8/12/2009 - Un bateau transportant de l'uranium appauvri a quitté le port français de Cherbourg mardi soir pour la Russie, selon la capitainerie, un convoi dénoncé par Greenpeace qui qualifie cette cargaison de "déchet", ce que dément le propriétaire de la cargaison, le groupe nucléaire Areva.
Le Kapitan Lus est parti peu après 21H00 (20H00 GMT) selon le port, avec à son bord, 54 emballages d'uranium appauvri et 28 emballages vides, soit 61 conteneurs en tout, a indiqué à l'AFP Dominique Louzeau, directeur Nord-ouest de la logistique d'Areva.
Dimanche soir, un militant de Greenpeace avait tenté, en vain, de s'opposer au chargement de ce cargo battant maltais en s'enchaînant à la voie ferrée par laquelle les cargaisons arrivent au port. Il a été délogé par la police lundi matin.
L'ONG dénonce le transport de ce qu'elle qualifie de "déchet": "Depuis 2006, 33.000 tonnes d'uranium ont été exportées vers la Russie (dont 23.540 tonnes d'uranium appauvri) et seulement 3.090 tonnes ont été réexpédiées en France", le reste étant "abandonné sur place", affirme-t-elle.
"L'ensemble des flux n'est pas le fait d'Areva", a indiqué la présidente du groupe Anne Lauvergeon lundi sur France Info.
Surtout, d'après Areva, cet uranium appauvri n'est pas un déchet. Il est envoyé en Russie pour être réénrichi et réutilisé dans les centrales, assure le groupe. M. Louzeau a indiqué ne pas avoir de chiffre sur la part de l'uranium envoyé en Russie qui revient en France.
Greenpeace demande un moratoire sur ces transports tant que les enquêtes en cours à la demande du ministre français de l'Environnement Jean-Louis Borloo à leur sujet ne sont pas bouclées.
Un responsable de Greenpeace a annoncé dimanche s'être enchaîné dans la soirée à une voie ferrée près de la gare maritime de Cherbourg, dans le but d'empêcher l'évacuation de déchets nucléaires vers la Russie.
Yannick Rousselet, responsable de la campagne Énergie/Nucléaire de Greenpeace France, dit vouloir bloquer l'arrivée à Cherbourg d'un train transportant des conteneurs de déchets nucléaires.
Ceux-ci doivent être transbordés lundi sur un navire qui les acheminera en Russie, précise un communiqué de l'organisation antinucléaire. Celle-ci estime que les déchets risquent d'être "abandonnés en Russie et non pas transformés". "Début octobre, il est devenu de notoriété publique que la France exportait des déchets nucléaires vers la Russie, sans se soucier de leur devenir (...) Ces déchets n'y sont ni transformés, ni réutilisés", affirme le communiqué. Ils sont presque systématiquement laissés sur place, abandonnés."
Selon un rapport du "Service de défense
de sécurité et d'intelligence économique"
cité par Greenpeace, sur 33.000 tonnes d'uranium qui auraient
été exportés vers la Russie depuis 2006,
seulement 3.090 tonnes auraient été réexpédiées
en France, ce qui prouve, selon l'organisation, que "les
déchets nucléaires sont bel et bien abandonnés
en Russie".
23/10/2009 - Un cargo quittera le Havre d'ici samedi pour la Russie avec de l'uranium appauvri d'origine française, un transport dénoncé par Greenpeace alors qu'un recensement des transports de matières et de déchets nucléaires français dans le monde vient d'être annoncé par le gouvernement. La cargaison est composée de "54 fûts de 200 litres d'uranium naturel appauvri", qui sont des restes de l'enrichissement d'uranium opéré au Tricastin (Drôme) pour fabriquer des combustibles et alimenter les centrales nucléaires, a indiqué Henri-Jacques Neau, directeur délégué de la logistique d'Areva.
Cet uranium naturel appauvri doit être enrichi à Tomsk en Russie afin d'être utilisable pour fabriquer d'autres combustibles nucléaires, a ajouté M. Neau. Greenpeace reconnaît que cet uranium est "faiblement radioactif", et qu'il est moins dangereux notamment [non, lire: L'uranium est mortifère qu'il soit civil ou militaire] que l'uranium de retraitement évoqué la semaine dernière dans le documentaire diffusé sur Arte "Déchets: le cauchemar du nucléaire". "Mais la logique est la même, on nous dit qu'on envoie de l'uranium en Russie pour le transformer afin de le réutiliser, en fait il n'est pas réutilisé et c'est pourquoi nous considérons cet uranium comme un déchet", a de son côté affirmé Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire de Greenpeace France.
Ces flux d'uranimum appauvri datent des années 70, mais "il n'est pas acceptable que ces déchets continuent d'aller et venir, alors que le haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) saisi par (le ministre de l'Ecologie) Jean-Louis Borloo en a demandé un recensement", a-t-il poursuivi. Selon M. Neau, Areva compte "au moins une dizaine" de convois de ce type par an au Havre. Le Kholmogory, un bateau russe de 99 mètres de long, a accosté jeudi matin au Havre et doit partir samedi à 1H00 au plus tard, selon le port autonome. Selon Areva, il a déchargé jeudi au Havre 36 cylindres d'uranium naturel enrichi à Tomsk et du concentré minier des mines d'uranium du Kazakhstan.
Le HCTISN a annoncé mardi son intention de "reconstituer précisément les flux de matières et de déchets produits tout au long du cycle de combustible" et d'"examiner la possibilité d'un déplacement sur des sites d'entreposage" y compris à l'étranger. Cette annonce faisait suite à la diffusion du documentaire d'Arte sur le sujet et à la découverte de plutonium non recensé sur un site du CEA à Cadarache (Bouches-du-Rhône). Selon Greenpeace des dizaines de milliers de tonnes d'uranium appauvri, naturel ou de retraitement ont ainsi transité entre la France et la Russie ces dernières années.
15/10/2009 - La découverte de plusieurs kilos de plutonium non répertoriés sur un site du Commissariat à l'énergie atomique, après la diffusion d'un documentaire montrant des tonnes d'uranium appauvri français stockées en Sibérie, jette le doute sur la capacité de l'industrie à gérer ses déchets, estimaient jeudi les écologistes.
"Alors que le stockage de déchets nucléaires français en Russie défraie la chronique, Greenpeace accuse Areva et le Commissariat à l'énergie atomique d'être incapables de gérer le plutonium, matière dangereuse issue de l'activité des réacteurs nucléaires", a déclaré Greenpeace dans un communiqué jeudi.
L'association rapproche les deux affaires sous l'appellation "déchets nucléaires", ce que conteste l'industrie nucléaire, pour qui la notion de déchets recouvre les produits radioactifs promis à un stockage définitif, tandis que le reste, des "matières" irradiées sorties des réacteurs, est entreposé en attendant un éventuel retraitement futur.
A Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône, 22 kg de plutonium ont été découverts au lieu des 8 kg estimés dans un atelier en cours de démantèlement, et selon le CEA, la quantité totale pourrait s'élever à "près de 39 kg".
"En clair, cela signifie qu'Areva et le CEA reconnaissent leur incapacité à gérer leur plutonium qu'ils laissent traîner par kilos, alors qu'il s'agit d'une matière si dangereuse qu'elle doit être réglementairement mesurée au gramme près", commente Yannick Rousselet de Greenpace France. [Rappel: 1/1 000 000 ème de gr de plutonium inhalé suffit à provoquer un cancer !]
"Comment est-il imaginable qu'on découvre dans un vieil atelier fermé depuis six ans de quoi faire environ 5 bombes nucléaires?", poursuit-il.
Selon le gendarme du nucléaire "la sous-estimation de la quantité de plutonium a conduit à réduire fortement les marges de sécurité" pour prévenir un éventuel accident, "dont les conséquences potentielles pour les travailleurs peuvent être importantes".
"L'exigence de transparence doit être absolue en matière de sûreté nucléaire", a souligné mercredi le ministre de l'Ecologie Jean-Louis Borloo.
"M. Borloo se ridiculise en demandant une enquête ou la transparence à chaque affaire", estime le réseau Sortir du nucléaire, qui "accuse les autorités françaises d'être manipulées par l'industrie nucléaire".
Mardi, c'était la secrétaire d'Etat à l'écologie Chantal Jouanno qui était montée au créneau pour réclamer d'EDF "la transparence" sur le stockage à ciel ouvert en Sibérie depuis les années 1980 de matières radioactives issues du parc nucléaire français.
Pour Corinne Lepage, ancienne ministre de l'Environnement, la demande de Mme Jouanno vise à "amuser la galerie" sans répondre aux questions de fond.
Appelant de ses voeux un "vrai débat
public" sur la filière nucléaire, la vice-présidente
du MoDem juge qu'"on a besoin d'une vraie évaluation
coût-avantage dans tous les domaines: économique,
financier, écologique, social".
Diffusé le 13 octobre sur Arte, le documentaire
Déchets : Le cauchemar du nucléaire" d'Eric
Guéret et Laure Noualhat montre que certains rebuts radioactifs
français, loin d'être recyclés, sont abandonnés
en Russie
Boursier.com, 13/10/2009:
Ce matin, Chantal Jouanno -Secrétaire d'Etat à l'Ecologie- s'est dite "favorable" à une enquête au sein du groupe d'électricité au sujets d'éventuels transferts de déchets nucléaires français vers la Sibérie. Mme Jouanno s'inscrit ainsi dans un début de polémique autour du documentaire 'Déchets : le cauchemar du nucléaire' qui sera diffusé ce soir par Arte.
Pour sa part, le réseau Sortir du nucléaire ne s'embarrasse de nuances, et demande d'ores et déjà le retour en France des déchets radioactifs "abandonnés par EDF en Russie". Le groupe appelle "la France nucléaire" à assumer "les conséquences de ses activités et à en rendre enfin compte devant l'opinion publique".
Au coeur de cette affaire, EDF a affirmé, hier, qu'il ne transfère "aucun déchet nucléaire en Russie", précisant que ses déchets radioactifs "restent en France". Ils sont traités et entreposés "en toute sûreté" sur le site de La Hague.
JDD, 13/10/2009:
Le réseau Sortir du Nucléaire a demandé mardi dans un communiqué le retour en France des déchêts radioactifs "abandonnés par EDF en Russie" à la suite des révélations lundi du journal Libération. La réponse d'EDF selon laquelle il ne s'agit pas de déchets mais de "matières valorisables" est une "argumentation trompeuse". Le réseau Sortir du Nucléaire appelle "la France nucléaire (à assumer) les conséquences de ses activités et à en rendre enfin compte devant l'opinion publique."
13/10/2009 - La secrétaire d'Etat à l'Ecologie Chantal Jouanno est "favorable" à une enquête au sein d'EDF sur les déchets nucléaires français exportés en Sibérie, ont indiqué mardi ses services. Mme Jouanno "est favorable à ce qu'EDF fasse une enquête interne" sur le sujet, a précisé le secrétariat d'Etat à l'AFP, suite à une information de France Info.
Dans un documentaire - "Déchets: le cauchemar du nucléaire" - qui doit être diffusé mardi soir sur Arte et dont Libération s'est fait largement l'écho lundi, Eric Guéret et Laure Noualhat (journaliste au quotidien Libération), montrent de manière détaillée les combustibles nucléaires français usés stockés à l'air libre sur une voie de chemin de fer à ciel ouvert, en Sibérie, sans le moindre retraitement.
Chantal Jouanno "attend des informations et ne veut pas prendre de décision hâtive", ajoutent ses services en soulignant qu'elle n'a pas vu le documentaire d'Arte. "Mais à partir du moment où il y a doute, il est normal que l'opinion puisse être informée", ajoutent-ils en rappelant cependant que la question du nucléaire relève du ministre de l'Ecologie et de l'Energie Jean-Louis Borloo.
Contactée par l'AFP, une porte-parole d'EDF a affirmé que le groupe s'inscrivait "dans une démarche permanente de transparence vis à vis de ses activités d'exploitant nucléaire". Le groupe "apporte dans ce cadre tous les éléments d'informations relatifs à la gestion du combustible et reste bien sûr parfaitement ouvert dans ce domaine", a-t-elle ajouté.
Le réseau associatif Sortir du Nucléaire a pour sa part accusé Chantal Jouanno de vouloir "gagner du temps pour que l'affaire disparaisse de l'actualité" et a demandé "le retour en France des déchets radioactifs français abandonnés par EDF en Russie". "Les citoyens français doivent prendre conscience de l'accumulation dramatique des déchets radioactifs", a ajouté le réseau dans un communiqué.
Selon Libération, près de 13% des matières radioactives actuellement produites en France sont stockées dans le complexe atomique de Tomsk-7, en Sibérie. Depuis le milieu des années 1990, ce sont 108 tonnes d'uranium appauvri qui arrivent chaque année de France pour être stockées sur un parking à ciel ouvert, affirme le quotidien.
Lundi, le groupe Electricité de France (EDF) a affirmé qu'il ne transportait "aucun déchet nucléaire en Russie": "Les déchets radioactifs issus du traitement des combustibles restent en France" où ils sont conditionnés et entreposés "en toute sûreté" sur le site de La Hague, a-t-il assuré.
L'Est Républicain, 13/10/2009:
Ne pas confondre déchets « recyclables » et déchets « recyclés ».
Les écolos du Réseau sortir du nucléaire avaient levé le lièvre des promenades d'uranium de retraitement (URT) de la France à la Russie en janvier dernier, mais l'information était restée au conditionnel, « tant les données liées au trafic d'uranium brillent par leur opacité », affirme Stéphane Lhomme, porte-parole du Réseau, un militant qui avait été placé en garde à vue en mars 2008 pour détention « d'informations confidentiel défense » sur la capacité de résistance du futur réacteur nucléaire EPR en cas d'attaque terroriste.
L'affaire Seversk est pour lui l'occasion de battre en brèche la campagne de désinformation des industriels de la filière : « Areva et EDF jouent sur les mots, théoriquement, 96% des déchets nucléaires sont recyclables, mais dans les faits, ils ne sont pas recyclés et ne le seront jamais. Ce sont donc bien des déchets nucléaires qu'ils présentent comme une ''précieuse'' réserve stratégique de combustible ». Selon le Réseau, cette réserve est un « subterfuge » pour justifier l'enrichissement de l'uranium de retraitement dans la nouvelle unité Georges-Besse 2 dont le chantier s'achève sur le site du Tricastin dans la Drôme.
L'ombre de l'Iran
Pour Stéphane Lhomme, « cette nouvelle usine va fonctionner avec une technologie étrangère. La France est supposée être à la pointe du nucléaire, mais elle ne possède pas la technologie d'enrichissement de l'URT avec des centrifugeuses, contrairement à la Russie et à d'autres pays comme... l'Iran ».
Le militant est sûr de ses sources : «Depuis 1979, l'Iran est actionnaire à hauteur de 10% de l'actuelle usine d'enrichissement de l'uranium Eurodif ou Georges Besse 1. Il est vraisemblable que pendant une durée indéterminée, 10% de la production de cette usine ont été livrés à ce pays... dont la France dénonce aujourd'hui vigoureusement le programme nucléaire ! ».
Quant aux centrifugeuses de l'unité Georges Besse 2 opérationnelle en 2012, Areva sera obligé de payer cher cette technologie à son concurrent Urenco : « Un processus industriel dit de '' boîte noire'' permet à Areva d'utiliser le procédé, mais sans pouvoir y accéder. Seuls les murs de l'usine Georges-Besse 2 sont français... ».
Le Parisien, 12/10/2009:
Le quotidien Libération en fait sa une de matin : «Nucléaire : la décharge secrète d'EDF». «Des matières radioactives d'origine française sont entreposées sans contrôle en Sibérie», révèle le quotidien, dont une des journalistes, Laure Noualhat, a co-réalisé avec Eric Guéret le documentaire «Déchets, le cauchemar du nucléaire»* diffusé mardi sur Arte.
Après une enquête de huit mois,
on apprend ainsi que plus de cent tonnes d'uranium appauvri produit
par les réacteurs français d'EDF sont envoyées,
en catimini, chaque année, vers la Russie. «Je ne
savais pas que l'on envoyait des matières radioactives
en Russie», réagit dans Libération Corinne
Lepage, ministre de l'Environnement de 1995 à 1997.
Après un trajet de plus de 8 000 km - en bateau du Havre
jusqu'à Saint-Petersbourg, puis en train - c'est à
Seversk , en Sibérie, que les déchets sont stockés.
Dans cette ville de 30 000 habitants interdite aux journalistes,
ils sont placés dans des containers puis rangés
sur un parking à ciel ouvert.
«Comme nous n'avons pas la technologie, nous faisons appel à une société russe»
Areva indique que 96 % des déchets français sont recyclés. Ainsi, sur 100 % de déchets produits annuellement, 4 % sont des déchets ultimes qui sont enfouis. Les 96 % restants se composent de 1 % de plutonium dont on fera du MOX** - un autre combustible - et de 95 % d'uranium appauvri. Sur ces 810 tonnes d'uranium appauvri produits chaque année, 690 sont stockées à Pierrelatte (Drôme) tandis que 120 tonnes sont expédiées en Russie. [Question: Le stockage de 199 000 tonnes d'oxyde d'uranium appauvri en Limousin, vous connaissez ?]
C'est pour ré-enrichir cet uranium de
retraitement qu'il est envoyé en Russie. «Comme nous
n'avons pas la technologie, nous faisons appel à une société
russe», explique-t-on chez Areva. Mais 10 % seulement de
l'uranium va pouvoir être ré-enrichi. Ainsi, sur
les 120 tonnes envoyées chaque année, seules 12
tonnes sont réinjectées dans le circuit nucléaire
français, les 108 tonnes restantes demeurent donc en Russie,
où elles sont stockées à ciel ouvert. Selon
la réponse laconique d'EDF obtenue par Libération,
«ses matières ne sont plus la propriété
d'EDF, mais de l'industriel russe».
Appelée «queue d'uranium», cette matière
appauvrie peut être valorisée, expliquent EDF et
Areva. En l'associant à du plutonium, on peut faire du
MOX qui pourra être utilisé dans les réacteurs
de quatrième
génération... en 2040. Selon Libération,
les «queues d'uranium» ne sont pas dangereuses en
soi [faux, lire: L'uranium
est mortifère qu'il soit civil ou militaire]. Mais un accident
lors du transport - 8 000 km - où lors du stockage, un
crash d'avion ou un attentat, pourraient disperser des particules
radioactives dans l'atmosphère.
*Diffusé à 20 h 45, mardi 13
octobre sur Arte.
**Mélange d'oxydes
12/10/2009 - Le journal Libération épingle dans son édition de lundi la gestion des déchets nucléaires produits par les centrales nucléaires françaises d'EDF, une partie d'entre eux n'étant pas recyclée mais entreposée en Russie.
Selon le quotidien, qui se base sur une enquête dont la diffusion est programmée mardi sur Arte, "13% des déchets radioactifs français produits par EDF se retrouvent en plein air en Sibérie dans une ville interdite d'accès". "Grâce à l'enquête (...) nous apprenons que la France sous-traite à la Russie le stockage de déchets qui sont censés être ensuite réutilisés mais ne le sont pas", ajoute dans un éditorial Laurent Joffrin, directeur de la rédaction du quotidien.
Une porte-parole d'EDF n'a pas souhaité confirmer le chiffre de 13% donné par Libération mais elle a confirmé l'envoi par l'électricien de déchets nucléaires en Russie. "Nous envoyons des déchets en Russie pour retraitement et ils nous en retournent de 10 à 20% qui sont réutilisés dans le parc français", a expliqué la porte-parole.
"Ces matières partent en Russie parce que nous ne disposons pas pour l'instant, du procédé d'ultracentrifugation", a expliqué pour sa part dans les colonnes de Libération un porte-parole d'Areva. Le groupe nucléaire disposera de cette technologie en 2012 lorsque l'usine Georges-Besse II sera en fonctionnement, a-t-il ajouté.
12/10/2009 - Le groupe français EDF envoie des substances radioactives en Russie, où elles sont stockés à ciel ouvert dans une ville de Sibérie, selon une enquête publiée lundi par le quotidien Libération, qui avance que "près de 13% des matières radioactives produites par notre parc nucléaire dorment" dans le complexe atomique sibérien de Tomsk-7.
EDF a dénoncé une présentation des faits "complètement inexacte", assurant qu'"aucun déchet nucléaire d'EDF n'est transporté en Russie".
"Chaque année, depuis le milieu des années 90, 108 tonnes d'uranium appauvri issues des centrales françaises viennent, dans des containers, se ranger dans un grand parking à ciel ouvert", selon l'enquête d'une journaliste du quotidien Libération, coréalisatrice d'un documentaire qui sera diffusée ce mardi sur la chaîne de télévision Arte.
Le combustible utilisé dans les centrales nucléaires, principalement de l'uranium, produit des déchets dits "ultimes", qui sont retraités par Areva. Mais il reste aussi de l'uranium qui n'a pas brûlé et un peu de plutonium.
Les faibles quantités d'uranium restantes sont enrichies en Russie après un voyage de plus de 8000km entre la France et la Sibérie, raconte Libération. Or, cette infime portion de cet uranium de retraitement, une fois enrichi, ne représente plus que 10% de matière utilisable par EDF et 90% d'uranium très appauvri - "les queues d'uranium" -, qui reste en Sibérie.
Cet uranium très appauvri est ensuite stocké "sur de grands parkings à ciel ouvert", affirme le quotidien, car il devient propriété de l'entreprise russe Tenex. Pour Areva et EDF, cette matière est "valorisable", alors que les experts et les écologistes jugent impossible de la réutiliser, à l'image d'une "orange pressée deux fois", qui "ne fournit plus guère de jus".
Pour Sylvain Granger, directeur de la division combustible nucléaire chez EDF, la présentation de l'article est "totalement inexacte" et "tend à créer de l'émotion sur un sujet qui en fait est un sujet connu".
Après la production d'électricité, "l'uranium qui n'a pas brûlé et qui est à peu près équivalent à de l'uranium naturel" est "effectivement aujourd'hui envoyé en Russie pour être enrichi, et cet uranium enrichi, il revient en France et il produit de l'électricité dans les centrales françaises", a-t-il déclaré à l'Associated Press. Ainsi, "il y a 20% de l'électricité d'origine nucléaire produite en France qui est produite à partir de combustibles recyclés".
"Le produit enrichi est repris par l'électricien pour être consommé dans ces réacteurs" et le produit appauvri devient la propriété de l'enrichisseur, en l'occurence des Russes, a-t-il expliqué. L'uranium appauvri, "peu radioactif", "n'est pas entreposé comme ça à ciel ouvert", il est "sécurisé dans des conteneurs" et entreposé sur le site industriel de l'enrichisseur.
"Ce qui est décrit est une pratique internationale courante, qui se fait aussi bien en France, en Angleterre, aux Pays-Bas, en Allemagne et aux Etats-Unis", a-t-il ajouté, notant qu'"on a 200 000 tonnes d'uranium appauvri en France".
"Depuis longtemps, une partie des déchets qu'Areva prétend recycler à La Hague pour qu'ils soient réutilisés dans des réacteurs finit en réalité stockée dans les plaines de Sibérie", affirme de son côté Yannick Rousselet, chargé de campagne Nucléaire à Greenpeace France. "La version officielle serait que cette matière y est ré-enrichie afin de pouvoir être réutilisé comme combustible. En réalité, seuls moins de 10% de la matière reviennent en France", estime Greenpeace dans un communiqué.
"Actuellement, au maximum deux réacteurs nucléaires français (Cruas 3 et 4) sont susceptibles de réutiliser ce combustible", souligne Greenpeace, qui "met au défi Areva et EDF de publier avec précision les données sur l'ensemble des flux de matières entre la sortie des réacteurs, lors des opérations de retraitement, conversion et ré-enrichissement puis à la fin de retour en réacteur".
De son côté, le réseau "Sortir du nucléaire" accuse Areva et EDF de jouer sur les mots "pour abuser l'opinion publique". Dans un communiqué, le réseau juge qu'il ne faut pas "confondre 'recyclable' et 'recyclé' ".
Libération, 12/10/2009:
Diffusé le 13 octobre sur Arte, le documentaire d'Eric Guéret et de notre journaliste Laure Noualhat montre que certains rebuts radioactifs français, loin d'être recyclés, sont abandonnés en Russie
Depuis des années, l'industrie nucléaire se présente comme une industrie recyclable où, nous affirme-t-on, 96% des matières radioactives sont réutilisables. Un chiffre à faire pâlir d'envie les industries les plus polluantes. La filière nucléaire fait ainsi figure d'industrie propre, recyclable, fonctionnant en circuit quasi fermé et qui, de surcroît, assure l'indépendance énergétique de la France. La réalité est un poil différente. Et le beau circuit du nucléaire connaît en fait de grosses fuites. Aujourd'hui, c'est près de 13 % des matières radioactives produites par notre parc nucléaire qui dorment quelque part au fin fond de la Sibérie. Précisément dans le complexe atomique de Tomsk-7, une ville secrète de 30 000 habitants, interdite aux journalistes. Là-bas, chaque année, depuis le milieu des années 1990, 108 tonnes d'uranium appauvri issues des centrales françaises viennent, dans des containers, se ranger sur un grand parking à ciel ouvert.
Comment et pourquoi en est-on arrivé là ? Pour le comprendre, il faut remonter la filière du retraitement nucléaire français. Au cours de la réaction en chaîne, le combustible, constitué principalement de barres d'uranium, produit un peu de plutonium, mais aussi des «déchets ultimes». L'exploitant EDF paie donc l'industriel Areva pour retraiter le combustible usé de ses centrales à l'usine de La Hague, dans la Manche (lire page 4). Là-bas, on isole les déchets ultimes dont on ne peut rien faire (4 % des volumes), puis le plutonium (1%) et l'uranium de retraitement (les 95% restants). L'industriel Areva assure que le plutonium et l'uranium de retraitement sont réutilisables, ce qui représente le fameux taux de recyclage à 96%. Dans les faits, c'est plus compliqué.
En bateau, en train. Le plutonium est effectivement réinjecté dans le cycle du combustible, mais à des taux très faibles. En l'associant à de l'uranium appauvri, on obtient un nouveau combustible, le MOX (abréviation de «mélange d'oxydes»), qui alimente, en partie, 22 des 58 réacteurs français. Quant à l'uranium de retraitement, on ne peut le réutiliser qu'à hauteur de 10 %. Pour le réintroduire dans un coeur de réacteur, il faut l'enrichir plus que d'ordinaire. C'est un processus qui s'opère aujourd'hui en Russie, car la France ne dispose pas de la technologie. «Le site Eurodif, dans la Drôme, qui est l'usine d'enrichissement d'Areva, ne dispose pas d'une ligne de production spécifique pour permettre ce travail» explique Mycle Schneider, consultant international en matière d'énergie. Ainsi, Areva expédie une partie de l'uranium de retraitement à 8 000 kilomètres de la France, en Sibérie.
Les containers embarquent sur un bateau au Havre, jusqu'à Saint-Pétersbourg, puis sont chargés à bord d'un train pour être traités dans le complexe atomique de Tomsk-7. Une fois là-bas, l'uranium de retraitement est réenrichi, ce qui produit 10 % de matières réutilisables par EDF, et 90 % d'uranium très appauvri - que l'on appelle les queues d'uranium - qui deviennent la propriété de l'entreprise russe Tenex. C'est cet uranium qui est stocké sur de grands parkings à ciel ouvert. En l'état, il n'est guère dangereux sauf si un avion venait à se crasher dessus. Cela disperserait les matières radioactives dans l'environnement.
Les industriels français du secteur, Areva et EDF, se défendent de laisser des déchets radioactifs aux Russes. Pour eux, cette matière appauvrie peut se réutiliser, elle est «valorisable». Et chez Borloo, à la direction de l'énergie et du climat, on décline les multiples usages qu'on pourrait en faire. «On peut l'associer à du plutonium et faire du MOX. Et quand les réacteurs de quatrième génération seront au point, en 2040 si tout se passe bien, on pourra la réutiliser», affirme-t-on. EDF considère en effet que cette dernière option «représente le potentiel de réutilisation le plus important, dans la mesure où les queues d'uranium constituent le combustible naturel de cette technologie». Rendez-vous donc en 2040 [Rappel: Le réacteur de 4ème génération c'est le retour des surgénérateurs de type SuperPhénix...].
Une vraie galère. Pour nombre d'experts et d'écologistes, l'utilisation de l'uranium appauvri stocké en Russie est improbable car cette matière s'apparente à une orange pressée deux fois : elle ne fournit plus guère de jus. «Théoriquement, on peut utiliser les queues pour fabriquer du combustible nucléaire, mais en pratique, les Russes ne le font pas, affirme Vladimir Tchouprov, chargé de campagne énergie de Greenpeace en Russie. Ce produit est polluant et il contient très peu d'uranium 235. C'est une vraie galère à utiliser. Pour nous, c'est un déchet ultime.» Pour les écologistes russes, Areva envoie en Russie des déchets qui n'ont aucune valeur marchande pour l'instant, et qui sont nocifs. «Les Français envoient des matières dont une partie faible, 10% environ, est effectivement réutilisée. Est-ce que ça vaut le coup ? De fait, ils abandonnent 90 % de leur matière chez nous» déplore l'écologiste russe.
«Le terme abandonner n'est pas approprié, rétorque Jacques-Emmanuel Saulnier, porte-parole d'Areva. La pratique internationale établie est la suivante : la matière enrichie revient au client [en l'occurrence EDF] et la matière appauvrie revient à l'enrichisseur. Mais il est vrai que la technologie peut s'améliorer. Pour l'heure, nous sommes technologiquement obligés de séparer les matières. Bientôt, nous pourrons nous en passer.»
Ce transfert de matières radioactives pose différentes questions : la sécurité de leur transport sur 8 000 km, la sécurité de leur stockage et l'efficacité du retraitement. En attendant d'hypothétiques sauts technologiques à venir, le cycle fermé du nucléaire français fuit donc en Russie. En toute opacité.