La Dépêche du Midi, 20/12/2007:
Une sixième personne est décédée parmi les 145 victimes d'une surdose de radiations lors de leur traitement à l'hôpital Rangueil de Toulouse, a-t-on appris jeudi auprès de l'association SOS irradiés 31.
Agé d'une cinquantaine d'année
et originaire du Portugal, l'homme, qui vivait à Perpignan,
est décédé, a précisé l'avocat
de l'association Me Christophe Lèguevaques, sans pouvoir
donner plus de précisions.
En novembre, un septuagénaire de Brive-la-Gaillarde était
mort à son domicile. Les deux hommes faisaient partie des
145 patients traités pour des tumeurs cérébrales
cancéreuses ou bénignes à l'hôpital
de Rangueil entre avril 2006 et avril 2007 et qui, selon l'hôpital
Rangueil, avaient reçu des surdoses en raison du mauvais
étalonnage d'un appareil de radiochirurgie.
Selon un rapport d'expertise de l'Institut de radioprotection
et de sûreté nucléaire publié jeudi,
l'utilisation d'un matériel d'étalonnage inadapté
est à l'origine de ces surdoses de radiation.
Me Lèguevaques a indiqué qu'il devait être
reçu jeudi après-midi avec la présidente
de l'association Odile Guillouët au ministère de la
Santé pour discuter du "traitement inégalitaire"
entre les victimes de Toulouse et celles d'Epinal.
Au cours de cette rencontre, l'association présentera également
la "commission d'expertise et d'indemnisation", dont
la création permettrait une "indemnisation simple,
équitable et rapide des victimes de surirradiation au CHU
de Toulouse".
Le 7 décembre, la ministre de la Santé Roselyne
Bachelot a annoncé le versement avant Noël d'une avance
de 10.000 euros à 500 surirradiés de l'hôpital
d'Epinal.
Une erreur d'étalonnage responsable des surexpositions aux radiations.
L'utilisation d'un matériel d'étalonnage
inadapté est à l'origine des surdoses de radiations
qui ont concerné 145 patients entre avril 2006 et avril
2007 à l'hôpital de Toulouse-Rangueil, selon un rapport
d'expertise de l'Institut de radioprotection et de sûreté
nucléaire publié jeudi. "Il s'agit d'une seule
erreur, et non d'une cascade de dysfonctionnements comme dans
le cas d'Epinal", a précisé le Pr Patrick Gourmelon,
directeur de la radioprotection à l'IRSN.
L'hôpital de Toulouse utilisait un appareil de radiochirurgie
extrêmement perfectionné de la société
Brainlab, destiné à irradier les tumeurs cérébrales
profondément situées, et donc difficiles à
opérer, au millimètre près. Pour adapter
les microfaisceaux à la tumeur à traiter, l'appareil
utilise un "collimateur", qui module la forme du faisceau
en fonction de la géométrie de la tumeur.
Un "détecteur" reçoit le flux des photons
et mesure la dose reçue par le patient. Selon l'IRSN, c'est
ce détecteur, d'une taille trop importante par rapport
aux faisceaux, qui a causé l'erreur d'étalonnage,
en sous-estimant la dose. Dés lors, tous les calculs du
logiciel étaient faux.
Sur la base de son rapport, l'IRSN formule un certain nombre de
recommandations techniques sur les tests de ce type d'appareil.
L'Institut recommande aussi de suspendre l'utilisation des collimateurs
coniques de diamètre de 4 mm, "parce qu'on s'est aperçu
que les protocoles d'étalonnage n'étaient pas standardisés,
ce qui pouvait amener des pratiques différentes selon les
équipes", a précisé M. Gourmelon. Six
patients sont décédés parmi les 145 victimes
des surdoses de Rangueil, a indiqué jeudi à l'AFP
l'avocat de l'association des victimes SOS Irradiés 31.
Toutefois, le lien entre les décès et les surexpositions
n'a pas été formellement établi.
L'IRSN mène une expertise "patient par patient pour
déterminer le risque des surdoses reçues sur les
parties sensibles du cerveau", a précisé le
Pr Gourmelon. Cette enquête "complexe" doit aboutir
en mars 2008.
Le Monde, 5/7/2007:
Roselyne Bachelot a récemment qualifié
l'accident de radiothérapie d'Epinal, qui a fait cinq morts
à ce jour, de " catastrophe ". La ministre de
la santé a estimé qu'un état des lieux de
ce secteur de la médecine nucléaire était
nécessaire, la France ayant connu une multiplication préoccupante
des accidents ces dernières années.
Outre Epinal, où les surexpositions résultant d'une
erreur de saisie informatique ont de surcroît été
cachées aux patients, un décès a été
enregistré à Lyon, en mars 2006, à la suite
d'une confusion entre centimètres et millimètres
lors de la transmission de la taille du champ d'irradiation. A
Toulouse, des surdoses ont été appliquées
à 145 patients en raison d'une erreur d'étalonnage.
Puis quatre centres ont été fermés provisoirement
le 11 juin à la suite de la découverte d'une déviation
systématique de 1,25 millimètre du faisceau qui
aurait affecté plus de 600 patients traités en radiochirurgie
pour des affections du cerveau. On pourrait aussi citer des erreurs
dans l'identification de patients, à Angers et à
Saint-Etienne, des oublis ou des problèmes de positionnement
de sources de curiethérapie sur des malades, à Amiens
et Nice.
La multiplication de ces affaires est-elle le signe d'une dégradation des soins dans les 182 centres pratiquant la radiothérapie ou l'indice d'une meilleure détection, et déclaration, des anomalies ? Tous ces incidents et accidents n'avaient pas la même gravité, ni une origine unique, même si l'erreur humaine est chaque fois présente, qu'elle provienne du concepteur des appareils d'irradiation ou des utilisateurs. La justice aura à trancher sur certaines responsabilités. L'affaire dépasse nos frontières. La Belgique vient ainsi de connaître une affaire similaire.
Face à l'afflux des malades - quelque 180 000 patients sont traités chaque année par radiothérapie -, le facteur humain est prépondérant : la France ne compte que 300 à 400 radiophysiciens, garants de la bonne application des doses de rayonnements. Mme Bachelot s'est engagée à ce que leur nombre soit doublé en cinq ans pour garantir un service de qualité. Il faudra pour cela que la filière de formation soit renforcée. Et que la formation continue soit rendue obligatoire. Les accidents ont aussi une origine technique : les machines utilisées sont de plus en plus sophistiquées, leur asservissement à des systèmes informatiques est en principe une garantie de précision. Mais si une erreur se glisse dans la chaîne d'information, elle a plus de chance d'être systématique et reproduite sur un plus grand nombre de patients. Reste la question du dépistage de ces sources d'accident.
Depuis plusieurs années, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui a englobé le contrôle des activités médicales en 2002, disait suspecter des problèmes de rigueur dans ce secteur, comme dans celui de l'utilisation industrielle et scientifique de dizaine de milliers de sources radioactives. Elle a pu cependant donner l'impression de temporiser et de ne prendre réellement la mesure du problème qu'après la révélation du drame d'Epinal.
L'ASN, historiquement chargée du contrôle de l'industrie électronucléaire, craignait-elle d'être accusée de vouloir détourner l'attention des erreurs d'EDF, du CEA ou de la Cogema en pointant celles du secteur médical ? Majoritairement composée d'ingénieurs issus du corps des Mines, avait-elle des difficultés à appréhender un monde médical façonné par une tout autre culture ?
L'ASN ne dispose d'inspecteurs en radioprotection - une soixantaine - que depuis septembre 2006. Ils ont été nommés deux ans après la loi de 2004 qui créait ce nouveau corps... Ses moyens de contrôle resteront limités. Ses responsables sont convaincus que la manière forte est contre-productive dans la gestion des risques. Pour que les anomalies soient connues et corrigées - ce que les spécialistes nomment le " retour d'expérience " -, il faut éviter une attitude uniquement répressive, plaident-ils. Même si la déclaration des incidents est légalement obligatoire, les professionnels de santé risquent de s'y soustraire s'ils redoutent une sanction.
