoyens l'ignorent, une centrale nucléaire en fonctionnement ordinaire, sans le moindre incident, dégage de la radioactivité dans l'air et dans l'eau.
Alors oui, il faut l'affirmer haut et clair (ce que nous faisons depuis des années) : le nuage de Tchernobyl était très nocif, tout comme il est très nocif d'habiter dans un pays recouvert d'installations nucléaires En 1986, le gouvernement devait dire aux citoyens qu'ils étaient touchés par un nuage dangereux. De même, aujourd'hui, le gouvernement doit reconnaître que les habitants de la France (et au delà) sont touchés par la nocivité des installations nucléaires.
Oui, le nuage de Tchernobyl en France est responsable d'innombrables cancers, et les autorités de l'époque sont coupables d'avoir menti à la population.
Oui, le nucléaire mis en oeuvre depuis 20 ans en France est responsable d'innombrables cancers et les gouvernements successifs sont coupables de mentir à la population.
Aussi, le réseau Sortir du nucléaire demande
- que soit immédiatement prise (comme
en Allemagne ou, ces jours-ci en Belgique), la décisions
de sortir du nucléaire.
- que cette sortie soit mise en ouvre de toute urgence pour être
effective le plus vite possible
- que les responsables et coupables du scandale du pays contaminé
soient désignés et sévèrement sanctionnés.
D'ores et déjà, quoi que l'on fasse, de nombreuses générations souffriront de la folie nucléaire de notre génération. Il n'est que temps d'agir.
Commission sur les conséquences de
Tchernobyl: une "manipulation", selon le réseau
"Sortir du nucléaire"
LYON, 1er mars - Le
réseau "Sortir du nucléaire" a dénoncé
vendredi comme une "manipulation" l'annonce mardi par
le gouvernement de la création d'un groupe de travail sur
les conséquences en France de la catastrophe nucléaire
de Tchernobyl.
Le réseau, qui déclare fédérer 612 associations, déplore que la formulation officielle des missions du groupe de travail soit "pour le moins ambiguë" et demande que le champ d'investigation "soit étendu à la recherche de la vérité et à l'établissement des responsabilités".
Il s'étonne également de la nomination à la présidence de la commission d'un expert qui se trouve par ailleurs être membre du conseil d'administration d'EDF. Il demande que la commission "soit présidée par une personnalité non soupçonnable de défendre les intérêts du lobby nucléaire".
La Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité (CRIIRAD), qui a publié mardi un atlas des retombées de Tchernobyl en France et en Europe, affirme avoir des "preuves" que l'Etat a menti sur le niveau de contamination en France, minimisant la gravité de la situation.
"L'Etat français a menti et n'a pas respecté la réglementation relative à la protection contre les rayonnements ionisants", assure la CRIIRAD, mettant ainsi, selon elle, la santé des personnes en danger.
Le réseau "Sortir du nucléaire" a récemment remis à la presse, et présenté comme la copie d'un document officiel, une lettre du Service central de protection contre les rayonnements ionisants du ministère de la Santé expliquant, en 1986, peu après l'explosion de Tchernobyl, que la distribution d'iode n'était "pas justifiée".
La CRIIRAD a remis son atlas au juge parisien
chargé d'instruire la plainte déposée par
200 malades de la thyroïde.
Aujourd'hui, le Réseau Sortir du Nucléaire,
fédération de 613 associations, apporte une nouvelle
pièce au dossier sur le mensonge d'Etat lors de la catastrophe
de Tchernobyl.
Le document (disponible en fac-similé) sur le site internet
du Réseau est le texte intégral d'un telex envoyé
le 2 mai 1986 au service central de médécine nucléaire
de Nancy par le SCPRI.
Ce texte écrit par le professeur Pierre Pellerin (directeur du Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants - ministère de la santé) est suffisament explicite pour que chacun puisse se faire sa propre opinion sur le sujet.
C'est dans ce sens que le Réseau Sortir
du Nucléaire a fait le choix de le rendre public.
Une pièce supplémentaire pour bien resituer d'information
diffusée en France juste après, ce qui reste encore
à ce jour, une catastrophe industrielle majeure .
Le culte du secret nucléaire n'a que trop duré. Nous exigeons la réouverture de tous les dossiers du nucléaire et leur libre accès à tous les citoyens.
Nous demandons la mise en place de comités de contrôle citoyens de toutes les installations nucléaires française, civiles et militaires.
Contact presse : Pascal Braud 06 80 127 720 André Crouzet 06 85 22 71 33
VALENCE 26 fév - Les responsables de la Criirad (Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité) ont accusé le gouvernement français d'avoir caché en 1986 les conséquences pour la France de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl.
Une quinzaine de jours après la catastrophe dans la nuit du 25 au 26 avril 1986, le gouvernement français alors dirigé par Jacques Chirac connaissait l'ampleur de certaines retombées radioactives mais s'est refusé à les communiquer, ont-ils affirmé lors d'une conférence de presse à Valence, dans la Drôme.