" La culture du "pas vu, pas pris'' est encore très forte chez mes confrères ", assure Jean-Pierre Gérard, directeur général du centre anticancer Lacassagne à Nice, qui a connu récemment un incident dans son service de curiethérapie. La communauté est ébranlée par cette nouvelle culture de la transparence, d'autant qu'elle ne s'applique pas forcément avec la même rigueur à d'autres spécialités médicales. " Cette transparence est indispensable si les médecins entendent conserver la confiance des malades. A défaut, ceux-ci risqueraient de se détourner de techniques dont les bénéfices surpassent de très loin les risquent inhérents à l'utilisation des rayonnements.
L'échelle d'évaluation [médiatique] des incidents de radiothérapie, en préparation, s'annonce à cet égard comme un outil indispensable. Sans qu'il soit question de relativiser la souffrance individuelle que peut recouvrir chaque cas considéré, ce nouvel outil devrait permettre aux patients, mais aussi aux médias, de mieux apprécier l'importance de ces " anomalies ". Et encourager les médecins à contribuer à l'amélioration de leurs pratiques individuelles et collectives.
VIGILANCE ACCRUE
La ministre de la santé dispose maintenant du rapport d'étape sur l'état des lieux des centres de radiothérapie qu'elle avait commandé à l'Institut national du cancer et elle a chargé conjointement l'ASN et l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé du suivi de cette activité. Cette vigilance accrue devra certainement être appliquée non seulement vis-à-vis de la radiothérapie, mais aussi à l'ensemble des pratiques médicales faisant appel à des sources radioactives, par exemple pour de l'imagerie. Selon l'ASN, seuls 30 % des praticiens utiliseraient les niveaux de référence diagnostiques définis pour mieux maîtriser les doses délivrées. La faiblesse de ces doses peut conduire à relativiser l'impact individuel engendré par ces expositions. Mais le risque doit, dans ce cas, être appréhendé de façon statistique : étant donné qu'environ 70 millions d'actes médicaux utilisant les rayonnements ionisants sont réalisés chaque année en France (chiffres 2002), essentiellement en radiologie conventionnelle, il ne peut être négligé [lire: La radiomanie française, Science & Vie n°864, septembre 1989 en PDF].
Les bonnes pratiques doivent aussi s'étendre au personnel soignant : en 2005, 28 dépassements de la limite annuelle d'exposition ont été enregistrés, contre un seul dans les centrales d'EDF.
[Remarque: Il y a une externalisation massive du risque d'irradiation et de contamination des agents EDF vers les travailleurs extérieurs intérimaires, selon la division technique classique: conception (ici préparation/contrôle), exécution. Environ 25 000 salariés de plus de 1 000 entreprises différentes, les travailleurs extérieurs, reçoivent 80 % de la dose collective annuelle enregistrée sur les sites nucléaires, avec des doses individuelles moyennes mensuelles, par mois de présence en zone irradiée, 11 à 15 fois plus élevées que celles des agents EDF]
Un quart des établissements ont réalisé des études de poste pour optimiser les expositions aux rayonnements et 68 % se font contrôler périodiquement par des organismes agréés, note encore l'ASN dans son rapport annuel 2006. A l'évidence, de fortes marges de progrès demeurent.
Le Monde, 27/6/07:
Le janvier à mai, huit patientes du Centre de lutte contre le cancer Antoine-Lacassagne de Nice (Alpes-Maritimes) ont été victimes d'un incident d'irradiation, déclaré à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) le 29 mai et rendu public par Nice-Matin. Ces malades étaient traitées pour des cancers du sein par curiethérapie, c'est-à-dire par application d'une source radioactive - un fil d'iridium - sur la tumeur. Mais une imprécision systématique de 12 millimètres dans la projection de cette source a été mise en évidence fortuitement : des réactions cutanées observées sur deux femmes ont alerté leur radiothérapeute, qui a constaté une anomalie dans le contrôle de la position des sources.
"Cette imprécision de quelques millimètres n'aura pas d'influence en termes de toxicité pour les patientes ou sur le bénéfice dont elles peuvent tirer de ce traitement", souligne Jean-Pierre Gérard, directeur général du centre Lacassagne. Les huit patientes ont été informées de l'anomalie et seront suivies pour s'assurer que leur santé n'en pâtira pas.
VERS UNE ÉCHELLE D'ÉVALUATION
Alors que plusieurs incidents graves de radiothérapie
défrayaient déjà la chronique - à
Epinal notamment -, l'équipe médicale s'est interrogée
sur l'opportunité de rendre public l'incident qu'elle considérait
comme "véniel", précise le professeur
Gérard : "J'y étais favorable, car je suis
convaincu que cette nouvelle culture de la transparence aboutit
à un retour d'expérience utile pour d'autres confrères
et in fine aux patients."
La contrepartie de cette transparence doit être, prévient-il,
"de ne pas dramatiser des incidents mineurs, afin de ne
pas détourner les patients de techniques particulièrement
performantes". Aussi participe-t-il, en tant que membre
de la Société française de radiothérapie
oncologique (SFRO) et en collaboration avec l'ASN et l'Agence
française de sécurité sanitaire des produits
de santé (Afssaps), à l'élaboration d'une
échelle des incidents de radiothérapie. Sur cette
échelle, qui sera finalisée dans les prochains jours,
l'incident de Nice serait sur le niveau le plus bas, et l'accident
d'Epinal, qui a fait 5 morts, sur le barreau le plus élevé,
précise-t-on à l'ASN.
Hervé Morin
Le Monde, 12/6/07:
Le ministère de la santé a annoncé,
lundi 11 juin, la suspension de l'activité de radiothérapie
dans quatre centres hospitaliers universitaires à Montpellier,
Nancy, Tours et à la Pitié-Salpêtrière
(Paris). Cette décision a été prise après
que la société Brainlab a informé le ministère
d'un dysfonctionnement sur des appareils de radiothérapie
stéréotaxique, permettant le repérage puis
l'irradiation de lésions cérébrales. Un numéro
national, le 0820-03-33-33 (12 centimes d'euros la minute) est
ouvert depuis mardi 12 juin pour répondre aux demandes
d'information des patients et de leurs proches. Environ 600 personnes seraient concernées.
La radiothérapie stéréotaxique est une technique
de traitement non invasive, guidée par l'image. Les lésions
intracrâniennes sont repérées en 3D, avec
une précision millimétrique, avant d'être
traitées par un faisceau de rayonnement. De ce fait, la
rigueur du repérage est essentielle. Ce nouvel incident
avec des appareils de radiothérapie consiste en "une
déviation d'environ 1 millimètre du faisceau de
rayonnement destiné à traiter des tumeurs et malformations
très localisées du cerveau", précise
le communiqué du ministère de la santé. Le
décalage serait systématiquement de 1,25 mm, selon
nos informations.
Le point de départ de l'affaire est en fait "la
découverte par un centre de radiothérapie en Espagne
d'un décalage dans les coordonnées spatiales de
la zone cérébrale à traiter, entre la phase
de détection de cette région et l'application du
rayonnement", précise Jean-Luc Godet, de l'Autorité
de sûreté nucléaire (ASN). L'anomalie a été
mise au jour lors d'un contrôle utilisant une autre méthode
de calibration que celle de Brainlab.
Le constructeur a alors directement alerté, le 6 juin,
les quatre CHU français utilisant le même type de
matériel, avant de prévenir les autorités
sanitaires françaises, le 8 juin. "C'est une démarche
contraire aux usages", remarque M. Godet.
Par mesure de précaution, le ministère avait demandé,
dimanche soir, "aux équipes hospitalières
de tout le territoire de suspendre toutes les séances de
radiothérapie en condition stéréotaxique
prévues" employant ce matériel Brainlab.
La vérification effectuée dans la journée
de lundi par l'ASN et l'Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé (Afssaps) a permis de constater
que "seuls quatre sites s'avèrent concernés,
le Centre Alexis Vautrin de Nancy, le CHU de Montpellier, le CHU
Bretonneau de Tours et le CHU de la Pitié-Salpêtrière".
L'ASN et l'Afssaps ont donc levé dès lundi soir
la suspension d'activité pour les autres établissements.
Le fonctionnement de leurs appareils n'est pas mis en cause.
Un autre type d'incident était survenu récemment
au CHU Rangueil, à Toulouse, avec un appareil également
fabriqué par BrainLab (Le Monde du 24 mai). Il s'agissait
d'une discordance entre la dose d'irradiation prescrite et la
dose délivrée, en raison d'un défaut présent
depuis la calibration initiale de l'appareil. Un total de 145
patients avaient reçu des doses allant jusqu'au double
de celles prescrites. Les doses n'auraient cependant pas dépassé
les limites supérieures théoriquement applicables.
En octobre 2006 une série d'accidents survenus entre mai
2004 à août 2005 au centre hospitalier Jean-Monnet
d'Epinal avait été révélée.
Le bilan de l'Inspection générale des affaires sociales
avait fait état de quatre décès et de vingt-quatre
cas d'irradiation excessive. Une patiente était également
décédée des suites d'un accident d'irradiation
à Lyon.
"Une procédure individuelle d'information des patients
est engagée. Un rendez-vous de consultation sera proposé
à tous les patients traités dans les quatre sites
identifiés", précise le communiqué
du ministère. "Dans l'affaire actuelle, les risques
sanitaires liés au décalage du faisceau vont être
évalués cas par cas, en fonction de la pathologie
de chaque malade", estime M. Godet. A la Pitié-Salpêtrière,
deux tiers des patients étaient traités pour des
tumeurs malignes.
Le constructeur Brainlab a adressé, le 4 juin, une note
aux utilisateurs de ses appareils. Selon lui, aucune mesure corrective
ne peut être apportée dans l'immédiat dans
les quatre centres dont les appareils, tous datant de moins de
deux ans, sont concernés par les dysfonctionnements. Une
mise à jour du logiciel devrait leur être adressée
en septembre.
Cependant, une réunion prévue mardi 12 juin entre
les autorités sanitaires et la branche européenne
de Brainlab devait envisager des mesures correctives plus rapides
afin de faciliter la reprise de l'activité de radiothérapie
dans les centres concernés.
Paul Benkimoun et Hervé
Morin
20 minutes,
12 Juin 2007
C'est officiel, l'association rassemblant les
patients surirradiés par accident au CHU de Rangueil s'appellera
SOS irradiés 31. Son assemblée constitutive se réunira
mercredi*. Toutes les victimes sont invitées à y
rejoindre un premier noyau d'une dizaine de personnes. Persuadée
que « l'union fait la force », l'association
veut rassembler des données techniques avant de mener des
actions communes. Elle prévoit aussi la création
d'un blog. Officiellement, 145 personnes sont concernées
par l'accident. Et le rapport d'enquête de l'Autorité
de sûreté nucléaire annoncé hier ne
sera mis en ligne qu'aujourd'hui sur www.asn.fr
PARIS (8 juin 2007) -
L'Autorité de sûreté nucléaire s'inquiète
du sort de six des 145 patients victimes d'une surdose de radiations
à l'hôpital Rangueil de Toulouse, estimant que leur
cas doit faire l'objet d'une expertise complémentaire pour
déterminer "d'éventuels effets secondaires".
Dans son rapport sur les dysfonctionnements constatés entre
avril 2006 et 2007 dans l'une des installations de l'hôpital,
l'ASN réclame communication du dossier médical de
ces six patients "pour lesquels les contraintes de doses
aux organes à risque ont été dépassées
sur des volumes significatifs de l'organe".
Ces dossiers "seront adressés à un médecin
radiopathologiste de l'IRSN (Institut de radioprotection et de
sûreté nucléaire) pour une expertise concernant
d'éventuels effets secondaire", souligne l'ASN sur
son site web.
Les six malades concernés ont été irradiés
sur plus de 5% du volume de l'organe sain (qui normalement ne
devait pas être soumis à rayonnement). Mais d'autres
hôpitaux pratiquent ce type de dosage sans conséquences
connues pour la santé de leurs patients, relève
toutefois l'ASN dans son rapport.
145 patients traités avec des "micro-faisceaux"
pour des tumeurs cérébrales cancéreuses ou
bénignes à l'hôpital de Rangueil avaient été
victimes d'une erreur de calibrage des doses dans un appareil
de radiochirurgie.
Pour l'ensemble de ces patients, un suivi sera réalisé
par l'Institut de veille sanitaire (InVS). "L'InVS doit proposer
un protocole de surveillance épidémiologique qui
s'étalera sur une période minimale post-traitement
de deux ans, correspondant au délai d'apparition d'effets
secondaires redoutés après ce type de traitement",
ajoute le "gendarme" du nucléaire en France.
Pour la suite, l'ASN demande à l'hôpital toulousain
de procéder à une analyse des "facteurs organisationnels
et humains" ayant entraîné ces dysfonctionnements.
Parmi ceux-ci, l'ASN mentionne les ressources humaines, la charge
de travail, les compétences et la formation.
Une enquête avait été ouverte le 3 mai par
l'ASN, qui a autorisé la réouverture du centre de
Rangueil le 14 mai. L'hôpital, note l'autorité, a
en effet géré de manière "satisfaisante"
les suites de l'incident.
RFI, 23/5/2007:
Cent quarante-cinq patients, traités dans un service de neurochirurgie à Toulouse (sud-ouest), ont été gravement irradiés. Plusieurs accidents semblables ont été repérés en France depuis 2004-2005. Ces accidents commencent à susciter de vives inquiétudes chez les malades traités par radiothérapie.
Une infirmière surveille l'administration de rayons sur la tumeur d'un patient atteint d'un cancer dans la salle de radiothérapie.
Une fois, puis deux, puis trois et peut-être
plus : les cas de victimes de soins par radiothérapie
se multiplient et dans des centres différents, qui utilisent
les mêmes types d'appareils. En effet, après le cas
des vingt-quatre patients soignés pour un cancer de la
prostate et des quatre décès liés à
l'administration de doses excessives de rayonnement (2004-2005)
à l'hôpital Jean Monnet d'Epinal (est), voici cent
quarante-cinq autres patients, gravement sur-irradiés,
au Centre hospitalier universitaire Rangueil de Toulouse (sud-ouest).
Au CHU de Toulouse, on pratique la radio-chirurgie stéréotaxique,
une thérapie qui consiste en l'application d'un rayonnement
de haute énergie sur une lésion intercranienne,
très minutieusement ciblée.
Que s'est-il donc passé ? S'agit-il d'un dysfonctionnement
informatique ou bien, comme ce fut le cas pour l'affaire d'Epinal,
de la mauvaise utilisation d'un nouveau logiciel par un personnel
insuffisamment formé ? Selon un rapport, publié
en mars 2007, la responsabilité des accidents d'Epinal
avait été attribuée à deux radiothérapeutes
et un radiophysicien qui se sont retrouvés suspendus de
leurs fonctions. Dans le cas toulousain, en fait, «le
constructeur d'appareil, qui installe ces machines un peu partout
dans le monde, s'est rendu compte récemment que l'étalonnage
était mal fait, entraînant des rayonnements trop
élevés», selon les déclarations
d'un proche de l'enquête, rapportées par le quotidien
Aujourd'hui en France/le Parisien. C'est en effectuant
des comparaisons de contrôle des «fichiers de calibration»
que la société Brainlab, le constructeur de l'appareil,
a constaté des écarts entre dose délivrée
et dose prescrite et en a aussitôt informé le CHU.
Aussitôt informé, le centre toulousain a immédiatement
interrompu tout traitement, le 18 avril 2007. L'incident n'a pas
entraîné de «conséquence sanitaire
détectée à ce jour», selon le communiqué
du CHU Rangueil, alors que, dans le cas des patients traités
au CHU d'Epinal, il avait causé le décès
de quatre personnes. Mais les faits sont suffisamment inquiétants
pour que les autorités médicales aient saisi l'Autorité
de sûreté nucléaire (ASN). L'ASN, que le Parisien qualifie de «gendarme
du nucléaire civil [ayant] pour mission d'améliorer
la sûreté de la radiothérapie en France», demande à être informée
du résultat de suivi des patients. Depuis trois semaines,
ses enquêteurs sont sur place.
«Le parquet de Paris envisage de se saisir de ces
affaires de surdosage»
Epinal et Toulouse ne sont pas des cas isolés. En 2005,
à Lyon, au CHU Herriot, une patiente est décédée
à la suite de l'émission d'une dose de rayons cent
fois trop forte. Précédemment, à Grenoble,
un patient s'est trouvé également gravement irradié.
A la suite d'un rapport de l'Inspection générale
des affaires sociales (Igas) sur Epinal, l'ex-ministre de la santé,
Xavier Bertrand, avait alors décidé que tous
les services de radiothérapie mesurent désormais
la radiothérapie in vivo. En d'autres termes, il
exigeait un double contrôle de la dose de rayonnement véritablement
reçue par le patient, au lieu de se fier à la machine.
A Toulouse, le groupe de malades victimes de surdosage de rayons
était soigné dans le service de neurochirurgie.
Ce sont leurs cerveaux qui ont été exposés.
Bien que «pour l'instant, les patients surexposés
n'ont pas de symptôme particulier», assure l'hôpital,
chaque patient a été convoqué pour un entretien
médical personnalisé, afin de déterminer
«précisément de quoi ils souffrent».
«Face aux éventuelles nouvelles plaintes qui risquent
d'émerger dans toute la France, le pôle santé
du parquet de Paris envisage de se saisir de ces affaires de surdosage
thérapeutique», selon le Parisien. Près
de deux cent mille personnes suivent chaque année une radiothérapie
et le nombre va croissant depuis la mise en place du plan Cancer.
Le Monde, 26/3/07:
NANCY CORRESPONDANTE
Un rapport commandé par le ministre
de la santé, Xavier Bertrand, à l'Institut de radioprotection
et de sûreté nucléaire (IRSN) a révélé,
vendredi 23 mars, que vingt-quatre et non pas vingt-trois patients
traités à l'hôpital Jean-Monnet d'Epinal pour
des cancers de la prostate avaient été victimes
d'une surdose de rayons de 20 %. Et que 397 autres malades avaient
reçu une dose de 8 % supérieure à la normale
entre 2001 et fin 2006. Au total, 421 personnes ont été
victimes de sur-irradiation. "C'est comme le fil de la
pelote que l'on tire", commente Me Gérard Welzer,
avocat de plusieurs patients.
Selon les conclusions de l'IRSN, 32 % des patients, soit 140 personnes,
présentent des symptômes de rectite avérée
(inflammation du rectum), ou de suspicion forte de rectite. Les
rectites sont une complication connue d'un traitement par radiothérapie.
41 % des patients interrogés n'ont pas présenté
de signes cliniques déclarés. Mais, en l'espèce,
la question était de savoir si la fréquence de ces
rectites et cystites "s'inscrivait ou non dans les taux
courants de lésions radio-induites". Ces patients
vont être à nouveau interrogés pour mesurer
l'ampleur des conséquences de la sur-irradiation.
SEIZE PLAINTES
Devant cette avalanche de cas, et en raison
de la gravité du dossier, le procureur de la République
à Epinal, Bernard Marchal a demandé à la
juge d'instruction Fabienne Nicolas de se dessaisir au profit
du pôle de santé publique de Paris. A ce jour, seize
plaintes ont été déposées. Cinq pour
"homicide involontaire", onze pour "blessures
involontaires".
Le rapport de l'IRSN fait suite à une enquête administrative
de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS)
et de l'Autorité de sûreté nucléaire
(ASN), qui, le 5 mars, avait détaillé les dysfonctionnements
au sein de l'hôpital : erreur de manipulation du logiciel
du service de radiothérapie écrit en anglais, mauvaise
formation des personnels, vétusté et organisation
défaillante (Le Monde du 8 mars). La gestion de
la crise elle-même avait été calamiteuse,
en raison du défaut d'information.
C'est à la lecture de ce premier rapport que le ministre
de la santé en a exigé un autre, dans les plus brefs
délais, confié à trente experts de l'IRSN
qui ont épluché 4 000 dossiers de patients traités
entre 2001 et 2006. Ces experts (médecins, radiophysiciens,
radiopathologistes, dosimétristes) ont constaté
dans de nombreux dossiers "l'absence de comptes rendus
détaillés du suivi clinique pendant et après
la radiothérapie, alors que ces examens relèvent
des bonnes pratiques".
Le ministre de la santé a demandé que la dosimétrie
in vivo, qui permet de vérifier la dose délivrée
à chaque malade, soit mise en oeuvre d'ici à la
fin de l'année. Il a également réclamé
aux syndicats professionnels et aux sociétés savantes
des propositions concrètes d'amélioration de la
filière, avant fin avril. Un groupe de travail technique,
à pied d'oeuvre depuis la mi-mars, doit rendre rapidement
un référentiel d'assurance qualité en radiothérapie.
Quant aux patients victimes de sur-irradiation, ils feront l'objet
d'un suivi médical individualisé et d'un bilan coordonné
par le centre Alexis-Vautrin de Nancy.
Monique Raux
TF1, 6/3/2007:
Un rapport officiel dénonce le manque de prise en charge des patients suite à un surdosage de radiothérapie. Dans cet accident survenu en 2004-2005, quatre patients sont morts et 19 ont subi des séquelles.
Le rapport de l'Inspection générale
des affaires sociales (Igas) rendu public mardi, pointe du doigt
les graves défaillances à l'origine de l'accident
de radiothérapie de l'hôpital d'Epinal en 2004-2005
où quatre patients surdosés sont morts et 19 ont
subi des séquelles. "Au lieu d'être correctement
appréciés, les effets de l'accident ont été
constamment minimisés", note le rapport. "Les
personnels hospitaliers concernés ont considéré
que tout malade dont on n'avait pas de nouvelle allait forcément
bien et que lorsqu'ils étaient informés d'une complication,
il n'y avait plus rien à faire", indique-t-il.
Réalisé en collaboration avec l'Autorité
de sûreté nucléaire (ASN), le rapport fait
état de "défaillances que l'on ne croyait
plus possibles dans la gestion de la crise" au niveau
local, avant de reconnaître que les "différents
maillons de la chaîne sanitaire (...) ont tous successivement
lâché".
"Absence d'information"
Traités par radiothérapie
à l'hôpital Jean Monnet d'Epinal pour des cancers
de la prostate entre le 6 mai 2004 et le 1er août 2005,
23 patients ont fait l'objet de surdosage, dont quatre sont aujourd'hui
décédés. Dix présentent "une
complication (...) sévère" et neuf subissent
une "atteinte modérée", selon le
rapport. La direction de l'hôpital a développé
"une approche plus compassionnelle qu'organisée"
et "ne s'est pas donnée les moyens de répondre
à la crise", observent l'Igas et l'ASN, qui regrettent
que les autorités nationales "n'(aient été)
alertées qu'en juillet 2006".
Le rapport épingle également
l'"absence d'information" des malades, restés
"livrés à eux-mêmes, sans organisation
sanitaire d'ensemble". En conséquence, certains
patients ont été exposés à "des
errances diagnostiques ainsi qu'à des examens inutiles,
voire formellement contre-indiqués". Dix patients
ou leurs familles ont déposé plainte pour homicide
involontaire ou blessures involontaires la suite de l'accident
de radiothérapie.
Sanctions
Le ministre de la Santé Xavier Bertrand a annoncé
mardi des sanctions à l'égard de responsables administratifs
et médicaux de l'hôpital d'Epinal. Des "défaillances"
dans la "gestion de la crise" ont retardé
"jusqu'à l'été 2005" la
découverte de l'accident par les autorités locales
et l'information des patients n'a été "complètement
réalisée qu'en octobre 2006", a expliqué
Xavier Bertrand, qualifiant ces retards d'"inadmissibles".
Les victimes ayant été "privées"
de la prise en charge médicale et de l'accompagnement humain
spécifiques "qu'elles étaient en droit d'attendre",
le ministre de la Santé a décidé d'engager
"immédiatement" des procédures
administratives et disciplinaires pour les "responsables
administratifs et médicaux" et de suspendre "à
titre conservatoire les deux radiothérapeutes et le radio-physicien"
du centre hospitalier.
Le Monde, 6/3/07:
De graves défaillances sont à l'origine des accidents de radiothérapie à l'hôpital d'Epinal où quatre patients surdosés sont morts et dix-neuf ont subi des séquelles, d'après un rapport très critique de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) rendu public mardi 6 mars.
Le nombre de victimes est revu à la hausse. Jusqu'ici, le bilan de l'Agence régionale d'hospitalisation de Lorraine indiquait que 23 patients avaient été sur-irradiés sur les 103 traités par radiothérapie pour des cancers de la prostate entre mai 2004 et août 2005 à l'hôpital Jean Monnet. Mais on ne comptait qu'un seul décès direct, les trois autres morts étant considérés comme sans lien avec l'accident.
Réalisé en collaboration avec
l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN),
le rapport de l'IGAS fait état de "défaillances
que l'on ne croyait plus possible dans la gestion de la crise"
au niveau local, avant de reconnaître que les "différents
maillons de la chaîne sanitaire (...) ont tous successivement
lâché".
"Au lieu d'être correctement appréciés,
les effets de l'accident ont été constamment minimisés",
note le rapport. La direction de l'hôpital a développé
"une approche plus compassionnelle qu'organisée"
et "ne s'est pas donnée les moyens de répondre
à la crise", observent l'IGAS et l'ASN, qui regrettent
que les autorités nationales "n'[aient été]
alertées qu'en juillet 2006".
Le rapport épingle également l'"absence
d'information" des malades, restés "livrés
à eux-mêmes, sans organisation sanitaire d'ensemble".
En conséquence, certains patients ont été
exposés à "des errances de diagnostiques
ainsi qu'à des examens inutiles, voire formellement contre-indiqués".
DES SANCTIONS POUR LES RESPONSABLES DE L'HÔPITAL
Le ministre de la santé, Xavier Bertrand, a annoncé,
mardi matin, des sanctions à l'égard de responsables
administratifs et médicaux de l'hôpital. Des "défaillances"
dans la "gestion de la crise" ont retardé
"jusqu'à l'été 2005" la
découverte de l'accident par les autorités locales
et l'information des patients n'a été "complètement
réalisée qu'en octobre 2006", a expliqué
Xavier Bertrand, qualifiant ces retards d'"inadmissibles",
dans un entretien avec l'AFP.
Les victimes ayant été "privées"
de la prise en charge médicale et de l'accompagnement humain
spécifiques "qu'elles étaient en droit d'attendre",
le ministre de la santé a décidé d'engager
"immédiatement" des procédures
administratives et disciplinaires pour les "responsables
administratifs et médicaux" et de suspendre "à
titre conservatoire les deux radiothérapeutes et le radio-physicien"
du centre hospitalier.
Dix patients ou leurs familles ont déposé plainte
pour homicide involontaire ou blessures involontaires à
la suite de l'accident de radiothérapie.
"Ce qui s'est passé ne doit plus jamais se reproduire,
que ce soit à Epinal comme sur l'ensemble du territoire",
a affirmé Xavier Bertrand. Le ministre de la santé
a également annoncé mardi la création d'un
groupe de travail composé d'experts et de professionnels
de la radiothérapie, qui devra rendre ses conclusions "d'ici
six semaines" afin de "permettre un égal
accès à des soins de qualité et à
la sécurisation des pratiques en radiothérapie".
NOTE D'INFORMATION
Incident de curiethérapie au CHU d'Amiens Le 2 juin 2006, l'ASN a été informée par le Centre Hospitalier Universitaire (CHU) d'Amiens de l'oubli d'une source d'iridium 192 implantée sur un patient traité par curiethérapie à bas débit de dose au sein du service de radiothérapie.
Soigné pour un cancer de la gorge, ce patient a reçu en une seule fois la dose des deux séquences de traitement qui lui avaient été prescrites. Une vingtaine de personnes employées au CHU ainsi que des membres de la famille qui ont côtoyé le patient ont été faiblement exposés.
Le 5 juin 2006, l'ASN a procédé à une visite de contrôle du service de radiothérapie concerné pour préciser les circonstances de cet incident. Les investigations préliminaires de l'ASN ont mis en évidence une anomalie dans la gestion des sources radioactives ainsi qu'une utilisation inappropriée des appareils de contrôle de la radioactivité.
Pour éviter que ce type d'événement se reproduise, l'ASN a demandé au CHU d'Amiens d'améliorer le suivi des sources radioactives utilisées et plus spécialement les contrôles à la fin d'un traitement par curiethérapie. L'ASN a informé la SFRO (Société française de radiothérapie oncologique) et la SFPM (Société française de physique médicale) des circonstances de cet incident en vue d'une diffusion de retour d'expérience aux professionnels. Parallèlement, l'ASN a saisi son appui technique, l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), afin de procéder à une évaluation des doses de rayonnements reçues par les différentes personnes exposées.
L'ASN rappelle que la curiethérapie à bas débit de dose permet de traiter, de façon spécifique ou associée à d'autres techniques de traitement, des tumeurs cancéreuses. Les sources d'iridium 192, qui se présentent le plus souvent sous la forme de fils, sont destinées aux applications interstitielles (à l'intérieur des tissus) ou endocavitaires (à l'intérieur de cavités naturelles). Les sources sont mises en place sur le patient pendant son hospitalisation. Elles sont retirées à la fin du traitement. Lorsque le patient quitte l'hôpital, un contrôle doit être effectué afin de vérifier que toutes les sources d'iridium ont été enlevées.
EPINAL (13 octobre 2006) - Des erreurs de manipulation sont à l'origine d'accidents de radiothérapie d'une ampleur encore inédite en France, qui ont entraîné un décès et des complications chez 13 des 23 patients traités pour des cancers de la prostate à Epinal entre 2004 et 2005, selon les autorités. Selon l'Agence régionale de l'Hospitalisation (ARH) de Lorraine, qui a rendu l'affaire publique jeudi, ces surdosages relèvent d'une "mauvaise utilisation" d'un nouveau logiciel introduit en mai 2004, notamment d'erreurs de paramétrages et du "manque de maîtrise technique" d'une partie du personnel du centre hospitalier Jean-Monnet. Le logiciel a été remplacé en mai 2005, quelques mois avant que se déclarent les premiers symptômes pathologiques, fin juillet 2005. L'enquête épidémiologique interne a débuté en septembre de la même année. Tous originaires de la région d'Epinal, les 23 patients traités pendant un an ont subi une surexposition de 20% aux rayonnements de radiothérapie. Un surdosage qui a fini par provoquer le décès de l'un d'entre eux. [La raison avancée est stupide (un surdosage de 20 à 30 %), il doit aussi y avoir une erreur sur la zone d'irradiation.] Trois autres patients sont également décédés, sans toutefois de lien direct avec l'accident et 13 autres connaissent des complications apparues à partir de juillet 2005, à savoir des rectites (inflammation du rectum) qui ont nécessité la pose d'anus artificiels. Les six derniers ne présentent aucun symptôme. Selon une source proche du dossier, un patient aurait déjà déposé une plainte en avril. Les conclusions de l'enquête de police auraient été communiquées au parquet d'Epinal il y a environ mois mais la plainte n'aurait pas été traitée, l'ampleur de l'affaire étant à l'époque inconnue. Selon la directrice de l'hôpital, Dominique Capelli, des "transactions" à l'amiable sont en cours avec d'autres patients. "Il y a eu déjà eu 11 expertises et, je crois, neuf propositions d'indemnisation ont été faites", a-t-elle précisé. Pour le directeur de l'ARH Lorraine Antoine Perrin, "il y a eu clairement un problème de paramétrages, probablement dû à une mauvaise formation" du personnel. "Les personnels ont mal intégré la formation qu'ils ont reçue. Reste à savoir si elle a été bonne ou pas, même si nous avons des raisons de penser qu'elle comportait des failles", poursuit M. Perrin pour qui "l'erreur humaine" est incontestablement à l'origine de ces surexpositions. "Nous sommes affligés par ce qui s'est passé, d'autant qu'en mai 2005 nous avions changé de logiciel et que tout allait bien", a déclaré la directrice Mme Capelli qui a précisé avoir rencontré les familles. "J'ai rencontré les familles, je les ai informées de l'existence d'une commission régionale qui devait établir les responsabilités", précise Mme Capelli. "Je leur ai également dit que l'assurance de l'établissement se reconnaissait responsable et qu'elles pouvaient nous attaquer au civil et au pénal". Le ministère de la Santé a par ailleurs annoncé jeudi avoir missionné l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) "pour faire toute la lumière sur cette affaire". Il s'agit notamment d'"établir précisément les responsabilités et tirer les conclusions utiles" au niveau local et national concernant les conditions de sécurité de la radiothérapie, indique le communiqué qui précise que les conclusions définitives de la mission seront rendues à la fin de l'année.
Damien STROKA
LYON (11 mai 2006) -
La famille de la jeune femme décédée en mars
à la suite d'une erreur humaine survenue fin 2004 lors
d'un traitement par radiothérapie a dénoncé
jeudi l'attitude des Hospices Civils de Lyon et annoncé
qu'elle allait porter plainte contre le Centre Hospitalier Lyon-Sud.
Cette plainte pour "homicide involontaire par imprudence"
sera déposée en début de semaine prochaine
et sera accompagnée d'une requête devant le tribunal
administratif dans le cadre d'une demande d'indemnisation, a indiqué
lors d'une conférence de presse l'avocat des proches de
la jeune femme, Me Jean-Christophe Coubris.
"Nous n'accepterons pas de règlement à l'amiable.
Avant sa mort, ma fille nous a fait jurer d'aller jusqu'au bout",
a déclaré le père de la victime, présent
avec d'autres membres de la famille au point-presse.
Mariée, mère de deux enfants de 12 et 10 ans, Sonia,
32 ans, est morte à la suite d'une "erreur humaine",
une surdose de rayons administrée en novembre 2004, avait
révélé le 21 avril les Hospices Civils de
Lyon (HCL).
L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN),
organisme chargé du contrôle technique et réglementaire
de la sûreté nucléaire et de la radioprotection,
avait indiqué que le mauvais réglage du champ d'irradiation
avait "conduit à exposer une zone plus importante
que celle prévue par le traitement", en raison d'"une
erreur d'unité de mesure (cm au lieu de mm)".
Selon Me Coubris, Sonia, soignée pour une malformation
vasculaire congénitale au niveau cérébral,
a été traitée sur une surface dix fois supérieure
à celle prévue. La malformation avait été
diagnostiquée chez cette secrétaire médicale
de l'Ain après une "légère hémorragie
cérébrale", a indiqué le Dr Dominique
Michel Courtois, qui assiste la famille.
Les proches de la victime, toujours très choqués,
se sont opposés avec virulence à la version des
HCL. "Ils affirment s'être rendu compte de leur erreur
le jour même. Or, Sonia n'a été informée
de manière tronquée qu'en octobre suivant, soit
11 mois plus tard, sur sa propre démarche et alors qu'elle
souffrait déjà beaucoup", a affirmé
Me Coubris.
"Elle avait déjà perdu vingt kilos et l'usage
d'un de ses bras", ont expliqué les proches, photos
à l'appui. Les HCL ont affirmé que l'état
de santé de la jeune femme ne s'est sérieusement
détérioré que début 2006.
"Pour l'instant, nous sommes toujours dans la démarche
amiable et nous maintenons les propos tenus le 21 avril",
a affirmé Danielle Gimenez, directrice de la communication
des HCL.
Après avoir pris connaissance de l'erreur, "Sonia
croyait encore qu'elle allait s'en sortir, on y croyait tous.
Mais elle a été laissée à l'abandon",
a clamé le père de la victime.
Tout comme le mari, il a décrit le "calvaire"
vécu par Sonia, décédée d'une "destruction
des tissus internes" et de "complications digestives
et respiratoires". "C'est horrible. Elle souffrait pour
manger. Ils sont allés jusqu'à la placer en isolement,
en hôpital psychiatrique, pensant à une anorexie",
a-t-il dit.
Egalement présente, la tante de Sonia n'a pu retenir ses
larmes: "J'ai passé des semaines chez elle, elle a
tant souffert. Sur la fin, par SMS elle m'écrivait +Je
compte sur toi pour porter plainte+. Alors je devais être
là".
Guillaume KLEIN
21 avril 2006 - Un
patient victime d'un accident de radiothérapie en 2004
est décédé le 11 mars dernier. Informée
le 21 février, l'Autorité de sûreté
nucléaire (ASN) "engage les services de radiothérapie
à améliorer la prévention des accidents".
Lors de cette radiothérapie pratiquée au Centre
hospitalier de Lyon-sud, un mauvais réglage du champ d'irradiation
a conduit à exposer une zone plus importante que celle
prévue par le traitement. Les investigations menées
par l'ASN "ont mis en évidence une erreur d'unité
de mesure (cm au lieu de mm) dans la définition du champ
d'irradiation, cette unité n'ayant pas été
précisée entre deux opérateurs".
Pour l'ASN, "ces erreurs de transmission doivent être
considérées dans le cadre plus large des défaillances
(d'organisation) et humaines". Elle vient donc d'adresser
une circulaire datée du 19 avril à l'ensemble des
services de radiothérapie français, "afin
de les sensibiliser aux moyens de prévention des accidents
de radiothérapie". Cet accident mortel relance
de manière encore plus sensible le débat sur les
risques liés à l'utilisation médicale des
rayons et rayons ionisants.
Le Monde, 7/4/2006:
Un employé belge de la société
Sterigenics a été
irradié "très sévèrement"
par une source radioactive de cobalt 60 et a été
hospitalisé à l'hôpital Percy, près
de Paris, a annoncé mercredi 5 avril l'IRSN (Institut de
radioprotection et de sûreté nucléaire).
Quelques jours auparavant, on avait appris qu'un ouvrier chilien
avait lui aussi été gravement irradié par
une source radioactive (Le Monde du 28 mars). Ces événements
rappellent le danger posé par les milliers de sources en
usage dans les pays industrialisés, alors qu'un débat
sur leur usage obligatoire agite la profession des experts en
diagnostic de bâtiments.
L'analyse des peintures des immeubles antérieurs à
1948 est obligatoire, afin de prévenir les risques de saturnisme
chez l'enfant, une intoxication due à l'ingestion d'écailles
de peinture contenant du plomb. Mais un décret, dont la
signature est attendue prochainement, pourrait imposer pour mener
ces diagnostics l'usage d'appareils à source radioactive.
Cette décision met sur la touche une autre technologie,
des appareils à tube qui recourent aux rayons X et présentent
l'avantage de ne plus être dangereux une fois éteints.
Au contraire, les sources radioactives émettent en permanence
et pourraient irradier des techniciens inattentifs. Autre problème
: il arrive que des détecteurs disparaissent, au risque
d'atterrir dans de mauvaises mains. En 2005, la direction générale
de la sûreté nucléaire et de la radioprotection
a enregistré douze déclarations de vols, et trois ont déjà été
répertoriées en 2006.
C'est pourquoi une partie des experts en diagnostic s'oppose au
décret imposant les sources radioactives. "En multipliant
les sources, on multiplie les risques", s'inquiète
Stéphane Tesson, de l'association Aster'X, qui regroupe
une quarantaine de professionnels de l'expertise. "Les sources
radioactives ne doivent être utilisées que quand
il n'existe pas d'autres solutions, indique le code de la santé
publique (article R1333-1)", rappelle de son côté
Roland Desbordes, de la commission de recherche et d'information
indépendantes sur la radioactivité (Criirad).
L'Agence française de sécurité sanitaire
de l'environnement et du travail a conclu que les appareils à
tube présentaient l'inconvénient de ne pas détecter
le plomb en profondeur. Analyse contestée par Aster'X,
qui a déposé, le 30 juillet 2005, une requête
en référé auprès du tribunal administratif
de Paris pour que soit menée une nouvelle expertise. "Ni
les professionnels de terrain, ni la médecine du travail,
ni les organismes indépendants n'ont été
consultés par l'Agence", dit Stéphane Tesson.
Si le décret paraît, Aster'X veut porter plainte
au pénal pour incitation à danger d'autrui.
D'autres cabinets d'experts préfèrent cependant
utiliser un matériel à source, jugé plus
fiable. Pour Philippe Rabut, le président de la Fédération
interprofessionnelle du diagnostic immobilier (FIDI), "Il
s'agit plus d'un débat entre deux fournisseurs de matériels
qu'entre professionnels de l'immobilier." Entre 1 800 et
2 000 appareils à source sont actuellement sur le marché.
"Il y a un très gros lobbying des fabricants. Si le
décret passe, on peut prévoir un marché de
3 000 machines à prendre d'ici à 2008", résume
Patrice Munch, président d'Aster'X.
Historiquement, les premières expositions aux rayonnements qui ont causé des dommages graves ont été dues à des pratiques médicales d'une époque où les méfaits des rayonnements étaient méconnus.
Voir: Les "potions" au
radium:
- Des blessés
de guerre soignés vers 1916 par le rayonnement du radium
- Tho-Radia, Zoé,
Provaradior...
- Le Radithor (1925-1931)
- La santé
par le Radium, un livret publicitaire du Laboratoire de Radiumthérapie
(1929)
- Radium and
Beauty (1918)
- Radium Solar Pad
(1929)
Certaines complications de ces anciennes pratiques comme c'est le cas de l'utilisation du thorium 232 comme produit de contraste dans les angiographies (le thorotrast) et du radium administré per os ou en injection intramusculaire à des fins diverses, entre les années 30 et 50. Des milliers de patients (principalement danois, allemands, portugais, japonais, britanniques et américains) reçurent des doses élevées, qui se sont traduites par des excès de cancers du foie, d'angiosarcomes, d'ostéosarcomes et de mésothéliomes [Stannard, 1988].
Au cours des années 40 et 50, avant
que la manipulation des sources non scellées soit parfaitement
codifiée, des contaminations répétitives
du personnel n'étaient pas rares dans les services de médecine
nucléaire. Depuis cette période, les accidents sont
devenus exceptionnels ; ils sont dus le plus souvent à
des erreurs de dosage et concernent les patients.
Par exemple:
Fin 1961 - Angleterre - Hôpital de
Plymouth
Un opérateur utilise un appareil
de radiothérapie à la tension de 50 kV au lieu de
10 kV. L'erreur de réglage persiste une semaine. Onze malades
sont irradiés à des doses 60 fois plus élevées
que prévues (~ 6000 rems à la peau). L'érythème
apparaît entre 3 et 6 jours. Le 14ème jour, la peau
est soulevée par du liquide et tombe dans la semaine suivante.
La peau se reforme : sur les doigts vers la 9ème semaine,
sur la face palmaire la 12ème semaine. 5 mois après,
certains malades présentaient des zones ulcérées.
Août 1968 - Chicago (USA) - Ecole
de médecine
Une femme âgée de 73 ans
reçoit par voie intraveineuse de l'or radioactif. La dose
prévue pour cet examen du foie par scintigraphie était
de 200 microcuries. La dose administrée fut mille fois
plus importante : 200 millicuries. Elle décéda 69
jours plus tard. A un mètre de la patiente, le débit
de dose était égal à 35 mrem/h. Les organes
les plus contaminés (foie, rate) ont reçu environ
7 000 rems. La dose à la moelle osseuse a été
de 500 rad environ.
Extrait
de Clefs CEA n°48, été 2003. Voir extrait du Bulletin épidémiologique hebdomadaire
n°46/1994.
La correction erronée de la période du cobalt 60 a causé entre 1974 et 1976 la surexposition de 426 malades, dont les doses ont été entre 15 et 45 % supérieures aux doses prescrites, selon le moment du traitement (Cohen et al., 1995). Parmi les 183 malades qui étaient encore vivants un an après leur traitement, plus du tiers présentaient des complications graves du système nerveux central (encéphale et moelle) et du systeme digestif (oro-pharynx, colon, rectum). [Il semble qu'il n'y ait pas eu de décès directement imputables aux surexpositions dans les semaines qui ont suivi les traitements. - Les accidents dus aux rayonnements ionisants, le bilan sur un demi-siècle, IRSN, 15 février 2007 -]
Un résultat inverse a été obtenu entre l'automne 1982 et l'hiver 1991 à l'hôpital de Stokes-Upon-Trent (Royaume-Uni) à cause d'une erreur de calcul dans les nouvelles procédures de traitement : 1045 malades ont reçu des doses inférieures à celles qui leur avaient été prescrites (Ash et Bates, 1994). Les conséquences de cette sous-exposition, de 5 a 35 %, ne pourront jamais être précisées.
Le troisième accident est survenu aux États-Unis dans quatre hôpitaux différents ; une erreur de programmation répétitive sur le même type d'appareil a causé à cinq reprises entre juin 1985 et janvier 1987 le surdosage de malades [Newman, 1990]. [L'événement initial est une erreur de programmation de l'accélérateur linéaire par l'opérateur, alors que la table de contrôle signalait la méprise. Il a donc fallu que celui-ci insiste en court-circuitant le logiciel informatique. La dernière erreur s'est produite en dépit d'un avertissement et d'une procédure de sécurité émanant des autorités de santé, diffusés à tous les hôpitaux concernés. Les conséquences ont été des brûlures graves, des myélites, des paralysies, complications dont certaines ont entraîné la mort des malades. - Les accidents dus aux rayonnements ionisants, le bilan sur un demi-siècle, IRSN, 15 février 2007 -]
Un quatrième accident a eu lieu dans un hôpital d'Indiana (Pennsylvanie, USA, 16 novembre 1992). Au cours d'un traitement anticancéreux par brachythérapie à fort débit, une malade de 82 ans a regagné son établissement de postcure sans avoir été débarrassée de la source d'iridium 192 de 160 GBq [(4,22 Ci). Quatre jours plus tard, une infirmière a jeté dans les déchets médicaux le cathéter qui contenait la source. Le lendemain la malade est morte, sans que son décès soit attribué à l'irradiation. Les doses, calculées sur la base d'une source en position d'irradiation pendant quatre-vingt-treize heures, ont été estimées à 20 Gy à la moelle osseuse lombaire et à 8 Gy au rectum. L'alerte n'a été donnée que plusieurs jours plus tard, quand l'appareil de contrôle d'une station de traitement des déchets médicaux, située dans un autre Etat, a signalé la présence anormale de radioactivité. Au total une centaine de personnes ont été exposées, parmi lesquelles le personnel et les visiteurs de l'établissement de soins, le chauffeur transportant les déchets et le personnel de la station de traitement des déchets ; les doses les plus élevées ont été reçues par les infirmières au niveau de leurs mains. - Les accidents dus aux rayonnements ionisants, le bilan sur un demi-siècle, IRSN, 15 février 2007 -]
En Espagne aussi... Dans un hôpital de Saragosse (Espagne, 10 au 20 décembre 1990), 27 malades ont reçu des doses plus élevées que prévues en raison du mauvais fonctionnement de l'accélérateur linéaire (Esco et al., 1993). Un réparateur avait pallié le défaut de l'appareil en modifiant l'énergie des électrons. Les patients ont développé des lésions des poumons, de l'oropharynx et de la moelle, compliquées par des atteintes vasculaires et cutanées. Comme les malades victimes de ce dysfonctionnement étaient porteurs de tumeurs graves, il est difficile d'établir avec exactitude la part de responsabilité de l'accident dans le nombre de décès. On estime que treize malades ou plus sont morts des suites directes de cet accident.
Extrait de Radioprotection 2001
Vol. 36, n° 4, pages 431 à 450
"Les accidents d'irradiation, 1950-2000
leçons du passé"
J.-C. NÉNOT.
La surexposition de 114 malades, dont des enfants, dans un hôpital de San José (Costa Rica, entre le 26 août et le 27 septembre 1996) a été considérée comme une tragédie par tout le pays. Des erreurs d'étalonnage d'une source neuve de cobalt 60 dans une unité de radiothérapie ont eu pour résultat d'augmenter les doses prescrites de 50 a 60 % (IAEA, 1998b). La surexposition a eu des conséquences très sévères, qui se sont ajoutées aux maux pour lesquels les patients étaient traités et parfois aggravées par les conditions limites de certains traitements (fractionnements insuffisants, champs excessifs, etc.). Cet accident a causé des effets dramatiques chez 4 malades (tétraplégie, paraplégie, démyélinisation de la moelle cervicale et dorsale, effets digestifs et cutanés graves), des effets marqués pouvant s'aggraver dans l'avenir chez 16 autres, des risques pour le futur chez 26 autres ; seuls 22 patients n'ont pas souffert de l'accident, le plus souvent parce que le traitement a été interrompu avant que le surdosage soit effectif. Le nombre exact de décès directement attribuables à l'accident est d'estimation difficile (IAEA, sous presse a). Parmi les 61 décès qui eurent lieu au cours des deux années suivantes, il est vraisemblable que treize furent dus à l'erreur d'étalonnage et que quatre développèrent des complications qui ont pu être les causes principales de la mort. Parmi les 51 patients encore en vie en octobre 1998, deux souffraient de complications catastrophiques et douze présentaient des séquelles marquées et invalidantes (Mettler et al., 200 lb).
Et aussi, au Panama (aout 2001) une erreur dans la détermination des doses délivrées aux patients d'un service de radiothérapie a causé 28 victimes, dont certaines gravement atteintes. L'origine de la surexposition a été due à une modification dans la façon d'introduire les données de base dans le logiciel de dosimétrie ; cette modification, non autorisée par le système, avait pour but la mise en place d'écrans supplémentaires, afin de réduire le champ d'irradiation. De ce fait les doses délivrées aux patients ont été beaucoup plus élevées que les doses prescrites ; dans certains cas, elles ont atteint jusqu'a 120 Gy a l'intestin [1 Gy = 100 rad]. Alors qu'en décembre des signes anormaux auraient pu être interprétés comme signes de surexposition, ce n'est qu'en février 2001 que l'erreur a été suspectée et que les traitements ont été interrompus. En dépit de la longue période au cours de laquelle l'erreur s'est répétée, le nombre de victimes (IAEA, sous presse b) est relativement petit, en raison des types d'affection traités, cancers génitaux de la femme et cancers de la prostate. Sur les huit décès survenus au cours du premier semestre 2001, trois sont manifestement consécutifs à l'accident, deux lui sont peut-être attribuables et un n'est pas en relation ; quant aux deux derniers, les données sont insuffisantes pour pouvoir en tirer la moindre conclusion. Les survivants présentent des séquelles graves des sphères digestive et urinaire. Ils ne sont pas l'abri de complications tardives graves, comme des occlusions intestinales, des nécroses du rectum ou du côlon.
Extrait de Radioprotection 2001
Vol. 36, n° 4, pages 431 à 450
"Les accidents d'irradiation, 1950-2000
leçons du passé"
J.-C. NÉNOT.
Bialystok, (Pologne, 27 février 2001), à la suite du dysfonctionnement d'un accélérateur linéaire Neptun 10P délivrant des électrons de 8 MeV utilisés pour la radiothérapie du cancer du sein [Wojcik, 2004 ; IAEA, 2004]. Cinq patientes ont été surexposées lors de l'administration de leur 22e fraction (normalement 2 Gy à chaque fraction). A la suite d'une intervention chirurgicale pratiquée chez la plus sévèrement atteinte des patientes, des examens par résonance paramagnétique électronique (RPE) sur des prélèvements de côtes ont montré des doses ajoutées de 56 ± 10 Gy (si la surexposition est due aux seuls électrons) ou 42 ± 8 Gy (si la surexposition est aussi due à des photons, ce qui ne peut pas être totalement exclu). La gravité de l'évolution des lésions radioinduites chez deux patientes a justifié leur transfert au printemps 2002 dans un centre spécialisé en France (Institut Curie), où elles ont été traitées chirurgicalement avec greffes (lambeau musculo-cutané). Elles ont pu regagner leur pays au bout de deux mois. Les trois autres ont dû subir des interventions chirurgicales de reconstruction, pratiquées au centre de la Croix Rouge de Kielce. A la fin de l'année 2002, toutes cinq présentaient un état satisfaisant ; le niveau des doses reçues au niveau de leur thorax justifie une surveillance prolongée, à la recherche d'une fibrose pulmonaire et d'une cardiomyopathie radioinduites.
Extrait de: Les accidents dus aux rayonnements ionisants, le bilan sur un demi-siècle, IRSN, 15 février 2007.
Utilisé aussi bien à l'hôpital
que dans l'industrie ou le bâtiment, le "petit nucléaire"
présente des risques sérieux, souvent sous-estimés
et mal connus, que les pouvoirs publics souhaitent mieux contrôler.
Alors que dans les grandes installations nucléaires (centrales,
usines de retraitement...) le
risque radiologique est connu et bien identifié, dans
le "petit nucléaire", encore appelé "nucléaire
diffus", le risque radiologique dû aux rayonnements
ionisants est souvent méconnu, ont souligné jeudi
les responsables de l'Autorité de sûreté nucléaire
au cours d'un point de presse.
Selon l'Autorité, il existe quelque 300 000 sources radioactives
aujourd'hui en France. Ces sources ont des utilisations extrêmement variées
et peuvent se retrouver aussi bien dans les mains d'un médecin
que d'un ouvrier de l'industrie ou d'un agent immobilier.
Les applications les plus connues sont médicales. Il s'agit
d'abord du radiodiagnostic (radios du poumon...) qui génère
de faibles doses mais touche un public nombreux mais aussi d'autres
disciplines moins répandues comme la médecine nucléaire
ou la radiothérapie qui impliquent des doses élevées
pour les patients.
Dans le domaine industriel, le "petit nucléaire"
est également très répandu. 70 % des sources
sont des jauges, utilisées pour des mesures d'épaisseur,
de densité ou de pesage. "Ces appareils présentent
peu de risques pour les travailleurs mais le personnel qui les utilise est souvent
peu formé", relève Jean-Luc Lachaume, expert
sur les questions d'environnement et de radioprotection à
l'Autorité de sûreté.
Une centaine de morts (au moins)
Les gammagraphes (6 % des sources), utilisés
notamment pour le contrôle des soudures, sont des appareils
très bien protégés, mais utilisant des sources
radioactives très dangereuses, avec des risques liés
au transport par la route (accident, vol du véhicule).
Enfin les analyseurs de plomb, des appareils pour lesquels il
n'existe pas de normes, utilisés pour détecter la
présence de plomb dans les peintures et donc les risques
de saturnisme, sont employés aussi bien par des professionnels
du bâtiment que par des notaires ou des agents immobiliers,
peu formés à ce type de risque.
Selon l'Institut de protection
et de sûreté nucléaire (IPSN), quelque 350
accidents radiologiques, ayant fait une centaine de morts, ont été
recensés dans le monde depuis 1945.
Une forte proportion (41 %) de ces accidents se sont produits
dans le secteur industriel (gammagraphes), ces chiffres étant
toutefois à prendre avec précaution en raison d'un
grand nombre d'accidents non-déclarés. L'erreur
humaine est le plus souvent à l'origine de ces accidents.
Pour contrôler ces milliers d'objets qui peuvent être
dangereux pour la santé, la France dispose d'un dispositif
de surveillance souvent inadapté. "Il y a des inquiétudes
sur la façon dont la radioprotection est contrôlée",
reconnaît le directeur de la sûreté des installations
nucléaires, André-Claude Lacoste.