Le laboratoire indépendant s'appuie sur des documents saisis par le juge d'instruction Marie-Odile Bertella-Geffroy.
Cette dernière instruit une plainte pour "empoisonnement", requalifiée par le parquet en "coups et blessures involontaires", déposée par des malades atteints d'un cancer de la thyroïde et pour laquelle la Criirad s'est portée partie civile.
Sur l'un de ces documents, manuscrit et rédigé par un haut fonctionnaire non identifié, on lit: "Nous avons des chiffres qui ne peuvent être diffusés".
La note a été rédigée le 16 mai 1986 lors d'une réunion de crise tenue au ministère de l'Intérieur. Elle relevait, entre autres, la présence dans du lait de brebis en Corse d'une contamination par l'iode 131 de plus de 10.000 becquerels par litre.
A l`époque la réglementation européenne préconisait de retirer de la consommation tout produit alimentaire contenant plus de 500 bq/l.
La Criirad a fait ses révélations
lors de la présentation de "l'atlas France et Europe
: contaminations radioactives" qui établit à
partir de dizaines de milliers de relevés réalisés
en 2000 sur l'ensemble de l'Europe la situation actuelle de la
contamination des sols.
"MENSONGES FLAGRANTS"
Il en ressort qu'à la différence notable de l'Autriche, de l'Allemagne et de la Suisse qui avaient adopté des mesures préventives consistant en un certain nombre de conseils donnés à la population (ne pas rester sous la pluie, ne pas consommer des légumes à larges feuilles, éviter le lait...) la France a toujours minimisé l'impact de la contamination de son sol due à l'explosion de Tchernobyl.
Mettant en cause la gestion de la crise par le ministère de l'Industrie, dont le titulaire Alain Madelin était chargé d'exposer la position du gouvernement, "alors que cela aurait dû être de la responsabilité du ministère de la Santé", selon la directrice de la Criirad, Corinne Castanier, l'organisme indépendant s'interroge : "Pourquoi ces mensonges flagrants, ces erreurs manifestes, ce silence des organismes officiels et même des scientifiques ?".
La Criirad avance un élément d'explication, en s'appuyant sur des notes saisies dans les différents ministères par le juge d'instruction : "L'Etat voulait protéger son parc nucléaire", dit Corinne Castanier.
Elle a présenté une note rédigée le 18 janvier 1988 lors d'une réunion à Matignon, à l'issue d'une réunion d'un comité interministériel.
L'auteur de cette note portant sur la discussion au niveau européen des normes de radioactivité des denrées alimentaires, se félicite que la France "qui en 1986 était la seule à défendre ses positions" ait "réussi (...) à réunir la minorité nécessaire pour empêcher les décisions contraires à ses intérêts".
Plus loin, le rédacteur précise
sa pensée en s'inquiétant que les normes européennes
puissent être revues à la baisse, voire que soient
instituées des normes de rejets, "ce qui aurait alors
pour nos installations nucléaires des conséquences
beaucoup plus directes et qu'il convient donc de prévenir".
LYON 24 février 2002 - La Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité (CRIIRAD), qui assure que les autorités françaises ont minimisé la gravité des retombées de l'accident de Tchernobyl en France, publie un atlas complet de la contamination et va le communiquer à la justice.
L'atlas, publié aux éditions Yves Michel (à Barret-sur-Méouge, dans les Hautes-Alpes), recense les mesures de contamination des sols par le césium 137 effectuées par des scientifiques pour la CRIIRAD entre 1987 et 1993, en France et dans plusieurs pays européens, a-t-on appris auprès de l'organisation.
Cartes et graphiques à l'appui, la CRIIRAD, qui présentera officiellement son atlas à la presse et au public mardi à son siège, à Valence (Drôme), réaffirme que le degré de contamination du territoire français a été "considérablement sous-évalué" et que les mesures réglementaires qui auraient dû être prises à l'époque ne l'on pas été.
L'atlas sera communiqué à un juge parisien qui instruit une plainte contre X déposée par 200 malades de la thyroïde.
La cartographie est précédée d'un "dossier de référence démontant point par point la façon dont les autorités se sont efforcées - et s'efforcent encore - de sous-évaluer la réalité de la contamination de la France par les retombées de Tchernobyl", assure la CRIIRAD.
Le réacteur nucléaire, situé en Ukraine, a explosé le 26 avril 1986, envoyant un nuage radioactif, qui, porté par les vents, a traversé toute l'Europe. Alors que l'Allemagne et d'autres pays prenaient des mesures pour protéger la population - interdisant notamment la consommation de certains produits alimentaires - le gouvernement français avait annoncé que les vents avaient détourné le nuage avant qu'il ne passe la frontière française.
Selon la CRIIRAD, tout l'est de la France, de l'Alsace à la Corse, a été contaminé, avec des niveaux élevés dans le Jura, dans les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence.