Site Web à visiter:
Mémorial des essais nucléaire français
(à visiter absolument,
documents, témoignages, archives...)
Moruroa e Tatou: Association des anciens travailleurs et des victimes de Mururoa et Fangataufa
AVEN: Association des Vétérans des Essais Nucléaires
Point-Zéro-Canopus: Archives sur le Centre d'Experimentations nucléaires du Pacifique
A voir:
- Reggane : les irradiés du Sahara, FRANCE 24, 17mn (sur Youtube).
- Algérie : l'héritage empoisonné
des essais nucléaires français, 60 ans après
l'accident du tir Béryl 6mn (Youtube) sur France
24.
Avant la Polynésie, l'Algérie a été
le théâtre des essais nucléaires français,
qui ont continué après l'indépendance
du pays. Ces tests ont connu des épisodes parfois dramatiques.
Ainsi, le 1er mai 1962, le tir Béryl ne s'est pas
déroulé comme prévu, sous les yeux effrayés
de ministres venus constater à In Ekker la grandeur
nucléaire de la France (mais aucun problème dans
la version officielle du "Journal Les Actualités Françaises"
du 16/05/1962). Karim Yahiaoui et Georges Yazbeck ont retrouvé
un témoin de cet essai raté dont les effets dévastateurs
sur les hommes et l'environnement perdurent.
- "La Bombe atomique Française" (youtube)
60mn de Jean-Philippe Desbordes et Christine Bonnet, 2012. Bernard
Ista filme sur tous les champs de tir et pour tous les essais.
Il filme et écrit au quotidien la chronique de ces 35 années
d'une aventure commune exaltante et tragique. En 1998, Bernard
Ista décède des suites d'un cancer.
- "Les apprentis sorciers", un documentaire de 60mn (sur Youtube) de Brigitte Rossigneux et André Gazut, Télé Suisse Romande, 1996. Découvrez comment la France a utiliser de nombreux militaires comme cobayes.
- Pièces à conviction, "Les irradiés de la république" (Youtube, 90 mn en basse définition)
- "Dans le secret du Paradis", 60 mn en Realvideo 33Kb
Ce film réalisé par les journalistes Jacques Cotta
et Pascal Martin met en avant les conséquences sur la personne
des explosions nucléaires menées par les autorités
françaises au Sahara (Regane et In Eker) et en Polynésie (Moruroa
et Fangataufa). Une période qui court du 13 février
1960 au 27 janvier 1996 et couvre 210 essais nucléaires,
aériens ou souterrains.
A lire:
-------> A propos de Béryl
-------> Un marin de la Coquille, à propos de Mangareva le 6 juillet 1966 (en Pdf sur Mémorial des essais nucléaire français)
-------> Retombées sur Tureia (en Pdf sur Mémorial des essais nucléaire français)
-------> Tureia contaminé en 1967 (en Pdf sur Mémorial des essais nucléaire français)
-------> Tureia contaminé en 1970 et 1971 (en Pdf sur Mémorial des essais nucléaire français)
-------> Observatoire des armes nucléaires françaises: www.obsarm.org
-------> Commission d'enquête sur les essais nucléaires en Polynésie française
-------> Un décès "politiquement non correct"
-------> Mururoa et l'emploi
-------> Cobayes soviétiques aux Kazakhstan : Le polygone de Semipalatinsk
-------> Le scandale des cobayes humains
-------> Soldats américains: le cas Smitherman - Le procès nucléaire du siècle en 1980 - Le canon atomique en 1953
Presse:
La Dépêche, 20/4/2009:
Témoignage. Fernand Segonds, correspondant de l'Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) pour l'Aveyron était dans le Sahara en 1962.
Fernand Segonds était dans le Hoggar algérien le 1er mai 1962. Une date qu'il retiendra toute sa vie. Ce jour-là, l'armée française a procédé à son sixième tir nucléaire, le deuxième en mode souterrain. L'opération s'appelait « Béryl » et si elle reste aujourd'hui dans les annales, ce n'est certainement pas pour de bonnes raisons. « C'est un essai qui a complètement raté puisque la montagne sous laquelle se déroulait le tir s'est fendue », raconte cet Aveyronnais aujourd'hui installé à Sanvensa et qui, à cette période, faisait partie des nombreux appelés du contingent envoyés en Afrique du nord. « J'ai passé quatorze mois dans cette partie du sud de l'Algérie, à 35 km du site de tir, sans aucune protection », précise-t-il.
Et, comme tout le monde, ou presque, à l'époque, il ignorait tout des risques qu'il courrait. « J'ai commencé à me poser des questions quand j'ai vu pas mal de mes copains devenir malades. La réelle prise de conscience est arrivée lors de l'accident de Tchernobyl », explique le correspondant pour l'Aveyron de l'association des vétérans des essais nucléaires (AVEN). Une structure à laquelle il adhère depuis 2001.
« J'ai eu droit à 15 jours de
vacances à la mer »
« C'est vrai que je suis rentré d'Algérie
l'esprit tranquille. Ensuite, au fil du temps, j'ai commencé
à me poser des questions : je n'ai jamais été
rappelé comme réserviste - c'est le cas de tous
ceux qui ont participé aux essais - et certains d'entre
nous ont été envoyés quinze jours en vacances
au bord de la mer - l'iode a des effets sur les radiations - du
côté d'Alger. C'est bien que, à cette période
déjà, certaines personnes savaient, ou se doutaient,
de la dangerosité des tirs atomiques », assure Fernand
Segonds en assénant : « L'armée nous a pris
pour des "Kleenex" ».
Pour autant, et comme tous les autres adhérents de l'AVEN, Fernand Segonds n'est pas un antinucléaire. « L'association ne s'occupe pas de cette question. Tout ce que nous demandons, c'est que les maladies - cancers et autres pathologies (coeur, thyroïde) - dont souffrent les vétérans des essais soient considérés comme radio-induites et que l'État nous indemnise ». Un long combat qui se mène actuellement.
60 adhérents en Aveyron
L'association des vétérans des essais nucléaires
(AVEN) compte soixante adhérents dans le département
de l'Aveyron. Elle tenait, hier, une réunion d'information
à Rieupeyroux dont la salle de cinéma projette,
jusqu'à mardi, le film « Gerboise bleue ».
Un long-métrage qui donne la parole à des vétérans
des essais nucléaires en Afrique du nord et qui témoignent
sur les conditions dans lesquelles les tirs ont été
effectués. La réunion de ce dimanche a permis à
Fernand Segonds et à Arlette Dellac, responsable de l'AVEN
en Midi-Pyrénées, de faire le point sur les avancées,
compliquées, concernant le projet de loi d'indemnisation
des victimes des essais menés aussi bien en Algérie
qu'en Polynésie. Pour entrer en contact avec l'AVEN, il
faut téléphoner à Fernand Segonds, au 06
16 71 46 53 ou se connecter sur le site www.aven.org.
25/3/2009 - L'association
Moruroa e Tatou, qui rassemble quelque 4.000 civils et militaires
ayant travaillé sur les sites nucléaires de 1966
à 1996, s'est dite mercredi à Tahiti "pas encore
convaincue de la bonne foi de l'Etat" sur sa volonté
d'indemniser les victimes des essais nucléaires français
dans le Pacifique sud. "Si nous nous réjouissons de
la reconnaissance officielle par l'Etat des essais nucléaires,
a souligné Roland Oldham, président de l'association,
nous restons très réservés sur la bonne foi
de l'Etat ainsi que sur le montant des indemnisations proposées
aux anciens travailleurs des sites comme aux populations avoisinantes"
des deux atolls, Moruroa et Fangataufa, où se sont déroulés
pendant 30 ans les 193 essais nucléaires français.
L'Etat propose une enveloppe de 10 millions d'euros d'indemnisation,
soit entre 20.000 et 50.000 euros par dossier alors que les premières
indemnisations accordées en métropole varient entre
"300 et 350 000 euros", a noté Bruno Barillot,
membre de Moruroa e Tatou. L'association regrette aussi la composition
du comité chargé d'examiner les dossiers - médecins
et magistrats- dont elle craint l'absence d'objectivité.
"C'est un peu comme demander à un tortionnaire d'indemniser
ses victimes!" ajoute-t-on. Ce comité aura six mois
pour se prononcer sur chaque dossier qui recevra ensuite "l'aval
du ministère de la Défense". A Tahiti, c'est
le 27 avril que doit se dérouler le procès, présenté
comme "historique" par l'association, de huit anciens
travailleurs ou de leurs veuves devant le tribunal du Travail.
Le procès sera filmé et se déroulera dans
la grande salle du Palais de Justice. "La France devra assumer
et reconnaître sa responsabilité du fait nucléaire
devant le monde entier", a commenté M. Oldham qui
s'attend à la venue à Tahiti de nombreux journalistes
étrangers pour suivre le procès. Sur les sept plaignants,
seuls trois sont encore en vie. La France a effectué, le
siècle dernier, 210 essais nucléaires: au Sahara,
de 1960 à 1966, 4 tirs aériens et 13 souterrains;
en Polynésie, de 1966 à 1996, 46 tirs aériens
et 147 souterrains. Selon le ministère de la Défense,
il faut ajouter 12 tests dits "d'amorce" entre 1966
et 1989. En février dernier, la cour d'appel de Paris s'est
penchée sur le cas de 12 soldats ayant participé
aux essais nucléaires français pratiqués
dans le Sahara algérien de 1960 à 1966, puis en
Polynésie de 1966 à 1996. Seuls cinq des soldats
sont encore en vie. Leurs 12 cas, présentés dans
trois audiences différentes, avaient tous été
rejetés en 2006 par la Commission d'indemnisation des victimes
d'infraction pénales (Civi). La cour d'appel doit rendre
son arrêt le 12 mai.
24/3/2009 - Près d'un demi-siècle après le premier essai nucléaire français, le gouvernement a annoncé le déblocage de 10 millions d'euros cette année pour indemniser les victimes de tirs réalisés dans le Sahara et en Polynésie. Un texte en ce sens sera déposé au Parlement avant l'été, a annoncé le ministre de la Défense, Hervé Morin. Il était initialement promis pour janvier 2009. Une commission indépendante, constituée de médecins et présidée par un magistrat, examinera les dossiers au cas par cas. Si la demande est acceptée, la réparation du préjudice sera intégrale, précise le ministre dans un entretien publié mardi dans Le Figaro. "Une première enveloppe de 10 millions d'euros est déjà prévue pour la première année sur les crédits du ministère de la Défense", déclare-t-il. A la demande des associations, le gouvernement a choisi de travailler sur une liste élargie de 18 maladies - celle de l'Onu - et a renoncé à fixer un seuil d'exposition minimal. Environ 150.000 personnes ont participé en tant que personnel civil et militaire aux 210 essais nucléaires français - dont une cinquantaine en atmosphère - réalisés dans le Sahara algérien entre 1960 et 1966 puis en Polynésie française, sur les atolls de Mururoa et Fangataufa, entre 1966 et 1996. "Compte tenu de ce qu'on sait des niveaux d'exposition", le nombre de victimes devrait être, in fine, de "quelques centaines au maximum", a dit Hervé Morin sur France Info. Un chiffre largement sous-évalué, estime Jean-Paul Teissonnière, avocat des victimes, qui demande que les indemnisations soient étendues aux familles. "Il faudra aussi prendre en compte les cas passés et les (...) familles qui luttent depuis des années pour voir reconnaître l'imputabilité du décès de leur époux, de leur père, à leur présence sur les tirs nucléaires", a-t-il dit, également sur France Info.
"AUCUNE RECONNAISSANCE" Cette indemnisation arrive, selon l'avocat, bien tard. "Sans vouloir polémiquer, nous sommes 49 ans après le 1er tir, intervenu dans le Sahara en 1960", a-t-il fait remarquer. "Si on prend en compte le délai de latence des pathologies radio-induites, qui est de l'ordre de 10 à 30 ans environ, il faut considérer que de très nombreuses victimes sont déjà, hélas, décédées (...) sans aucune reconnaissance". A la différence des Etats-Unis et du Royaume-Uni, l'Etat français refusait jusqu'ici de reconnaître officiellement le problème. Les victimes étaient contraintes de saisir la justice et de démontrer le lien entre leur maladie et leur exposition à des radiations pour obtenir éventuellement des indemnisations. "Les gouvernements ont longtemps pensé qu'ouvrir la porte à l'indemnisation était une menace à l'effort considérable déployé par la France pour avoir une dissuasion nucléaire crédible", dit Hervé Morin dans Le Figaro. "Quand j'ai abordé la question dès l'été 2007, l'accueil de mes services et des autres ministères a été réservé. Mais il était temps que la France soit en conscience avec elle-même." Fin février, 12 anciens militaires souffrant de maladies graves imputées aux conséquences des essais nucléaires français dans les années 1960 ont demandé à la cour d'appel de Paris de contraindre l'Etat à les indemniser. Ils ont fait appel de décisions de cours régionales des pensions militaires et de la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales de Paris rejetant leurs demandes. Ces instances ont estimé que le lien entre les maladies et les essais n'était pas établi ou ont jugé l'indemnisation impossible au regard de l'ancienneté des faits. Depuis 2004, deux juges d'instruction parisiens du pôle de santé publique instruisent une information judiciaire pour "homicides involontaires et atteintes involontaires à l'intégrité physique" ouverte sur plainte de certaines victimes.
24/3/2009 - Dans les années 60 et 70, deux appelés du contingent, Alain Peyrot et Jean-Luc Sans, participaient aux campagnes d'essais nucléaires dans le Sahara ou en Polynésie: ils accusent aujourd'hui l'armée de ne pas les avoir avertis et protégés des risques.
A présent retraité, Alain Peyrot, 63 ans, a 19 ans lorsqu'il est incorporé dans la marine, du 1er septembre 1965 au 31 décembre 1966. A Cherbourg, il suit un cours de "décontamineur" de surfaces et d'engins. "Je sentais un truc pas très correct pour moi", raconte-t-il quatre décennies plus tard.
Le jeune soldat "répond à côté" lors de l'examen final, est recalé, mais se retrouve quand même au Sahara à deux reprises, en novembre 1965 et en janvier et février 1966. "Nous faisions des mesures de radioactivité sur une coulée de lave qui s'était formée le 1er mai 1962 lors d'un incident survenu au cours d'un tir", raconte-t-il, "l'aiguille du compteur Geiger était complètement bloquée à droite, ça faisait peur".
Pour toute protection, les soldats portent une combinaison de popeline, un tissu léger, des bottes et un masque à gaz. "On nous disait qu'on pouvait rester 20 minutes mais je n'y allais pas ou je restais très peu de temps parce que la radioactivité était énorme", ajoute-t-il.
Le 16 février 1966, il assiste au dernier tir effectué dans le Sahara. "Un nuage de poussière s'est élevé, on ne pouvait pas croire qu'elle n'était pas radioactive parce que des fuites s'étaient produites aupravant. Et pourtant, on respirait ça". "Personne ne nous a dit que ce serait dangereux pour notre santé et je n'ai eu aucun suivi médical, ni pendant ni après mon service militaire", déplore M. Peyrot qui souffre aujourd'hui d'hypertension, une maladie liée selon lui à ces événements. Jean-Luc Sans, 56 ans, servait également dans la marine, jeune appelé de 18 ans en 1971 et 1972.
Matelot mécanicien sur un aviso escorteur, le Doudart de Lagrée, il assiste à cinq essais aériens en Polynésie. Paradoxalement, il garde "un souvenir merveilleux du premier essai qui représentait 250 fois Hiroshima" et qu'il regardait à travers un masque de soudeur. "Nous étions en tenue réglementaire, short et sandalettes à environ 35 km puisque, une heure après, nous étions sous le nuage pour faire des prélèvements d'air et d'eau", relate-t-il. Selon lui, les consignes étaient simples: "celui qui disait que nous étions en danger était un défaitiste, une plaquette nous expliquait que 90 secondes après l'explosion, nous ne risquions plus rien, ce qui laisse rêveur".
"Nous participions à la grandeur
de la France et nous étions fiers", enchaîne-t-il.
Mais à 38 ans, M. Sans fait un premier infarctus. Il marche
aujourd'hui avec une canne après avoir développé
une maladie osseuse dans les années 90. Lui aussi attribue
ses souffrances à une contamination. "Plus que du
ressentiment, j'éprouve un sentiment de honte, l'Etat nous
a menti, on nous a injecté une maladie sournoise qui nous
tue à petit feu", dit-il.
Actu-Environnement, 11/3/2009:
Longtemps restées dans le tabou, les retombées radioactives des essais atomiques atmosphériques deviennent visibles. La radioactivité artificielle qui en résulte laisse des traces dans l'environnement aujourd'hui publiées par l'IRSN.
Sur son nouveau portail Internet dédié à la radioactivité de l'environnement, l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) publie une chronique de 50 ans de mesure des retombées radioactives sur l'Hexagone dues aux essais aériens d'armes nucléaires. Ce travail résulte d'une commande en 2003 du ministère en charge de l'environnement (l'un de ses 4 ou 5 ministères de tutelle), d'évaluer les conséquences environnementales et dosimétriques de ces retombées sur le territoire. Jusqu'alors, les données officielles exploitées par les autorités françaises reposaient uniquement sur des estimations du Comité scientifique des Nations Unies sur l'effet des Rayonnements (UNSCEAR).
Or depuis 1959, la France disposait d'un réseau de surveillance de la radioactivité artificielle dans l'air baptisé Opera (Observatoire permanent de la radioactivité), basé sur neuf stations atmosphériques équipées de préleveurs d'eau de pluie et de filtres à air. Ce réseau avait été initié en 1955, en pleine Guerre Froide, par le professeur Yves Rocard, membre du Comité de l'Energie Atomique, dans le but stratégique de détecter les essais d'armes nucléaires. Lors de sa création en 2002, à partir de la fusion de l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (du CEA) et de l'Office de Protection des Rayonnements Ionisants (ex Service Central de Protection contre les Rayonnements Iionisants qu'a dirigé le fameux professeur Pellerin), l'IRSN récupère les résultats de cette surveillance de l'environnement.
En France, selon l'IRSN, la radioactivité naturelle ambiante est de 50 à 70 nSiev/h aux points les plus bas, de 150 à 170 nSiev/h dans les régions granitiques, et de 300 nSiev/h à 3800 mètres d'altitude. Avec l'explosion des bombes sur Hiroshima et Nagasaki et les essais atomiques qui suivirent, l'air s'entache de radioactivité artificielle. De 1945 à 1980, plus de 2.400 essais nucléaires, dont 543 atmosphériques, ont été réalisés par les Etats-Unis, la Russie, la Grande-Bretagne, la France et la Chine, la plupart du temps dans l'hémisphère nord. Selon l'IRSN, 75 % des retombées de ces essais ont eu lieu dans l'hémisphère nord.
La période de 1959 à 1980 montre des activités élevées et fluctuantes de radionucléides artificiels dans l'air, en rapport avec les essais atmosphériques dans l'hémisphère nord. L'IRSN décrit la présence du Césium 137. De 1959 à 1965, les retombées radioactives sur l'Hexagone ont ainsi été de 1.000 à 10.000 micro Becquerel par mètre cube d'air, liés notamment aux essais américains et russes, avec un niveau dix fois plus faible en 1961, année du moratoire. Par la suite, l'effet de ces essais s'estompe, et subsiste l'influence des essais atmosphériques chinois jusqu'en 1980 : la teneur en Césium 137 varie de 1.000 à 100 micro Bq/m3 dans l'air des français. Avec l'arrêt des essais atmosphériques, la radioactivité décroît. Elle atteint presque 1 micro Bq/m3 de Césium 137 dans l'air lorsqu'en 1986 survient la catastrophe de Tchernobyl. Le Césium 137 remonte en flèche à 10 millions de micro Bq/m3 dans l'air, puis décroît de 1000 à quelques dizaines jusqu'à l'accident d'Algésiras en Espagne. En 1998, un rejet accidentel lors de l'incinération d'une source radioactive provoque un pic de remontée à 10.000 micro Bq/m3 de Césium 137 dans l'air. Depuis lors, la radioactivité dans l'air de l'Hexagone oscille de 1 à 10 micro Bq/m3 de Césium 137.
Les effets sur l'environnement et la santé de la population ont été de courte durée pour les radionucléides artificiels à [demie] vie courte, tels que l'iode 131 (8 jours). Les radionucléides artificiels à [demie] vie longue, tels que le Césium 137 (30 ans) ou le Strontium 90 (30 ans), ont eu le temps de s'infiltrer dans tous les compartiments de la chaîne alimentaire et entretiennent une contamination qui ne diminue que lentement depuis le début des années 60. Aujourd'hui, ces particules solides sont toujours présentes dans le sol et les sédiments, avec le risque de migrations dans les écosystèmes, tient à préciser Didier Champion, directeur de l'environnement et de l'intervention de l'IRSN. Ce qu'on observe aujourd'hui, c'est la remise en suspension par le vent du stock qui s'est déposé au sol.
Trois ans d'étude ont été nécessaires à l'IRSN pour arriver à établir des conclusions de l'analyse de ces données historiques. Le lait, la viande et les légumes produits dans les régions les plus arrosées ont pu être cinq fois plus contaminés que les denrées provenant des régions où les précipitations étaient en moyenne plus faibles. Cet écart s'est retrouvé au niveau de l'alimentation des consommateurs : jusqu'au début des années 80, alors que la consommation alimentaire empruntait encore un circuit court, les enfants d'Auvergne ou des Vosges ingéraient en moyenne 2,5 fois plus de Césium 137 que ceux de la Région parisienne. La génération la plus exposée aux retombées radioactives de ces essais est celle des enfants nés en 1961 : à 18 ans, la dose cumulée depuis leur naissance du fait de ces essais est estimée à 15 millisievert (mSv) en moyenne et jusqu'à 5 mSv dans les régions les plus arrosées. La dose annuelle reçue par la population française a été maximale en 1963 : 0,3 mSv par an.
Ces résultats paraissent au moment où
circule dans les salles de cinéma françaises un
documentaire éloquent de Djamel Ouahab sur les essais nucléaires
français dans le sud du Sahara : « Gerboise Bleue
», du nom du premier essai atomique atmosphérique
français effectué 50 ans en arrière. Ce film
amorce une ébauche de réconciliation franco-algérienne
sur cette période. Avec un point d'interrogation : Quelles
sont les retombées radioactives des essais atmosphériques
français dans le Sahara algérien, sur la population
et les militaires alors mobilisés ?
Sud-Ouest, 11/3/2009:
L'épouse d'un militaire, mort par irradiation, témoignait hier soir à Bordeaux
Il était parti pour quinze mois, volontaire, dans le désert du Sahara. Quinze mois « pour mettre du beurre dans les épinards » disait-il. Il s'appelait Bernard Lécullée, travaillait pour l'armée française, il était jeune marié, père de trois enfants avec un petit dernier en route. On était en 1963.
Christine Lécullée se souvient du retour de son héros de mari. Elle est là sur le quai froid de cette petite ville de Moselle où la famille a été mutée. Les deux petits ne l'ont jamais vu, parti depuis trente mois. Elle attend son homme, ce fier Lorrain aux solides épaules, et ne reconnaît pas le vieillard qui s'avance vers elle en souriant.
« Je ne voulais rien montrer aux enfants. Ils attendaient mon signal pour aller l'embrasser, et j'étais sidérée. Il avait perdu ses cheveux, ses oreilles étaient transparentes, ses dents déchaussées, ses épaules voûtées. Maigre, il se traînait. Mon grand-père oui, pas mon mari. Mes premiers mots ont été : "il faut faire venir le docteur". »
Dix-sept victimes
La prise de sang confirme une maladie grave. Bernard Lécullée est transféré à l'hôpital pour d'autres examens. Dans la nuit, il sera transporté en hélicoptère à Paris, où le diagnostic tombe : cancer de la moelle osseuse. Christine ne sait rien. On lui dit : « Votre mari est anémié ».
Lorsqu'un mois après son admission à l'hôpital militaire de Paris elle vient le voir. Les infirmiers lui demandent : « C'est vous la femme de l'irradié ? » Elle répond non.
« On m'a conduite dans le service où mon mari était hospitalisé en chambre stérile. Je lui répétais : "qu'as-tu fait pour te mettre dans cet état ? T'es le seul à être rentré comme ça ?" Il m'a montré d'un signe de tête les autres chambres stériles. 17. Ils étaient 17 dans le même état que lui. Des morts-vivants. J'avais 26 ans et quatre enfants. Le ciel m'était tombé sur la tête. »
Bernard Lécullée n'est jamais sorti de l'hôpital. Il a été transféré d'un centre hospitalier à un autre pendant dix ans, jusqu'à son décès à l'âge de 42 ans. Christine se débrouille avec ses petits, son travail et sa colère. Elle veut savoir. L'armée bloque les dossiers médicaux, jusqu'à cette révélation : « Il a été irradié pendant les essais nucléaires du Sahara, irradié progressivement par inhalation. Il était employé à l'épuration des eaux usées, en contact direct avec des cuves de plutonium. »
Un combat épuisant
En 1998, la fille aînée de Christine et Bernard Lécullée demande que son père soit reconnu « mort pour la France » par l'armée française. Elle reçoit un imprimé où est cochée la mention « refus », sans autre explication.
La colère de Christine monte. Elle insiste pour savoir, les portes se ferment. Depuis 2001, avec l'association des anciens militaires atteints de maladie mortelle imputée aux essais nucléaires français en Algérie (1960-1966) et Polynésie (1966-1996), elle se bagarre devant la justice française. Elle demande une indemnisation pour ses enfants. Elle veut que son mari soit reconnu « ancien combattant mort pour la France ». « Cette lutte m'épuise, assure-t-elle, mais je ne lâcherai pas. J'ai moi-même une carte de veuve d'ancien combattant, tandis que mon mari n'est toujours pas reconnu comme un ancien combattant. Bizarre non ? »
Hier soir au cinéma l'Utopia à
Bordeaux, Christine Lécullée est venue témoigner
après la présentation du film documentaire de Djamel
Ouahab, « Gerboise bleue », qui retrace l'histoire
secrète des essais atomiques français en Algérie.
« Enfin, le voile est levé. »
France Soir, 27/2/2009:
Douze anciens militaires ayant servi en Algérie et en Polynésie sur des sites nucléaires ont exigé, hier, devant la cour d'appel de Paris, d'être indemnisés.
Lucien Parfait patiente devant la cour d'appel de Paris, dont la 1re chambre était saisie, hier, de douze dossiers de « vétérans des essais nucléaires » en Algérie et en Polynésie. Sous ses lunettes, un large pansement cache son il gauche, depuis le haut de la pommette jusqu'au-delà de l'arcade sourcilière. Son nez n'est plus qu'un triste tas de chairs nécrosées. Rongé par un sale cancer de la peau. Il préfère ne pas montrer son corps, sous la chemise : « Vous partiriez en courant ! », assure douloureusement cet homme de 69 ans.
Entre 1960 et 1962, Lucien Parfait appartenait au 11e régiment de génie saharien, basé au camp d'In Eker, à Hoggar, en plein désert du Sahara algérien. Hier, il sort une photo, dont le noir et le blanc ont jauni. On y voit un fringant jeune homme, au nez parfait rehaussé d'une paire de lunettes de soleil, style aviateur. Le soldat pose fièrement, les mains campées sur les hanches, revêtu d'une simple combinaison de toile de coton blanc. C'était le 1er mai 1962, « 2 heures avant le tir Beryl ». Un essai nucléaire parmi vingt et un autres atmosphériques et souterrains , réalisés par l'armée française en Algérie entre 1960 et 1966.
Lucien Parfait est un « miraculé » : il a survécu à pas moins de « 30 anesthésies générales, 1.000 ablations et 7.000 points de suture » et, aujourd'hui, il vient réclamer réparation. A ses côtés, quatre autres anciens militaires et les familles de cinq soldats décédés exigent également d'être indemnisés. Certains d'entre eux s'estiment victimes des essais nucléaires opérés en Polynésie française. Entre 1966 et 1974, la France, boutée hors de l'Algérie, a préféré l'atoll de Mururoa pour poursuivre ses expériences. Quarante-six essais aériens ont été dénombrés dans le Pacifique, provoquant, là aussi, selon les vétérans, des maladies mortelles, telles que la leucémie et de graves cancers.
Bombes sanitaires à retardement. Pour la première fois, les douze dossiers ont été joints par la justice et étudiés lors de l'audience, hier. « C'est un accident collectif qui concerne des centaines de cas », a déploré Me Jean-Paul Teissonnière. L'avocat de Gérard Dellac rappelle que son client, affecté en Algérie, s'est vu imposer par son supérieur « d'entrer dans le cratère en Jeep pour planter un drapeau français quelques heures après l'explosion ». « Il y a toujours une position de déni de la part de l'armée, qui nous assurait que ses essais nucléaires étaient propres.
Mais les documents ont démontré le contraire. Aujourd'hui, il y a une prise de conscience mais on est en train d'ajouter de la souffrance à la souffrance », déplore le conseil parisien. La prise de conscience s'est traduite, en janvier dernier, par l'annonce du ministre de la Défense Hervé Morin d'un projet de loi qui permettra d'indemniser les victimes civiles et militaires irradiées par les tirs nucléaires réalisés entre 1960 et 1974.
Un projet qui ne satisfait pas complètement les victimes. Celles-ci réclament, en effet, que « les conséquences environnementales » des essais, qui ont perduré jusqu'en 1996 à Mururoa, soient prises en considération. « Ce sont de véritables bombes sanitaires à retardement », ont-elles rappelé hier en marge de l'audience. La cour d'appel dira le 22 mai prochain si les douze irradiés et leurs familles seront, ou non, dédommagées par la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales (Civi).
L'Expression (Algérie), 5/2/2009:
Accablant témoignage d'un soldat français sur les essais nucléaires de Reggane
Tel est le témoignage d'un vétéran français présent à Reggane qui affirme que des soldats français et la population de la région ont servi de cobayes humains.
«La Gerboise Bleue», quelle jolie et indécente appellation pour désigner les essais atomiques français «assassins» commis en 1960/61 dans le Sud algérien, dans la localité de Hamoudia (daïra de Reggane). «Nous avons servi de cobayes humains durant les premiers essais atomiques français à Reggane», a indiqué Gaston Morisot, l'un des militaires français, présent sur le site de l'explosion de la première bombe atomique française, le 13 février 1960, près de Reggane.
Ce témoignage accablant et sans appel, d'un «survivant», a été au centre du documentaire La Gerboise Bleue de Djamel Ouahab. Il a été présenté en avant-première dans la soirée de lundi à Paris, en présence de parlementaires français et d'un public nombreux. L'oeuvre évoque les dégâts causés sur les militaires et les populations locales après ces essais.
Un relent de «préméditation» se dégage, si l'on décrypte les témoignages des soldats vétérans qui ont assisté aux essais de La Gerboise Bleue. En effet, comment expliquer que «près de 6000 cercueils ont été entreposés à la base de Reggane pour faire face aux éventuelles pertes en vies humaines qu'occasionnerait cet essai», selon l'un des témoins, ancien militaire français.
Le témoignage «vivant» de Gaston Morisot, qui a accompagné le cinéaste algérien sur les lieux du premier essai, est sans équivoque et sans appel. «Nous étions 18 personnes. On nous a ordonné de rester sur place et de tourner le dos à l'explosion. Nos supérieurs ont pris la fuite bien avant l'explosion. Ils nous ont abandonnés une semaine sur place, avant qu'ils ne fassent leur réapparition», a déclaré le soldat Morisot avant de conclure: «Nous avons servi de cobayes humains.»
Lucien Parfait, un autre militaire contaminé, a été chargé de récupérer un compresseur exposé aux radiations sur le site d'In Ecker, dans la région de Tamanrasset. Il est aujourd'hui complètement défiguré. Sous l'oeil de la caméra, il ôte le pansement qui lui couvre une partie du visage devenu celui d'un «monstre». Un énorme trou à la place de l'oeil gauche à travers lequel on peut voir sa gorge, un nez complètement détruit et d'énormes ecchymoses sur le visage et sur le cou...
Djamel Ouahab s'est également intéressé aux populations autochtones. Il montre ainsi de vieux Adraris (habitants d'Adrar) qui ont perdu la vue à cause de l'intense lumière dégagée par l'explosion et deux fillettes souffrant de malformations congénitales. Un médecin du secteur sanitaire d'Adrar confirme la «fréquence anormale» de naissances de bébés malformés dans la région. Le réalisateur montre également les dégâts occasionnés à l'environnement de la région.
Tout au long de ce film, Djamel Ouahab, caméra au poing, donne la parole aux deux vétérans français, tantôt à la population d'Adrar, tout en étayant ses argumentaires avec des déclarations d'un médecin, d'un juriste, de membres de l'Association des vétérans victimes des essais nucléaires (Aven). La plus surprenante déclaration reste incontestablement celle du porte-parole du ministère français de la Défense, qui a affirmé que «toutes les dispositions de sécurité ont été prises avant l'essai atomique» qui s'est déroulé selon lui «dans une région inhabitée». Il pousse l'indécence jusqu'à «expliquer» que les essais étaient «sans danger» et qu'il n'y avait «aucun cas de personnes irradiées» et que toute la zone a été «nettoyée»!!
«Nous ne voulons pas d'indemnisation mais d'une reconnaissance». «C'est pour notre honneur», a déclaré fièrement Gaston Morisot dans le film. 8000 soldats étaient mobilisés, dont 195 ont été irradiés parmi lesquels 12 sont morts suite à des contaminations. 6500 Français entre chercheurs, ingénieurs, savants..., 3500 ouvriers essentiellement algériens, dont la majorité était formée de détenus, étaient également présents.
Cet essai nucléaire, «La Gerboise Bleue», a été suivi de trois autres du même nom. «Blanche» et «Rouge» la même année et «Verte», en avril 1961. Treize autres explosions souterraines ont eu lieu entre le 07/11/1961 et le 16/02/1966 à In Ecker, dans le Hoggar. En tout, la France a effectué 17 essais nucléaires dans le Sud algérien entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1966.
La sortie de ce film est prévue pour le 12 février prochain en France à la veille du 49e anniversaire du premier essai nucléaire français. Le réalisateur souhaite que son oeuvre suscite un débat et apporte un éclairage sur ces faits classés encore «secret défense.» Le film sera présenté le 24 février prochain à Alger.
2/2/2009 - Le
président d'honneur de l'association des vétérans
des essais nucléaires, le Dr Jean-Louis Valatx, est décédé
le 22 janvier des suites d'un double cancer, une pathologie "radio-induite",
a annoncé lundi l'Aven dans un communiqué. Ancien
médecin chef de l'armée, puis directeur de recherches
à l'Inserm, le Dr Valatx "a beaucoup contribué
à faire connaître la vérité des conséquences
sanitaires des essais nucléaires pour les personnes présentes
sur un site nucléaire", souligne l'association, qui
revendique plus de 3.500 membres. Il a ainsi "mené
une enquête de santé sur 1.800 vétérans
révèlant que les victimes exposées sont atteintes
de cancers et de maladies non cancéreuses, notamment cardio-vasculaires,
supérieures à la moyenne française",
ajoute l'Aven. "Atteint de deux cancers, dont une maladie
du sang, il est lui aussi une de ces victimes de la bombe à
retardement que constituent les conséquences tardives des
rayonnements ionisants", ajoute-t-on. Il avait été
"envoyé comme médecin après le tir nucléaire
souterrain raté du 1er mai 1962 à In
Eker au Sahara Algérien", alors que "plusieurs
fuites radioactives ont irradié ou contaminé de
nombreux vétérans", ainsi que "deux ministres
présents, Pierre Messmer et Gaston Palewski", ajoute
le communiqué, selon lequel ce dernier était lui-même
décédé d'un cancer du sang "après
avoir toujours affirmé que sa maladie avait été
provoquée par les irradiations". Depuis de longues
années, des associations de vétérans des
essais réclament la création d'un fonds d'indemnisation,
sur le modèle de celui créé pour les victimes
de l'amiante. Le ministère de la Défense prépare
un projet de loi en ce sens, qui pourrait être présenté
au conseil des ministres au premier trimestre 2009 et débattu
au Parlement au cours du premier semestre.
26/11/2008 - Un projet de loi organisant l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français au Sahara puis en Polynésie entre 1960 et 1996 sera présenté en janvier, a annoncé le ministre de la Défense Hervé Morin. Une liste de maladies liées aux effets de la radioactivité sera reprise dans ce texte, et les demandes seront prises en compte en fonction d'un seuil d'exposition qui sera précisé dans un décret, a dit le ministre dans plusieurs médias.
Jusqu'ici, l'Etat français refusait de reconnaître officiellement le problème et les victimes étaient donc contraintes de saisir la justice et de démontrer au cas par cas le lien entre leur maladie et leur exposition à des radiations pour obtenir éventuellement des indemnisations. Hervé Morin précise dans le Parisien que "le ministère de la Justice ne fera plus appel des décisions de justice qui lui sont défavorables".
Environ 150.000 personnes ont participé en tant que personnel civil et militaire aux 210 essais nucléaires français - dont une cinquantaine en atmosphère - réalisés au Sahara algérien entre 1960 et 1962 puis en Polynésie française, sur les atolls de Mururoa et Fangataufa, entre 1966 et 1996. Le litige a provoqué de nombreux procès et depuis 2004, deux juges d'instruction parisiens du pôle de santé publique instruisent une information judiciaire pour "homicides involontaires et atteintes involontaires à l'intégrité physique" ouverte sur plainte de certaines victimes.
PAS D'INDEMNISATION AUTOMATIQUE Le projet de loi ne permettra pas forcément d'indemniser automatiquement toute personne aujourd'hui malade et ayant travaillé sur les sites nucléaires. "Nous pourrons refuser l'indemnisation dans le cas de maladies dont la cause est liée à d'autres risques, comme le tabac et l'alcool.
Nous voulons poser le principe d'une indemnisation des victimes mais seulement pour celles qui ont été exposées lors des essais", dit Hervé Morin au Parisien. Il explique le retard pris par la France pour l'indemnisation par "la place particulière du nucléaire en France" mais assure qu'un tournant va être pris.
"Nous devons reconnaître aujourd'hui les victimes, presque tous les Etats l'ont fait, la France ne doit pas déroger à cette règle". Le phénomène est mal connu concernant la France, seules des études épidémiologiques limitées ayant été menées en Polynésie. Un rapport parlementaire remis en 2001 a conclu que les conséquences sanitaires y étaient "dérisoires", comparé aux Etats-Unis et à l'ex-URSS. [Les morts et les cancéreux seront heureux d'être "dérisoires"...]
4/9/2008 - La
Cour régionale des pensions militaires de Nancy a condamné
jeudi en appel l'Etat à payer une pension pour invalidité
à André Geneix, ancien soldat irradié en
1962 lors d'un essai nucléaire souterrain dans le Sahara
algérien. Les "affections dermatologiques" et
le "syndrome anxio-dépressif" dont souffre M.
Geneix sont "imputables à une irradiation survenue
le 1er mai 1962 alors que l'intéressé se trouvait
en service", a statué la cour. Le vétéran
souffrant en outre d'une maladie du canal lombaire étroit
et de lombalgies, son "taux d'invalidité" atteint
40%, ce qui lui "ouvre droit à une pension pour invalidité",
selon l'arrêt rendu jeudi. "C'est la quinzième ou la vingtième fois
qu'une décision est favorable à un militaire ou
à un civil" en poste durant les essais nucléaires
français en Algérie (1960-66) ou en Polynésie
(1966-96), s'est félicité le vice-président
de l'Association des victimes des essais nucléaires (Aven),
Michel Verger. "Mais systématiquement, l'Etat fait
appel, ou se pourvoit en cassation, où l'affaire n'est
plus jugée sur son fond, mais sur sa forme. Ils veulent
absolument qu'on ne gagne pas", a pesté M. Verger,
qui a dénoncé le "manque de respect" d'un
Etat "négationniste".
Seul un militaire, Michel Cariou, 69 ans, qui imputait son cancer
de la thyroïde à sa participation à des essais
nucléaires à Mururoa entre 1966 et 1972, a pour
l'instant définitivement remporté sa bataille judiciaire,
selon le vice-président de l'Aven, aux 3.200 adhérents.
L'arrêt rendu en mai 2007 à Rennes, qui lui accordait
une pension, n'a pas été contesté, a-t-il
remarqué. Six ou sept civils (personnel sous-traitant des
bases, etc.) ont également conclu favorablement leurs procès.
André Geneix, jeudi, a mis un terme provisoire à
huit ans de démarche, débutées en novembre
2000. En janvier 2005, le tribunal départemental des pensions
de Meurthe-et-Moselle avait rejeté sa demande. Il avait
fait appel. Le 1er mai 1962, le sergent Geneix, opérateur
radio au centre de tir nucléaire souterrain d'In-Ekker,
assiste à "Béryl", tir "plus puissant
que prévu", provocant "un mouvement de terrain"
et une "fissuration de la montagne" avec "émission
d'un nuage radioactif" qui a "contaminé la région",
selon l'arrêt. "Le bruit était épouvantable.
La montagne a grondé. Un nuage blanc de poussière
s'en est éloigné. Presque aussitôt, un autre
nuage, noir, puissant, radioactif, est apparu. Je suis resté
trois quarts d'heure dessous", en chemisette et en short,
a raconté André Geneix à l'AFP. Pour M. Geneix,
des premiers tests diagnostiquent une irradiation de 180 mSV (millisievert,
unité de mesure du rayonnement), soit "un niveau trois
fois supérieur à la dose maximale tolérée
sur un an pour la population", d'après la Cour. Après
trois semaines de repos, il reprend son activité militaire.
Retourné à la vie civile, André Geneix, commercial,
est atteint d'un cancer de la lèvre en 1998. Il déprime,
a mal au dos, son pied est déformé... "Je suis
content. C'est une satisfaction morale", a sobrement réagi
André Geneix, 72 ans, au prononcé de l'arrêt.
"On avait remis en question mon statut d'irradié.
Cela m'avait beaucoup touché".
Dix-sept essais ont été conduits dans le Sahara
et 45 dans le Pacifique. Quelque 150.000 personnes ont participé
au programme nucléaire, selon l'Aven, qui demande le déblocage
d'un fonds d'indemnisation, un suivi médical pour les victimes,
et la création d'une commission d'enquête "plurielle".
30/4/2008 - L'association des vétérans des essais nucléaires français (Aven), qui milite pour faire reconnaître l'impact de ces tests sur leur santé, a dénoncé mercredi un "refus de dialogue" de la part de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, lors d'une conférence de presse à Angers. L'Aven a indiqué qu'elle n'avait toujours pas reçu de réponse de Mme Bachelot à sa demande de mise en place d'un suivi médical des personnels ayant assisté aux essais nucléaires menés par la France au Sahara et en Polynésie à partir des années 1960. En novembre dernier, des représentants de l'Aven ont été reçus au ministère de la Santé par des collaborateurs de la ministre. "Nous attendons toujours le compte-rendu de la réunion", a déclaré André Devena, trésorier de l'association qui a assisté à plusieurs campagnes de tirs à Mururoa en Polynésie française en 1967 et 1968. "N'avons-nous pas droit à la même attention que les victimes irradiées de l'hôpital d'Epinal?", a-t-il interrogé. "A quoi sert un ministère de la Santé qui n'est pas capable d'organiser la prévention pour sauver des vies humaines ou anticiper les maladies pour des personnes exposées à des risques particulièrement dangereux", a dénoncé Michel Verger, le vice-président de l'Aven, aux côtés d'une dizaine d'autres vétérans de Maine-et-Loire. Agé de 61 ans, celui-ci affirme avoir perdu dents et cheveux l'année suivant son retour et souffrir depuis de problèmes cardiovasculaires et respiratoires. Selon l'Aven, depuis la création de l'association en 2001, près de 300 dossiers ont été ouverts en justice par des adhérents malades pour faire reconnaître le lien entre leurs pathologies et leur exposition aux radiations nucléaires.
6/3/2008 - Le
tribunal des affaires de sécurité sociale de Nîmes
a reconnu mardi que le Commissariat à l'énergie
atomique (CEA) et la Société Provençale des
Ateliers Terrin (SPAT) avaient commis une "faute inexcusable"
à l'encontre d'un salarié, décédé
d'un cancer après avoir été soumis à
des rayonnements ionisants. Dans un communiqué publié
jeudi, l'Association des vétérans des essais nucléaires
(Aven) rappelle que Francis Garnier est mort d'un cancer gastrique
en 2002, à l'âge de 61 ans. Pendant plus de dix ans,
au sein des deux entreprises, M. Garnier avait été
directement affecté aux travaux sous rayonnements ionisants
et avait été contaminé à plusieurs
reprises, selon l'Aven. M. Garnier avait été employé
successivement par le CEA, à Marcoule, puis par la SPAT,
et avait été affecté à plusieurs reprises
sur le site des essais nucléaires français dans
le Sahara, en qualité de technicien en décontamination.
Il avait de nouveau travaillé comme tel sur les sites des
essais nucléaires en Polynésie, pour le compte de
la Direction des applications militaires du CEA. "Le tribunal
a reconnu que la maladie professionnelle de M. Garnier était
due à la faute inexcusable de ses employeurs", a commenté
le cabinet d'avocats chargé de la défense des intérêts
des ayant-droits de M. Garnier, interrogé par l'AFP. "Il
a reconnu que les éléments constitutifs de la faute
inexcusable étaient reconnus, à savoir la connaissance
des dangers auxquels le salarié était exposé
et le fait de n'avoir pas mis à sa disposition les moyens
appropriés à sa protection", a-t-on fait valoir.
Un expert a été désigné par le tribunal
pour déterminer le degré des préjudices.
Sur cette base, le tribunal fixera le niveau des réparations.
Tahitipresse, 6/3/2008:
C'est une première en Polynésie française: le 7 avril prochain, huit dossiers polynésiens déposés par des anciens travailleurs du Centre d'Expérimentation Atomique (CEA) à Moruroa seront devant le tribunal du Travail à Papeete. L'association "Moruroa e Tatou" déclare avoir le sentiment "d'une justice a deux vitesses et même d'une certaine forme de racisme puisque les Polynésiens et les métropolitains ne bénéficient pas de la même loi". "Moruroa e Tatou" appelle la population à la mobilisation le 7 avril à l'occasion de cette audience devant le tribunal du travail. "Nous mettons beaucoup d'espoir dans ce procès" déclare Roland Oldham, président de cette association qui a mis en avant les dossiers les plus éloquents. "Ce sera l'occasion de pointer du doigt les incohérences du système judiciaire" poursuit le président de l'association qui, par ailleurs, émet le voeu que "le nouveau gouvernement avec à sa tête Gaston Flosse prendra une position positive sur ce dossier du nucléaire". "Faute inexcusable". Selon "Moruroa e Tatou", 7 à 10 000 Polynésiens ont travaillé sur l'atoll de Moruroa (archipel des Tuamotu) entre 1960 et 1996. Approximativement 400 d'entre eux ont constitué un dossier auprès de l'association. Parmi eux, huit cas seront étudiés le 7 avril par le tribunal du travail à Papeete. A signaler que depuis le dépôt des huit dossiers, cinq anciens travailleurs sont décédés de leucémie, selon l'association "Moruroa e Tatou". Sera présent à l'audience, Me Jean-Paul Teisonnière, l'avocat qui mena en métropole le dossier de Francis Garnier dont le jugement par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nîmes en France a reconnu une "faute inexcusable" commise par les anciens employeurs de Francis Garnier, autrement dit le Centre d'Expérimentation Atomique. En Polynésie française et jusqu'à présent, aucune instance médicale a formellement attribué les décès d'anciens travailleurs polynésiens aux conséquences des essais nucléaires à Moruroa.
ABC - Radio Australia, 14/2/2008:
Derek Twigg, le sous-secrétaire d'État à la défense de Grande-Bretagne, a indiqué que son gouvernement a donné son accord de principe au financement d'une étude indépendante de plus de 800 000 dollars sur les conséquences des essais nucléaires sur la santé. Ces vétérans britanniques ont participé aux expérimentations nucléaires secrètes menées au large des côtes d'Australie occidentale dans les années 50 et 60. Ces vétérans des essais nucléaires se disent victimes de toute une série de maladies attribuées aux retombées radioactives. Certains auraient développé des cancers et d'autres affirment que leurs enfants sont nés avec des malformations. 3 000 de ces vétérans sont encore en vie. Le sous-secrétaire d'État à la défense de Grande-Bretagne a toutefois déclaré que l'étude indépendante irait de l'avant à condition que la crédibilité de deux autres études, dont une en Nouvelle-Zélande, soit confirmée.
Voir cette vidéo (Youtube) et Essais sur l'île de Monte Bello (Viméo basse définition)
TahitiPresse, 8/1/2008:
Le tribunal des Affaires de sécurité sociale de Tulle, en métropole, a rendu mardi son délibéré dans l'affaire opposant Gilles Delamare-Oubron, qui a travaillé sur le site nucléaire de Moruroa (archipel des Tuamotu) à ses anciens employeurs (Sotraplex, Doris, Sogretram). Le tribunal a reconnu la "faute inexcusable" de la société Sotraplex, indique un communiqué de l'association "Moruroa e Tatou". "Cette reconnaissance de la faute inexcusable ouvre droit à la majoration au maximum légal de la rente servie à M. Delamare. Le tribunal de Tulle a également désigné un expert dont la mission sera d'évaluer les préjudices subis par M. Delamare, afin de permettre au tribunal de fixer le montant de l'indemnisation qui lui sera allouée", précise le communiqué de l'association regroupant des anciens travailleurs du site nucléaire de Moruroa. "Monsieur Delamare a été employé par la SA Sotraflex du 16/6/1986 au 8/1/1997, comme scaphandrier puis comme chef de chantier. Au cours de cette période, Monsieur Delamare a effectué plusieurs missions pour le compte d'EDF (ndlr, Electricité de France) et de Cogéma, mais surtout pour le Commissariat à l'Energie atomique de Moruroa. Entre 1988 et 1996, M. Delamare effectuait à Moruroa des missions de deux mois et demi par an. Il disposait du statut de personnel directement affecté aux travaux sous rayonnements ionisants", poursuit Moruroa e Tatou.
Satisfaction de l'avocat de l'Aven
"M. Delamare, membre de l'Aven (ndlr, association des vétérans
des essais nucléaires), est atteint d'une leucémie
à tricholeucocytes qui a été diagnostiquée
en 2003. Le 9 Mars 2004, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie
de la Corrèze avait reconnu le caractère professionnel
de sa pathologie inscrite au tableau n° 6 du code de la sécurité
sociale. Un taux d'incapacité permanente de 30% lui avait
été notifié par la Caisse", ajoute également
Moruroa e Tatou. L'avocat de l'Aven et de Moruroa e tatou, Me
Jean-Paul Teissonière, a exprimé sa satisfaction.
"Il s'agit du premier jugement pour faute inexcusable que
nous obtenons, qui confirme l'obligation de sécurité
et de résultat à laquelle l'employeur est assujetti",
a-t-il indiqué. Evoquant ce dossier, Moruroa e Tatou critique
également la position de la CPS (Caisse de prévoyance
sociale): "Moruroa e tatou se réjouit de ce résultat
positif pour un employé civil métropolitain qui
travaillait à Moruroa comme de nombreux travailleurs polynésiens.
Moruroa e tatou constate une nouvelle fois que la Sécurité
sociale en France est en train d'établir une jurisprudence
favorable aux travailleurs de Moruroa atteints d'une maladie inscrite
au tableau n°6 des maladies professionnelles dues aux rayonnements
ionisants (...) Moruroa e tatou s'indigne de l'inaction de la
CPS qui rejette systématiquement les dossiers des anciens
travailleurs polynésiens de Moruroa atteints des mêmes
pathologies inscrites sur le même tableau n° 6 des maladies
professionnelles dues aux rayonnements ionisants".
La Dépêche du Midi, 5/12/2007:
Les cancers que Claude Samson a développés depuis vingt ans sont-ils directement imputables à son séjour passé en 1980 sur l'atoll de Mururoa ? Si c'est le cas, cet homme aujourd'hui âgé de 74 ans est donc en droit d'être reconnu comme étant victime d'une maladie professionnelle. Hier, à la barre du tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS), Me François Lafforgue, son avocat, a développé cette thèse après que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude (CPAM) eut rejeté la demande du retraité.
Claude Samson qui a travaillé deux mois sur l'atoll polynésien, lieu d'expérimentation de l'arme atomique, présente, selon son avocat, toutes les pathologies liées à une exposition aux rayons ionisants. Et de rappeler que c'est à son employeur de l'époque - la société Solétanche - « d'apporter la preuve que mon client n'a pas été en contact avec des radiations ». L'avocat de l'entreprise, Me Guillaume Bredon, affirme que Claude Samson, n'a pas été exposé aux rayons ionisants et qu'à ce jour il ne fait l'objet d'aucune incapacité physique permanente (IPP).
L'argumentaire de Me François Lafforgue semble contredire celui de son confrère et de faire état du statut particulier de Claude Samson à l'époque. « Il travaillait pour le compte du Commissariat à l'énergie atomique et avait la qualification de personnel directement affecté (DA) », autrement dit, il faisait partie du personnel exposé aux rayons ionisants. « Et la question n'est pas de savoir si Claude Samson a été contaminé de façon faible ou élevée, mais si tout simplement il a été exposé. »
Et si l'argumentaire de fond ne suffisait pas à emporter la conviction des juges du TASS, Me François Lafforgue souligne que le rejet de la CPAM de reconnaître les pathologies développées par Claude Samson comme maladie professionnelle, est infondé. « Il aurait fallu que la CPAM saisisse le comité régional des maladies professionnelles », souligne encore l'avocat parisien. Dans deux mois, Claude Samson saura s'il peut aller plus loin dans son combat judiciaire pour connaître la vérité et être simplement reconnu comme victime des essais nucléaires français.
Si le TASS rejoint les conclusions de Me Lafforgue,
Claude Samson aura la faculté d'intenter un procès
à son ex-employeur pour faute inexcusable. Un autre bras
de fer.
Sud-Ouest, 5/11/2007:
L'association des vétérans des essais nucléaires (Aven) demande la levée du secret défense et la constitution d'un fonds d'indemnisation.
Témoignage
L'association des vétérans des
essais nucléaires (Aven) tenait son congrès la semaine
dernière. Dans le Gers, ils sont treize membres de cette
organisation, qui demande la reconnaissance de leur irradiation.
En mars dernier, la chaîne Arte diffusait un film consacré
à leur cause, encore méconnue (notre édition
du 17 mars 2007). Force est de le constater : « Vive la
bombe » n'a pas eu le rôle de détonateur espéré.
Il ne sera pas pour les irradiés ce qu'a été
« Indigènes », pour les vétérans
d'Afrique.
À l'échelle nationale comme au
plan départemental, Roland Dupré, de Saint-André
près de Samatan, a parfois l'impression de prêcher
dans le désert. Le désert : c'est là que
tout a commencé pour lui.
Algérie, 1962. Le Gersois sert l'armée dans le génie.
On lui donne pour mission d'ouvrir une route autour de la montagne
où l'on vient de procéder au tir Béryl, qui
a libéré un nuage radioactif. Quatorze ans plus
tard, les ennuis de santé commencent : saignements de nez,
hémorroïdes, troubles intestinaux, maladie musculaire.
Mais impossible de faire reconnaître une maladie qui n'existe
pas, ni de la relier à une irradiation niée par
l'armée.
Silence radioactif. Le premier combat de l'Aven, c'est de faire sortir la Grande Muette du silence radioactif. « Nous demandons au ministère de la Défense de nous communiquer les dossiers médicaux et les relevés de dosimétrie. Il existe des textes qui vont en notre faveur. Mais ils se réfugient derrière le secret défense », regrette Roland Dupré.
Le retraité fonde ses espoirs dans la Cour européenne des droits de l'homme, et dans l'exemple des vétérans anglais. « La justice européenne est allée dans leur sens, car ils n'avaient pas été avertis ». Les Français non plus. Or, selon Roland Dupré, l'armée connaissait les risques qu'elle faisait courir à ses hommes. « Ce n'est pas la France qui a inventé la bombe. Les conséquences sur l'être humain étaient sues à l'époque ».
Voilà pour l'aspect juridique. Reste le problème scientifique. « Aucune étude n'a été faite sur les irradiations à faible dose. D'après des travaux récents, il apparaît que cela cause des dégâts qui progressent à retardement. Mais que parallèlement, la radioactivité mesurée dans le corps diminue ». Difficile dans ces conditions, de faire reconnaître que l'irradiation est la cause des maladies. « Médicalement, ma pathologie n'existe pas », soupire Roland Dupré, qui souffre mille maux depuis trente ans.
«Se faire entendre». Malgré son état de santé, il ne lâche pas son bâton de pèlerin. « Dans le Gers, nous sommes peu nombreux. Il est donc difficile de faire vivre notre association ».
Le retraité regrette le manque d'intérêt des politiques. « Aucun des deux sénateurs ne nous a répondu. Seule la députée Gisèle Biémouret, qui fait partie de la commission parlementaire sur la Défense, est venue me voir. J'ai aussi eu un contact avec Raymond Vall. Mais que voulez-vous : nous représentons douze voix. Alors question retour sur investissement, nous ne sommes pas rentables ».
Au niveau national, l'Aven a démarché les députés pour leur faire déposer une proposition de loi pour la reconnaissance de leur maladie et la création d'un fonds d'indemnisation. 150 000 personnes sont concernées par les 210 essais réalisés par la France entre 1960 et 1996.
« C'est difficile de faire entendre cela dans un pays où l'État considère le nucléaire comme quelque chose de propre », analyse Roland Dupré. « Et pourtant, l'atome est sale. Ce n'est pas un scoop : les Curie eux-mêmes en sont morts ».
Aven 32 : 05 62 62 31 84 ou 06 79 20 15 74
9/07/2007 - Les
conclusions du rapport du Comité de liaison pour la coordination
du suivi sanitaire présenté samedi par le délégué
à la sûreté nucléaire à l'occasion
de sa neuvième mission en Polynésie française
ont immédiatement été condamnées par
les militants polynésiens anti-nucléaires. "Monsieur
de la Gravière est venu pour négocier un deal avec
le gouvernement local" a expliqué à l'AFP Roland
Oldham, président de l'association Moruroa e tatou. "C'est
à dire, ne réclamez pas d'indemnisation et nous
nous chargeons de la réhabilitation des sites", a-t-il
ajouté.
L'association Moruroa e tatou, qui regroupe quelque 4000 anciens
travailleurs des sites de Moruroa, Fangataufa et Hao de 1966 à
1996, milite depuis la fin des essais nucléaires pour la
reconnaissance par l'Etat d'un lien entre certaines maladies et
la radioactivité produite par les activités nucléaires.
Sur ce dernier point, la déception des anti-nucléaires
est grande puisque le rapport affirme "qu'aucune avancée
scientifique concernant l'apparition de pathologies radio-induites
tardives ne permet de justifier aujourd'hui une extension des
régimes de réparation pour le personnel."
L'association estime illégale la convention pour le suivi
sanitaire des populations des Tuamotu en soulignant que "l'Etat
est à la fois juge et partie et qu'il décide, en
fait, s'il doit être sanctionné ou pas". L'association
conteste notamment les conclusions médicales du rapport
qui stipule "qu'il n'a pas été observé
d'augmentation du nombre de cancers (et de leucémies de
l'enfant ) imputables aux rayonnements ionisants en Polynésie
française postérieurement aux essais nucléaires".
Le rapport affirme également que malgré la forte
incidence des cancers de la thyroïde en Polynésie
, aucun lien n'a pu être établi" avec une exposition
aux rayons ionisants".
Sud-Ouest, 3/4/2007:
Le Palois Lény Paris, âgé de 35 ans, a reçu des charges de plutonium sur le plateau d'Albion
Lény a du mal à se lever le matin.
Il a souvent besoin de s'asseoir. Il mange peu. Il maigrit. Il
est sourd. « Comme un petit vieux, alors que j'ai 35 ans.
» Sur les tests densitométriques, ses os sont octogénaires.
Nécrosés. Limite morts. Irradiés par le plutonium.
Cinq ans après son service militaire, Lény a commencé
à se casser la main en serrant un marteau. Puis c'est sa
mâchoire qui s'est fendue, au cours d'un repas. Enfin, sa
cheville. Double fracture malléolaire en marchand. Son
pied s'est retrouvé dans le sens inverse de la marche.
Tout simplement. Ça l'a arrêté net mais, en
même temps, c'est là que son combat a commencé.
C'était le 24 avril 2004.
Près des missiles nucléaires. Lény a vite compris. Entre 19 et 20 ans, il a passé quatorze mois sur le plateau d'Albion dans le Vaucluse. Sergent dans les commandos, il surveillait 18 missiles nucléaires disposés en sous-sol. Dans un véhicule blindé, à pied ou depuis les tours de contrôle. À chaque intervention de maintenance, il se plaçait devant l'ogive, chargée de plutonium.
La fierté de la France. De 1966 à
1996, Albion faisait la fierté de la France, le symbole
de la dissuasion nucléaire. Un site relié par le
fameux téléphone rouge que Giscard, Mitterrand ou
Chirac pouvait décrocher à tout moment.
Lény en est revenu. De tout. De l'armée, de l'état,
de l'administration. Lui qui courait 15 kilomètres par
jour, ceinture noire de judo, ne sort plus de son appartement
du centre-ville de Pau. Sauf pour aller à la permanence
de Médecins du monde pour se faire soigner gratuitement
ou à la Caisse d'allocations familiales pour « pleurer
et réclamer de l'argent ». Il vit avec 600 euros
par mois, versés à titre exceptionnel pour de l'allocation
adulte handicapé qui se termine en juin. Il n'a pas de
Sécurité sociale car, avant d'arrêter de travailler,
il était gérant d'une société. «
J'ai droit à rien. Je me fais jeter de partout. »
Son cas est trop sensible. Il a juste ses soeurs et sa mère.
« J'ai quand même gagné
». Heureusement, son moral d'acier n'est pas encore atteint.
Sa thérapie, il la fait en combattant. Comme toujours.
Il a d'abord dû se battre contre les médecins pour
la reconnaissance d'une irradiation de ses os. Les plus honnêtes
ont confirmé. Il a ensuite porté plainte contre
le ministère de la Défense. Il attend toujours la
suite judiciaire. Ces derniers jours : une éclaircie. Il
a obtenu un document de l'armée qui révèle
la présence de césium 137 et de plutonium au plateau
d'Albion.
Du coup, le dossier repart. Le 28 mars dernier, la Criirad, Commission de recherche et d'information
indépendantes sur la radioactivité, a demandé
de plus amples informations. Les Verts Noël Mamère
et Yves Cochet ont alerté la presse. Lény compte
sur Martine Lignières-Cassou, « qui m'a beaucoup
aidé » pour lui faire rencontrer Ségolène
Royal. « Pour l'instant, elle n'a pas l'air pressée.
Elle a sans doute la pression du lobby nucléaire qui sévit
aussi chez les socialistes. »
La Provence, 14 mars 2007
Après les victimes du Golfe et des
essais nucléaires, l'éprouvante bataille d'un appelé
Lény Paris n'a que 35ans. Mais son squelette est celui
"d'un homme de 80 ans". Atteint d'une nécrose
osseuse sévère, il se bat depuis sept ans pour faire
reconnaître que sa maladie est liée à une
irradiation sur le site de lancement des missiles nucléaires
sol-sol, désormais désaffecté, sur le plateau
d'Albion.
Un combat difficile qui vient de connaître un rebondissement
avec la communication de pièces jusque-là refusée
par le ministère de la Défense. Appelé du
contingent, il est affecté entre septembre 1990 à
juillet 1991 dans l'équipe de protection et d'intervention
(EPI) de l'armée de l'Air.
"Quand les ogives arrivaient de Pierrelatte, nous assurions
la protection de la zone de lancement. Au moment de la guerre
du Golfe, les silos où se trouvaient les missiles stratégiques
étaient ouverts. J'étais à quelques mètres.
Parfois, je portais une combinaison NBC (nucléaire bactériologique
chimique) d'autres fois non. J'ai été soigné
à l'hôpital de Lavéran, à Marseille
pour des orgelets et une kératite".
La maladie se manifeste dix ans plus tard. "En un mois, j'ai
eu une fracture de la cheville et de la main, une fissure de la
mâchoire avec surdité totale de l'oreille droite".Une
biopsie révèle une déminéralisation
avancée avec nécrose osseuse. L'origine génétique
est écartée. Reste l'hypothèse de l'irradiation.
Dix-neuf autres soldats seraient malades
Mais l'expertise ordonnée par le tribunal administratif
de Marseille et confiée au Dr Schuhl, expert agrée
par la Cour de Cassation, exclut toute contamination toxique."Dans
l'état actuel de nos connaissances, il apparaît évident
qu'il n'existe aucun lien entre l'exposition à laquelle
a été soumis M. Paris pendant son service militaire
et les troubles constatés".
L'affaire n'est pas pour autant close. "L'expertise du Dr
Schuhl est contestable", soutient Me Poulichot, l'avocat
de Lény Paris. "D'une part, l'expert n'a pas mis en
place le respect du contradictoire puisque des documents du ministère
de la Défense auxquels il a fait référence
ne nous ont pas été communiqués. Ensuite
parce que son co-expert, le Dr Aurengo, est connu pour ses positions
favorables auxgrandes industries liées au nucléaire.
Son nom figure au comité de surveillance d'EDF, ce qu'il
n'a jamais démenti"...
Me Poulichot sollicite donc du tribunal administratif une contre-expertise.
L'obtiendra-t-il ? Il faudrait pour cela qu'il produise des
éléments nouveaux. Lény Paris vient d'obtenir,
via le médiateur, le rapport qu'évoquait le Dr Schuhl.
Il s'agit des résultats d'une campagne de mesures réalisée
entre le 27 et le 29 avril 1999 sur plusieurs zones de lancement
du plateau d'Albion.
Elle révèle "un léger marquage au Césium
137 et au Plutonium 239 dans le sol et les végétaux".
Mais le rapport de l'Office de protection contre les rayonnements
ionisants (0pri) précise que ces marquages auraient pour
origine "les retombées dues à l'accident de
Tchernobyl et ceux des essais atomiques aériens" menés
par la France dans le Sahara en 1960. Invraisemblable pour Lény
Paris: "Ça voudrait dire que toute la France a été
touchée !" Ce n'est pas le seul élément
dont dispose Me Poulichot . Dix-neuf
autres soldats seraient malades.
Le Monde, 13/3/2007:
Depuis sept ans, Leny Paris, un ancien appelé du contingent qui a travaillé sur le plateau d'Albion, se bat contre la maladie : il est persuadé que sa nécrose osseuse sévère est due à une irradiation dans cette région où il faisait partie des commandos de l'armée de l'air.
Entre septembre 1990 et juillet 1991, le jeune homme - à peine 20 ans - est engagé dans l'équipe de protection et d'intervention (EPI) de l'armée de l'air sur ce site de lancement de missiles nucléaires sol-sol balistiques de la force de dissuasion nucléaire française. Le site très surveillé s'étend sur 800 km2, entre la Drôme, le Vaucluse et les Alpes-de-Haute-Provence, et fermera en 1996 à la demande de Jacques Chirac.
M. Paris était chargé de surveiller certaines des dix-huit zones de lancement (ZL) de missiles : " On allait trois à quatre fois, voire dix fois par semaine sur ces zones. Lors des convois, on pouvait rester des heures à un mètre des ogives nucléaires qui allaient être chargées dans les ZL, explique-t-il. On avait des tenues de protection nucléaire mais pas de dosimètre personnel, et des masques à gaz qu'on ne mettait pas car il faisait trop chaud et personne n'insistait pour qu'on les porte. "
Les premiers soucis de santé apparaissent en 1992 - une kératite et des orgelets aux yeux - " moi qui n'avais jamais été malade et ne m'était rien cassé jusque-là ". En 2000, il se fracture la main droite, puis la cheville droite en marchant. Après plusieurs examens, le diagnostic tombe : Lény Paris est atteint d'une déminéralisation et d'une nécrose osseuses du squelette. A 28 ans, c'est un cas très rare. " J'ai un squelette d'un papy de 80 ans ", souffle l'ex-marathonien. Des examens génétiques sur sa famille attestent que ce n'est pas héréditaire. " Les médecins m'ont déjà dit que c'était dû à l'irradiation sur le plateau d'Albion ", assure l'ancien sous-officier. Mais aucun ne l'a écrit. En 2005, Le tribunal administratif de Marseille a même débouté l'actuel RMiste de sa demande d'expertise et de pension militaire d'invalidité.
Récemment, le médiateur de la République a remis à Leny Paris des documents qu'il demandait depuis des années au ministère de la défense : les bilans dosimétriques du personnel du site de 1990 et 1991 et un rapport de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants (Ofri) de 1999 qui a effectué des mesures en différents points du plateau pour y déceler d'éventuelles traces de radiation : " Les mesures radiamétriques n'entraînent aucune remarque particulière ", peut-on y lire. A ceci près que l'on retrouve " un léger marquage - traces - au césium 137 et plutonium 239 dans les sols et végétaux ". Toujours selon le rapport, ces traces " dont le niveau est normal pour la région " ont deux origines : le nuage de Tchernobyl pour le césium et les essais nucléaires atomiques en Algérie dans les années 1960 pour le plutonium. C'est la première fois qu'un document officiel affirme que les essais atomiques du Sahara ont entraîné des retombées de plutonium 239 sur le territoire.
Une députée (PS) des Pyrénées-Atlantiques
où le trentenaire habite, Martine Lignières-Cassous,
soutient l'ex-sous-officier dans sa volonté de faire reconnaître
sa situation. Elle a envoyé plusieurs courriers à
Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Sans
réponse. Avigolfe, l'association de défense des
militaires malades de la première guerre du Golfe et des
Balkans, appuie également sa cause. Dans un communiqué,
l'association demande aussi à la ministre des armées
" toute la lumière " sur les conséquences
des essais algériens en France.
Algerie-dz, 13 février 2007:
"L'explosion de la bombe atomique [Gerboise bleue] - elle était trois fois plus puissante que celle larguée par les Américains sur Hiroshima - a entraîné ce jour-là des pluies noires au Portugal. [...] En tout, l'armée française a procédé à 4 essais aériens et 13 autres souterrains dont le dernier en février 1966. Mais, selon M. Mansouri, d'autres expériences ont eu lieu clandestinement. Il dénombre au moins une quarantaine sur le site de Hamoudia près de Reggane. Encore aujourd'hui, les lieux sont ouverts aux quatre vents. "Ces régions sont traversées par les nomades", soulignera M. Mansouri. Par ailleurs, il précisera en ajoutant que les équipements ayant servi aux essais ont été enfouis sous les lieux. Au gré de l'érosion, ils ont réapparu et constituent des sources de radiation importantes."
Sciences et Avenir
n°160, juin 1960.
Associations des vétérans des
essais nucléaires
Lyon, le 10 novembre 2006
COMMUNIQUE DE PRESSE
La Cour régionale des Pensions militaires
de Nancy après avoir statué sur le mode de preuves
applicables devant les Tribunaux de Pensions militaires, a constaté
qu'André Geneix a été bien irradié
- le dosimètre indiquait 180 mSv -, le 1er mai 1962 au
Sahara algérien lors d'un tir souterrain raté qui
est devenu aérien. À ce tir assistaient Pierre Mesmer,
ministre des Armées et Gaston Palewski, ministre de la
Recherche, décédé d'une leucémie après
avoir été, lui aussi, irradié. Plusieurs
centaines de personnes civiles et militaires ont été
irradiées, contaminées et certaines en sont décédées.
La Cour régionale des Pensions militaires de Nancy a cependant
ordonné une expertise médicale comprenant des tests
radiobiologiques ADN, par deux médecins experts de Paris
qui doivent rendre leur rapport avant trois mois.
Ainsi, la Cour régionale des Pensions de Nancy admet que
le Code des Pensions militaires, rédigé avant les
expériences nucléaires, ne prenait pas en compte
les maladies qui pouvaient survenir plusieurs années après
l'irradiation et que le délai de présomption prévu
(60 jours après la fin du service) n'était pas applicable
pour les maladies radio-induites.
Après la Cour Régionale des Pensions d'Orléans
dans son arrêté du 15 septembre 2006, la Cour régionale
des Pensions de Nancy contredit sur un point essentiel la position
du Commissaire du Gouvernement. Cette décision ouvre
la porte à la possibilité de reconnaissance que
le ministère de la Défense voulait interdire en
s'appuyant sur le Code des Pensions militaires.
L'Aven rappelle le jugement rendu du Tribunal départemental des Pensions militaires de Nancy le 27 octobre 2006 en faveur d'un vétéran qui a été contaminé en Polynésie en lui attribuant une pension d'invalidité de 30 % pour un cancer de la langue.
Cette situation rend plus urgente encore la
nécessité d'une loi reconnaissant la responsabilité
de l'État français dans l'état de santé
des vétérans et leurs descendants et la création
d'un Fonds d'indemnisation des vétérans des essais
nucléaires. Dans l'attente de cette loi, l'attitude du
gouvernement qui fait systématiquement appel des jugements
favorables est intolérable.
D'autant qu'après avoir affirmé durant toutes ces
années que les essais français avaient été
« propres », le gouvernement - par la voie de
Marcel Jurien de la Gravière, délégué
à la sûreté nucléaire pour les installations
intéressant la Défense (DSND) et coprésident
du comité de suivi sanitaire des essais nucléaires
(CSSEN) -, a commencé à reconnaître que certains
essais avaient eu des retombées radioactives et la nécessité
d'organiser un suivi médical des populations concernées.
Le jeudi 9 novembre 2006, Marcel Jurien de la Gravière
a été auditionné au Sénat par la Commission
des affaires étrangères et de la Défense.
POUR TOUT CONTACT :
Dr Jean-Louis Valatx, président de l'Aven, tél.
06.13.87.37.76
Michel Verger, vice-président de l'Aven, tél. 06.70.98.48.37.
Secrétariat de l'Aven, tél. 04.78.36.93.03. Fax
04.78.36.36.83.
Cabinet d'avocats Teissonnière, 5, rue Saint-Germain l'Auxerrois,
75001 Paris, tél. 01.44.32.08.20.
Le 1er mai 1962,
il faisait un temps admirable à In Amguel. Mais il
fait généralement beau dans ce coin perdu du Hoggar,
près du Bordj In EKER à environ 150 km au nord
de TAMANRASSET, et les levers de soleil sur le Hoggar sont inoubliables.
Donc ce jour, il y avait beaucoup de
monde au poste de commandement de tir, tout plein d'officiels
dont MESSMER le Ministre des Armées de l'époque,
PALEWSKI, des tas de généraux et d'officiers supérieurs.
Les jeeps, 4 x 4 et autres 6 x 6, avaient amené de pleins
chargements de barrettes et de galons. La gendarmerie avait assuré
le ravitaillement en bière car il fera chaud vers 10 ou
11 heures. Personne n'avait voulu rater le spectacle car le premier
tir qui avait eu lieu peu avant avait permis de jouir d'un spectacle
surprenant: au moment de l'explosion - j'allais oublier de vous
dire qu'il s'agit du site d'expérimentation nucléaire
du Sahara, site distinct de celui de REGGAN où furent effectués
les premiers essais aériens - la montagne se secoue de
sa poussière et les roches apparaissent avec leurs couleurs
naturelles.
La météo avait bien donné un avis défavorable
mais «on» était passé outre, avec de
nombreuses raisons: le 1er tir avait été parfaitement
confiné et de plus toutes les huiles étaient
présentes... alors...
Vers 10 h du matin: feu. Tout d'abord
une secousse, la montagne tressaute - le pauvre TAOURIRT TAN AFELLA
n'avait pourtant rien demandé à personne - et puis,
que voit-on, un inquiétant nuage noir qui sort. Mais ce
n'était pas prévu - panique à bord - on ferme
les fenêtres du poste de commandement, pour cela il faut
débrancher voire couper tous les câbles qui passent
par là. Et puis les équipement ne sont pas complets:
il y a ceux qui ont la combinaison mais pas le masque, ceux qui
ont le masque mais pas les cartouches filtrantes...
Alors ce fut la débâcle,
le retour à la course vers les parkings, à qui arriverait
le premier à un véhicule pour se sauver, sans attendre
que les autres passagers du voyage aller ne soient arrivés.
Pour les bidasses qui étaient trop jeunes pour avoir connu
1940, cela leur a permis de comprendre comment certains étaient
arrivés les premiers à Bordeaux !! A l'entrée
de la base-vie d'In Amguel, cordon sanitaire, décontamination,
douche avec décapage au savon dermacide - au teepool pour
les bidasses, Messmer à poil, donc non identifiable (!!)
réclamant énergiquement un pantalon et se faisant
rabrouer par un gus du service de santé qui n'avait pas
reconnu son ministre... Le grand cirque !! Ouf, plus de peur que
de mal. Après un bon gueuleton au mess, tout ce beau monde
rentre sur Paris et c'est fini.
Fini pour qui ?
Etait-ce fini pour tous ceux qui sont
restés jusqu'à la fin de l'évacuation du
point zéro, car il y a quand même eu quelques militaires
de carrière qui sont restés pour assurer l'évacuation
de leurs hommes. Comme les films dosimètres, y compris
de ceux qui étaient partis les premiers, étaient
saturés à 20 Rad, on ne peut que supposer qu'ils
ont pris un minimum de 20 Rad.
Etait-ce fini pour les patrouilles qui
bouclaient le périmètre ?
Pour eux ce fut plus dur. Ils étaient
sans liaison radio, en poste au pied de la montagne, largués
en pleine nature sous le soleil du Sahara et sous le nuage radioactif.
Vous en avez vu et entendu deux témoigner à l'émission
de Polak le 7 septembre. Eh oui, quand un bidasse français
s'ennuie et ne sait quoi faire, comment s'occupe-t-il ? Il
mange ! Certaines patrouilles ont cherché à
rejoindre la route par laquelle ils étaient venus et pour
celà, ils remontèrent le nuage. Les plus prudents
portaient leur masque ce qui les sauva sûrement. Certains
furent suffisament contaminés par du sable s'infiltrant
dans les vêtements et se collant à la ceinture pour
qu'ils aient l'apparition de taches de rousseur - ce qui correspond,
localement, à plusieurs centaines de Rad -. Combien étaient-ils
au total, combien de patrouilles ? Les plus touchés
furent évacués le soir même sur Alger, les
autres furent rapatriés huit jours plus tard et mis en
observation à l'hôpital PERCY où la Maréchal
Leclerc vint gentiment leur tenir la patte.
Mais était-ce fini pour les trouffions
du génie, pour ceux du 621e GAS (Groupe d'Armes Spéciales)...
qui durent travailler ensuite sur le site pour dégager
l'accès de la galerie. Et ces gars qui conduisaient en
plein soleil les balayeuses pour enlever les débris de
lave sur la route d'accès à la galerie...
Et encore, nous ne comptons
pas les gens de la D.A.M. (Direction des Applications Militaires
du CEA), maîtres d'oeuvre de la manip et qui ont pris aussi
leur ration. Pour eux la situation est relativement plus claire,
en ce sens qu'ils sont suivis médicalement par le CEA et
que, grâce aux sections syndicales, ils pourront de leur
vivant ou postmortem essayer de se faire reconnaître
en accident du travail et ainsi essayer de permettre à
leur veuve de toucher une pension - essayer car même là
c'est dur à obtenir. Mais pour les trouffions du contingent,
qu'en est-il ? Rien. Les dossiers médicaux militaires,
lorsqu'ils existent, sont confidentiels, secrets, qui sait, "confidentiel
défense", combien de ces militaires n'ont même
pas subi une hémato (numérotation globulaire) ni
après l'accident, ni au moment de leur visite de démobilisation.
Il faut bien dire que l'armée
est d'une discrétion extrême. Les missions de prélèvement
pour surveillance qui se faisaient par la suite à TAMANRASSET,
à Fort POLIGNAC et jusqu'à DJANET (oui jusqu'à
la pointe de la frontière lybienne, à environ 450
km de là) n'ont jamais porté que sur l'eau de la
fontaine, sur des feuilles de caliotropis (que nos galonnés
appelaient «l'arbre à couilles») ou des branches
de tamaris, mais jamais sur les bidasses des garnisons - il ne
fallait sûrement pas les inquiéter - et encore moins
sur les PLO, prononcez «pelos», sigle
bien de chez nous pour désigner les Populations Locales
des Oasis (à Reggan c'était les PLBT:
population locales du Bas Tohat). Pourtant ces PLO
représentaient un groupe à risque puisqu'ils servaient
pour toutes les basses besognes sur la base, pour les travaux
de terrassement ... comme les polynésiens aujourd'hui.
[texte de 1985]
[...] Tiens, une dernière question,
le TAN AFELLA est-il au programme des randonnées sahariennes
de quelque agence de voyage ? Cela mettrait du piment pour les
amateurs d'émotions fortes, car cela doit encore crachoter
dans le secteur...
Gazette Nucléaire n°67/68, sept.-oct. 1985.
Le monde, 9/11/06:
Le pire, c'est les maux de tête. Voilà des années qu'il vit "en permanence avec ce handicap", comme il dit pudiquement. André Geneix, 71 ans, militaire en retraite depuis trente-sept ans, sait désormais qu'il "mourra avec (ses) souffrances" : outre ses céphalées chroniques, une lombalgie, un cancer de la lèvre traité en 1998 mais qui "le gêne toujours un peu" et un syndrome asthéno-dépressif. Cet ancien militaire professionnel a passé sept ans dans l'armée française, dont il est sorti sergent-chef. Le 17 juin 1961, il est arrivé à Reggane, en Algérie, pour rejoindre son affectation au 120e régiment, service des transmissions. C'est le hasard de cette affectation qui lui a valu d'assister au tir d'essai nucléaire du 1er mai 1962 à In Eker - le deuxième des treize essais souterrains réalisés au Sahara.
Nom de code : Beryl ; une puissance de moins de 30 kilotonnes.
Le tir était programmé à 11 heures. Installé
aux premières loges, à quelques centaines de mètres
de l'accès au tunnel creusé à flanc de montagne,
André, qui était opérateur radio, avait "ordre
formel de ne pas bouger". Il devait attendre pour être
évacué. En bon militaire discipliné, il a
obéi, il est resté sur place. "Pourtant,
je savais qu'il y avait du danger et que cela ne se passait pas
comme prévu, se souvient-il. Il y avait une fuite
sur le côté droit de la montagne. La radioactivité
s'échappait. Un gros nuage noir a tout recouvert. Dans
les minutes qui ont suivi, tout le monde fuyait. Moi, j'ai attendu
pendant plus d'une heure, sans quitter mon poste." André
disposait pour toute protection d'un masque à gaz et d'un
dosimètre. "Au bout d'une heure, trois ou quatre
personnes sont arrivées équipées de bottes
et capuchonnées. Elles m'ont passé au détecteur
- ça sonnait de partout -, et j'ai été évacué
en urgence vers un centre de décontamination."
Là, André a subi une batterie d'examens dont les
résultats ne lui ont jamais été communiqués.
Il a tout de même su qu'il avait été "contaminé",
mais après il n'a plus eu de "nouvelles des
services de santé de l'Armée". André
est rentré en France. En 1963, il a été affecté
à la base de Lunéville (Meurthe-et-Moselle). Par
moments, il "avait des coups de fatigue",
mais n'éprouvait pas de problème de santé
majeur.
C'est en 1998 que "la suspicion du mal-être est
née". Cette année-là, André
développe un cancer de la lèvre. Deux ans plus tard,
tiré d'affaire, il en parle avec un responsable des anciens
combattants qui, eu égard à ses antécédents
militaires, lui conseille de demander une pension d'invalidité
auprès du ministère des anciens combattants. La
réponse du ministère ne tarde pas : refus. André
se tourne alors vers le tribunal des pensions militaires chargé
d'arbitrer ces conflits. Celui-ci confirme la décision
du ministère. "Ils m'ont demandé de fournir
la preuve directe que mes pathologies étaient la conséquence
des doses radioactives que j'avais reçues en Algérie",
explique-t-il. Soutenu par l'Aven (Association des vétérans
des essais nucléaires français) et défendu
par Me Jean-Louis Teissonnière, André Geneix a interjeté
appel. La cour régionale des pensions militaires de Nancy,
qui a examiné l'affaire en septembre, doit rendre son arrêt
vendredi 10 novembre.
Entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996, la France
a effectué 210 essais nucléaires, dont 17 au Sahara
jusqu'en 1966. Pendant ces trente-six années, près
de 150 000 militaires ont, à des degrés divers,
été exposés à des risques d'irradiation,
parfois dans des conditions qui frisaient l'inconscience. Ainsi,
en 1968, Jean-Pierre Masson servait à bord du porte-avions
Clemenceau, lequel mouillait au large des eaux polynésiennes,
à environ 40 nautiques (près de 74 kilomètres)
de la zone où avaient lieu les tirs nucléaires de
Mururoa. Une fois les tirs effectués, des avions embarqués
sur le "Clem" avaient pour mission d'approcher
au plus près le nuage radioactif aux fins d'observation.
"Leur mission accomplie, ils rentraient à bord,
et nous, nous devions les nettoyer, raconte Jean-Pierre. Le
plus souvent on était en maillot de bain et on rinçait
les avions à grands jets d'eau, exactement comme on l'aurait
fait s'il avait fallu laver des véhicules qui revenaient
de manoeuvres en Limousin."
Les campagnes de tir duraient deux semaines et les 2 000 matelots
du "Clem" ne prenaient pas plus de précautions
que Jean-Pierre. "Nous n'étions pas au courant
des dangers, et la hiérarchie ne nous imposait ni mesure
de sûreté ni contrainte préventive",
dit-il. Pourtant, les risques liés à la radioactivité
étaient connus depuis au moins vingt-trois ans, avec les
explosions des bombes d'Hiroshima et de Nagasaki. "On
a tous ramassé des doses maximales", affirme Jean-Pierre,
qui a "la chance" d'être en bonne santé.
"Mais la plupart des pilotes des avions qui allaient dans
le nuage sont morts", déplore-t-il. Ils étaient
de la même génération que lui : Jean-Pierre
Masson a 67 ans. Il y a quelques années, il a demandé
à l'armée de lui fournir son relevé dosimétrique
alors qu'il était sur le "Clem". "Je
ne l'ai obtenu qu'après moult difficultés",
explique-t-il.
Au ministère de la défense, on reconnaît qu'il
a fallu que les années passent pour évoquer publiquement
ce dossier. "Pendant quarante ans, on n'a rien dit",
admet un membre du cabinet de la ministre, Michèle Alliot-Marie.
"On a commencé à communiquer sur ces questions
lorsqu'on a cessé les tirs, à la fin des années
1990, et depuis un an on ouvre les dossiers, explique-t-il,
tout en soulignant la difficulté. Ce sont des affaires
anciennes, et souvent les dossiers personnels ont été
mal établis et sont difficiles à retrouver. On ne
disposait pas des moyens actuels pour les gérer et, il
faut l'avouer, on se souciait moins de ces problèmes qu'on
le fait aujourd'hui." Il n'empêche. L'Etat ne manifeste
guère d'empressement pour régler ce contentieux,
prétextant que toutes les maladies dont souffrent les vétérans
des essais nucléaires ne peuvent pas être imputées
aux campagnes de tir.
Une liste de maladies professionnelles dresse les affections provoquées
par les rayonnements ionisants. Elle varie selon les pays. Celle
adoptée aux Etats-Unis est plus longue que la française
: les Américains considèrent qu'un vétéran
des essais nucléaires atteint d'un cancer de l'estomac
a droit aux indemnisations, les autorités françaises
non. "Il faut relativiser, insiste Marcel Jurien de
la Gravière, délégué à la sûreté
nucléaire de défense. Aux Etats-Unis, l'administration
verse des indemnités de 70 000 dollars (55 300 euros)
à ses vétérans pour solde de tout compte.
Contrairement à ce qui se passe en France, ils n'ont pas
de sécurité sociale et doivent prendre en charge
leurs dépenses de santé. De plus, les puissances
de tir et les niveaux de doses atteints outre-Atlantique sont
beaucoup plus importants."
Reste que, depuis l'accident de Tchernobyl, en 1986, des études
sanitaires ont analysé avec précision les conséquences
des chocs radioactifs sur l'organisme. Selon le professeur Abraham
Behar, président de l'Association des médecins
français pour la prévention des guerres nucléaires,
"la liste des maladies radio-induites pourrait s'allonger,
notamment pour des maladies autres que les cancers, comme des
maladies cardio-vasculaires". Pour l'heure, le ministère
de la défense ne prend pas en compte ces recherches. Chaque
fois qu'un tribunal accorde une pension d'invalidité à
un vétéran, l'Etat fait appel. Ainsi, en août
2005, le tribunal des pensions de Tours avait accordé une
pension à André Mézière, un vétéran
d'Algérie atteint d'une polymyosite. Le ministère
de la défense a fait appel, arguant que "cette
maladie ne figure pas au tableau des maladies susceptibles d'être
liées à une radiation". En septembre, la
cour régionale d'Orléans, saisie de l'affaire, a
demandé un complément d'expertise avant de statuer.
Pendant les campagnes d'essais, la grande majorité des
vétérans ont été contaminés.
Tous n'en ont pas pour autant contracté des maladies. Depuis
2002, année de sa fondation, l'AVEN a réussi à
rassembler un peu plus de 3 000 adhérents. C'est peu au
regard des 150 000 vétérans qui ont participé
à ces campagnes. Comme le relève Jean-Louis Valatx,
médecin et président de l'AVEN, "cela rend
toute étude épidémiologique impossible".
Cependant, pour pallier ce manque, l'association a mené
une enquête interne auprès d'un échantillon
de 1 600 adhérents. Les résultats ont été
publiés récemment : 12,6 % sont en bonne santé
; 34,7 % sont atteints d'un cancer et 82 % ont développé
des pathologies diverses non cancéreuses. "Cette
étude n'est pas représentative de la population
des vétérans, car on ne connaît pas cette
population, relativise M. Valatx, mais cela donne une indication."
Anciens des essais nucléaires du Sahara ou de Polynésie,
malades comme André ou en bonne santé, veuves de
militaires morts prématurément des suites de maladies
- cancéreuses ou non -, tous ne réclament qu'une
chose : que l'Etat et les tribunaux de pensions reconnaissent
que certaines pathologies ont un lien avec la participation aux
tirs nucléaires. Recenser les victimes des essais n'est
pas chose facile. Entendre la douleur de ceux qui l'expriment
l'est davantage.
Yves Bordenave
Libération, 4 octobre 2006:
[Photo rajoutée par Infonucléaire]
Pas à pas, la vérité apparaît sur les conséquences des essais nucléaires français dans le Pacifique. Le ministère de la Défense a ainsi reconnu, hier, que six d'entre eux avaient «affecté plus significativement quelques îles et atolls» habités. Trente-deux ans après le dernier tir atmosphérique, un suivi médical va donc enfin être «proposé» aux populations concernées, soit environ 2 000 personnes, a annoncé, lundi à Papeete, le délégué à la sûreté nucléaire de défense (DSND), Marcel Jurien de La Gravière.
Plainte. Cette
déclaration est loin de satisfaire les militants antinucléaires
de Polynésie. «Nous ne sommes pas contents !» a
réagi John Doom, responsable du mouvement Moruroa e Tatou,
qui dénonce le maintien du secret défense. Cette
association, proche des indépendantistes au pouvoir à
Papeete, a annoncé son intention de déposer une
plainte contre X devant le tribunal de Paris pour «administration
de substances nuisibles» et «atteinte
à l'intégrité physique».
De 1966 à 1996, la France a procédé à
193 essais nucléaires dans le Pacifique, dont 41 ont donné
lieu à des tirs dans l'atmosphère, une méthode
abandonnée dès 1974. Sur ces 41 essais, 6 ont entraîné
des retombées sur des zones habitées (lire ci-dessous),
principalement autour des atolls de Moruroa et de Fangataufa,
et parfois jusqu'à Tahiti. Devant la montée de la
contestation ? portée en métropole par l'Association
des vétérans des essais nucléaires (Aven)
et en Polynésie Française par Moruroa e Tatou ?,
le ministère de la Défense a demandé en février
2006 au délégué à la sûreté
nucléaire de recalculer les conséquences des retombées
atmosphériques, sur la base des normes et des connaissances
actuelles. Ce sont les résultats de cette étude
que Marcel Jurien de La Gravière est allé présenter
cette semaine aux Polynésiens, comme il s'y était
engagé lors de son précédent séjour,
en mai.
L'une des principales nouveautés est la prise en compte
de l'âge des personnes exposées, en particulier pour
les enfants de moins de 2 ans, beaucoup plus sensibles aux retombées
radioactives. Les nouveaux résultats «tangentent
le risque», avance prudemment le porte-parole du
ministère de la Défense, Jean-François Bureau.
Pour deux essais, Aldébaran (1966) et Phoebe (1971), les
doses «à la thyroïde» reçues par
les enfants des îles proches de Moruroa vont jusqu'à
80 et 98 millisieverts, alors que les chiffres avancés
jusqu'à présent, tous âges confondus, n'étaient
que de 5,5 et 1,2 millisievert. La réglementation actuelle
fixe à 100 millisieverts la dose à partir de laquelle
les autorités sanitaires doivent agir, par exemple en distribuant
des pastilles d'iode.
Norme. La polémique sur les essais nucléaires
en Polynésie avait été relancée durant
l'été, quand un chercheur de l'Inserm, Florent de
Vathaire, avait annoncé que le lien entre les retombées
et l'augmentation du nombre de cancers de la thyroïde pouvait
être «considéré comme acquis».
«On estime que les radiations ont provoqué entre
une dizaine et une vingtaine de cancers de la thyroïde», nous
confiait, en août, ce spécialiste en épidémiologie.
Un chiffre à rapporter à la très faible population
des îles polynésiennes.
Mais d'autres cas individuels pourraient être réexaminés.
Comme celui de Carlo T., ancien militaire affecté à
Tahiti en 1974 et décédé d'un cancer du système
lymphatique en 2000. Selon des documents officiels communiqués
par l'Association des vétérans des essais nucléaires,
le dossier médical de Carlo T. fait état d'un examen
radiotoxicologique effectué deux jours après l'essai
Centaure, en juillet 1974. Le résultat était alors
qualifié d' «anormal» par les médecins
militaires, avec des taux sept fois supérieurs à
la norme. On ne l'a appris que... trente-deux ans plus tard.
Secret défense. «Jusqu'à présent,
il n'y avait rien. Maintenant, on nous dit qu'il y a quelque chose.
Qu'est-ce qu'on nous dira l'année prochaine ?» accuse
Patrice Bouveret, responsable de l'Observatoire des armes nucléaires
françaises (Obsarm),
un groupe pacifiste proche des indépendantistes polynésiens.
«C'est le ministère de la Défense qui a
refait les calculs. Nous n'avons toujours pas les documents originaux
qui nous permettraient de vérifier», poursuit-il.
Le ministère de la Défense justifie son refus de
«déclassifier» les résultats
des essais nucléaires, couverts par le secret défense,
par le souci de ne pas encourager la prolifération des
armes nucléaires. Pour Patrice Bouveret, ces documents
permettraient au contraire de montrer que les autorités
françaises savaient, dès l'origine, que les essais
n'avaient pas été sans conséquences. «Avec
les noms des responsables, il serait possible d'engager des poursuites
comme dans le cas du Pr Pellerin», qui
expliquait que le nuage de Tchernobyl n'avait pas touché
la France.
Jean-Dominique MERCHET
Les six essais problématiques:
Aldébaran, 2 juillet
1966. Tir sur une barge à Moruroa. Puissance d'environ
30 kilotonnes. Les vents emportent le nuage radioactif vers l'île
de Mangareva.
Rigel, 24 septembre 1966. Tir sur une barge à
Fangataufa. Puissance d'environ 150 kilotonnes. Tureia et l'archipel
des Gambier sont touchés.
Arcturus, 2 juillet 1967. Tir sur une barge à
Moruroa. Puissance inférieure à 200 kilotonnes.
L'atoll de Tureia est touché.
Après la boule de feu et la dispersion des
nuages de Wilson apparaît le champignon. Ici, le tir Encelade
à Moruroa.
Encelade, 12 juin 1971. Tir sous un ballon à Moruroa. Puissance d'environ
450 kilotonnes. Tureia à nouveau atteint.
Phoebe, 8 août 1971. Tir sous un ballon à
Moruroa. Puissance inférieure à 20 kilotonnes. Les
îles Gambier sont touchées mais la population a été
mise sous abri avant l'arrivée du nuage.
Centaure, 17 juillet 1974. Tir sous un ballon à
Moruroa. Puissance inférieure à 20 kilotonnes. L'île
de Tahiti est touchée par des pluies radioactives.
"La seconde mission (la plus délicate menée par ces pilotes de l'armée de l'Air) était assurée par les deux Vautour lI-B PP*. Elle consistait à traverser le nuage atomique, une heure après l'explosion, pour capter un maximum de données, grâce aux tuyères de prélèvement et aux filtres spéciaux dont ils étaient équipés.
Le pilote et le navigateur du Vautour,
en tenue "chaude", sont passés au détecteur
de radioactivité par l'équipe du SMSR (Service Mixte
de Surveillance). [Photo d'une mission entre 1966 et 1975)
Les Vautour regagnaient Hao, après plus de trente minutes
de vol et, à peine posés, étaient parqués
sur une aire isolée du parking aviation pour y être
décontaminés. Une équipe du SMSR se chargeait
de laver les extérieurs des appareils.
Pour ces missions spéciales, le pilote et le navigateur
étaient vêtus d'une combinaison de protection intégrale
NBC, dite "tenue chaude". Ces tenues étaient
elles aussi soigneusement rincées. Le personnel navigant
passait ensuite dans des cabines douches, avant de subir les analyses
et les contrôles radio-biologiques de rigueur. La dose maximale
d'irradiation autorisée pour chaque pilote était
de 3 Rem."
*Pénétration Pilotée
Extrait de Atolls de l'Atome, Bernard Dumortier, juin 2004.
Le
Vautour près du nuage de l'essai sous ballon Canopus à
Fangataufa le 24/8/1968.
Communiqué de Presse de l'AVEN du
15 septembre 2006:
Ce vendredi 15 septembre 2006, des décisions ont été
rendues par la Cour Régionale des Pensions militaires d'Orléans
concernant un vétéran du Sahara et par la Commission
d'indemnisation des victimes d'infraction pénale (CIVI)
de Paris concernant six veuves de vétérans.
1) La Cour régionale des Pensions d'Orléans après
avoir statué sur le mode de preuves applicables devant
les Tribunaux de Pensions Militaires, a ordonné une expertise
médicale.
L'arrêt de la Cour d'Appel d'Orléans contredit sur
un point essentiel la position du Commissaire du Gouvernement :
Elle admet qu'en l'absence de preuves directes, un faisceau de
présomptions suffit à établir le lien de
causalité entre la maladie et l'irradiation.
Cette décision ouvre la porte à la possibilité
de reconnaissance que le ministère de la Défense
voulait interdire en s'appuyant sur le Code des Pensions Militaires.
2) Comme elle l'avait fait le 26 Mai 2006, la CIVI de Paris, s'appuyant
sur une interprétation inhabituelle de la loi du 3 janvier
1977, a déclaré les demandes irrecevables,
les fautes ayant été commises antérieurement
à la loi pour cinq vétérans.
Ce refus pour des raisons de forme n'a pas permis que soient examinées
les conditions dans lesquelles les cinq vétérans
ont été irradiés alors même que le
Procureur de la République n'a pas contesté la réalité
de cette irradiation.
Pour le sixième dossier où le vétéran
a été en Polynésie avant et après
1977, la CIVI s'est déclarée incompétente
au profit du Tribunal des Pensions Militaires.
Force est de constater que pour la CIVI de PARIS, ce qui était
possible pour les victimes de l'amiante, ne s'applique pas aux
vétérans.
Par l'intermédiaire des avocats Maîtres Sylvie Topaloff
et Jean-Paul Teissonnière, les veuves des vétérans
vont former un recours devant la Cour d'Appel de Paris.
Cette situation rend plus urgente encore la nécessité
de la création d'un Fonds d'indemnisation des vétérans
des essais nucléaires.
Après le délibéré, l'audience de la
CIVI s'est tenue et le dossier d'un vétéran qui
a participé aux essais nucléaires après 1977
a été examiné. Cette affaire est mise en
délibéré au 20 Octobre 2006.
L'AVEN, tenant son Assemblée Générale annuelle
à Montauban (Tarn et Garonne) les 30 septembre et 1er octobre
prochains, écoutera, d'une manière particulièrement
attentive les parlementaire invités et le président
du Conseil Economique, Social et Culturel de Polynésie,
décidera des actions à mener pour obtenir la reconnaissance
de l'Etat dans l'état sanitaire des vétérans
des essais nucléaires.
Pour tout contact
Dr Jean-Louis Valatx, président de l'Aven, tel 06.13.87.37.76
Michel Verger, vice-président de l'Aven, tel 06.70.98.48.37.
Siège de l'Aven, 187 montée de Choulans, 69005 Lyon.
Tel. 04.78.36.93.03. Fax 04.78.36.36.83.
Cabinet d'avocats Teissonnière, 5 rue St Germain l'Auxerrois,
75001 Paris, tel 01.44.32.08.20.
5/8/2006 - Un
chercheur de l'Inserm qui juge "acquis" le lien entre
les essais nucléaires en Polynésie et les cancers
de la thyroïde sur ce territoire demande la déclassification
de rapports en possesion de l'armée qui permettraient,
selon lui, une "estimation fiable du nombre de cas".
"Ces rapports nous permettront de faire des estimations plus
précises, de quantifier le risque du cancer thyroïdien
lié aux essais pendant la période étudiée",
indique Florent de Vathaire, directeur de l'unité de recherche
605 "épidémiologie des cancers" à
l'Institut national de la santé et de la recherche médicale
(Inserm), dans une interview publiée samedi par Libération.
Selon lui, l'armée aurait rédigé deux types
de rapports, les uns officiels et les autres officieux: "Ce
sont ces derniers que nous voulons obtenir", souligne-t-il,
précisant qu'il s'agit de document du Service mixte de
sécurité radiologique (SMSR), en possession de l'armée.
"En les analysant, on pourrait conclure que les retombées
ont été supérieures à celles qui sont
établies dans les rapports officiels dont nous nous sommes
servis", déclare l'épidémiologiste.
A ce stade, poursuit-il, "on estime que les radiations ont
provoqué entre une dizaine et une vingtaine de cancers
de la thyroïde, ce qui est relativement peu", sur 239
cas de cancers thyroïdiens diagnostiqués entre 1985
et 2002, étudiés par son unité.
Dans un courrier rendu public fin juillet par le président
de la Polynésie Oscar Temaru à la tribune de l'Assemblée
territoriale, M. de Vathaire concluait que la relation entre essais
nucléaires atmosphériques et cancers de la thyroïde
en Polynésie est maintenant "statistiquement significative".
Ce courrier, qui accompagnait le rapport d'étude de l'Inserm,
était adressé à Marcel Jurien de la Gravière,
délégué à la sécurité
nucléaire et à la radioprotection pour les activités
et les installations intéressant la Défense (DSND).
PAPEETE (30 juin 2006) - Lors de conférences et débats organisés
à Papeete dans le cadre de la commémoration du 40e
anniversaire du premier essai nucléaire en Polynésie
française, un scientifique a indiqué jeudi que les
altérations des chromosomes des globules blancs étudiées
chez des patients polynésiens souffrant d'un cancer de
la thyroïde «ne pouvaient être le fait du hasard»,
mais étaient provoquées par les rayons ionisants.
Chef du département de médecine nucléaire
à l'Institut Gustave-Roussy de Villejuif, le Pr Claude
Parmentier a révélé que ces études
de l'ADN des globules blancs d'une trentaine de patients polynésiens,
tous en âge d'avoir connu les essais nucléaires,
mais qui n'avaient pas travaillé sur les sites d'expérimentation
habitant Tahiti et les environs, a permis de mettre en lumière
un excès d'altérations chromosomiques.
Cet excès est «tel que, statistiquement, il est impossible
par rapport à des patients cancéreux européens
du même âge que ce soit le fait du hasard. Ceci est
très évocateur du fait que ces personnes ont pu
être irradiées à l'époque». Pour
l'instant, la méthode du Pr Parmentier n'a pas encore été
validée par la communauté scientifique.
Jusqu'à dimanche, le Conseil d'orientation pour le suivi
des conséquences des essais nucléaires (COSCEN),
structure créée par le gouvernement local, commémore
le 40e anniversaire du premier essai nucléaire en Polynésie
française, en organisant conférences et débats
«pour apporter des éléments de réponse
aux questions que se posent les Polynésiens sur les conséquences
des essais», selon Jacqui Drollet, vice-président
du gouvernement polynésien et président du COSCEN.
Le 2 juillet 1966, la France réalisait son premier tir
nucléaire en Polynésie, baptisé Aldebaran,
dans le lagon de Moruroa (1.200 km au sud-est de Tahiti): un tir
aérien de 28 kilotonnes, deux fois la puissance de la bombe
d'Hiroshima. Quarante-cinq autres tirs atmosphériques suivront
jusqu'en 1974 avant que ces essais ne soient souterrains jusqu'en
1996 et l'arrêt des expérimentations. Au total, en
30 ans, 193 tirs atomiques ont été effectué
sur les atolls polynésiens de Moruroa et Fangataufa.
Dimanche, 40 ans jour pour jour après le premier essai,
une stèle, «lieux de mémoire des victimes
du nucléaire», sera inaugurée sur la place
Jacques-Chirac à Papeete par le COSCEN.
L'endroit choisi constitue un pied de nez du gouvernement (indépendantiste)
d'Oscar Temaru sachant que la reprise des essais nucléaires,
décidée en 1995 par Jacques Chirac, avait déclenché
des émeutes à Tahiti. Cette place a été
inaugurée en février 2005 par le sénateur
UMP Gaston Flosse, proche de M. Chirac et président à
l'époque du gouvernement polynésien.
20 Minutes, 29/5/06
Nouveau revers pour d'anciens militaires atteints
de cancers ou de leucémies à cause, selon eux, de
leur présence sur les lieux des essais nucléaires
de Polynésie ou du Sahara dans les années 1960 et
1970. Vendredi, la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions
pénales a jugé « irrecevables » les
demandes de cinq d'entre eux d'obtenir réparations, car
les faits se sont déroulés avant la loi du 1er janvier
1976 sur l'indemnisation des victimes. Et selon la commission,
cette loi n'est pas rétroactive. En outre, pour les représentants
de l'Etat, le lien de causalité entre les expositions aux
radiations et les maladies n'est pas avéré. «
C'est une déception, bien sûr, mais ce n'est pas
terminé », a indiqué Michel Verger, de l'Association
des vétérans des essais nucléaires. Les avocats
des anciens militaires ont indiqué qu'ils allaient faire
appel de cette décision.
Ouest-France (Mayenne), 3 avril 2006:
À 69 ans, Serge Ferrand est en petite forme : brûlures dans la bouche, maux de dents, troubles du sommeil. Cet habitant de La Brûlatte est un vétéran des essais nucléaires.
C'était en octobre 1959. Les fesses dans le sable. La tête dans les avant-bras. Posté à une trentaine de kilomètres de l'explosion, j'ai assisté, avec ma compagnie, au premier essai nucléaire français dans le Sahara algérien.
J'ai d'abord aperçu un éclair. Puis, rien. Juste un bruit assourdissant. Peu après, une immense vague de sable est arrivée sur moi. Je me suis retrouvé à demi enfoui, mais indemne. Une tache blanche s'est détachée du sol et est montée au ciel. Le champignon nucléaire s'est formé sous mes yeux. Il est resté présent dans l'atmosphère toute la journée. Le lendemain, j'ai repris le travail, sans explication ni contrôle médical. Appelé du contingent, j'étais chargé de l'entretien mécanique de la base.
Une seule mesure de sécurité a été prise : les appareils contaminés, chars et avions, ont été rassemblés sur un site fermé par un grillage. En short et en chemisette, je passais souvent devant ce site. Je n'avais pas conscience du danger. Il y avait déjà eu la bombe sur Hiroshima mais je n'avais pas fait le lien. J'avais 21 ans. Je faisais confiance à mes supérieurs. J'étais même fier d'avoir assisté à ce premier essai nucléaire français. Je suis resté dix mois dans cette base.
Aujourd'hui, je ne suis pas en bonne santé. J'ai du mal à avaler ma salive. J'ai des maux de dents et des brûlures. Je dors mal et me fatigue vite. J'ai consulté plusieurs docteurs. Je n'ai pas de cancer. Mais avec l'âge, mon état risque de se dégrader. J'aimerais bénéficier d'une prise en charge médicale spécialisée.
Depuis 2003, je suis membre de l'AVEN (association
des vétérans des essais nucléaires). Je souhaite
que l'État nous donne des explications et reconnaissent
ses responsabilités. On s'est servi de nous. Il y avait
un manque de sécurité évident. »
7/3/2006 - Le Parti socialiste devrait bientôt présenter une proposition de loi reconnaissant un lien de causalité entre les essais nucléaires en Polynésie française et certaines pathologies. Et ce, quelques semaines après la publication d'un rapport de l'Assemblée de la Polynésie française qui remet en cause l'action du ministère chargé de la défense.
Insatisfaits de la manière dont le ministère chargé de la défense s'occupe des conséquences sanitaires des essais nucléaires en Polynésie française, des élus, qu'ils soient de l'archipel ou de métropole, ont décidé d'agir. D'abord en réunissant les informations que le gouvernement français leur refuse. Ainsi, en février, une commission d'enquête mise en place par l'Assemblée de Polynésie française a publié un rapport sur les conséquences des expérimentations nucléaires atmosphériques de 1966 à 1974.
Résultats: les tirs auraient «provoqué
des retombées radioactives sur l'ensemble des archipels
habités, contrairement à ce qu'ont toujours affirmé
les autorités militaires françaises.» Cette
réalité cachée expliquerait, selon les élus
polynésiens, «les graves problèmes de santé»
des habitants des îles, qu'il s'agisse de cancers de la
thyroïde, de leucémies ou d'autres maladies.
Une conclusion qui a poussé Christiane Taubira, députée
apparentée socialiste, à présenter une proposition
de loi. «Il s'agit de reconnaître un lien de causalité
entre les essais nucléaires et les pathologies développées
chez les militaires et les populations locales. Nous voulons introduire
un cadre juridique pour qu'il y ait présomption d'un lien
de causalité», explique la députée
de Guyane.
Une démarche effectuée depuis
plus de 10 ans aux Etats-Unis où une vingtaine de maladies
sont présumées liées aux essais nucléaires
pour les vétérans de l'armée qui y ont participé.
En France, la justice semble d'ailleurs aller dans le sens de
la députée. Deux jugements de juin 2005 ont associé
les maladies de deux militaires à leur exposition aux retombées
radioactives des essais nucléaires, que ce soit en Algérie
(1) ou en Polynésie (2).
La proposition de loi créerait un «droit de pension»,
«un fonds d'indemnisation» des victimes civiles ainsi
qu'une «Commission nationale». Cette dernière
aurait pour mission de s'occuper du suivi des essais et des accidents
nucléaires. «A l'heure actuelle, les prélèvements
que les associations indépendantes font concernant la radioactivité
de l'archipel diffèrent de ceux du ministère chargé
de la défense, indique Christiane Taubira. Il ne s'agit
pas de suspecter tout ce qu'il dit mais d'établir de la
neutralité.»
La route est encore longue pour que la proposition de loi soit
présentée à l'Assemblée nationale,
car le gouvernement est maître de l'ordre du jour du Parlement.
Mais la députée reste optimiste. «Cela ne
m'intéresse pas de faire un coup médiatique de la
gauche, prévient-elle. Les associations de vétérans
sont en pourparlers avec l'UMP et l'UDF. Si la proposition de
loi émane de l'ensemble des groupes, nous serons en position
de force vis-à-vis du gouvernement.»
Le gouvernement devrait freiner des quatre
fers : non seulement la proposition de loi s'attaque aux essais
nucléaires, mais aussi aux accidents nucléaires,
et plus particulièrement aux conséquences sanitaires
de la catastrophe de Tchernobyl
en France. Une affaire où, là encore, les conclusions
gouvernementales sont loin de refléter celles des associations
environnementales et d'habitants de certaines régions comme
la Corse
et les Vosges.
(1) Décision du tribunal départemental des
pensions militaires d'Indre-et-Loire
(2) Décision du tribunal des
pensions militaires de Brest
Tahiti Presse, 23/2/06:
Un colloque sur le thème "les conséquences des essais nucléaires: la France face à ses responsabilités" s'est tenu, mardi à l'Assemblée nationale, à Paris, sous la présidence de Christiane Taubira, députée de Guyane. La salle réservée à cet effet était comble pour écouter Tea Hirshon et Jacky Bryant, représentants à l'Assemblée de Polynésie, venus présenter à la représentation nationale le rapport de la commission d'enquête sur les essais nucléaires, indique la Délégation de la Polynésie dans un communiqué.
Plusieurs députés étaient présents à ce colloque, dont la députée de Polynésie française Béatrice Vernaudon, le député Jean-Marc Roubaud pour l'UMP, Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste, Arnaud Montebourg, René Dosière, tous deux du PS également, ainsi que la sénatrice communiste Hélène Luc. "Ce rapport est le fruit de rencontres avec le peuple polynésien car, après quarante années de "black-out", on peut enfin parler des essais en Polynésie. Il n'a pas la prétention de s'ériger en document scientifique. L'obstruction du ministère de la Défense fait qu'il pose souvent plus de questions qu'il n'apporte de réponses et notamment sur le plan sanitaire", a souligné Tea Hirshon, présidente de la commission d'enquête en présentant le rapport de 400 pages. Tea Hirshon a rappelé que, selon elle, les retombées des essais étaient "une des explications du surnombre de certains cancers comme ceux de la thyroïde ou certaines leucémies". Une thèse qu'est venu renforcer le témoignage de Jean-Louis Valatx, président de l'Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN). Et celui-ci de citer un récent sondage auprès des membres de son association, portant sur leur état de santé: "87% d'entre eux sont malades, atteints de une à six maladies. Et parmi ces malades 34% ont un cancer". Essais nucléaires: "un grave préjudice social aux Polynésiens" Pour Tea Hirshon, il serait souhaitable que "les représentants du Parlement français adoptent le rapport déjà adopté par l'UPLD et les non-inscrits à l'assemblée de la Polynésie". Dans l'esprit de Tea Hirshon, les essais ont provoqué "un grave préjudice social aux Polynésiens". Jacky Bryant, également représentant UPLD (Union pour la démocratie, d'Oscar Temaru) à l'Assemblée de la Polynésie, a insisté pour sa part sur les notions de développement durable de la Polynésie. Roland Oldham, président de l'association Moruroa e tatou, qui regroupe d'anciens travailleurs des sites nucléaires de Moruroa et Fangataufa (archipel des Tuamotu), a ajouté: "Les populations polynésiennes ont été mises à risque volontairement. Nos populations ont été sacrifiées pour épargner les populations métropolitaines ou européennes (...) C'est un crime inacceptable. Aujourd'hui au nom du secret Défense nous n'avons pas accès à des documents. On se moque de nous. L'Etat français doit changer d'attitude par rapport aux Polynésiens ou aux Algériens". La députée Béatrice Vernaudon a, pour sa part, déclaré: "Ce rapport sera historique car il est celui qui permettra de sortir de l'ombre. Nous sommes dans une mutation politique, sociale et économique et, parce qu'il y a eu un changement politique, il y a un an, c'est pour cela que ce rapport a pu se faire". Elle a précisé que la prochaine venue du ministre de l'Outre-mer, François Baroin fin mars ou début avril permettrait "à l'Etat et au Pays de partir sur un autre Pacte de confiance". "Dans ce Pacte, la question des essais nucléaires est incontournable", a-t-elle indiqué. Reçus par le président de l'Assemblée nationale Mercredi soir, les deux représentants de l'Assemblée de Polynésie, le président de l'association Moruroa e Tatou et le Délégué de la Polynésie à Paris Thierry Teai ont été reçus par Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale. Celui-ci, indique le communiqué de la Délégation de la Polynésie, "s'est exprimé en faveur d'une réelle transparence sur ce dossier". Et le communiqué de poursuivre: Il interpellera François Baroin et Michèle Alliot-Marie sur ce sujet. Néanmoins il attendra de recevoir le rapport d'expertise de Marcel-Jurien de la Gravière, Délégué à la sûreté nucléaire, qui devrait être rendu en fin d'année. Par ailleurs le président de l'Assemblée nationale s'est montré favorable à un débat au Palais Bourbon sur les conséquences des essais nucléaires, dans le cadre des questions écrites et orales du gouvernement. La question du nucléaire semble intéresser au plus haut point nombre de députés et sénateurs puisque six propositions de loi en relation avec le sujet sont ou vont être déposés sur les bureaux des deux assemblée, précise encore la Délégation de la Polynésie.
21 février: colloque à l'Assemblée nationale
La Commission d'enquête sur les conséquences
des essais aériens français en Polynésie
mise en place en juillet 2005 par l'Assemblée de la Polynésie
française a rendu son rapport mardi 24 janvier 2006, dix
ans après le dernier essai effectué à Fangataufa
le 27 janvier 1996.
Dans leur rapport, les élus polynésiens apportent
les preuves que les 46 expériences aériennes qui
se sont déroulées de 1966 à 1974 ont, à
chaque tir, provoqué des retombées radioactives
sur l'ensemble des archipels habités de la Polynésie,
contrairement à ce qu'ont toujours affirmé les autorités
militaires françaises.
Le ministère de la Défense qui se targue aujourd'hui
d'une volonté de transparence a refusé tout contact
et toute collaboration avec la Commission d'enquête. Pour
répondre à ce silence officiel, la Commission d'enquête
a décidé de contribuer par elle-même à
la transparence sur les essais nucléaires aériens.
Grâce à des contributions indépendantes, la
Commission publie vingt-cinq documents militaires secrets des
années 1966 et 1967 dans leur version intégrale.
Ces documents démontrent à l'évidence que
non seulement les autorités militaires ont menti sur la
réalité des retombées radioactives, mais
qu'elles ont, par ordre, intimé le silence sur les dangers
auxquels ont été exposés les habitants des
îles et atolls proches de Moruroa.
Les élus polynésiens considèrent aujourd'hui
que leur population a été sciemment abandonnée
aux retombées radioactives des explosions nucléaires
que les militaires affirmaient maîtriser. Les graves problèmes
de santé cancers de la thyroïde, leucémies
et autres cancers que subissent aujourd'hui les Polynésiens
doivent être examinés au regard de ces risques inconsidérés
auxquels ils ont été exposés.
La Commission d'enquête qui a auditionné plus de
trente-cinq personnalités des mondes politique, médical
ou professionnel, consulté de nombreux rapports médicaux
et reçus de nombreux courriers estime que certaines promesses
de développement faites aux élus polynésiens
en contre partie des essais nucléaires n'ont pas été
honorées. Aujourd'hui, le développement durable
de la Polynésie reste encore à réaliser.
Les élus de l'Assemblée de Polynésie française
recommandent au gouvernement de M. Oscar Temaru de poursuivre
sa propre analyse de trente ans d'essais nucléaires et
de mettre en oeuvre des moyens pour qu'un suivi sanitaire des
anciens travailleurs de Moruroa et des populations des îles
proches des anciens sites d'essais soit assuré. Ils recommandent
qu'une concertation entre le gouvernement de la Polynésie
française et les autorités de l'Etat français
soit organisée pour tenter de résoudre dans la vérité
et la justice le contentieux des essais nucléaires.
Vendredi 10 février 2006 - L'Assemblée de Polynésie a adopté
jeudi un rapport dénonçant la nocivité des
essais nucléaires français à l'unanimité,
ses détracteurs ayant quitté l'hémicycle
en signe de protestation.
Fruit de six mois de travail d'une commission d'enquête
sur le terrain et dans les archives, le document démonte
le mythe des "essais propres". Pour ses rédacteurs,
affirmer qu'il y a eu des essais nucléaires dans l'atmosphère
"propres et sans danger" est "une véritable
contrevérité". "A plusieurs reprises,
l'ensemble des archipels de Polynésie ont été
touchés par des nuages radioactifs pendant les huit années
d'essais dans l'atmosphère", souligne le rapport d'enquête.
Dans ses recommandations, la commission souhaite que l'État
français "règle les éventuels préjudices
économiques subis par les anciens travailleurs des sites"
d'essais nucléaires et demande la divulgation "de
tous les rapports sur les retombées des essais aériens
de la période 1966-1974". Pendant ces huit années,
la France a procédé à 46 essais nucléaires
atmosphériques au-dessus des atolls de Mururoa et de Fangataufa.
Le rapport affirme notamment que le premier essai - Aldebarran,
le 2 juillet 1966 - doit être qualifié de "véritable
accident de tir". Sur la base des analyses de la Commission
de recherche et d'information indépendante sur les radiations
(Criirad), le rapport estime que les populations du petit archipel
des Gambiers, situé à l'est de Mururoa, auraient
reçu l'équivalent, en radiation, de "1.700
fois" le nuage de Tchernobyl, tel qu'il avait été
mesuré en mai 1986 par les instruments de la centrale nucléaire
du Bugey, en France.
"Propagande anti-française"?
Le nuage radioactif provoqué par Aldebarran se serait propagé
dans tout le Pacifique. L'État français a reconnu
il y a peu qu'au moins cinq essais avaient provoqué des
retombées radioactives, un chiffre très sous-estimé
selon les rédacteurs du rapport, un épais document
de 478 pages. Paris, qui a récemment ouvert la porte au
dialogue sur le passé nucléaire de la Polynésie
française, n'a pas encore répondu à ce rapport
qui a été présenté par l'indépendantiste
et militante antinucléaire Tea Hirshon. Cependant, une
action en justice a été lancée dès
la formation de la commission d'enquête, il y a six mois,
les autorités en contestant la validité juridique.
En l'absence de ses opposants - les fidèles de l'ancien
président et sénateur UMP Gaston Flosse - le texte
a été adopté à l'unanimité
jeudi. Avant de quitter l'hémicycle, Gaston Flosse a vivement
mis en cause la crédibilité de ce travail, qui reprend,
selon lui, toute la "propagande anti-française"
que le Tavini, le parti indépendantiste du président
Oscar Temaru, "rabâche depuis plus de trente ans".
"Votre rapport est politiquement sectaire, techniquement
nul et intellectuellement malhonnête", a-t-il déclaré
avant de quitter la salle.
Le Monde, 9/2/2006:
L'Assemblée de Polynésie devrait discuter, jeudi 9 février, en séance plénière, les conclusions d'un rapport de sa commission d'enquête sur les conséquences des essais nucléaires français. Selon certains extraits du rapport, déjà rendus publics, Tahiti a été irradiée en 1974.
Pour la commission de l'Assemblée de
Polynésie, affirmer qu'il y a eu des essais nucléaires
dans l'atmosphère "propres et sans danger"
est "une véritable contrevérité".
Selon le rapport, "à plusieurs reprises, l'ensemble
des archipels de Polynésie ont été touchés
par des nuages radioactifs pendant les huit années d'essais
dans l'atmosphère". "Même Tahiti,
le 17 juillet 1974", a été touchée
"après un tir dans l'atmosphère baptisé
Centaure", est-il souligné. A cette époque,
le taux de radioactivité enregistré était
de six à sept fois supérieur à la normale
dans la presqu'île de Tahiti, rappelle le rapport.
Ses rédacteurs estiment qu'avec seulement quatorze stations
de contrôle pour un territoire comme la Polynésie,
aussi vaste que l'Europe de l'Ouest, il était illusoire
de pouvoir prétendre "apprécier de façon
exacte l'ampleur des retombées donc de la pollution nucléaire".
Le rapport note encore que les études sur les vents en
haute altitude étaient "insuffisantes ou même
négligées". A plusieurs reprises, précise-t-il
encore, lors des tirs baptisés Aldebaran (2 juillet 1966),
Betelgeuze (11 septembre 1966) ou Centaure (17 juillet 1974),
par exemple, les nuages radioactifs sont passés au-dessus
de la Polynésie mais aussi dans tout le Pacifique. "On
a même retrouvé des particules radioactives dans
les glaces du pôle Sud, lors de récents carottages",
explique le rapport.
L'ÉTAT FRANÇAIS MONTRÉ DU DOIGT
Dans leur rapport, les représentants polynésiens se plaignent aussi du peu de coopération de l'Etat français dans la poursuite de leur enquête : "L'Etat se cache derrière un argumentaire juridique". Ils dénoncent aussi le refus "quasi pathétique" du ministère de la défense d'admettre que les essais ont eu une quelconque conséquence sur la santé des populations polynésiennes. "La thèse de l'innocuité des essais vole en éclats", affirment les élus polynésiens car désormais "des documentaires militaires, classifiés 'secrets', ont été rendus publics et prouvent l'ampleur des retombées".
La commission souhaite enfin faire entériner par l'Assemblée, le 9 février, la création d'un Centre d'archives et de la mémoire des essais nucléaires, et obtenir un inventaire des matériels radioactifs jetés en mer. La commission voudrait que l'on réhabilite les sites du CEP (Centre d'expérimentation Polynésie), que l'on ouvre les archives du ministère de la défense, et que soit élaborée une loi pour les victimes des essais.
Tahitipresse, 8/2/2006 :
L'historien Jean-Marc Regnault a demandé au délégué à la sûreté nucléaire Marcel Jurien de la Gravière, mardi soir lors d'un débat sur le nucléaire diffusé par la chaîne de télévision polynésienne TNTV, l'autorisation de consulter les archives du ministère de la Défense (Paris). Réagissant aux propos du délégué à la sûreté nucléaire, Marcel Jurien de la Gravière, qui annonçait vouloir dorénavant communiquer "sur tous les faits" relatifs aux essais nucléaires, Jean-Marc Regnault a officiellement demandé la permission de consulter les archives de l'armée.
L'historien, à qui le ministère de la Défense a déjà permis de consulter les archives du Centre d'expérimentations du Pacifique (CEP), a également émis l'idée de constituer un groupe d'experts indépendants de la commission d'enquête de l'Assemblée de Polynésie. "Je comprends les réticences de l'Etat (...) Les noms des personnes payées par l'armée, pour que les hommes politiques polynésiens de l'époque se taisent, figurent dans ces documents. L'Etat sera peut-être plus en confiance avec des historiens s'engageant à ne pas dévoiler ces noms et qui chercheront uniquement des documents sur les risques liés à la contamination et aux ratages", a déclaré Jean-Marc Regnault.
Il est cependant peu probable que l'Etat accède à la demande de l'historien de consulter les documents postérieurs au premier tir nucléaire dans le Pacifique, en 1966. En réponse à sa première demande officielle, effectuée en 1998, Jean-Marc Regnault n'avait en effet eu accès qu'aux archives de la période 1958-1966. "Cela dit, la situation n'est plus la même aujourd'hui. M. de la Gravière a pris des notes lorsque j'ai exprimé le désir de consulter les documents de la Défense. Si j'ai son soutien, celui du gouvernement local ainsi que celui de quelques députés, sénateurs et personnalités haut placées à Paris, il est tout à fait possible qu'une dérogation me soit accordée", a précisé l'historien à Tahitipresse. "Nous vivons un moment extraordinaire" Soulignant qu'il s'agissait de la première confrontation "pacifique et productive" entre les opposants polynésiens aux essais nucléaires et les représentants de l'Etat français, Jean-Marc Regnault a estimé que le moment était "extraordinaire".
De fait, si les élus UPLD (Union pour
la démocratie) continuent à se heurter aux vétérans
de la Légion étrangère, qui se disent "fiers"
de ce qu'ils ont fait à "Muru" et qui estiment
qu'il n'y a pas de quoi "se battre la coulpe et compter les
gens malades", le délégué à la
sûreté nucléaire affiche, pour sa part, une
volonté de transparence tout à fait nouvelle. "Si
vous lisiez ces documents (ndlr, les archives de la Défense),
vous sauteriez au plafond (...) Ce qui est écrit dedans
est intolérable. Cela dit, ces documents sont des compte-rendus,
pas des décisions", a ainsi indiqué Marcel
Jurien de la Gravière au président de l'association
antinucléaire "Moruroa e tatou", Roland Oldham.
"L'Etat reconnaît maintenant six ratages lors des essais
nucléaires. Il serait plus élégant de la
part de M.de la Gravière de proposer à une commission
d'experts, scientifiques et historiens, de regarder les archives
plutôt que de consentir à donner quelques informations",
a déclaré Jean-Marc Regnault à Tahiti Presse
au lendemain du débat télévisé.
Le Monde, 29/1/2006:
[Photos rajoutées par Infonucléaire]
Le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée de Polynésie sur les essais nucléaires, qui devrait être rendu public le 9 février, remet en cause la version officielle défendue par l'armée française. Depuis six mois, la présidente Tea Hirshon et les membres de la commission étudient la période 1966-1974, au cours de laquelle la France a procédé aux tirs de 46 essais atmosphériques au-dessus des atolls de Mururoa et de Fangataufa, en Polynésie.
Le général De Gaulle assistant à la préparation du tir Bételgeuse en septembre 1966.
Le 11 septembre 1966, la France fait sauter sa quatrième bombe dans le Pacifique : Bételgeuse. Selon les commentaires de l'époque, le tir est un succès. Aucune retombée radioactive sur des îles habitées n'est officiellement décelée. Quarante ans plus tard, la commission d'enquête révèle un document classé "confidentiel défense" de 1967 qui indique que "les retombées radioactives consécutives à ce tir ont été mesurées par toutes les stations météorologiques de la Polynésie".
Treize jours plus tard, Rigel explose sur une barge dans le lagon de Fangataufa. Selon les rapports officiels, "le tir n'a pas donné lieu à des retombées sur des secteurs habités". Une carte de 1997 puis une reconstitution officielle montrent même le tracé de l'évolution du nuage radioactif. Il évite soigneusement Tureia, Reao et les Gambiers, les îles habitées les plus proches. Dans son rapport, Tea Hirshon publie un autre document, daté du 17 mars 1967, qui prouve le contraire. Des retombées radioactives avaient été relevées sur de nombreux atolls des Tuamotu, et même sur Tahiti.
La commission assure qu'une dizaine d'essais atmosphériques ont été polluants. A commencer par le tout premier tir, Aldébaran, le 2 juillet 1966. Polluants également, Bételgeuse et Rigel mais aussi Sisius, Altaïr Antarès, Arcturus. Des retombées radioactives ont été signalées après les tirs sur quasiment l'ensemble de la Polynésie. Officiellement, seules cinq retombées "intempestives" ont été reconnues.
La première explosion atomique réalisée en Polynésie. Le tir Aldébaran a été exécuté face au PEA (Poste d'Enregistrement Avancé) de Dindon à Moruroa. Le cliché a été pris à partir d'une caméra ultra rapide à bord d'un Breguet "Mesures".
Ainsi, le 17 juillet 1974, des retombées radioactives du tir Centaure sont relevées sur l'île de Tahiti. Dans un communiqué de l'époque, l'armée donne des précisions et parle de 0,8 millisiverts (mSv) signalées dans la commune de Mahina (nord de l'île). Rien de plus. Le rapport Hirshon révèle que des communes de la presqu'île avaient également été irradiées. A Teahupoo (sud de l'île), les doses relevées étaient 4 à 6 fois supérieures à celle de Mahina. La norme européenne par an et par personne est de 1 mSv.
Les populations de l'époque ont-elles été exposées ? La commission d'enquête a demandé au laboratoire indépendant Criirad d'effectuer des contrôles radiamétriques - la mesure du rayonnement gamma - et des prélèvements d'échantillons à Mangareva Tureia et Hao. La commission vient de rendre ses conclusions. Elles n'ont pas indiqué "d'anomalies radiologiques qui mettraient aujourd'hui en danger la santé publique". Néanmoins, conclut le rapport, "les résultats mettent en évidence que les essais atmosphériques ont laissé des traces de radioéléments issus des explosions nucléaires aériennes".
En zone Dindon, les militaires
ont exposé des matériels militaires pour évaluer
les effets destructeurs sur des chars, des citadelles de frégates,
des équipements de fantassins, etc. (Photo 1967)
Ainsi, le 2 juillet 1966, le niveau de radiation aux Gambiers était 1 000 fois supérieur à celui relevé en France métropolitaine, après le passage du nuage de Tchernobyl. Difficile d'affirmer pour autant que la population a été contaminée. La Criirad conclut prudemment, en se fondant sur les rares documents classés rendus publics : "Certaines retombées ont pu conduire à une irradiation interne ou externe des populations."
La commission s'est également penchée sur le rôle des services météorologiques. Avant chaque essai atmosphérique, la direction générale des centres d'expérimentation nucléaire avait besoin d'informations météorologiques fiables. Mais seuls les vents de haute altitude étaient étudiés avec précision, pas les phénomènes climatiques situés entre 0 et 10 000 mètres. Or ce sont justement ces vents de basses couches qui ont entraîné une partie des retombées radioactives sur l'ensemble de la Polynésie.
Le rapport de synthèse de la campagne de tir de 1967 est instructif sur le rôle des vents de faible altitude : "Le jour d'Antarès (5 juin 1967), le noyau anticyclonique au sol très proche de Mururoa dans le sud crée, de 0 à 2 000 mètres, des vents tournant au sud-est et puis à l'ouest, vers 5 000 mètres. Il en résulte que dans les premières 24 heures, les postes de Tureia, Mangareva, et Hao sont touchés à des niveaux faibles."
La revue antinucléaire Damoclès a publié, en mai 2005, un dossier montrant qu'en juillet 1966, la dose de radioactivité absorbée par les habitants des îles avait été de 5,5 mSv, alors que la norme de l'époque était de 5 mSv (Le Monde du 25 mai 2005). Le ministère de la défense avait relevé que ce dépassement était le seul cas dans toute la campagne des essais nucléaires français en Polynésie (210 essais, dont 41 en atmosphère), et avait assuré qu'un taux de 5,5 mSv "était sans conséquence pour la santé des populations".
L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) vient de débuter une étude en Polynésie française, où le taux de cancers de la thyroïde est le double de celui de la métropole. "Notre propos est donc de vérifier s'il existe un lien, en Polynésie, entre retombées nucléaires et cancers de la thyroïde ou s'il existe d'autres causes", a déclaré, dimanche 22 janvier, Florent de Vathaire, qui conduit les recherches sur place.
Olivier Gelin
Tahiti presse, 18/1/2006:
Les conclusions de la commission d'enquête sur les conséquences des essais nucléaires, annoncées un temps pour le 26 janvier, ne seront finalement présentées à l'Assemblée de Polynésie française, réunie en session extraordinaire, que le 9 février prochain. Le texte sera au préalable soumis au vote des membres de la commission.
Il est nécessaire "que le rapport passe devant l'ensemble des représentants de l'Assemblée en séance plénière", a souligné à Tahitipresse la présidente de la commission d'enquête sur les conséquences des essais nucléaires, Unutea Hirshon. Également représentante de la majorité UPLD (Union pour la démocratie, d'Oscar Temaru) à l'Assemblée de Polynésie française, celle-ci s'est toutefois refusée à faire des commentaires sur le contenu du rapport. Dans un premier temps, le 24 janvier prochain, les membres de la commission devraient adopter les conclusions finales. En effet, bien que cinq représentants de l'opposition siègent au sein de cette commission, "ils n'ont jamais participé" aux travaux depuis sa création.
Une fois présenté à l'Assemblée, le texte devrait permettre d'adresser des recommandations au gouvernement, lesquelles devraient également être transmises au "Conseil d'orientation sur les conséquences des essais nucléaires", organisme composé au tiers par des représentants du gouvernement, de l'Assemblée et de l'association "Moruroa e Tatou". "Ce Conseil n'a pas de limitation dans le temps", a indiqué Unutea Hirshon soulignant par là même "qu'en six mois", la commission n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour faire le tour du sujet.
Communiqué de presse
Assemblée de la Polynésie française
Papeete, le 20 janvier 2006:
Le 27 janvier 1996, la France arrêtait
définitivement ses essais nucléaires en Polynésie
française. Dix ans après, les élus de l'Assemblée
de la Polynésie française publient le rapport de
leur Commission d'enquête sur les conséquences des
essais aériens de 1966 à 1974.
« Nous sommes scandalisés par l'absence de
coopération et le mépris du ministère de
la Défense et des responsables de l'État à
l'égard des représentants élus de la Polynésie »,
déclare Madame Unutea Hirshon, présidente de la
Commission. En effet, tous les courriers et demandes de documents
ou de visite des sites nucléaires envoyés au ministère
de la Défense par la Commission n'ont reçu de réponse,
ni même un accusé de réception. « Malgré
toutes ses déclarations de transparence, le ministère
de la Défense a-t-il encore des secrets à cacher
aux Polynésiens ? » s'étonne Madame
Hirshon.
Le rapport de la Commission d'enquête qui sera rendu public
la semaine prochaine démontrera en effet que les secrets
bien cachés par les autorités qui ont effectué
les essais ont menti sciemment aux Polynésiens et au peuple
français en affirmant que leurs essais étaient propres.
Le rapport apporte la preuve, documents à l'appui, que
les essais aériens ont provoqué systématiquement
des retombées radioactives sur l'ensemble des archipels
habités de la Polynésie.
« Comment s'étonner qu'aujourd'hui en Polynésie
nous ayons un taux parmi les plus élevés au monde
de cancer de la thyroïde ? Comment s'étonner aujourd'hui
que les experts médicaux constatent que certaines leucémies,
considérées comme radio induites comme les leucémies
aigües myéloïdes, soient en nombre quatre fois
plus important en Polynésie que dans le reste du monde
? » déclare la Présidente de la Commission.
La Commission qui s'est rendue dans les îles et atolls habités
proches de Moruroa a été scandalisée par
ce qu'ils ont pu voir : des zones dévastées, des
amas de ruines et de déchets proches des lieux d'habitation
des insulaires, des populations laissées sans contreparties
en infrastructures qui auraient pu compenser trente ans d'occupation
militaire...
« La France peut se glorifier d'avoir arrêté
ses essais nucléaires depuis dix ans et se donner bonne
conscience devant la communauté internationale. Les Polynésiens
subissent encore aujourd'hui le mépris et l'ingratitude
de la Métropole qui a acquis son rang parmi les nations
en se servant des atolls polynésiens. Dix ans après
la fin des essais, il est temps qu'un dialogue dans la vérité
et la justice s'instaure entre l'État français et
la Polynésie. »
Pour tout contact
CDRPC, Patrice Bouveret, 06 30 55 07 09
ou : cdrpc@obsarm.org
(Tahitipresse) - 3/1/2006 - La commission d'enquête sur les conséquences
des essais nucléaires, mise en place en juillet dernier
par l'Assemblée de Polynésie française, devrait
rendre ses conclusions le 26 janvier prochain. Pour le moment,
aucun élément sur les conclusions de la commission
n'a été rendu public.
"Les conclusions finales de la commission d'enquête
seront déposées le 26 de ce mois à l'Assemblée
de Polynésie. Elle seront rendues publiques et ce sera
l'occasion pour ses membres de faire une présentation des
points forts de ce rapport", a expliqué Christophe
Zebrowski, conseiller technique auprès de la commission
permanente.Pour l'heure, "la synthèse du rapport est
en train d'être formulée" et celle-ci est donc
soumise à "la confidentialité".
Toutefois, divers médias anglo-saxons ont évoqué,
ces jours-ci, les conclusions à venir en interrogeant notamment
Roland Oldham, le président de l'association "Morurua
e Tatou", qui regroupe d'anciens travailleurs, civils comme
militaires, ayant exercé sur les sites nucléaires
français en Polynésie.
Ainsi, dans le journal anglais "The Observer", Roland
Oldham explique qu'aujourd'hui "plus de 600 cas de cancers
sont détectés chaque année" en Polynésie
et que plus de "250
décès" annuels pouvaient être imputés
aux "essais nucléaires"."Ce
qu'il dit n'engage en rien la commission d'enquête qui est
une entité bien à part et totalement indépendante
de 'Moruroa e Tatou'. C'est très important de le souligner",
a cependant tenu à rappeler Christophe Zebrowski.
Durant près de six mois, les membres de la commission ont
oeuvré sur le sujet et ont fait appel, notamment sur le
plan scientifique, à la Commission de Recherche et d'Information
Indépendante sur les Radiations (CRIIRAD).
La commission d'enquête s'est rendue, début octobre
2005, dans l'archipel des Gambier où
se situent des îles proches des anciens sites nucléaires
de Moruroa et Fangataufa (archipel des Tuamotu), toujours placés
sous la responsabilité de l'armée française.
Les essais nucléaires français se sont déroulés
sur ces deux îles de 1966 à 1996.
7/12/2005 - Le
tribunal des pensions militaires des Deux-Sèvres a rejeté
le lien entre la "dépression chronique" d'un
militaire retraité et les essais nucléaires en Polynésie
française, mais lui a accordé une pension au titre
de "syndrome anxieux", a-t-on appris mercredi de source judiciaire.
Ce tribunal a ainsi accordé mardi une pension au taux de
70%, au titre du "syndrome anxieux" à Jean-Henry
Bouffard, 59 ans, ancien militaire qui se dit victime des conséquences
des essais nucléaires.
Le tribunal a rejeté en revanche sa demande de pension
d'invalidité, ne retenant pas le lien entre la maladie
du retraité de la marine nationale et la radioactivité,
a-t-on précisé de même source.
La maladie n'a pas de lien
"avec les radiations ionisantes"
a indiqué la juridiction, en s'appuyant sur des résultats
d'une expertise médicale.
"Mais la dépression chronique avec cancérophobie
peut être rattachée de façon directe et déterminante
à l'exposition du sujet au risque nucléaire. Cette exposition a eu une valeur traumatisante. Il est incontestable que M. Bouffard se trouvait
sur un bateau à proximité des zones des essais nucléaires",
a précisé le tribunal en accordant une pension pour
"l'infirmité syndrome anxieux".
Jean-Henry Bouffard a été affecté en Polynésie
entre 1966 et 1970. Il a assisté à plusieurs explosions
de bombes nucléaires et aujourd'hui il se dit atteint de
pathologies et infirmités d'origine nucléaire.
Le Ministère de la Défense ayant rejeté sa
demande de pension d'invalidité, l'ancien militaire qui
demeure à Niort avait saisi la justice.
COMMUNIQUE DE l'AVEN
Lyon, le 30 novembre 2005:
Après les vétérans militaires
pour qui les Tribunaux de pensions des armées (TPA) ont
accordé des pensions d'invalidité imputables au
service, la Sécurité sociale vient de reconnaître,
coup sur coup, comme maladies professionnelles les maladies dont
sont décédés deux vétérans
civils. L'un était employé d'une entreprises sous-traitante,
l'autre était ingénieur au Commissariat à
l'énergie atomique (CEA). Tous les deux ont participé
aux essais nucléaires aussi bien au Sahara qu'en Polynésie.
Ces résultats favorables sont opposés à la
position officielle sur les essais "propres" et donc
sans conséquences sur la santé. En l'absence de
tous rapports scientifiques officiels publiés sur l'innocuité
ou la dangerosité pour la santé des essais nucléaires,
l'AVEN a lancé une enquête auprès de ses adhérents.
Les résultats, portant sur les 1 500 premières réponses,
indiquent que le nombre de cancers est le double de celui de la
population française du même âge. Ces cancers
surviennent à un âge prématuré, 2/3
avant 60 ans. Nous sommes persuadés que, progressivement,
les maladies dont souffrent de nombreux vétérans
seront reconnues en lien avec les essais nucléaires. Actuellement,
chaque vétéran doit apporter la preuve que sa maladie
a été causée par les essais nucléaires.
L'AVEN demande que le Parlement vote une loi reconnaissant la
présomption de lien des maladies avec la présence
sur les sites d'expérimentation, comme c'est le cas aux
Etats-Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Grande-Bretagne.
La santé des vétérans devrait être
l'objet, en France, d'un consensus politique.
Déjà en Polynésie, une commission d'enquête,
mise en place par l'Assemblée de la Polynésie française,
est chargée d'évaluer les conséquences des
essais nucléaires aériens sur la santé de
populations Polynésiennes, l'environnement et l'économie.
La seule réaction du ministère de la défense
est d'envoyer sur l'atoll de Turéia et sur l'île
de Mangareva, gravement contaminés, des militaires chargés
de détruire les abris antinucléaires, dernières
preuves des effets des essais nucléaires aériens,
sans en avertir le gouvernement Polynésien.
Docteur J.L. Valatx, président de l'AVEN
Informations complémentaires sur le site internet de l'AVEN : www.aven.org ou au secrétariat : 187, montée de Choulans, 69005 Lyon. Tél. 04.78.36.93.03.
Site internet du CDRPC: www.obsarm.org
Le NouvelObs, 21/10/05:
Les dossiers de cinq anciens militaires
qui ont pris part aux essais nucléaires français
au Sahara et en Polynésie ont été examinés
par la CIVI.
Cinq anciens militaires français qui se disent victimes
des essais nucléaires effectués en Polynésie
et au Sahara dans les années 1960, ont demandé réparation
pour les dommages subis. La Commission d'indemnisation des victimes
d'infractions pénales (CIVI) s'est penchée vendredi
21 octobre sur leur cas et rendra sa décision le 3 mars
2006.
Gérard Dellac, 67 ans, ancien appelé du contingent
qui a participé à la réalisation de la première
explosion nucléaire française au Sahara, le 13 février
1960, est depuis une quinzaine d'années victime d'un cancer
cutané.
Lucien Parfait, 65 ans, ancien appelé présent au
Sahara de 1961 à 1963, a participé le 1er mai 1962
à un essai nucléaire souterrain, dont la puissance
avait été mal calculée, et affirme avoir
été irradié.
Causalité
La famille de Bernard Lecullée, décédé
en 1976 d'une grave maladie de la moëlle osseuse, soutient
également que son décès serait lié
à son travail sur du matériel radioactif, lors de
son passage dans le Sahara entre 1963 et 1965, alors qu'il était
sous-officier de l'armée française.
Enfin, deux autres anciens appelés, Jean-Paul Ruet, 57
ans, atteint d'un cancer du sang, et Claude Barreaux, 58 ans,
qui souffre de bronchite chronique, se disent victimes des conséquences
des essais nucléaires en Polynésie française.
Défendus par Mes Jean-Paul Teissonnière et Sylvie
Topaloff, ces anciens militaires ont saisi la CIVI à la
fois pour que soient reconnus leur statut de victimes, le lien
de causalité entre les essais et leurs maladies, ainsi
que le préjudice né de cette situation.
Délais élevés
Le Fonds de garantie, fonds d'Etat chargé d'indemniser
les victimes d'infractions, a de son côté demandé
un sursis à statuer, les vétérans des essais
nucléaires ayant déposé des plaintes au pénal,
actuellement instruites à Paris et visant les opérateurs
des campagnes de tirs nucléaires (autorité militaire,
membres du Commissariat à l'énergie atomique). L'avocat
du Fonds a également insisté sur les délais,
parfois très longs entre l'exposition lors des essais et
les maladies des vétérans, qui affaiblirait la thèse
d'un lien de causalité entre les deux. La représentante
du ministère public s'est rangée aux arguments du
Fonds. La CIVI se prononcera le 3 mars 2006.
NouvelObs, 20 octobre 2005:
Lulu avait 20 ans quand on l'envoya creuser
dans le désert algérien, où la France réalisait
ses premiers essais nucléaires. Aujourd'hui, il se bat
contre le cancer et le silence de l'armée
Il prévient, on lui a enlevé l'oeil gauche. Saleté
de cancer. Derrière le pansement, il n'y a plus rien, mais
vraiment rien. Un gros trou noir par lequel on peut voir le fond
de la gorge, et même, si on regarde bien, les petits mouvements
de la glotte. On le croit sur parole, mais ça ne lui suffit
pas. Lucien P. tire d'un petit coup sec sur le sparadrap. La chair
en vrac, et le trou noir, abominable... Il continue, détaille,
de l'index, la mâchoire mutilée, le nez grignoté,
les joues rafistolées avec la peau des fesses. 29 opérations
sous anesthésie générale, 6 700 points sur
le visage, et cette souffrance exhibée comme un trophée
de guerre. Lucien P. est presque mort dans un combat qui, officiellement,
n'a jamais fait de victimes. Petit soldat irradié, comme
tant d'autres, pour la grandeur et l'indépendance de la
France. Pendant quarante ans, personne n'a voulu le croire. Vendredi
21 octobre, Lucien le miraculé ira, enfin, avec quatre
anciens des essais de Reggane et de Polynésie, raconter
au juge sa version de l'Histoire.
Il avait 20 ans, un corps d'athlète et de bonnes joues
d'enfant : prêt à servir la patrie. Début
des années 1960, les cercueils revenaient d'Algérie,
on priait pour ne pas faire partie du prochain convoi. Lulu se
sentait verni. Au départ de Marseille, il remerciait la
bonne étoile qui l'avait affecté au 11e régiment
du génie saharien. Au chaud, tout au sud de l'Algérie,
dans le Hoggar, loin du FLN et des combats. Le jeune maçon
ne savait pas trop ce qu'il allait y faire, jusqu'à son
arrivée sur un campement planté en plein désert,
au pied d'une montagne rose. Les panneaux indiquaient : «
In-Ekker. Centre d'expérimentation nucléaire ».
Nucléaire, ça lui disait vaguement « quelque
chose de dangereux ». Des noms, Hiroshima, Nagasaki, perdus
dans le passé, « c'était loin tout ça,
complètement irréel ». Les gradés ne
s'étendaient guère : une première explosion
avait eu lieu au sud de Reggane, le 13 février 1960, depuis
la France continuait les essais... Voilà, « il n'y
avait aucun danger, tout était sous contrôle ».
La gueule de brute du lieutenant, un ancien d'Indochine, ne l'incitait
pas à en demander plus. Sur le site, ils étaient
des centaines, ouvriers algériens, maliens, nigériens,
jeunes appelés, comme Jean, le menuisier de Toulouse, Dédé,
le peintre de Rodez, Noël, le Savoyard, et Roland, qui parlait
toujours de ses champs. Le boulot consistait à creuser
dans la roche une galerie en colimaçon, à y couler
du béton pour poser des rails permettant d'acheminer la
bombe au coeur de la montagne. Dix heures de travail, jour et
nuit, repos au camp, à fumer des clopes et jouer aux boules
avec les copains. Le soir, avant d'aller s'étendre sous
la guitoune, Lulu écrivait à sa mère que,
dans ce pays-là, il y avait des vipères et des caméléons,
qu'il faisait chaud, souvent plus de 50° C, et faim, mais
que tout allait bien. Il aurait bien voulu lui raconter les centaines
de sacs de sable qu'il charriait depuis quelque temps dans la
galerie, des montagnes de sable empilées derrière
de larges portes blindées pour amortir le choc le jour
J... La bombe devait péter
le 1er mai 1962, mais on ne pouvait pas
l'écrire. A In-Ekker, c'était la vie secret-défense
: Lulu, Jean, Dédé et Noël en étaient
si fiers. Quelques heures avant l'explosion, ils posaient en combinaison
avec leur masque à gaz. On les voit sur une photo en noir
et blanc, des mômes, tout excités par leur nouveau
déguisement. Les « beaux uniformes » étaient
là, le ministre de la Recherche, Gaston Palewski, celui de la Défense,
Pierre Messmer.
Le tir Béryl est parti à 11 heures. Une grosse explosion,
puis d'autres en cascade, probablement les portes blindées
qui lâchaient. La terre tremblait si fort que les 4x4 décollaient.
La montagne s'est ouverte,
a craché des pierres, de la lave et un immense champignon
noir. Lulu se souvient des hurlements, des moteurs affolés.
Il a attrapé un camion en marche, agrippé des mains
tendues au bord de la route. La fumée vénéneuse
dansait au-dessus de leurs têtes, avant de s'éloigner
vers le Niger. Les beaux uniformes ont regagné Paris, eux
ont atterri au camp de repli, dans un hangar immense. C'était
la lutte pour prendre la douche et passer au compteur Geiger. On leur distribuait de nouveaux treillis, du ragoût
de pomme de terre et des cigarettes. A l'abri, jusqu'à
nouvel ordre.
Le 6 mai, Lulu recevait
l'ordre de retourner à In-Ekker, chercher du matériel. Le nuage avait craché des milliards de particules
invisibles, la contamination était probablement à
son maximum... Le jeune appelé a enfilé ses gants
et son masque à gaz - un calvaire dans cette fournaise
- pour exécuter sa mission. Quelques jours plus tard, il revenait, avec tout le
régiment, s'installer au camp, à 2 kilomètres
à peine du point zéro. Les
guitounes, les gamelles, les vêtements... tout était
recouvert d'une fine couche de sable et de poussière radioactive.
Les enfants du 11e régiment ont nettoyé et ont repris
la vie d'avant. Les pioches et les marteaux-piqueurs à
l'attaque d'une troisième galerie pour un troisième
tir... Lulu ne l'a jamais terminée. Il a été
libéré en juillet 1962. L'armée aurait bien
voulu le garder, comme salarié cette fois, nourri, blanchi,
payé seize fois plus qu'avant... Avec ça, il aurait
pu s'acheter la DS de ses rêves, mais la France lui manquait.
Dès son retour, il
va consulter le médecin. Ses globules blancs sont en chute
libre. Un an plus tard apparaissent des
boutons sur l'aile du nez, puis les joues, le cou, le thorax,
des petites tumeurs qui pullulent sans cesse. « Monsieur,
il va falloir prévoir vos arrières... », s'inquiètent
les médecins. Il arrête la maçonnerie, ouvre
avec son épouse une épicerie et tente une première
demande d'indemnisation devant le tribunal des pensions militaires.
Pour lui, c'est clair : « J'ai été contaminé
le 6 mai. » Pour l'armée, ses cancers ne sont pas
liés au service mais à l'hérédité.
Des experts se penchent sur la famille, les frères et soeurs
en bonne santé, le père, mort d'une insuffisance
rénale, la mère qui à 80 ans grimpe encore
dans le cerisier. Nouvel échec. Cette fois on lui dit qu'il
rêve : son nom ne figure pas dans la liste du personnel
présent à In-Ekker... Lucien a tous les souvenirs,
comme si c'était hier, le silence du désert, les
platées de pâtes, la sueur, les cachets de sel et
ces dizaines de photos prises malgré l'interdiction des
autorités. Puisqu'on ne le croit pas, il va retrouver les copains. Noël habite toujours
Saint-Jean-de-Maurienne. Il va bien, comme Dédé,
le peintre, mais Fernand, le Périgourdin, a un sarcome,
et Jean-Baptiste, rongé, à 53 ans, par un cancer
des os, va bientôt mourir. Dans l'annuaire,
Lucien retrouve aussi Pierre Louis, qui les conduisait chaque
jour creuser la montagne. On l'appelait le Corse. Coup de fil,
un soir : « Salut Louis, c'est Lulu, tu te souviens
? » Et comment ! lui
aussi est malade, il a une leucémie.
Les médecins du ministère de la Défense ont
beau dire qu'ils fantasment, quatre copains sur six dans un sale
état... Pierre Louis aussi est retourné à
In-Ekker, le lendemain de l'explosion, pour récupérer
les sacoches des généraux, oubliées dans
la panique.
Lucien fait le plein de souvenirs, et d'attestations. Des piles
de dossiers, comptes rendus médicaux, courriers de l'armée,
photos sur lesquelles il gribouille de sa belle écriture
« décor lunaire pour cobaye », « camp
de la mort ». En 1981, il reprend courage, « la gauche
me semblait plus généreuse », écrit,
avec l'aide de son généraliste aux politiques, sénateurs,
députés, ministres, aux journalistes. Michel Polac
l'invite à « Droit de réponse » avant
d'annuler : « Désolé, Quilès censure
le dossier. » Les cancers rongent, il résiste. Lulu
sent qu'un jour le vent tournera. Un soir, aux nouvelles, il apprend
la création d'une Association des Vétérans
des Essais nucléaires (AVEN). Une seconde famille, enfin, avec laquelle
partager sa douleur et sa hargne. Maintenant, grâce à
elle, il a pour sa défense le meilleur, Me Teissonnière,
l'avocat victorieux de l'amiante. Il ne sait pas trop ce qu'il
attend du procès, « des sous », dit sa femme.
Lulu soupire, décolle une fois encore son effroyable pansement :
« Qu'ils avouent simplement qu'on a enduré tout ça
pour la France. »
Sophie des Déserts
Près de 300 dossiers en souffrance
150 000 civils et militaires ont travaillé sur les sites
nucléaires français. Fin des années 1980,
la chaîne anglaise Channel Four diffuse un reportage sur
la multiplication suspecte de cancers en Polynésie. Alerté
par Greenpeace, Bruno Barillot, un ancien prêtre reconverti
dans la lutte antinucléaire, part aussitôt dans les
îles proches de Moruroa. « L'armée était
encore là, se souvient le fondateur du CDRPC (1), les gens avaient
peur de parler. » Peu à peu, ils racontent dans leur
dialecte l'atmosphère de fête qui régnait
pendant les essais. Les militaires les regroupaient dans un vieux
hangar, avec bière et cigarettes à volonté,
avant d'aller s'enfermer à leur tour dans un véritable
blockhaus. Le lendemain, les femmes cueillaient les légumes
et les enfants se baignaient dans le lagon... Rien à signaler,
sauf ce sort qui mystérieusement s'acharne sur les atolls :
poisson empoisonné, fausses couches, cancers, malformations...
Bruno Barillot rentre à Paris effaré. Ses découvertes
n'intéressent personne, sauf ceux qui l'appellent pour
lui conseiller de « s'occuper d'autre chose ». L'ancien
prêtre repart dans les îles, monte avec l'aide d'ONG
étrangères des colloques, sans grand succès,
en 1999 à l'Assemblée, puis au Sénat. Il
répète, comme l'ont révélé
les archives retrouvées par « le Nouvel Observateur
» (n° 1735), que les autorités connaissaient
parfaitement tous les risques encourus. La presse soudain se passionne,
et réveille les vétérans oubliés de
Moruroa et du Sahara. Ils se rassemblent en France à l'AVEN
et en Polynésie au sein de Morurua e Tatou... 3 000 adhérents,
et près de 300 dossiers déjà confiés
au cabinet Teissonnière. Des plaintes ont été
déposées sur tous les fronts, devant le tribunal
des pensions militaires, les Civi (chambres des victimes d'infractions
pénales), au TGI de Paris.... Contrairement aux Etats-Unis
et au Royaume-Uni, la France refuse toujours de reconnaître
et d'indemniser les victimes des essais nucléaires. Le
compte à rebours est lancé.
(1) Centre de Documentation et de Recherche sur la Paix et les
Conflits.
Sophie des Deserts
En mars 1981, les
Tuamotu connurent une forte "dépression tropicale".
Les sites du CEP ne furent pas épargnés. Le raz
de marée, consécutif au phénomène
dépressionnaire balaya une partie de l'atoll - la
zone Colette - dispersant dans le lagon l'asphalte qui avait
été appliqué pour piéger au sol des
éléments radioactifs générés
à l'époque des essais de sécurité.
Les plaques de goudron chargées de particules de plutonium
ont été éparpillées dans le lagon
autour de la zone Colette, jusque sur les plages de la zone vie.
Il a fallu procéder à la récupération
de tous ces détritus contaminés, les conditionner
et les enfouir dans un des puits de stockage.
Extrait de Atolls de l'Atome,
Bernard Dumortier, juin 2004.
Tahiti presse, 11/10/2005:
La commission d'enquête sur les conséquences des essais nucléaires vient de passer deux journées aux Gambier, des îles proches des anciens sites nucléaires français de Moruroa et Fangataufa. Elle a pu recueillir divers témoignages et compte désormais s'appuyer sur les résultats de travaux de la CRIIRAD (commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité).
Deux chercheurs de cet organisme sont ainsi
arrivés aux Gambier, quelques jours avant les membres de
la commission d'enquête, afin d'effectuer des prélèvements
et des mesures préliminaires.
D'après les premiers résultats d'analyses, Bruno
Chareyron, ingénieur en physique nucléaire et responsable
du laboratoire du CRIIRAD, déclare que "le sol en
surface ne présente pas de traces de radioactivité
significative sur l'île de Mangareva". Ce n'est pas
pour autant qu'il n'y a pas eu de pollution radioactive à
l'époque ou même que celle-ci n'est pas présente
à l'heure actuelle, a-t-il précisé.
Les scientifiques ont procédé à de nombreux
prélèvements minéraux et végétaux,
tout autour de l'île. Les résultats fournis à
la fin du mois de décembre devraient permettre de dresser
un bilan précis.
En effet, selon eux, les précipitations tropicales abondantes
ont supprimé la radioactivité en surface, mais les
résultats ne seront pas forcément les mêmes
dans le sol.
Plusieurs témoignages sur l'époque des essais aériens
La réunion publique, le soir même
de l'arrivée de la délégation en provenance
de Tahiti, a été l'occasion pour la population de
s'exprimer librement sur le sujet du nucléaire et ses conséquences.
Des anciens ont raconté les premiers essais nucléaires
sans abris, "l'accident radiologique" lors du tir du
2 juillet 1966 dénommé Aldebaran. "Des militaires
importants étaient venus. Nous avions organisé un
grand repas pour leur venue, le tir a eu lieu, puis brusquement
un bateau est venu chercher ces mêmes militaires très
rapidement. Ils ont repris leur avion et sont partis à
toute vitesse. Nous avons alors mangé notre repas sans
eux", a raconté l'un des intervenants.
Les habitants de Mangareva ont tous le souvenir du sol qui tremblait
et de l'énorme détonation qui leur résonnait
dans la tête au moment des essais. Une femme raconte qu'elle
a accouché prématurément lors d'un tir et
que son enfant est né en étant malentendant.
Des personnes ont aussi évoqué le poisson non-comestible,
conséquence des essais nucléaires pour certains,
ciguätera pour d'autres. "Les militaires ne nous disaient
rien. En revanche après un accident nucléaire, ils
n'ont plus acheté nos légumes, ils les ont fait
venir de Papeete", a affirmé un autre intervenant.
"Parfois des familles entières partaient sur Hao (base
arrière du centre d'expérimentations nucléaires),
on ne leur disait pas pourquoi, ils revenaient plusieurs semaines
après, les enfants étaient parfois recouverts de
plaies quelques jours après les tirs. On devait les envoyer
à Papeete", a témoigné une autre personne.
Les travaux de la CRIIRAD attendus par la commission d'enquête
La construction d'un abri fait de tôles
métalliques et plastiques n'a été réalisée
qu'après un "accident". Le blockhaus réservé
aux militaires, situé de l'autre côté de l'île,
à Taku, est également toujours présent. Ses
murs font par contre 60 cm d'épaisseur et ne comportent
aucune ouverture sur l'extérieur. Il est comme celui de
Rikitea délabré, rouillé et insalubre. Les
habitants regrettent qu'il n'ait pas été démonté
par l'armée.
Il serait, par ailleurs, arrivé à plusieurs reprises
que les militaires fassent le tour de l'île en catastrophe
afin d'emmener la population dans cet abri de fortune.
Une femme âgée à l'époque de 14 ans
raconte: "Nous y sommes parfois restés trois jours
et trois nuits durant (...) On nous passait des films et nous
mangions des boîtes de conserves. Ensuite, quand nous sortions,
les militaires arrosaient le toit avec des jets d'eau et nous
rentrions chez nous".
Une délégation réduite s'est rendue, lundi
matin, sur l'île de Tureia peuplée d'environ 100
habitants, à 90 Km du centre de tir de Moruroa.
La présidente de la commission d'enquête sur les
essais nucléaires, Tea Hirshon, a tiré un premier
bilan de cette mission sur le terrain, aux Gambier.
"L'objectif de cette mission était de faire un bilan
précis des conséquences de ces essais sur l'environnement
et la santé des Polynésiens. La question majeure
posée étant de savoir si les Mangaréviens
vivent toujours dans un environnement contaminé ou non.
Ce premier travail effectué par le CRIIRAD permettra d'ici
la fin du mois de décembre de dresser un bilan écologique
de l'île et de répondre ainsi à cette interrogation.
En ce qui concerne les conséquences directes des essais
nucléaires sur la santé des Polynésiens,
l'étude sera plus délicate et plus longue",
a-t-elle déclaré.
Tahiti presse, 9/10/2005:
La commission d'enquête sur les conséquences
des essais nucléaires, créée par l'Assemblée
de Polynésie, et présidée par Tea Hirshon
(UPLD, Union pour la démocratie, d'Oscar Temaru), doit
passer deux journées dans l'archipel des Gambier (est de
la Polynésie française).
Cette mission, qui comprendra plusieurs représentants de
l'Assemblée figurant dans la commission d'enquête,
doit aller à la rencontre de la population pour entendre
certains témoignages relatifs à la période
des essais nucléaires atmosphériques réalisés
par la France, à Moruroa et Fangataufa (archipel des Tuamotu),
dans les années 60 et 70.
Les membres de la commission d'enquête doivent également
rencontrer sur place des scientifiques de la CRIIRAD, a indiqué
Tea Hirshon sur RFO-radio.
D'autres missions ont déjà été envoyées,
par le passé, dans l'archipel des Gambier, "mais cette
fois-ci, c'est nous-mêmes qui pilotons l'enquête (...)
c'est une mission faite par des gens du pays", a déclaré
Tea Hirshon.
Si la mission de la commission d'enquête est limitée
dans le temps (six mois), le gouverment d'Oscar Temaru a, par
ailleurs, créé, il y a quelques mois, un conseil
d'orientation sur le nucléaire qui continuera à
se pencher sur cette question, a précisé la représentante
UPLD.
La commission d'enquête créée le 15 juillet
dernier a été contestée devant la justice
administrative à la fois par le Tahoeraa huiraatira (opposition
autonomiste) de Gaston Flosse et par l'Etat, mais la demande de
suspension de la commission a été rejetée
par le Tribunal administratif de Papeete fin août.
Le déplacement des membres de la commission d'enquête
aux Gambier devait débuter dimanche pour terminer lundi
après-midi.
L'Express, 29/9/2005:
En Algérie puis dans le Pacifique, des milliers d'appelés du contingent ont été exposés à la contamination radioactive lors des essais nucléaires français. Quarante-cinq ans après la première bombe dans le Sahara, les victimes attendent toujours que l'Etat reconnaisse ses responsabilités. Et elles sont écrasantes, comme le racontent des vétérans.
« On nous a envoyés comme des cobayes à l'abattoir. L'Etat doit admettre ses torts. Et reconnaître enfin qu'existe un lien entre les maladies dont nous souffrons et notre présence sur les sites nucléaires en Algérie et dans le Pacifique pendant notre service militaire. »
L'homme qui parle, la voix entrecoupée de sanglots, s'appelle Jean-Yves Le Saux. Il a aujourd'hui 59 ans. Militaire du contingent, il se trouvait, en 1966, à In Amguel, dans le Sahara. Là où, en vertu des accords d'Evian, la France, après la guerre d'Algérie, a pu poursuivre ses expériences nucléaires commencées à Reggane en 1960.
Le Saux, qui assista à la dernière des 13 explosions de la bombe, le 16 février 1966, a été contaminé par la radioactivité. Près de quarante ans plus tard, cet hôtelier, installé à Ploërmel (Morbihan), est usé. Déglingué physiquement. Il a perdu toutes ses dents il y a trente ans. Souffre de vertiges. D'angoisse.
Depuis quarante ans, comme des milliers de ses camarades, il attend réparation de l'Etat. Au moins morale. Que celui-ci assume sa responsabilité. Qu'il reconnaisse que l'explosion d'une bombe comportait des risques pour la santé.
Au printemps 2005, Le Saux croit que ce jour est proche. Enfin. Trois jugements rendus en mai et juin à Brest, Quimper et Tours lui redonnent le moral. A chaque fois, le tribunal des pensions militaires reconnaît la responsabilité du ministère de la Défense dans la contamination des appelés du contingent à l'occasion des explosions nucléaires.
Une décision capitale. Qui ouvre la voie à une indemnisation. Las ! début août, le ministère de la Défense fait appel. La raison ? Une pension, selon les textes, n'est possible que si la maladie est déclarée quatre-vingt-dix jours après la fin du service militaire. Incroyable ! Comment est-ce possible ? Les vétérans des essais nucléaires français sont effondrés. Pourtant, à Brest, le tribunal des pensions - dans lequel siège obligatoirement un médecin - l'a écrit noir sur blanc : « L'apparition de l'infirmité est très souvent tardive par rapport à la période d'exposition au risque, même quarante ans après les faits, comme en l'espèce. » Attendons le nouveau procès. Mais l'avocat des vétérans, Me Jean-Paul Teissonnière, pugnace, ne baisse pas les bras. Le combat, à ses yeux, est loin d'être perdu d'avance. Le 21 octobre, il plaidera devant la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales de l'Etat (Civi). A cette occasion, il réclamera pour chacune des 20 victimes qu'il défend des dommages et intérêts importants. Enfin, il envisage d'assigner l'Etat sur le fondement d'une loi de 1968 qui prévoit l'indemnisation des victimes d'accidents nucléaires survenus tant sur des sites civils que militaires.
Ils sont 150 000 militaires du contingent qui, entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996, ont côtoyé ou ont été les témoins directs des explosions nucléaires décidées par les gouvernements, tantôt au Sahara, tantôt dans le Pacifique, en Polynésie française. Ils avaient 19-20 ans. Tous ces gamins partis loin de la métropole ne sont pas revenus indemnes. Contaminés par la radioactivité des bombes.
Problèmes cardiaques, glaucome, crises de vertiges répétées, polypes aux intestins, thyroïde en mauvais état. telles sont les affections dont ils souffrent aujourd'hui. Leurs descendants, enfants, petits-enfants, ne sont pas épargnés. Atteints de maladies génétiques principalement. Et encore, mince consolation, ceux-là sont encore vivants. Beaucoup de vétérans du Sahara et du Pacifique sont morts. Oubliés.
L'oubli, justement, ces soldats de l'ère atomique ne le supportent pas. Alors, il y a quatre ans, ils ont fondé l'Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN), qui regroupe 3 000 adhérents. Parmi ses objectifs : la création d'une commission de suivi des essais nucléaires, pour effectuer des enquêtes épidémiologiques. Un recensement précis des victimes desdits essais. Et naturellement, la reconnaissance, une fois pour toutes, de la responsabilité de l'Etat.
Retour sur l'aventure nucléaire française. C'est dans les années 1950 que le gouvernement décide de doter la France de l'arme nucléaire. Le 5 décembre 1956, un décret porte création d'un comité des applications militaires de l'énergie atomique. Le 18 mars 1957, le colonel Charles Ailleret, futur chef d'état-major des armées, est chargé de superviser les essais. Lieu retenu : la région de Tanezrouft, au sud de Reggane, dans le Sahara. Pourquoi ? Le colonel Ailleret explique à l'époque : « La chose la plus remarquable était l'absence totale, je dis bien totale, de vie végétale ou animale. La sécheresse presque absolue avait fait son oeuvre : tout était mort. Il apparaissait que ce serait clairement l'endroit idéal pour y faire des explosions sans danger pour les voisins, puisqu'il n'y en avait pas. » (Lire: Le CEA : sa raison d'être, la bombe son alibi, la recherche)
C'est ainsi qu' à 12 kilomètres à l'est de Reggane fut installée la base-vie des militaires français. Une véritable petite ville qui a compté jusqu' à 3 000 soldats. Avec ses piscines, son stade de football - surnommé le « Parc des Princes » - son jardin de plantes exotiques - appelé pompeusement le « Jardin des Plantes » - son cinéma en plein air. et ses nombreux bars. « Les jours de repos, on a pris des sacrées cuites, se souvient Jean-Yves Le Saux. On avait tellement le cafard. » Et d'ajouter : « On ne recevait pas de journaux. On n'avait pas de radio. Aucune nouvelle du pays. Sauf, de temps en temps, des lettres de la famille. » Pas folichon.
A 50 kilomètres au sud de Reggane se trouve le poste de commandement d'Hamoudia. C'est là qu'était donné l'ordre de tirer la bombe. Physiquement, elle se trouvait dans un blockhaus construit dans un massif montagneux de granit de 1 000 à 1 500 mètres de hauteur.
La première explosion a lieu le 13 février 1960. Nom de code : Gerboise bleue. Tout le gratin de l'armée française a fait le déplacement de la métropole. Le chef d'état-major des armées, le général Lavaud, est présent. Le ministre de l'Energie nucléaire, Pierre Guillaumat, aussi. Ou encore Charles Ailleret, entre-temps promu général, qui a choisi le site.
Côté logistique, rien n'est négligé. Comme en temps de guerre. Autour de la zone de tir sont disposés des chars, des véhicules blindés. Et aussi des avions prêts à décoller. Sans oublier des animaux, qui attendent patiemment le jour J dans des cages ou des caches. On verra après l'explosion dans quel état ils se trouvent. Progrès de la science oblige. 7 h 4, ce 13 février 1960. C'est la mise à feu. Déclenchée depuis le centre de tir d'Hamoudia par le général Ailleret.
Le vice-président de l'Aven, Michel Verger, était présent. Un des rares vétérans pas trop abîmés physiquement. La cause en est toute simple : il n'est resté que peu de temps à Reggane, son côté grande gueule et son hostilité aux essais nucléaires l'ayant vite conduit dans un bataillon disciplinaire à Aflou, au sud de Tiaret. « Ça m'a finalement sauvé la vie », dit-il, en éclatant de rire.
Très titi parisien, bien qu'habitant en Maine-et-Loire, étonnamment jeune malgré ces 66 ans, cet ancien postier se montre intarissable sur ce 13 février 1960. Il se trouvait à 40 kilomètres du lieu de l'explosion : « 40 kilomètres, vous pensez que c'est loin. Détrompez-vous. En plein désert, les distances semblent se réduire », prévient-il. Il raconte : « C'était le matin tôt, vers 7 heures. On nous a dit de nous coucher par terre. Nous étions en short et chemisette. Nous avons plié nos bras et fermé les yeux. Malgré cela, j'ai vu un éclair. Un flash d'une intensité ahurissante. Bizarrement, on a cru qu'ils avaient loupé leur coup. Dix ou quinze secondes plus tard, après l'éclair, nous avons entendu un bruit assourdissant. La terre tremblait. On aurait dit que 1 000 chevaux arrivaient au galop. Jamais je n'oublierai ce matin-là. » Et Verger de poursuivre : « Lorsque j'ai ouvert les yeux, j'ai aperçu le champignon atomique. Gigantesque. Mes camarades et moi, nous l'avons vu s'éloigner, disparaître au loin. J'ai appris par la suite que le nuage avait dérivé jusqu'à la frontière algéro-libyenne, à 1 000 kilomètres de Reggane. » Détail que se garderont de révéler officiellement les autorités françaises. Tout comme elles conserveront sous silence le sort du pilote d'un avion Vautour chargé d'effectuer, ce 13 février 1960, des prélèvements dans l'atmosphère. Quatre mois après sa mission, le pilote est décédé.
"Cette photo semble sortir de quelque film d'anticipation. Pourquoi, sans cela, les deux aviateurs porteraient-ils un masque ? Il s'agit simplement de la chasse aux champignons atomiques organisée dans le cadre des explosions de Reggan : tout de suite après l'explosion deux « Vautour. » spécialement équipés décollent pour faire des prélèvements dans le nuage radio-actif. Les cendres atomiques pourront être alors étudiées et au point de vue de la chimie et au point de vue de la radio-activité." Sciences et Avenir n°160, juin 1960.
Plus de quarante ans ont passé. Les appelés d'Algérie, se sentant abandonnés par le pays qu'ils ont pourtant servi sans broncher, se sont mis à parler. A raconter ce qu'ils ont vécu à Reggane ou In Amguel. A raconter qu'on les a laissés dans l'ignorance et qu'on n'a pas fait preuve à leur égard de toute l'attention nécessaire.
Témoin la note de service du Groupement opérationnel des expérimentations nucléaires du 6 février 1960. Nous sommes à une semaine de la première explosion. Sa lecture laisse pantois. Pour se protéger de l'éclair aveuglant et des radiations, le document fait mention de « distribution d'une paire de lunettes. pour 40 personnes environ » ! Cette note est frappée du tampon « Secret ». Une autre, datée du 4 février, dit tout simplement qu'il ne faut pas « avoir la peau nue » avant une explosion. Quant aux dosimètres, l'armée ne les distribue qu'irrégulièrement !
Que penser du sort réservé à ces appelés affectés au dépannage des camions, les fameux Berliet dont il fallait désencrasser les moteurs pleins de sable radioactif ?
Pierre Pothier a 19 ans et demi lorsqu'il arrive en 1966 à In Amguel. Il est affecté à l'atelier de réparation et de maintenance de poids lourds. Normal : il doit connaître le métier, son père a une concession automobile.
Pendant un an, Pothier remet en état les camions, met les mains dans le cambouis. Ce n'est pas tout : il sort le matériel enfoui non loin du « point zéro », le lieu d'explosion de la bombe. Un endroit exposé à la poussière de sable. Evidemment radioactive. A l'époque, on ne lui dit rien et lui ne se doute de rien. Tout au plus remarque-t-il quelque chose d'inquiétant : le moindre petit bobo qu'il contracte met des semaines à cicatriser. Cinq ans après son retour en France, sa vie n'est qu'une cascade d'ennuis de santé : diabète, polypes intestinaux, hépatite. Sans doute la conséquence de trop nombreux médicaments absorbés. « Je prends 17 cachets par jour », dit-il.
Jean-Claude Dumont, ancien brigadier de police au commissariat de Dijon, a la retraite, a vu, si l'on peut dire, la bombe de très près. Quand il arrive, en 1963, son job est simple : il coule les dalles en béton et creuse les tunnels qui conduisent au « point zéro ». Pendant des semaines, il dort même sur les lieux de son travail ! L'armée, en effet, installe un campement où vivent quelques dizaines de soldats du contingent. Quand Dumont ne se livre pas à des travaux de terrassement, il suit, en voiture, avec un chauffeur et un détecteur. le nuage radioactif, conséquence de l'explosion. Une balade qui peut s'étirer jusqu'à 100 kilomètres. Elle s'arrête lorsque le nuage ne présente plus de signes de dangerosité. Une fois sa mission terminée, il prend une douche. De l'eau avec un détergent, du Teepol. L'opération peut se répéter. 40 fois ! Dire que Dumont devait effectuer son service militaire à Tahiti !
A cette irresponsabilité ou inconscience des pouvoirs publics se sont ajoutés de nombreux pépins, plus ou moins graves, à l'occasion des essais nucléaires. Soigneusement occultés par l'armée. Ainsi, lors de la troisième explosion, toujours à Reggane, le 27 décembre 1960. Selon le témoignage d'un adjudant-chef de la gendarmerie à la retraite, irradié et aujourd'hui mal en point, le nuage radioactif aurait changé de direction et serait passé au-dessus de 600 militaires.
Jacques Muller va être témoin de faits encore plus troublants. A la suite des accords d'Evian, il effectue son service militaire à 50 kilomètres de Tamanrasset, à In Amguel. C'est là, au cour du désert, dans le massif granitique de In Eker, culminant à 3 000 mètres, sur une cinquantaine de kilomètres carrés, que 13 bombes vont exploser, entre le 7 novembre 1961 et le 16 février 1966. Toutes portent des noms de pierres précieuses : Rubis, Béryl, Améthyste, Topaze, Saphir, Jade, etc.
Le jeune Muller - 19 ans - assiste, le 1er mai 1962, au deuxième essai nucléaire. Nom de code : Béryl. Avec les ingénieurs, les officiers et les sous-officiers, il se trouve à 2 kilomètres de l'orifice du tunnel qui conduit à la bombe. Autant dire qu'il est aux premières loges. A 11 heures ce 1er mai, l'ordre de tir est donné. La montagne blanchit. Le sol ondule. Le nuage, immense flamme rouge et noir, sort de la montagne. La suite, selon Muller, la voici : « Tout à coup, c'est la panique. Nous réalisons que ce que nous voyons est anormal. Le nuage nucléaire est sorti de la montagne. Tout le monde court. Se précipite vers la base-vie, sauf peut-être les appelés qui attendent les ordres. Le nuage prend la direction de la base-vie. » C'est la débandade. Les 4 x 4 sont abandonnés. Ensevelis dans le sable. Arrivés à la base-vie, les militaires sont contrôlés avec le compteur Geiger pour déterminer leur taux éventuel de radioactivité. Mais on ne leur communique aucun résultat. On leur ordonne seulement de prendre une douche. Une douche qui dure quatre heures !
Le lendemain, deux avions sanitaires Nord Atlas arrivent de Paris. Visiblement, au cours de ce 1er mai 1962, il s'est passé des choses graves. Les membres des équipages laissent entendre qu'il y a eu des morts.
Michel Dessoubrais est lui aussi présent à In Amguel ce 1er mai 1962. Visiblement mal en point, il reste sept jours à l'infirmerie. Puis c'est le rapatriement sanitaire. Huit mois à l'hôpital Percy de Clamart, près de Paris. Huit mois pendant lesquels on lui fait deux ou trois prises de sang par jour. Où l'on met à sa disposition un sac en plastique pour cracher.
A Percy, Dessoubrais tombe sur un jeune appelé qui lui raconte ses malheurs. Visage amoché, points de suture dans la bouche, il arrive de Reggane. Il a été sérieusement blessé par une cuve contenant des produits radioactifs. Il est mort il y a peu. Quant à Dessoubrais, qui n'a jamais reçu le moindre compte rendu médical lors de son séjour à Percy, sa santé est précaire. Depuis l'âge de 26 ou 27 ans, il souffre de sifflements d'oreille et de phlegmons à répétition.
Les vétérans n'aiment pas qu'on les plaigne. Ils attendent simplement que les pouvoirs publics fassent leur devoir. Qu'ils disent haut et fort que la République est prête, malgré l'appel interjeté par le ministère de la Défense sur des décisions qui leur sont favorables, à indemniser ses soldats. La Nouvelle-Zélande, les Etats-Unis, l'Australie et la Grande-Bretagne ont créé des fonds d'indemnisation. Au nom de la solidarité nationale. Telle est la proposition de loi qu'ont déposée les députés Verts Noël Mamère, Martine Billard et Yves Cochet. C'était le 24 juillet 2002. Elle n'a toujours pas été discutée à l'Assemblée nationale. Il est vrai qu'en ces temps de précampagne présidentielle permanente, nos élus ont bien autre chose à faire que de s'intéresser à ces irradiés de la République.
Post-scriptum
La France a effectué 210 essais nucléaires entre
le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996. 17 expériences
se sont déroulées au Sahara, tandis que 193 essais
ont eu lieu en Polynésie, principalement sur les atolls
de Mururoa et de Fangataufa.
Gilles Gaetner
10/8/2005 - Le
ministère de la Défense a fait appel mercredi du
jugement du tribunal des
pensions de Tours accordant une pension d'invalidité
à André Mézière, ancien militaire
souffrant de polymyosite, due selon lui, à une exposition
aux radiations lors d'essais nucléaires, a-t-on appris
auprès du ministère.
Le ministère de la Défense a fait appel de ce jugement
devant la cour régionale des pensions au motif que "la
polymyosite ne figure pas au tableau des maladies professionnelles
susceptibles d'être liées à une radiation",
a indiqué le porte-parole du ministère, Jean-François
Bureau.
Le ministère de la Défense a estimé par ailleurs
que le jugement du tribunal de Tours fait "une mauvaise interprétation
du principe de l'imputabilité" selon lequel le plaignant
doit faire la démonstration que "l'invalidité
résulte de l'activité exercée comme militaire",
a précisé M. Bureau.
Le tribunal des pensions de Tours avait accordé, le 7 juin,
"une pension militaire d'invalidité à vie à
compter du 4 janvier 2002 (date du dépôt de sa demande),
au taux de 70%, pour infirmité" à M. Mézière.
Cet ancien militaire de 65 ans souffre d'une polymyosite causée
selon lui par des essais nucléaires auxquels il avait participé
en Algérie.
24/7/2005 - L'Assemblée
de Polynésie a voté en fin de semaine à Tahiti
la création d'une Commission d'enquête sur les conséquences
en Polynésie de 30 ans d'essais nucléaires "afin
de faire reconnaître à la France ses responsabilités
en ce domaine", a expliqué Téa Hirshon de l'Union
pour la démocratie (UPLD), présidente de cette Commission.
Les travaux de la CECPEN (Commission d'enquête sur les conséquences
en Polynésie des essais nucléaires) vont se consacrer
à la santé, à l'environnement et à
l'impact économique et social de la présence du
Centre d'expérimentation - CEP-CEA - pendant trois décennies
sur la société polynésienne.
"Nous voulons mettre en place un cadre légal de prise
en charge et d'indemnisation des populations éprouvées",
a ajouté Mme Hirshon. Selon elle, il ne s'agit pas de faire
le procès de l'Etat, mais simplement de "rechercher
la vérité, clore un chapitre - celui du nucléaire
- et en ouvrir un nouveau, celui de ses conséquences",
a poursuivit Mme Hirshon.
De son côté, Jacky Bryant, leader des Verts en Polynésie,
a rappelé "l'impératif devoir de mémoire,
de responsabilité, de vigilance et d'urgence" de la
société polynésienne d'aujourd'hui à
l'égard de ses enfants.
Si les travaux de la Commission seront confidentiels, ils ont
néanmoins pour but premier "d'établir ou non
une présomption de causalité entre les maladies
affectant les personnels civils ou militaires ayant participé
à un risque radioactif sur tout site où fut procédé
à l'explosion d'un dispositif nucléaire".
L'opposition en Polynésie, conduite par le sénateur
Gaston Flosse, a refusé de participer aux travaux de la
Commission. "Nous ne serons pas les acteurs d'une mise en
accusation de la France, de notre parti ou de notre président
Gaston Flosse", a expliqué Edouard Fritch, président
délégué du Tahoeraa pour qui "tout ceci
n'est qu'une mascarade".
Les travaux de la Commission seront rendus publics dans six mois.
Et l'association Morurua e Tatou, qui rassemble plus de 4.000
travailleurs polynésiens, techniciens et ingénieurs
vétérans de sites de Mururoa et Fangataufa, a déjà
annoncé qu'elle mettait à la disposition des élus
polynésiens de l'Assemblée "toutes les données
qu'elle a rassemblées depuis cinq ans".
7 juillet 2005 - Les députés PRG Paul Giacobbi et Christine Taubira ont soumis au groupe PS de l'Assemblée nationale une proposition de loi visant à faciliter l'indemnisation des populations s'estimant victimes d'accidents ou d'essais nucléaires tels Tchernobyl ou les tirs de l'armée en Polynésie française. La députée de Guyane et le député de Haute-Corse ont proposé ce texte le 21 juin au groupe socialiste, auquel ils sont apparentés, selon un communiqué commun.
Cette proposition "a pour objet d'établir la présomption d'un lien de causalité entre d'une part les essais ou accidents nucléaires et d'autre part les pathologies développées par les personnels, civils ou militaires, ayant travaillé sur les sites concernés ainsi que la population présente dans les zones contaminées". Ce volet concernant les résidents civils présente une nouveauté, indique-t-on dans l'entourage de M. Giacobbi, les précédentes propositions de loi ne tenant compte que des militaires et des civils qui travaillaient dans ces zones.
En citant "plus de 200 essais nucléaires au Sahara et en Polynésie entre 1960 et 1996" et l'accident de Tchernobyl en Ukraine le 26 avril 1986, les députés proposent que la loi établisse la présomption du lien de causalité entre les zones exposées et "une liste des pathologies liées au risque radioactif, fixée par décret". Une expertise remise récemment à la justice tend à démontrer qu'après Tchernobyl, des services dépendant de l'Etat ont volontairement minimisé des relevés de radioactivité très élevée dans l'est de la France et en Corse.
Plus de 400 personnes, dont une centaine en Corse, ont porté plainte contre ce "mensonge d'Etat", selon la CRIIRAD, une association indépendante de surveillance de la radioactivité.
6/7/2005 - Près
de dix ans après le dernier essai nucléaire dans
le Pacifique, des habitants de la région continuent de
se battre pour obtenir
compensations et reconnaissance de l'impact sur leur santé
des tirs. Entre 1946 et 1996, les Etats-Unis, la France et la
Grande-Bretagne ont effectué des centaines d'essais nucléaires
sur des îles du Pacifique.
Dans le Pacifique central, les Américains ont réalisé
plus de 100 essais, dont 67 sur les atolls de Bikini et de Enewetak
dans l'archipel des Marshall, situé à mi-chemin
entre l'Australie et Hawaï et peuplé de 55.000 habitants.
La France a pour sa part entamé en 1966 son programme d'essais
nucléaires, réalisant 193 tirs dans les atolls de
Mururoa et de Fangataufa, en Polynésie française.
Aprés 41 essais atmosphériques, suivis à
partir de 1975 et sous la pression des pays de la région,
de 152 essais cette fois souterrains, la France a mis un terme
définitif au programme en 1996.
A ce jour, les problèmes les plus graves sont apparus aux
Marshall où les tirs atmosphériques ont été
"plus sales et plus gros" que ceux des Français,
selon le journaliste néo-zélandais David Robie,
auteur d'un livre sur l'héritage nucléaire dans
le Pacifique. Un tribunal spécial des Marshall, traitant
les dossiers relatifs aux conséquences des essais, a indiqué
que les tirs dans l'archipel ne représentaient que 14%
de l'ensemble des essais américains mais 80% des retombées
atmsophériques globales.
En 1954, l'essai Bravo sur Bikini - d'une puissance mille fois
supérieure à la bombe d'Hiroshima - a provoqué
des contaminations massives. A l'époque, les scientifiques
avaient sous-estimé leur ampleur et à cause d'un
changement de la direction du vent, les poussières radioactives
avaient rapidement atteint les atolls habités de Rongelap
et d'Utrik (Voir: "Hafelife",
un documentaire de Denis O'Rourk 1985 de 80
mn en RealVidéo 33 kb.). En très peu de temps,
les habitants avaient développé des symptômes
consécutifs à l'irradiation, vomissements et brûlures
sur la peau, les yeux et la bouche. Ils ont été
évacués deux jours après le tir et sont rentrés
chez eux en 1957. Mais en 1985, face à la persistance des
problèmes de santé, dont une incidence anormalement
élevée des cancers de la thyroïde et des malformations
à la naissance, la population a de nouveau été
évacuée. Un voyage jusqu'à présent
sans retour. En mai, le Congrès américain a entamé
l'examen de plaintes des habitants des Marshall, qui réclament
3 milliards de dollars US de dommages. Washington a déja
versé 270 millions de dollars en vertu d'un accord, qui
a expiré en 2001, mais les victimes, se basant sur de récents
rapports officiels américains, estiment cette somme bien
en deça des préjudices subis.
L'impact des essais nucléaires français en Polynésie
française est plus difficile à évaluer, en
raison du peu d'informations communiquées par les autorités.
Les sites de Mururoa et de Fangataufa se situent à une
centaine de km du premier atoll habité, Tureia, et à
1.200 km de Papeete, capitale de l'archipel. Les habitants des
îles de Gambier, au sud-est de
Tahiti, ont demandé en mai à avoir accès
à des documents du ministère de la Défense
sur l'impact sanitaire de trente années d'essais nucléaires.
Roland Oldham, président de l'association "Mururoa
e Tatou" (Mururoa et nous) qui regroupe quelque 5.000 Polynésiens
ayant travaillé sur les sites nucléaires, a indiqué
que ces rapports classés "secrets" mentionnaient
des retombées radioactives considérables sur les
îles et les atolls habités proches de Mururoa. Il
cite en particulier l'île de Mangareva dans les Gambier.
Le ministère de la Défense
a pour sa part qualifié "d'infondé" les
mises en cause de certains journaux français, selon lesquelles
l'armée française avait en toute connaissance de
cause exposé la population de Polynésie française
à des risques élevés. "Les conditions
dans lesquelles les habitants de Polynésie française
ont été protègés à l'époque
des tirs atmosphériques ont été strictement
identiques à celles appliquées aux personnels militaires",
avait déclaré Jean-Francois Bureau, porte-parole
du ministère.
Tahitipresse, 2/7/2005:
L'association "Morurua e Tatou", qui regroupe des personnes ayant travaillé sur les essais nucléaires en Polynésie, a organisé son assemblée générale, samedi, sur le site du tombeau du roi Pomare, à Arue (côte est de Tahiti). Ce rassemblement était organisé à la date-anniversaire du premier essai nucléaire en Polynésie, le 2 juillet 1966.
Le président de l'association, Roland Oldham, s'est réjouit de la mise en place, par le gouvernement polynésien,d'un conseil d'orientation qui permettra de mener une enquête sur tous les problèmes sociaux et médicaux relatifs aux essais nucléaires. Il s'est déclaré également satisfait de l'attribution d'un siège au sein du CESC (Conseil économique social et culturel) à l'association "Moruroa e Tatou". Roland Oldham s'est aussi dit heureux que deux députés, Christiane Taubira et Paul Giacobbi, aient déposé, à l'Assemblée nationale, une proposition de loi visant "à la reconnaissance et à l'indemnisation des personnes victimes des essais ou accidents nucléaires".
"L'Etat doit assumer les conséquences des essais nucléaires"
"Je pense qu'il est très urgent de déterminer qui sont les malades graves causés par les essais nucléaires. C'est l'Etat qui doit payer les frais des évacuations sanitaires de ces personnes et non les contribuables polynésiens. L'Etat doit assumer les conséquences des essais nucléaires", a-t-il estimé. Selon lui, l'association compte aujourd'hui 4200 membres "dont 80% ont des maladies graves". "L'association ne peut pas certifier que toutes ces maladies sont dues aux essais nucléaires mais il y a de fortes chances que oui puisque ces personnes ont travaillé sur les sites", a-t-il expliqué.
Un groupe de jeunes mobilisé également.
Un groupe d'une dizaine de jeunes, a par ailleurs
souhaité créer une cellule de soutien à l'association
"Moruroa e Tatou" depuis deux mois.
"Les essais et accidents nucléaires font parties de
l'histoire de la Polynésie et nous voulons mobiliser les
jeunes sur ce sujet. Nous allons nous charger de la partie communication
et de la partie évènementielle. Par exemple, pour
le quarantième anniversaire de l'association, le 2 juillet
2006", a indiqué Tutea Mollon, un membre de cette
cellule de soutien.
PARIS (20 juin 2005) - Un vétéran de la guerre du Golfe de 1991 a entamé lundi son 37ème jour de grève de la faim, à Riquewhihr (Haut - Rhin ) , pour la reconnaissance de sa maladie et bénéficier d'une pension, a annoncé l'association Avigolfe. Le gréviste de la faim, Christian Prud'homme a servi dans le Golfe en 1991 au sein du 6ème RCS. « Il a été débarqué sur une civière à Toulon le 02/04/91 avec des douleurs musculaires, insomnies, troubles de la vision et irritabilité anormale » affirme Avigolfe. « Son état de santé s'est largement dégradé, il se déplace en fauteuil roulant, a perdu la vue de l'oil gauche et celle de l'oil droit diminue sans cesse », ajoute l'association qui estime qu'il a « subi les conséquences de ses expositions multiples » dans le golfe. Affirmant que l'ancien militaire a perdu près de 30 kg depuis le début de la grève de la faim le 13 mai, le président d'Avigolfe, Hervé Desplat, souligne que « ses forces s'amenuisent dangereusement ». Le ministère de la Défense avait assuré jeudi dernier lors de son point de presse hebdomadaire : « C'est un dossier sur lequel on se penchera comme on le fait pour tous ceux qui ont de près ou de loin par des voies directes ou indirectes saisi les services du ministère ». « Sur le plan légal toute décision d'indemnisation nécessite une décision judiciaire des tribunaux compétents, mais c'est une situation que nous suivons avec attention », avait ajouté le porte-parole du ministère Jean-François Bureau. L'association Avigolfe milite pour la reconnaissance de maladies frappant les vétérans des guerres du Golfe et des Balkans en vue de leur indemnisation.
Communiqué de l'AVEN, Lun 13 juin: "Les essais nucléaires une nouvelle fois mis en cause"
Lundi 13 juin, pour la deuxième fois
en moins d'une semaine, un vétéran des essais nucléaires
vient de se voir accorder une pension par le Tribunal des pensions
militaires de Brest. Michel Cariou, membre de l'AVEN, a fait une brillante carrière
militaire comme officier de radioprotection. De 1966 à
1972, il fut affecté au Service mixte de sécurité
radiologique lors des campagnes d'essais nucléaires atmosphériques
à Moruroa et Fangataufa. Dans ce cadre, il effectuait des
mesures de radioactivité sur les atolls nucléaires
et sur les îles voisines habitées. Depuis 1997, Michel
Cariou est affecté de plusieurs pathologies cancéreuses
dont un cancer de la thyroïde. En février dernier,
après le rejet de son dossier d'indemnisation par le ministère
de la défense, il avait fait valoir ses droits devant le
tribunal des pensions militaires de Brest. Assisté de Maitre
Laurence Chevé du cabinet Teissonnière qui assure
la défense des victimes des essais nucléaires français,
Michel Cariou avait développé devant les juges un
argumentaire imparable, démontrant le lien entre sa maladie
et sa participation à 31 tirs nucléaires dans l'atmosphère.
Après la décision positive du tribunal de Tours
qui, le 7 juin, avait accordé une pension militaire à
M. André Mézière vétéran des
essais nucléaires du Sahara, les juges de Brest ont été
convaincus de la justesse des arguments de Michel Cariou en même
temps qu'ils reconnaissent que de graves négligences en
matière de protection, selon les dire du vétéran,
étaient monnaie courante lors des essais. Les juges donnent
acte à M. Cariou que son cancer de la thyroïde est
bien dû à une contamination contractée par
l'iode 131 éjecté par les explosions nucléaires
lorsqu'il était en service à Moruroa
L'Association des vétérans des essais nucléaires
(AVEN), forte
aujourd'hui de 3 000 membres, se réjouit de cette nouvelle
grande victoire au bénéfice d'un de ses adhérents.
" Nous espérons vivement que d'autres tribunaux vont
s'inspirer des jugements de Tours et de Brest. Plusieurs vétérans
sont actuellement en instance et près de 200 dossiers sont
en cours de dépôt devant des tribunaux de métropole
et de Polynésie, déclare le Dr Jean-Louis Valatx,
président de l'AVEN. Ces résultats positifs vont
encourager les victimes des essais nucléaires à
faire reconnaître leurs droits après tant d'années
de silence... " Désormais, l'argument du ministère
de la défense vantant ses " essais propres "
et sans conséquences sur la santé s'effondre. La
voie vers la création d'un fonds d'indemnisation de toutes
les victimes des essais nucléaires est grande ouverte.
Il reste au gouvernement et au législateur à mettre
en place une loi qui fixe les conditions du suivi et de l'indemnisation
de tous les vétérans, civils ou militaires, Français
de métropole ou de Polynésie et Algériens,
qui subissent des années après les désastreuses
conséquences des 210 expériences nucléaires
effectuées par la France au Sahara et en Polynésie.
Pour toutes informations complémentaires :
Dr Jean-Louis Valatx, président de l'AVEN
(www.aven.org)
Mobile : 06 13 87 37 76
Tél : 08 71 74 32 74
E-mail : valatx@free.fr
Michel Verger, vice-président de l'AVEN
Mobile : 06 70 98 48 37
Tél : 08 71 36 10 37
E-mail : aven49@wanadoo.fr
13/6/2005 - Le
tribunal des pensions militaires de Brest (Finistère) a
octroyé lundi une pension d'invalidité à
un ancien officier victime d'un cancer de la thyroïde après
avoir participé à des essais nucléaires à
Mururoa en 1966. Dans son jugement, le tribunal a constaté
la "contamination de Michel Cariou durant son service militaire"
et dit que cette contamination avait entraîné "un
risque de développement du cancer de la thyroïde".
Michel Cariou, 67 ans, contestait le refus par le ministère
de la Défense de lui accorder une pension d'invalidité
au titre de ce cancer. Le taux d'invalidité et le montant
de la pension doivent être fixés ultérieurement,
après une expertise. Mais pour Me François Lafforgue,
un des avocats du cabinet Teissonnière, cela ne remet pas
en cause la décision du tribunal. Lors de l'audience, le
21 février, la commissaire du gouvernement avait conclu
au rejet de la requête, "faute de preuves". L'ancien
officier avait participé à six campagnes d'essais
de 1966 à 1972, soit 31 tirs. M. Cariou a salué
une "grande victoire". "Pour moi, c'est une reconnaissance
après quatre ans de lutte", a-t-il déclaré.
"J'espère que cette reconnaissance confortera les
dossiers de tous ceux qui ont été présents
à mes côtés pendant les essais". Le 7
juin, le tribunal de Tours avait déjà octroyé
une pension d'invalidité à vie à André
Mézières, un ancien militaire atteint d'une maladie
liée, selon lui, à sa participation à des
tirs nucléaires dans le Sahara.
Samedi, à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), les dirigeants
de l'Association des vétérans du nucléaire
(Aven) avaient
salué cette décision. "C'est la première
fois qu'un tribunal fait état d'un lien de présomption
entre une maladie et une exposition aux radiations", avait
affirmé Alain Verger, vice-président de l'association.
Selon le ministère de la Défense, avant le jugement
de Tours, cinq militaires qui avaient participé à
des essais nucléaires ont déjà obtenu une
indemnisation de la justice. Une
juriste du cabinet d'avocats Teissonnière, qui défend
plusieurs vétérans, a évoqué une "jurisprudence
formidable". "En une semaine,
nous avons les deux premières décisions obtenues
directement, sans expertises médicales", a-t-elle
indiqué. "Ces deux décisions, Tours et Brest,
sont deux portes ouvertes qui devraient donner un nouvel élan
pour les autres dossiers", a également estimé
Anne Tardieu, porte-parole de l'Aven dans le Finistère.
Me Lafforgue réclame désormais la mise en place
d'un fonds d'indemnisation par l'Etat français. "Les
tribunaux de première instance reconnaissent la responsabilité
de l'Etat, l'Etat doit en tirer les conséquences et créer
un fonds d'indemnisation", a-t-il déclaré.
L'Aven compte actuellement environ 200 dossiers examinés
par la justice. Parallèlement, une information judiciaire
contre X pour "homicide involontaire" a été
ouverte en 2004 pour enquêter sur les conséquences
des essais nucléaires.
RFI, 8/6/2005:
Essais nucléaires
La justice française a franchi, mardi 7 juin, une étape
importante dans la reconnaissance des préjudices subis
par les militaires français présents sur les sites
où des essais nucléaires ont été réalisés
par l'armée. Pour la première fois, un tribunal
a reconnu en première instance que la maladie d'un vétéran
était liée à son service sous les drapeaux
et lui a accordé une indemnisation. Cette décision
donne l'espoir à tous ceux, soldats et civils, qui ont
été exposés de la même manière
entre 1960 et 1996 en Algérie et en Polynésie, de
voir la justice s'intéresser enfin à leur cas.
André Mézières est satisfait. Cet ancien caporal-chef de l'armée française, âgé aujourd'hui de 65 ans, vient d'obtenir du tribunal des pensions militaires de Tours une pension d'invalidité à vie. André Mézières est, en effet, atteint depuis cinq ans d'une terrible maladie invalidante : la polymyosite qui s'attaque au système musculaire et occasionne une paralysie progressive. Tous les gestes de sa vie quotidienne sont rendus difficiles et douloureux par cette pathologie qui est apparue, selon lui, à cause de l'exposition aux radiations qu'il a subie lors de son service en Algérie entre février 1962 et mars 1964.
A cette époque, André Mézières servait sur une base aérienne toute proche de la zone où étaient réalisés des essais nucléaires dans le désert algérien. Il a effectué des manipulations et des relevés pour mesurer les effets des tirs. Durant ces opérations, il ne portait pas de protection et a donc été exposé aux radiations. A aucun moment, il n'a été prévenu des risques qu'il encourait. C'est pour protester contre cette négligence et cette indifférence qu'il a décidé d'engager une procédure pour faire reconnaître la responsabilité de l'armée dans la maladie qui le frappe aujourd'hui. Il explique ainsi : «On ne nous a rien dit, on nous a menti».
Une brèche ouverte
Plus de trois ans après avoir déposé sa demande
auprès des tribunaux, il a finalement obtenu gain de cause.
Les juges ont reconnu qu'à défaut de preuve du contraire
apportée par les autorités françaises, sa
maladie pouvait en effet être liée à l'exposition
aux radiations puisqu'il avait été au «contact
proche ou latent de matériaux et matériels précédemment
irradiés». André
Mézières n'a donc pas été obligé
de faire la preuve que son hypothèse était juste
mais a bénéficié de l'incapacité de
l'armée à la remettre en cause.
C'est ce qui a fait dire au président de l'Aven (Association des Vétérans des essais nucléaire) qui suit environ 200 dossiers similaires en cours d'examen par la justice, Jean-Louis Vallatx : «Ce n'est pas la reconnaissance symptomatique de la contamination mais c'est une présomption reconnue par le tribunal. C'est une première». Il s'est d'autre part réjoui de voir aussi «pour la première fois en France», un tribunal des pensions militaires reconnaître «en première instance que la maladie du vétéran est imputable au service». Dans les trois autres dossiers où les plaintes de militaires contaminés lors des essais nucléaires en Algérie ou en Polynésie avaient abouti, cela n'avait pas été le cas.
Cette décision du tribunal de Tours est d'autant plus importante qu'elle intervient alors qu'André Mézières a décidé d'engager une procédure contre l'armée environ quarante ans après les faits. D'autres plaintes déposées pour les mêmes raisons avaient été déboutées parce qu'elles étaient intervenues trop tard, au-delà du délai de 30 jours après le départ du plaignant de l'armée. Dans l'affaire Mézières, le tribunal n'a pas jugé que cette situation justifiait de rejeter la requête du plaignant. Il a, au contraire, pris en compte le fait que «les conséquences d'irradiation peuvent se révéler tardivement, même jusqu'à plusieurs décennies après l'exposition au danger radioactif». L'ancien caporal-chef devrait donc recevoir, si l'Etat ne fait pas appel de la décision du tribunal dans les deux mois, une pension d'invalidité à 70 %, à effet rétroactif à la date du dépôt de sa plainte, pour l'indemniser de l'infirmité engendrée par sa maladie.
Dans ce contexte, une brèche est désormais ouverte pour tous les autres militaires français qui ont, dans le cadre de leur service dans l'armée, subi une exposition à des produits radioactifs dans les régions où la France a mené des essais nucléaires, l'Algérie et la Polynésie. De même pour les populations civiles de ces zones. On estime qu'entre 1960 et 1996, date à laquelle la France a arrêté son programme après avoir procédé à 245 tirs dont 45 aériens, au moins 100 000 personnes auraient été exposées dans le Sahara ou dans le Pacifique. Mais jusqu'à présent, l'Etat n'a pas reconnu sa responsabilité concernant les dangers auxquels les populations militaires et civiles ont été soumises.
Face à ce qu'elles ressentent comme une terrible injustice, les victimes qui ont développé des maladies s'organisent de plus en plus pour demander réparation à l'Etat. Une information judiciaire a d'ailleurs été ouverte le 20 septembre 2004 à Paris pour enquêter sur les conséquences des essais nucléaires français sur les personnes qui y assistaient. Cette plainte contre X a été déposée pour «homicide involontaire» et «atteinte involontaire à l'intégrité physique ayant causé une incapacité totale de travail de plus de trois mois ou n'excédant pas trois mois».
Valérie Gas
Liberation, 20 mai 2005:
Les écologistes avaient dénoncé des silences sur les essais dans le Pacifique dans les années 60.
Le ministère de la Défense est visiblement embarrassé par la publication de documents confidentiels concernant les essais nucléaires dans le Pacifique (Libération du 18 mai). Remontant aux années 60, ces documents mis à jour par les antinucléaires du Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits (CDRPC) indiquent que «les services concernés par les essais ont manipulé les informations pour minimiser leur impact sur l'environnement, les personnels et les populations», affirme l'un de ses responsables, Bruno Barrillot. le ministère a mis plus de douze heures avant de réagir pour «démentir les allégations selon lesquels les populations de Polynésie n'auraient pas bénéficié des mesures de sécurité nécessaires». Coup de menton martial, mais un peu court, comme l'ont montré les mises au point de Jean-François Bureau, porte-parole du ministère.
«Les conditions de protection des populations locales ont été strictement les mêmes que celles des personnels civils et militaires» du Centre d'expérimentations du Pacifique, a-t-il dit, hier. Pas forcément rassurant sur le sort de ces derniers... En réalité, le ministère de la Défense redoute qu'une polémique se développe sur une éventuelle «discrimination» des populations locales face au danger nucléaire. Au risque de renforcer les indépendantistes de Polynésie, qui viennent de remporter les élections territoriales, contre Gaston Flosse, le président sortant soutenu par l'Elysée.
La Défense a confirmé - comme il l'avait déjà fait à plusieurs reprises - que l'essai du 2 juillet 1966 a donné lieu à des retombées sur l'archipel des Gambier, mais «c'est le seul cas où la norme a été très légèrement dépassée : 5,5 millisiverts au lieu de 5». De son côté, le CDRPC parle d'«une contamination 142 fois plus élevée que dans la zone interdite de Tchernobyl».
La violation du secret militaire que constitue cette publication contrarie la Défense, qui en «examine les conséquences sur le plan judiciaire ». Preuve d'une certaine désorganisation, la Défense était «incapable de dire où auraient dû être classés ces documents». Une chose est sûre : ils sont désormais librement accessibles (www.obsarm.org).
Jean-Dominique MERCHET
Selon un document secret, une évacuation préventive des populations des îles Gambiers avant une explosion expérimentale était «exclue pour des motifs politiques et psychologiques».
L'association l'Observatoire des armes nucléaires
françaises/CDRPC révèle, dans sa lettre publiée
hier (1), des documents secrets datant de 1966 sur la gestion
par les militaires français des premiers essais atomiques
dans le Pacifique. Si ces documents sont authentiques, ils montrent
comment la population de l'atoll de Mangareva a été
trompée sur la réalité des retombées
radioactives. Alors qu'une instruction judiciaire est ouverte
depuis six mois, le CDRPC, avec l'association polynésienne
Moruroa e tatou et l'Association des vétérans des
essais nucléaires (Aven) ont déposé hier
une requête auprès du ministre de la Défense
afin que tous les documents «leur permettant d'appréhender
les conséquences, sur leur santé et celle de leur
descendance, des essais nucléaires en Polynésie»
soient divulgués. Les fac-similés des documents
reproduits dans la lettre Damoclès (1) ont toutes les apparences
de rapports, procès-verbaux et télex militaires
des années 1960, tampons «secret» compris.
Le ministère de la Défense restait cependant prudent
hier et souhaitait vérifier s'il s'agissait d'une «fuite
de documents» authentiques, avant de réagir.
Dans une «étude» secrète du «Service
mixte de sécurité radiologique» (2) référencée
n° 2720, non datée mais qui serait selon le CDRPC antérieure
au premier essai nucléaire atmosphérique en Polynésie
du 2 juillet 1966, on peut lire qu'«une évacuation
préventive des populations des Gambiers avant une explosion
expérimentale est exclue pour des motifs politiques et
psychologiques». Ce document étudie pourtant les
modalités pratiques d'une évacuation des atolls
polynésiens. Mais «le cas des Gambiers (570 habitants)
est le plus difficile» écrivent les militaires, notamment
car la population est «composée en grande partie
de personnes âgées et d'enfants».
La sécurité des populations avait fait l'objet de réunions. Le 13 janvier 1966, «la Commission consultative chargée d'étudier les problèmes de sécurité technique relatifs aux essais nucléaires» s'est réunie «sous la présidence de monsieur Francis Perrin, haut commissaire à l'énergie atomique», selon le procès-verbal rédigé par le général de corps aérien Thiry. Il est indiqué que les autochtones ont «un risque génétique plus élevé que pour une population européenne de même importance». Plus loin : «Il est donc nécessaire d'envisager que toute retombée (radioactive, NDLR) sur un lieu habité soit considérée comme un accident.» Dans un autre document daté du 7 janvier 1966, le même général envisage que «la population aura été regroupée» et que «dès l'information d'une retombée, la population sera invitée à se mettre à l'abri».
Le 2 juillet, après l'essai «Aldébaran», tiré depuis une barge flottant dans le lagon de Mururoa, le vent pousse le nuage radioactif jusqu'à Mangareva, dans les Gambiers, à 500 km. Il y a bien une «retombée», mais pas de protection ds populations. En atteste les mesures inscrites dans un rapport «confidentiel défense» du 17 mars 1967. Douze heures après l'explosion, 2 104 picoCurie par mètres cube d'air sont mesurés à Mangareva. L'équivalent de 185 fois la radioactivité normale. Un télex «diffusion restreinte» est envoyé à Paris. «Ministre informé de radioactivité non négligeable. (...) Contamination au sol existante. Demande consignes pour décontamination et à tenir nourriture et pêche». Un navire militaire, La Coquille, est dépêché à Mangareva. Le Dr Millon y fera un rapport édifiant que le Nouvel Observateur avait révélé en février dernier. Le médecin s'attache au «climat psychologique de l'île» : «La population tahitienne est parfaitement inconsciente, insouciante» ; «les militaires sont au courant sans connaître, évidemment (...) les chiffres atteints.» Pour la campagne suivante, le Dr Millon suggère «de minimiser les chiffres réels de façon à ne pas perdre la confiance de la population».
Les trois associations qui divulguent ces documents, ainsi que onze malades s'estimant victimes des retombées des essais nucléaires, ont porté plainte en 2003, notamment pour «abstention délictueuse» de mesures de précaution. Patrice Bouveret, le président du CDRPC, espère bien que ces nouvelles pièces seront versées à l'instruction conduite depuis septembre 2004 par les juges Auclair-Rabinovitch et Bellot du pôle de santé publique.
(1) Damoclès, la lettre du centre de
documentation et de recherche sur la paix et les conflits. Internet
: www.obsarm.org
(2) Organisme dépendant à l'époque du Commissariat
à l'énergie atomique et du ministère des
Armées.
Fabrice Nodé-Langlois
19/5/2005 - Le maire des Gambier, Monique Richeton, réclame au ministère de la Défense l'ouverture du dossier sur les conséquences pour la santé de la population de l'archipel, des essais nucléaires qui se sont déroulés pendant trente ans à Mururoa et Fangataufa, a-t-on appris jeudi à Tahiti.
Dans cette requête, à laquelle se sont associés plusieurs habitants de Mangareva -l'île principale de l'archipel- Mme Richeton souhaite "que soient rendus accessibles les informations et documents leur permettant d'appréhender les conséquences sur leur santé et celle de leur descendance des essais nucléaires pratiqués en Polynésie française".
De son côté, Roland Oldham, président de l'association "Murura e Tatou" (Mururoa et nous) qui regroupe quelque 5.000 Polynésiens, tous anciens ouvriers, techniciens ou ingénieurs sur les deux sites nucléaires de Polynésie de 1966 à 1996, affirme que "des rapports estampillés +Secret+ de 1966 retrouvés dans leur intégralité, mentionnent des retombées radioactives considérables sur les îles et atolls habités proches de Mururoa, notamment sur l'île de Mangareva, dans l'archipel des Gambier".
Roland Oldham évoque également l'essai nucléaire de forte puissance baptisé "Aldebaran", à Mururoa, depuis une barge, le 2 juillet 1966, en présence du général de Gaulle. "Le programme de la visite présidentielle exigeait que l'on effectue le tir malgré de mauvaises conditions atmosphériques, et un tir depuis une barge provoque toujours une intense pollution nucléaire en raison des débris soulevés".
Le président de "Murura e Tatou" ajoute que les retombées ont été poussées par les vents jusqu'aux Gambier, distants de 500 km. "Les Etats-Unis, précise-t-il, ont reconnu que ces retombées pouvaient atteindre 700 km à la ronde par beau temps et que, naturellement, on ne pouvait maîtriser les vents".
A Rikitea, village principal de Mangareva, deux bunkers ont été construits en 1967 afin d'abriter la population lors des essais dans l'atmosphère. "Un système d'arrosage permettait, après l'essai, de laver le toit du bunker", raconte Tihoni Riesing, habitant de l'île, "et la population pouvait passer jusqu'à 48 H enfermée dans le bunker dont elle n'avait pas le droit de sortir et où l'air était filtré dans des appareils spéciaux".
Le ministère de la Défense a qualifié jeudi de "sans fondement" ces informations qui laissent entendre que des Polynésiens auraient été laissés "sans protection" lors des essais nucléaires. "Les procédures pour les civils polynésiens étaient les mêmes que celles qui étaient appliquées aux personnels de la Défense qui servaient les essais", a précisé le porte-parole du ministère, Jean-François Bureau.
Pendant trente ans la France a effectué 193 essais sur les sites de Mururoa et Fangataufa : 41 atmosphériques et 152 souterrains. Le dernier tir dans l'atmosphère, sous ballon captif baptisé "Verseau", a eu lieu le 14 septembre 1974 et le dernier tir souterrain le 27 janvier 1996 à Fangataufa.
Libération, 18 mai 2005:
C'est une petite phrase qui fait froid dans le dos : «Une évacuation préventive des populations des Gambier avant une explosion expérimentale est exclue pour des motifs politiques et psychologiques.» Elle est extraite d'un document militaire secret de 1966, dévoilé aujourd'hui par un groupe de militants antinucléaires (1), le Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits (CDRPC). Ce rapport du Service mixte de sécurité radiologique renvoie aux essais nucléaires dans l'atmosphère menés par la France en Polynésie dans les années 60.
Une vingtaine d'autres «papiers», classés «secret» ou «confidentiel défense», montrent que les autorités ont alors menti. «Les services concernés par les essais nucléaires ont manipulé les informations pour minimiser leur impact sur l'environnement, les personnels et les populations», affirme Bruno Barrillot, responsable du CDRPC, et spécialiste reconnu des essais nucléaires français. «Les responsables rassuraient les gens, alors que dans les rapports confidentiels ils disaient qu'il y avait un problème, ajoute son collaborateur, Patrice Bouveret. Ils étaient au courant des dangers et, sciemment, n'ont pas pris les mesures pour protéger les gens.»
«Comme un accident». Au centre des révélations contenues dans les documents, le sort de l'archipel des Gambier et plus particulièrement des 570 habitants de l'île de Mangareva. Située à environ 500 kilomètres de Mururoa et de Fangataufa, où avaient lieu les tirs dans l'atmosphère, Mangareva était directement menacée par les pluies radioactives. Avant que les essais ne commencent en 1966, un rapport prévenait : «La moindre retombée fera absorber à la population une dose supérieure au seuil fixé. Il est donc nécessaire d'envisager que toute retombée sur un lieu habité soit considérée comme un accident.» Il ne semble pas que ces bonnes intentions aient été suivies d'effet. Ainsi, le 2 juillet 1966, lors de l'essai Aldébaran, des radiations furent constatées aux Gambier durant 1 heure 20... Bruno Barrillot parle de «contamination effarante». Ce jour-là, affirme-t-il, «on mesurait à Mangareva une contamination 142 fois plus élevée que dans la zone interdite de Tchernobyl !». «Les retombées auraient dû nécessiter l'évacuation immédiate de la population», conclut-il. Toutefois, il n'en était pas question pour des «motifs politiques et psychologiques»...
Opacité. En Polynésie-Française, Roland Oldham, président de l'association antinucléaire et indépendantiste Moruroa e tatou, constate que «les Polynésiens entrevoient la vérité sur ce qui s'est réellement passé durant la période des essais nucléaires (1966-1996, ndlr). Ils ont maintenant des preuves qu'on les a trompés». Cette association, proche du nouveau gouvernement local dirigé par Oscar Temaru, va déposer une requête auprès du ministère de la Défense pour que soient rendus accessibles «toutes informations et documents leur permettant d'appréhender les conséquences sur la santé» des habitants.
Ces documents, qui sont pour l'essentiel stockés aux archives de la Défense à Vincennes, ne sont toujours pas communicables. Le ministère de la Défense justifie cette opacité par le souci de ne pas dévoiler des informations sensibles sur la technologie des bombes qui pourraient être utilisées par des pays qui ont l'intention de se doter d'armes nucléaires. Bruno Barrillot et l'association Moruroa e Tatou demandent toutefois «l'ouverture des archives de l'ensemble des périodes des essais atmosphériques (1966-1974, ndlr)» et jugent «opportun que les habitants de l'archipel des Gambier bénéficient d'un suivi sanitaire spécifique».
Plainte. En France, l'action de Moruroa e tatou est relayée par celle de l'Association des vétérans des essais nucléaires (Aven). Plusieurs dizaines de procédures judiciaires sont en cours : d'anciens militaires essaient d'obtenir des pensions d'invalidité en faisant reconnaître un lien entre leurs maladies d'aujourd'hui et leur participation aux essais nucléaires. Un jugement, qui pourrait faire jurisprudence, est attendu à Tours au mois de juin. Par ailleurs, une instruction a été ouverte en septembre 2004 à la suite d'une plainte pour «homicide involontaire, atteinte à l'intégrité physique par imprudence et abstention délictueuse des pouvoirs publics», déposée par Me Jean-Paul Teissonnière, l'avocat de l'Aven.
(1) CDRPC, Revue Damoclès, 187, montée de Choulans, 69005 Lyon. Tél. : 04 78 36 93 03 et www.obsarm.org
Jean-Dominique MERCHET
Tahitipresse, 17/5/2005:
"Les retombées du premier essai nucléaire français dans le Pacifique, le 2 juillet 1966, ont été 140 fois plus fortes que dans la zone interdite de Tchernobyl", ont affirmé mardi à Tahiti les responsables de l'association Moruroa e tatou, qui ont présenté des "documents inédits" révélant les conséquences des essais aériens sur l'archipel des Gambier.
Roland Pouira Oldham, président de l'association "Moruroa e tatou" et Brunot Barillot, chercheur et directeur de "l'Observatoire des armes nucléaires", sont convaincus d'avoir désormais en main des documents qui vont permettre aux habitants des Gambier (Sud-Est de la Polynésie française) d'entreprendre des démarches juridiques qui leur donneront toutes les chances d'obtenir réparation de l'Etat français. Il s'agit de rapports d'origine militaire sur les missions d'observation envoyées aux Gambier, notamment après le premier tir du 2 juillet 1966.
Des "mesures effarantes" de radioactivité
Ainsi, le navire militaire "La Coquille", du "Service mixte de contrôle biologique", aurait été dépêché aux Gambier du 2 au 8 juillet "pour étudier la situation". Cité par Brunot Barillot dans la revue "Damoclès", éditée par le "Centre de documentation et de recherche sur la Paix et les conflits", le "rapport secret" du docteur Philippe Million, en date du 10 juillet 1966, fait état de mesures de radioactivité que Brunot Barillot qualifie d'"effarantes". Par exemple, le 6 juillet, une radioactivité 666 fois supérieure à la normale aurait été observée sur de la salade non lavée, restant 185 fois supérieure à la normale sur de la salade lavée. Deux jours plus tard, le 8 juillet, "après des pluies abondantes de plus de 12 heures", des échantillons prélevés dans les sols révélaient une radioactivité "plus de 50 fois supérieure à l'activité naturelle d'un sol sédimentaire".
"Il sera peut-être nécessaire de minimiser"
Dans son rapport, le Dr Million révèle
aussi que malgré ces résultats "aucune mesure
d'interdiction n'est envisagée", et il note que "la
population tahitienne est parfaitement inconsciente, insouciante
et ne manifeste aucune curiosité". Selon le médecin,
le seul à avoir pris conscience de la situation véritable
est le capitaine du "Service mixte de sécurité
radiologique" (SMSR): "par honnêteté, il
s'inquiète pour les gosses du village qui marchent pieds
nus et jouent par terre".
Damoclès cite encore la conclusion du Dr Million: "Il sera peut-être nécessaire
de minimiser les chiffres réels de façon à
ne pas perdre la confiance de la population qui se rendrait compte
que quelque chose lui a été caché dès
le premier tir".
La revue produit de plus une série de reproductions de
documents estampillés "confidentiel défense",
qui semblent révéler la réalité des
retombées des essais nucléaires aériens les
Gambier.
Une requête des habitants des Gambier
L'association Moruroa e Tatou, qui avait réservé
aux habitants des Gambier la primeur de ces révélations,
annonce que "Madame le maire et les habitants des Gambier,
soutenus par l'association des vétérans des essais
nucléaires et par l'observatoire des armes nucléaires,
ont décidé de déposer une requête auprès
du ministre de la Défense pour que soient rendus accessibles
aux requérants toutes les informations et documents leur
permettant d'appréhender les conséquences sur leur
santé et celle de leur descendance des essais nucléaires
pratiqué en Polynésie française."
Selon Roland Oldham, les habitants des Gambier s'expliquent mieux
aujourd'hui le "fort taux de mortalité infantile,
les nombreux cas de fausses couches et les décès
de nouveaux nés" qui se sont produits aux Gambier
dans les années qui ont suivi les essais aériens.
Sud-Ouest, 29/4/2005:
BILLERE (64) - L'Association
des vétérans des essais nucléaires est dorénavant
représentée dans le département. Elle regroupe
une trentaine d'adhérents.
Lorsqu'il était jeune, Patrice Pfeffer a participé
en tant que membre de la Marine nationale à trois campagnes
d'essais nucléaires. Cela se passait à Mururoa,
entre 1969 et 1973. Ce Billérois de 54 ans est aujourd'hui
invalide à 80 %. Ces jours derniers, il a supervisé
dans sa commune la première rencontre départementale
de l'AVEN.
Traduisez l'Association des vétérans des essais
nucléaires. Un organisme comptant une trentaine d'adhérents
dans les Pyrénées-Atlantiques, et 2 500 au niveau
national. Tous militent pour que l'Etat prenne ses responsabilités
vis-à-vis des personnes qui ont été exposées
aux expérimentations nucléaires. Ce qui les amène
aujourd'hui à demander un recensement des civils et militaires
ayant participé à des tests au Sahara et dans le
Pacifique; mais aussi un accès à leurs dossiers
médicaux, et... une reconnaissance officielle. Sans oublier
la création d'un fonds d'indemnisation et de pension pour
les victimes et leurs ayant-droits.
« Le secret-défense est encore prévu pour
vingt ans, mais les nouveaux cas sont mensuels. Combien y aura-t-il
de plaignants en 2020 ? », s'interroge le collectif.
Certains membres sont persuadés d'avoir contaminé
leurs enfants, la plupart d'entre-eux étant stériles
ou malades, comme Marie Pietzak : « Mon mari est mort d'un
cancer dans d'atroces souffrances après avoir été
exposé à Tahiti. Quand il en est revenu, mon fils
avait 3 ans. Il est toujours malade depuis. »
Difficile bataille. La prise de conscience
n'est pas nouvelle. En 1996, une association des anciens du Sahara,
depuis intégrée à l'Aven, avait été
créée par Roland Weil.
Lors de la première explosion atomique dans le Sahara,
en 1960 à Reggane, ce dernier effectuait son service militaire
en tant que radio. « Une heure après l'explosion,
on m'a envoyé au point zéro, à l'endroit
même où la bombe avait été posée.
Je suis malade depuis. Mais je n'ai jamais eu de reconnaissance
de l'Etat; et je viens de perdre en appel... », dit-il,
amer et déçu.
D'autres veulent des preuves médicales, comme le jeune
Leny Paris. Engagé volontaire entre 1990 et 1991, il travaillait
dans une base de missiles sol-sol, sur le plateau d'Albion, dans
le Sud-Est de la France (son combat avait été relaté
en septembre dernier dans nos pages). Aujourd'hui, il tempête
: « On admet que je suis irradié, mais ce que je
veux, c'est mon dossier dosimétrique journalier ! »
Qu'ils soient militaires, épouses de militaires ou veuves,
chaque adhérent a sa propre histoire. Tous ont une douleur
commune, et ont le sentiment d'avoir été sacrifiés,
comme si le matériel nucléaire testé importait
plus que leurs vies. Aujourd'hui, le partage de leur impuissance
au sein de l'Aven redouble l'espoir d'être un jour entendus.
Aven Pyrénées-Atlantiques, 3, impasse Jules Ferry
à Billère. Renseignements auprès de Patrice
Pfeffer au 06.09.91.17.02 ou sur le site www.aven.org
13/04/2005 - Le
tribunal des pensions de Saint-Brieuc a ordonné mercredi
une expertise médicale pour un ancien militaire qui demande
une pension d'invalidité affirmant avoir été
contaminé lors des essais nucléaires français
dans le Pacifique, a-t-on appris de source judiciaire.
Un ancien appelé du contingent, qui avait fait la même
demande, a de son côté été débouté,
selon la même source.
Le tribunal a jugé recevable la demande de pension d'invalidité
de Joseph Romain, 69 ans, ancien électronicien à
bord d'un bâtiment de la Marine, sous réserve d'une
expertise médicale confiée à un médecin
qui devra déterminer si son cancer de la peau est imputable
à son service dans la Marine.
L'ancien militaire était sur le site des essais nucléaires
entre 1966 et 1970. Il est tombé malade en 1985, et a subi
jusqu'à présent 14 interventions chirurgicales liées
à son cancer de la peau.
Un autre plaignant, André Dayot, 58 ans, qui avait fait
son service militaire dans le Pacifique au même moment,
a quant à lui été débouté de
sa demande de pension d'invalidité. Il souffre du même
type de cancer de la peau que M. Romain, mais son taux d'invalidité
n'a pas été suffisant par le tribunal pour prévoir
une pension.
Leur avocat avait plaidé à l'audience, le 23 mars
dernier, que "cette pathologie rare a touché deux
personnes qui se trouvaient au même moment sur un site d'essais
atomiques. Il y a un lien manifeste entre ce type de pathologie
et les rayons ionisants".
Les deux plaignants étaient soutenus par l'association
des vétérans des essais nucléaires (AVEN).
Le 15 février dernier, le tribunal des pensions d'Ille-et-Villaine
avait déjà ordonné une expertise suite à
la plainte d'une veuve de militaire mort d'un cancer, causé,
selon elle, par sa participation à une campagne d'essais
nucléaires à Mururoa.
L'Express, 14/3/2005:
Une étude soulève à nouveau la question des conséquences des essais nucléaires sur la santé des populations polynésiennes
Les Polynésiens tiennent peut-être
là l'une des preuves qu'ils attendaient. Dans une récente
étude, des chercheurs de l'Institut Gustave-Roussy et de
l'Inserm ont comparé le risque de voir apparaître
des malformations chromosomiques chez 50 «métropolitains»
et 30 patients polynésiens atteints de cancer de la thyroïde.
Ces résultats, publiés dans le dernier numéro
de l'European Journal of Nuclear Medicine and Molecular Imaging,
sont sans appel: ce taux est trois fois supérieur dans
le deuxième groupe. «Sans exclure d'autres facteurs,
on ne peut pas ne pas penser aux essais nucléaires»,
constate Dominique Violot, l'un des auteurs de l'étude.
D'autant que ce type de malformation est souvent consécutif
à une exposition à la radioactivité, et que
ce soupçon n'est pas isolé. «Nous savons déjà
que le taux de cancers de la thyroïde est deux fois plus
élevé dans la population polynésienne que
chez les Maori ou les Hawaïens», analyse Florent de
Vathaire, épidémiologiste à l'Inserm et coauteur
de l'étude.
Entre 1966 et 1996, date du dernier essai nucléaire, les
lagons polynésiens de Mururoa et de Fangataufa se sont
troublés 193 fois. Une puissance équivalant à
700 fois la bombe d'Hiroshima. Reste maintenant à prouver
que ce n'était pas sans conséquences pour les 250
000 Polynésiens qui vivent aux alentours. «Nous avons
réalisé une étude pour analyser précisément
ce lien, affirme Florent de Vathaire, les résultats arriveront
dans six mois.» Ce sera peut-être alors l'épilogue
scientifique d'une histoire vieille de quarante ans. Et son envol
judiciaire.
Laurent Simon
15/2/05 - Le
tribunal des pensions d'Ille-et-Villaine a ordonné mardi
une expertise suite à la plainte d'une veuve de militaire
mort d'un cancer, causé, selon elle, par sa participation
à une campagne d'essais nucléaires à Mururoa,
a-t-on appris de source judiciaire. Le mari de la plaignante,
Mme Victoire Le Souder, avait participé en 1966 à
une campagne de tirs nucléaires à Mururoa en tant
que contrôleur aérien sur le porte-avions Foch. Il
est décédé en 2000 des suites d'un cancer
du poumon.
Mme Le Souder demande que le décès de son mari soit
reconnu comme une conséquence d'une "exposition aux
rayons ionisants" lors de sa participation à cette
campagne, qui se faisait
par des largages de bombes par des avions
décollant du Foch. Cette reconnaissance lui donnerait droit
à une pension d'invalidité. Le tribunal, qui avait
examiné cette plainte le 11 janvier, a estimé qu'il
ne disposait pas des éléments permettant "d'affirmer
la cause précise et éventuellement exclusive du
décès". Il a ordonné une mesure d'expertise,
confiée à deux médecins de Rennes. Ces derniers
ont huit mois pour rendre leur rapport. "Pendant les essais,
il y a un risque d'exposition nucléaire. Ce risque n'a
pas été évalué correctement par les
autorités militaires et l'Etat n'a pas pris les mesures
de protection qui y sont liées", avait plaidé
l'avocat de la défense lors de l'audience publique du 11
janvier.
Le commissaire au gouvernement avait fait valoir de son côté
qu'aucun lien n'avait pu être établi entre le cancer
du militaire et sa participation aux essais nucléaires.
Le ministère de
la Défense a rappelé en septembre que des tests
nucléaires en atmosphère avaient eu lieu de 1962
à 1975 - en Polynésie et dans le Sahara - et que
les "mesures de protection des personnes à l'époque
étaient sérieuses, étayées, adaptées
aux risque et conformes à la législation" à
l'époque en vigueur. Une information
judiciaire a été ouverte le 20 septembre 2004 pour
enquêter sur les conséquences des essais nucléaires
français, menés entre 1960 et 1996, sur les personnes
civiles et militaires qui y assistaient.
NouvelObs, 13/1/2005:
Le tribunal des pensions de Rennes a examiné
mardi 11 janvier la plainte de la veuve d'un militaire mort d'un
cancer du poumon lié, selon elle, à la présence
de son époux à Mururoa lors d'une campagne d'essais
nucléaires, a-t-on appris auprès de l'avocat de
la plaignante, Me Jean-Paul Teissonière. L'affaire a été
mise en délibéré au 15 février.
Le mari de la plaignante, Victoire Le Souder, avait participé
en 1966 à une campagne de tirs nucléaires à
Mururoa en tant que contrôleur aérien sur le porte-avions
Foch. Il est décédé en 2000 des suites d'un
cancer du poumon.
Me Teissonière a demandé que le décès
du militaire, qui n'était pas fumeur, a-t-il précisé,
soit reconnu comme la conséquence d'une "exposition
aux rayons ionisants" lors de sa participation à cette
campagne qui se faisait par des largages de bombes par des avions
décollant du Foch. La veuve demande une revalorisation
de sa pension.
Pas de lien
"Pendant les essais, il y a un risque d'exposition nucléaire.
Ce risque n'a pas été évalué correctement
par les autorités militaires et l'Etat n'a pas pris les
mesures de protection qui y sont liées", a plaidé
l'avocat de la défense.
Le commissaire du gouvernement a fait valoir de son côté
qu'aucun lien n'avait pu être établi entre le cancer
du militaire et sa participation aux essais nucléaires.
Une information judiciaire a été ouverte le 20 septembre
2004 à Paris pour enquêter sur les conséquences
des essais nucléaires français, menés entre
1960 et 1996 au Sahara et en Polynésie, sur les personnes
civiles et militaires qui y assistaient.
L'enquête contre X vise des faits d'"homicide involontaire",
"atteinte involontaire à l'intégrité
physique ayant causé une incapacité totale de travail
de plus de trois mois ou n'excédant pas trois mois".
Paris Normandie, 27/12/2004:
Des Normands, présents en Polynésie ou au Sahara algérien lors des premiers essais nucléaires, souffrent de maladies graves. Ils veulent comprendre.
Voilà trois ans que les vétérans
du nucléaire se battent pour la reconnaissance de certaines
maladies graves, cancer notamment, qu'ils estiment avoir contractées
lors des campagnes d'essais français. Plus de 200 essais
nucléaires ont, en effet, été menés
entre 1960 et 1996, par l'armée française au Sahara
algérien et en Polynésie. Et certains vétérans
considèrent que des « dysfonctionnement se sont alors
produits. » Une première victoire est enregistrée
par leurs associations « AVEN » et « Moruroa e tatou »
qui rassemblent cinq mille adhérents en France. Le Fécampois
Jean-Claude Duchateau, président de la section «
Aven » de Haute-Normandie (plus d'une centaine de membres)
se félicite de l'ouverture d'une information judiciaire
pour enquêter sur les conséquences des essais.
« Un premier pas important ! »
Le responsable haut-normand de l'association, qui a passé
deux ans en Polynésie, avait été frappé,
en 1986, par un cancer des ganglions lymphatiques.
Sur les bords de Seine, à Duclair, Pierre Le Borgne veut
savoir. Ancien maître électricien dans la marine
nationale, il soigne aujourd'hui sa thyroïde, et s'interroge
sur ses problèmes de santé, d'autant qu'il a eu
le « triste privilège » d'être probablement
le seul marin à avoir connu les premiers essais des deux
bombes, « A » et « H ».
D'abord sur la zone de Regane au Sahara, où il assiste
au tir à seulement onze kilomètres de l'explosion.
« Nous étions à genoux, le dos tourné
au point zéro, lunettes noires et mains sur les yeux. Et
nous fûmes malgré tout transpercés par l'éclair
! » Pierre se souvient également s'être rendu
en short et torse nu dans le cratère dix jours après
le tir de cette charge nucléaire plus puissante que celle
de Hiroshima. « Lorsque je suis parti, après dix-huit
mois et trois tirs, je n'ai même pas fait l'objet d'une
prise de sang. »
20 minutes, Jeudi 23 décembre 2004:
Printemps 1970 Un vaisseau amiral de la marine
française, le De Grasse, mouille au large de Mururoa (Polynésie).
Les marins sont sur le pont. Parmi eux, Jean Lecardonnel, 24 ans,
officier de transmission. Tous ont les yeux levés vers
le ciel. Ils fixent un ballon dirigeable auquel est arrimée
une bombe. C'est un essai nucléaire. Depuis le navire,
un déclencheur radioélectrique provoque l'explosion.
Une boule de feu monte dans le ciel. Les marins, seulement protégés
par une paire de lunettes, font route vers le point zéro
de l'explosion. Ils y effectuent des prélèvements
dans l'eau. A mains nues. Ce scénario, Jean Lecardonnel
le vivra six fois. La distance le séparant de la bombe
varie entre 1 et 65 km.
Fin juin 2003 Jean Lecardonnel, retraité depuis 1982, ressent
« une grosse fatigue ». Il est hospitalisé.
Diagnostic : une leucémie.
24 septembre 2003 Le professeur de médecine chargé
des soins de l'ancien militaire écrit : « L'interrogatoire
professionnel a permis de relever (...) que deux agents peuvent
être incriminés. Une exposition au benzène
et une exposition aux radiations ionisantes. »
Fin 2004 Jean Lecardonnel a perdu plus de 60 kilos en un an, de
137 à 75 kilos. Son teint est cireux, il semble fatigué,
mais son regard est franc et son vocabulaire précis. Lorsqu'on
lui demande s'il en veut aux autorités françaises,
il rétorque sans ciller : « On ne peut pas en vouloir
à ceux qui ne savaient pas. » Il sort une photo de
l'époque. Le ministre de l'Intérieur, Michel Debré,
est sur le pont du De Grasse, juste après l'explosion,
en bras de chemise. « Personne ne connaissait les risques,
la preuve. » Il reste si fidèle au drapeau qu'il
refuse aujourd'hui encore de dévoiler le contenu, même
le plus anodin, des transmissions radio dont il avait la charge.
Ce que demande Jean Lecardonnel comme des dizaines d'autres «
irradiés pour la France », c'est une reconnaissance.
Celle de la maladie professionnelle. « C'en est une. Ce
n'est pas moi qui le dis, ce sont les médecins. »
Ministre des Armées de 1960 à 1969, Pierre Messmer
a récemment admis sur un plateau télé «
les imprudences » de la France à l'égard de
ses militaires lors des essais.
A savoir :
Michèle, sa femme, rencontrée en 1983
« Quand il est entré en milieu stérile pour
ses soins, je lui ai dit : "Tu vas t'embarquer, tu es dans
la cabine d'un bateau, on ne sait pas pour combien de temps".
A la maison on est très marine. Je m'intéresse à
son passé, c'est ce qui l'a construit, qui fait ses qualités,
sa rigueur. »
Jean-Louis Valatx président de l'AVEN (Association
des vétérans du nucléaire)
« Nous demandons une reconnaissance de responsabilité
de la France et des réparations. Il leur faut aussi un
suivi médical réalisé par une structure indépendante.
Pour eux, leurs enfants et leurs petits-enfants qui peuvent aussi
être atteints. »
Stéphane Colineau
PARIS (29/09/2004) -
Le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire contre
X pour "homicides involontaires" et "atteinte à
l'intégrité physique" suite au dépôt
d'une plainte en novembre 2003 des victimes des essais nucléaires
français effectués entre 1960 et 1996 dans le Sahara
et en Polynésie, a-t-on appris mercredi de sources judiciaires.
L'enquête, ouverte le 20 septembre dernier, a été
confiée à deux juges du Pôle de Santé
du tribunal de grande instance de Paris, Anne Auclair-Rabinovitch
et Anne-Marie Bellot. L'information judiciaire ne vise que les
faits les plus récents, les essais nucléaires du
Sahara, notamment, étant trop anciens pour faire l'objet
de poursuites, a-t-on précisé de sources judiciaires.
Le nombre de victimes concernées par l'enquête est
donc inférieur au nombre de personnes ayant porté
plainte.
Fin novembre 2003, deux associations et onze victimes des essais
nucléaires français avaient déposé
une plainte à Paris. Les plaignants, civils et militaires
ayant été exposés aux essais nucléaires
atmosphériques ou souterrains menés dans les années
60 dans le Sahara algérien, puis en Polynésie, souffrent
tous de pathologies graves liées à cette irradiation
massive.
Les familles de deux personnes décédées se
sont jointes à leur action, ainsi que l'Association des
vétérans des essais nucléaires (AVEN) et l'Association Moruroa e tatou qui
comptent plus de 5.000 adhérents. Une association algérienne
est en cours de constitution. Ses membres n'ont pas obtenu de
visas pour venir en France. "Les autorités militaires
et civiles françaises en charge des expériences
nucléaires n'ignoraient pas les risques auxquels elles
exposaient les personnels civils et militaires chargés
de procéder à ces expériences, les populations
vivant à proximité des lieux de ces expériences",
notait la plainte.
On estime à 150.000 le nombre de personnes qui ont assisté
aux 210 essais nucléaires français. Une première
étude médicale réalisée par les associations
sur 720 vétérans montre que 30% d'entre eux sont
atteints de cancers, contre 17% de la population nationale du
même âge. Médecins du Monde a lancé
une nouvelle étude en Polynésie.
Papeete, le 3 juillet 2004:
Association Moruroa e tatou
Siège : 403 Boulevard Pomare
Papeete Tahiti
Tél : + 689. 430905
E-mail : moruroaetatou@mail.pf
B.P . 5456 98716 Pirae
A l'occasion du 38ème anniversaire de la première bombe à Moruroa (2 juillet 1966) les représentants de l'association Moruroa e tatou ont rencontré le nouveau président de la Polynésie française, M. Oscar Manutahi Temaru.
La proposition de la mise en place prochaine d'un groupe de travail sur le suivi des conséquences des essais nucléaires composé de représentants du Gouvernement, de l'Assemblée de Polynésie et de Moruroa e tatou a été agréée par le Président.
Le 2 juillet, Mme Chantal Florès Tahiata, vice-présidente de l'Assemblée, a reçu dans la salle des conférences de l'Assemblée de Polynésie le conseil d'administration de Moruroa e tatou qui a tenu une conférence de presse devant les médias locaux et plusieurs journalistes étrangers et la participation de plusieurs invités.
Le Dr Jean-Louis Valatx, président de l'association des vétérans des essais nucléaires français (AVEN), a donné les principaux résultats de l'enquête de santé réalisée auprès des vétérans français montrant que 30 % d'entre eux sont atteints ou décédés de cancers et que des répercussions sanitaires apparaissent même chez leurs enfants et petits-enfants.
Maître Jean-Paul Teissonnière, avocat de Moruroa e tatou et de l'AVEN, a annoncé la nomination prochaine d'un juge d'instruction suite à la plainte contre X déposée par les deux associations en novembre 2003 au Parquet de Paris. Il a également annoncé que plusieurs dossiers d'anciens travailleurs de Moruroa allaient faire l'objet d'un procès en demande de réparation qui se tiendra dans les prochains mois à Papeete.
Bruno Barrillot, directeur de l'Observatoire des armes nucléaires françaises, a souligné que l'engagement annoncé du Président de la Polynésie pour la reconnaissance des droits des victimes constituait un événement dans l'histoire de la lutte contre les essais nucléaires. Pour la première fois, une autorité, au plus haut niveau, reconnaît les responsabilités de l'Etat qui a conduit les essais nucléaires en Polynésie. Cette prise de position ne manquera pas d'avoir des répercussions sur le Gouvernement et les autorités de la République française.
Le 3 juillet, près de trois cents anciens travailleurs de Moruroa se sont retrouvés dans les locaux de la paroisse d'Arue (Tahiti) pour l'assemblée générale de l'association Moruroa e tatou qui compte à ce jour plus de 3700 membres.
Une autre invitée de Moruroa e tatou, la Rev. Valamotu Palu, Secrétaire générale de la Conférence des Eglises du Pacifique a rappelé que les peuples du Pacifique ont eu à subir les conséquences néfastes des expériences nucléaires américaines, anglaises et françaises. Elle a apporté l'entier soutien des Eglises du Pacifique aux victimes des essais nucléaires, à l'instar de l'engagement de longue date de l'Eglise Evangélique en Polynésie française dont le Président, le Pasteur Taaroanui Maraea, ouvrait les travaux de cette assemblée générale.
L'assemblée a reconduit le Président Roland Pouira Oldham dans ses fonctions et renouvelé une partie de son conseil d'administration, marquant ainsi l'enracinement de Moruroa e tatou sur l'ensemble de la Polynésie française.
Le Président a annoncé que l'association attendait le rapport final de la mission de Médecins du Monde portant sur les examens de santé de plus de 800 anciens travailleurs de Moruroa dont la communication est prévue pour fin juillet 2004.
Moruroa e tatou
Association des Vétérans des
essais nucléaires
AVEN
187 montée de Choulans
69005 Lyon
Lyon - Papeete - 15 juin 2004
Le ministère de la défense vient, par décret du 10 juin 2004, de créer un « Observatoire de la santé des vétérans » qui a pour objectif « d'améliorer la prise en charge médicale des militaires et des anciens militaires ». Outre le fait que le ministère de la défense dispose déjà du Service de santé des armées et de la Direction des pensions pour ces personnels, on imagine guère que cet Observatoire puisse assurer le suivi sanitaire des vétérans des essais nucléaires comme l'annonçait régulièrement la ministre de la défense en réponse aux questions des parlementaires.
L'association Moruroa e tatou regroupant les anciens travailleurs polynésiens des sites nucléaires du Pacifique et l'association des Vétérans des essais nucléaires (AVEN) rappellent que les personnels concernés par les essais nucléaires n'étaient pas uniquement des militaires et des appelés du contingent mais aussi des civils : personnels du Commissariat à l'Energie Atomique ou d'entreprises sous-traitantes, personnels recrutés localement (Algériens, Polynésiens), sans oublier les populations voisines des anciens sites d'essais au Sahara comme en Polynésie.
Cet Observatoire, créé par voie réglementaire, n'a pas fait l'objet d'un débat. Pourtant, depuis le 17 janvier 2002, une proposition de loi sur le suivi sanitaire des essais nucléaires a été déposée au Parlement - et redéposée au début de la nouvelle législature -, soutenue actuellement par 36 députés et 22 sénateurs, appuyée par de nombreux conseillers généraux, régionaux et maires et par l'ensemble des élus de la nouvelle majorité de l'assemblée territoriale de Polynésie française.
Cette proposition de loi - qui n'a toujours pas été inscrite à l'ordre du jour du Parlement - prévoit une « commission nationale de suivi des essais nucléaires » composée de représentants des ministères concernés, de représentants du Parlement et des représentants des associations concernées.
« La création de l'Observatoire de la santé des vétérans - organisme dépendant du ministère de la défense, soumis au secret défense ne correspond en aucune façon aux demandes des associations, déclare le Dr Jean-Louis Valatx, président de l'AVEN. La composition de cet Observatoire est même en retrait par rapport aux déclarations du Président Jacques Chirac du 25 juillet 2003, à Papeete, annonçant la création d'un « suivi interministériel » sur les conséquences sanitaires des expérimentations nucléaires assurant la liaison avec les personnes et les associations concernées. En décembre 2003, à la demande du ministère de la défense, les deux associations ont renouvelé leurs propositions qui n'ont pas été manifestement prises en compte. »
Moruroa e tatou et l'AVEN, confrontées aux graves problèmes de santé des anciens personnels des essais, réitèrent leur demande de mise à l'ordre du jour des débats parlementaires de la proposition de loi sur le suivi sanitaire des essais nucléaires et la mise en place d'une véritable concertation avec les organisations concernées. Les deux associations attendent également avec impatience la désignation d'un juge d'instruction pour la plainte contre X qu'elles ont déposée auprès du Doyen des Juges d'Instruction de Paris en décembre 2003 pour « abstention délictueuse, administration de substances nuisibles, homicide involontaire et atteinte à l'intégrité physique ».
Dr Jean-Louis Valatx, président de l'AVEN
M. Roland Pouira Oldham, président de Moruroa e tatou
M. Bruno Barrillot, Observatoire des armes nucléaires
Contacts :
Dr Jean-Louis Valatx : Tél : 08 71 74 32 74
Secrétariat Moruroa e tatou : Tél : + 689 43 09
05
Observatoire des Armes nucléaires : Bruno Barrillot Tél
04 78 36 93 03
Le Monde, 29
juillet 2003
Les anciens
du centre de Mururoa exigent « vérité et justice»
Communiqué de l'association Moruroa
e Tatou,
l'Association des
Vétérans des Essais Nucléaires
et l'Observatoire
des armes nucléaires.
Alfred Pautehea, ancien travailleur de Moruroa, qui était venu témoigner à Paris le 28 novembre 2003 à la conférence de presse au Sénat, est décédé dimanche 22 février à Atuona (Iles Marquises). Atteint d'une leucémie qui s'était déclarée en novembre 2000, Alfred avait travaillé sur les sites d'essais nucléaires de Moruroa et de Fangataufa de 1968 à 1979 et notamment sur des sites contaminés à la suite des explosions nucléaires atmosphériques. (Voir son témoignage en maron ci-dessous)
Alfred Pautehea était un membre actif de l'association polynésienne Moruroa e tatou (Moruroa et nous) qui regroupe près de 3000 anciens travailleurs polynésiens des sites nucléaires. Il était à l'origine de la création d'une section de Moruroa e tatou dans l'île de Hiva Oa (Marquises).
Dès la création de l'association Moruroa e tatou en juillet 2001, Alfred avait tenu à témoigner sans relâche sur les conséquences humaines et sanitaires des essais nucléaires. Le 15 mars 2002, lors d'une conférence de presse à Papeete, Alfred Pahutehea avait déclaré : « Je ne pense plus à moi. Je ne sais pas encore pour combien de temps j'en ai, six mois, un an. Je pense à mes enfants, à mes amis, aux générations à venir. Je veux une loi qui reconnaisse notre maladie comme maladie professionnelle. »
Le 28 novembre, malgré son état de faiblesse, il était venu à Paris pour rappeler à la presse qu'à travers lui ce sont de nombreux anciens travailleurs polynésiens qui sont déjà décédés ou qui sont gravement atteints de pathologies - cancers principalement - qu'ils estiment avoir pour origine leur présence sur les sites d'essais nucléaires. De même, des centaines de vétérans français - les « Irradiés de la République » - subissent les mêmes conséquences et ne reçoivent en retour, comme les Polynésiens et les Algériens, que mépris et indifférence de la part des responsables civils et militaires qui les ont envoyés sur les sites nucléaires du Sahara et de Polynésie sans préparation ni information ni protection suffisante.
Le 28 novembre, Alfred Pautehea au nom de l'association
Moruroa e tatou et plusieurs vétérans français
de l'association des vétérans des essais nucléaires
(AVEN) avaient
déposé plainte contre X auprès du doyen des
Juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris. Les
associations attendent encore aujourd'hui, avec impatience, la
nomination d'un juge d'instruction qui verra enfin la justice
prendre en charge le dossier effarant des conséquences
sanitaires des essais nucléaires français.
« J'ai travaillé successivement pour le Génie de l'Air et les entreprises sous-traitantes SOFEL, SEGT et SOGEPA de 1968 à 1979.
Dans le cadre de mon emploi au Génie de l'Air, j'étais conducteur d'engin Michigan pour l'aménagement des pistes. Nous avons participé à la réparation de la piste de Fangataufa après les tirs nucléaires. Nous étions à proximité des zones indiquées comme contaminées (panneau spécial indiquant la radioactivité) délimitées seulement par des rubans rouge et blanc entre des piquets. Pendant notre travail, des camarades du CEA circulaient en tenue chaude grise et portaient chacun un dosimètre, mais nous, les travailleurs polynésiens, nous n'avions aucune protection et on ne nous avait pas distribué de dosimètre.
J'ai fait ce travail sans poser de question, car nous faisions confiance aux chefs qui nous disaient que nous ne craignions rien. Mais aussi, nous savions que nous ne pouvions pas poser de questions sur les risques parce que cela aurait tout de suite entraîné notre renvoi et une interdiction de travail à Moruroa.
Après la réfection de la piste de Fangataufa, nous allions réparer celles de Moruroa et de Hao.
Par la suite, j'ai eu un emploi de maçon dans les entreprises sous-traitantes SOFEL, SEGT et SOGEPA. Comme auparavant, les équipes de Polynésiens travaillaient sans protection alors que les personnels du CEA qui venaient sur nos chantiers étaient vêtus de combinaisons et portaient un dosimètre.
A l'époque, nous n'avions comme eau de boisson de l'eau désalinisée qui venait de l'océan alors que les personnels CEA buvaient de l'eau en bouteille (Evian). Nous, on acceptait ce qu'on nous donnait.
Après 1979, j'ai travaillé comme conducteur de machines agricoles aux Australes à la SDAP, puis pour le Service du Fonds d'Entraide aux Iles (dépendant du Territoire) jusqu'à la déclaration de ma leucémie.
Ma leucémie s'est révélée à la suite d'une blessure légère lors d'une partie de chasse en octobre 2000. Le Docteur Soubiran m'a examiné à l'hôpital Mamao de Papeete, la leucémie a été dépistée en novembre et j'ai été évacué sanitaire en France (Hôtel Dieu de Paris).
Ma maladie a perturbé ma vie professionnelle (j'ai dû arrêter mon travail) et ma vie familiale. Je me fais du souci pour mes enfants (j'ai six enfants), notamment parce que deux d'entre eux ont des anomalies difficilement explicables. »
Propos recueillis à Pirae (Tahiti), le 3 juillet 2003 par Bruno Barrillot
Pour tout contact : brunobarrillot@obsarm.org
ou 04.78.36.93.03
Libération, 29/11/03:
Pour la première fois, des vétérans
des essais nucléaires français ont déposé
vendredi soir une plainte contre X pour homicide involontaire,
atteinte à l'intégrité des personnes et administration
de substances nuisibles. Nombre d'entre eux souffrent de maladies,
en particulier de cancers, comme Libération le racontait
dès janvier 2002. «Nous voulons faire reconnaître
la responsabilité de l'Etat», indique le docteur
Jean-Louis Valatx, président de l'Association des vétérans
des essais nucléaires (Aven), qui revendique deux mille
adhérents.
«Faire la lumière». Onze anciens employés
civils ou militaires, ainsi que deux associations, l'Aven et son
homologue polynésienne, Moruroa e Tatou, se sont associés
pour déposer cette plainte auprès du tribunal de
grande instance de Paris. «Le but de cette procédure
est de demander aux institutions judiciaires de faire la lumière
sur ce qui s'est passé de 1960 à 1996», explique
leur avocat, Me Jean-Paul Teissonnière. Il pointe «une
succession de dysfonctionnements, d'erreurs, de négligences
et de choix aberrants qui a conduit à des irradiations».
Une enquête conduite par l'Aven auprès de 720 de
ses membres indique que 30 % d'entre eux souffrent de cancers,
le double de la moyenne dans cette classe d'âge. En termes
statistiques, les résultats de cette enquête doivent
être pris avec prudence, car rien n'indique que l'échantillon
soit représentatif. Faute d'études épidémiologiques
au niveau national, on ne dispose d'aucune donnée fiable
sur la santé des vétérans des essais.
«Environ 150 000 personnes ont participé aux 210
essais nucléaires français», affirme le chercheur
Bruno Barrillot, qui publie un livre sur «les Irradiés
de la République» (1). Sur ces 210 essais, une cinquantaine
ont eu lieu dans l'atmosphère, dans le Sahara et le Pacifique.
En juillet, lors de sa visite officielle en Polynésie française,
Jacques Chirac avait annoncé la création d'un «comité
de suivi» de la santé des anciens du nucléaire.
Ce comité, copiloté par les ministères de
la Santé et de la Défense, devrait voir le jour
«dans les prochaines semaines», explique un proche
du dossier. Dans un premier temps, il devrait procéder
à un état des lieux, sans exclure la possibilité
d'une étude épidémiologique.
Doses. Selon les données dont dispose le ministère
de la Défense, «de l'ordre d'une centaine»
de personnes ont été exposées à des
«doses significatives» de rayonnements dans le Sahara
et «moins d'une dizaine» en Polynésie. Une
dose «significative» est supérieure à
50 millisieverts, c'est-à-dire le maximum que peut recevoir
un travailleur du nucléaire. Dans le Sahara, lors de l'accident
Béryl du 1er mai 1962, des doses de 600 millisieverts ont
été reçues. Dans le Pacifique, un pilote
qui traversait le champignon atomique pour des prélèvements
en avait reçu 180. L'un des problèmes rencontrés
par les vétérans est que leur dossier, libre d'accès
grâce à la loi Kouchner de mars 2002, ne contient
pas de relevés de dosimétrie. Négligence,
désorganisation ? Quoi qu'il en soit, depuis un an, la
justice a donné raison à trois vétérans
malades, qui demandaient des pensions militaires d'invalidité.
Au bénéfice du doute.
Jean-Dominique MERCHET
(1) Bruno Barrillot, les Irradiés de la République. Editions Complexe-Grip-Cdrpc, 15 ¤.
C'EST UNE PREMIÈRE. Ce matin, les associations
des victimes des essais nucléaires français, qui
regroupent 1 200 personnes, déposeront plainte devant le
tribunal de Paris pour « homicide involontaire » et
« atteinte à l'intégrité physique par
imprudence ». « Nous attendons que l'Etat reconnaisse
sa responsabilité dans les manques de précaution
et la contamination des personnels des sites d'essais »,
explique M e Jean-Paul Tessonnière, l'avocat des victimes.
Avant ce dépôt de plainte, des élus de Polynésie,
des anciens travailleurs du nucléaire, tiendront une conférence
de presse au Sénat pour exprimer ce qu'ils ont vécu.
Ils parlent de populations enfermées dans des abris antiatomiques
gardés, de fuite de produits radioactifs, de cancers prématurés,
de naissances de bébés mal formés.
Cancers et maladies rares
De 1960 à 1996, plus de quatre-vingt mille personnes ont participé aux expériences nucléaires réalisées dans le Sahara et en Polynésie. Les premières conclusions de l'étude épidémiologique menée par Jean-Louis Valatx, président de l'Aven, Association de victimes des essais nucléaires, également directeur de recherche à l'Inserm, relèvent une recrudescence de cancers pour les personnes qui ont vécu près de ces sites. « Le taux de cancers du sang sur les hommes de moins de 65 ans atteint 34,6 % soit deux fois plus que la moyenne nationale, résume Jean-Louis Valatx, sans compter toutes ces maladies rares qui se manifestent parfois quarante ans plus tard. » Les résultats recueillis après le dépouillement de 670 questionnaires envoyés à des vétérans de Polynésie ou du Sahara sont comparables aux statistiques des enquêtes réalisées par les Anglais et les Américains dans ce domaine. « Dans ces pays anglo-saxons, ces populations à risques sont surveillées tout comme leurs enfants et leurs petits-enfants », analyse Michel Brugière, directeur général de Médecins du monde, dont une mission d'observation s'est installée en Polynésie. Jusqu'à aujourd'hui, l'Etat français a toujours affirmé que les essais nucléaires dans le Pacifique n'avaient eu aucune incidence sur la santé de la population ni sur le milieu naturel. Plusieurs études sont venues étayer cette thèse. Déboutés souvent devant les tribunaux des pensions militaires, les vétérans des essais nucléaires comptent désormais sur le pôle santé du tribunal de Paris pour faire toute la lumière sur ces 210 essais nucléaires français réalisés pendant trente ans.
François Vignolle,
Le Parisien, 28 novembre 2003.
Le Télégramme de Brest, 17/11/03:
Alors que les ravages de l'amiante éclatent
au grand jour, un autre scandale, longtemps « Secret défense
», sort peu à peu des limbes de l'Histoire récente.
Entre 1960 et 1998, au Sahara puis en Polynésie, l'armée
française s'est livré à 200 essais nucléaires.
Cancers, maladies cardio-vasculaires... décimeraient aujourd'hui
les vétérans de ces essais.
Ils viennent de créer l'Aven (*).
Les Etats-Unis reconnaissent, depuis 1998, une vingtaine de cancers
directement liés à leurs essais nucléaires.
« Pourquoi la France ne veut-elle pas donner les mêmes
droits à ses vétérans ? », interroge
Pierre Marhic, Jean-Henri Bouffard et Jacques Dezetter, membres
de l'Association nationale des vétérans victimes
des essais nucléaires.
154.700 personnes concernées
Dans le désert du Sahara, 17 essais nucléaires furent
réalisés par l'armée française entre
1960 et 1966 avant qu'elle ne choisisse le site de l'atoll de
Mururoa, pour 193 autres (dont 46 atmosphériques), entre
1966 à 1996 (le site est aujourd'hui encore interdit d'accès).
Cent cinquante mille personnels - militaires ou membres du commissariat
à l'énergie atomique - ainsi que 4.700 travailleurs
polynésiens, auraient ainsi été exposés,
sans protection particulière, à des doses radioactives
importantes. « Plus l'irradiation est importante, plus les
effets sont retardés », pointe Jacques Dezetter.
Depuis une quinzaine d'années, d'alarmantes pathologies
se déclarent, selon eux, chez de nombreux vétérans.
Cancers du sang, tumeurs...
Las « du mépris des autorités militaires »,
quelques-uns d'entre eux viennent donc de créer une association,
dont le siège est situé à Bohars (29). «
Aucun gouvernement ne s'est penché sur le suivi médical
des vétérans. 37 % d'entre eux sont aujourd'hui
atteints de maladies diverses; cardio-vasculaires, endocriniennes,
ophtalmologiques ».
Les cancers sont aussi, selon eux, légion : « Chez
les vétérans et les anciens travailleurs polynésiens,
les cancers du sang, ainsi que des tumeurs malignes comme les
lymphomes ou les myélomes sont trois fois plus élevés
que la moyenne française ». Une adhérente
raconte encore le calvaire de sa fille, née avec trois
chevilles. « Des fausses couches, des malformations congénitales
ont été constatées dans les familles de vétérans
».
Droit aux soins gratuits et à l'information
L'Aven va maintenant militer pour, notamment, l'obtention de la
carte de soins gratuits pour les vétérans et leurs
descendants, un suivi médical permanent et gratuit, l'attribution
de pension de réversion à 100 % pour les veuves
et orphelins, le versement de pension d'invalidité, le
droit à l'information et l'accès aux dossiers médicaux...
Ainsi que sa participation aux travaux de l'observatoire de la
santé des vétérans.
Michel Alliot Marie, ministre de la Défense, en a, en effet,
annoncé la création. Selon l'Avven, aucun représentant
d'associations n'est encore prévu au sein des comités
directeur et scientifique de cet observatoire. Simple oubli sans
doute.
* Association nationale des vétérans
victimes des essais nucléaires.
06.63.76.68.56 ou 02.98.47.02.84.
Le Monde, 23/10/03:
Peut-on mourir de loyauté ? Non, bien sûr. Ce sont les cancers - d'abord un cancer du cavum (cavité interne du nez), puis du sinus, puis des poumons -, qui ont emporté Bernard Ista, 67 ans, ingénieur au Commissariat à l'énergie atomique (CEA), le 1er février 1998. Sur la photo, posée dans un coin du salon, on voit un bel homme, le cheveu brun, l'air énergique. "Il faisait partie de cette génération, née avant-guerre, qui avait conscience de participer à une aventure extraordinaire qui allait faire la grandeur de la France", souligne Danielle, sa veuve. Aucune ironie dans la voix. Un brin d'amertume, c'est tout. Les souvenirs du général Charles Ailleret - l'officier chargé de démarrer les premiers essais nucléaires français au Sahara - ne s'intitulent-ils pas, précisément, L'Aventure atomique française (Grasset, 1968) ?
"Hourra la France !", s'écrie le général de Gaulle, le 13 février 1960, en saluant la première explosion saharienne effectuée dans la région de Reggane (sud de l'Algérie). "Bernard y était, note Danielle Ista. Il a fait tous les tirs. Mais, dans ses lettres, il ne nous parlait pas de son travail. Jamais. J'ai appris bien plus tard que cela faisait partie des consignes." Elle-même, sur le coup, ne s'inquiète de rien. Même l'accident de Béryl - du nom du deuxième essai souterrain dans le Sahara -, le 1er mai 1962, ne lui laisse aucun souvenir. "Quand, bien après, j'ai entendu Bernard et ses collègues évoquer cette histoire, ça ne m'a pas affolée. Ils en parlaient comme d'un incident un peu ridicule, un raté technique, raconte-t-elle. Avec le recul, je me rends compte à quel point ils étaient conditionnés. Mon mari a toujours pensé que la sécurité maximale était assurée. Il disait : "Nous, on n'est pas comme les Américains ! On fait ça proprement !" Il avait toute confiance dans le savoir-faire des équipes. Pour lui, c'était une évidence : s'il y avait eu le moindre danger, la France ne les aurait pas exposés."
Jacques Muller, alors jeune militaire, était également sur place lors du "raté technique" de Béryl, le 1er mai 1962, dans la région d'In-Eker. Ce jour-là, se souvient-il, c'est "en short et chemisette" qu'il assiste au "spectacle": "La montagne blanchit, le sol ondule. Pour moi, c'est très beau, cette flamme rouge et noire qui sort de la montagne (...). Le "Venez voir, c'est beau, vous ne risquez rien !" m'empêche de réagir, et je ne suis pas le seul." Le soldat met plusieurs secondes avant de réaliser que ce qu'il voit n'est pas normal : "Le nuage nucléaire est sorti de la montagne."C'est la panique. "Officiels, civils, curieux, tout le monde court, se véhicule, se sauve vers la base-vie - sauf peut-être les appelés, qui attendent les ordres."Le nuage atomique, lui aussi, se déplace. Tranquillement. Mortellement. Le ministre de la recherche scientifique et des affaires atomiques, Gaston Palewski, présent lors de cet accident, succombera à une leucémie en 1986. Plus chanceux, le ministre des armées, Pierre Messmer, s'en tirera sain et sauf. Bien que "fortement irradié", il a été, dit-il, "très bien soigné".
Jacques Muller, aujourd'hui militant de l'Association des vétérans des essais nucléaires français (AVEN), a du mal à en dire autant. Son témoignage, livré en janvier 2002, lors d'un colloque à Paris, a été publié, avec une dizaine d'autres, dans Les Essais nucléaires et la santé (édité par le Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits, CDRPC, Lyon, juillet 2002). Devenu aveugle, l'ancien militaire de carrière est convaincu que sa cécité est la conséquence de l'accident du 1er mai 1962. Mais comment le prouver ? Toutes les opérations de tirs nucléaires de l'époque restant classées "secret-défense", le ministère des armées "lui répond invariablement que sa cécité est "non imputable au service" et qu'aucune pièce de son dossier médical ne figure dans les archives militaires", résume Bruno Barrillot, dans L'Héritage de la bombe (Edition du CDRPC, 2002).
Ya-t-il eu d'autres "ratés" au Sahara ou par la suite en Polynésie - où le dernier tir a eu lieu en 1996 ? Militant pacifiste, Bruno Barrillot, ancien prêtre à Lyon et principal animateur de l'Observatoire des armes nucléaires françaises, en est persuadé. Outre l'accident de Béryl, les autorités reconnaissent, en 1981, devant l'Assemblée nationale, par la voix de Charles Hernu, alors chargé du portefeuille de la défense, que les "déchets d'une explosion nucléaire" ont été "dispersés", en mars de cette même année, sur l'atoll de Mururoa, à la suite d'un cyclone, "créant une situation radiologique nouvelle".
Deux accidents en trente-six ans ? Deux accidents seulement, pour l'ensemble des 210 essais nucléaires français effectués au Sahara (de 1960 à 1966) puis en Polynésie (de 1966 à 1974, puis de 1975 à 1996) ? Au siège parisien du CEA, on confirme ce bilan : "A posteriori, en examinant l'ensemble des données, j'ai le sentiment que tout a été fait de manière très professionnelle et que cela a conduit à une protection efficace des populations et des personnels", explique le docteur Anne Flüry-Herard, chercheuse au CEA. "Les anciens n'ont peut-être pas été parfaits, mais ils ont fait de leur mieux", renchérit son confrère Jean-Michel Giraud, conseiller médical au CEA - au sein duquel seulement "une dizaine de maladies professionnelles" ont été reconnues chez des personnes "ayant participé aux essais nucléaires".
Côté militaire, sur cinquante-sept demandes de pension d'invalidité, douze ont, à ce jour, été accordées, nous a précisé le médecin-colonel Frédéric Poirrier, du service de santé des armées. "De nombreuses demandes ont été rejetées pour défaut de preuve, précise le docteur Poirrier. Cette constatation peut s'expliquer sans doute par le fait que la preuve de la contamination n'a pas toujours été rapportée avec certitude. Et, quand bien même celle-ci a été établie, il n'est pas toujours possible d'établir un lien de causalité entre le fait et l'affection d'apparition tardive, souvent plusieurs années après." Tout en pesant ses mots, Mme Flüry-Herard (CEA) se veut optimiste pour l'avenir : "Globalement, il ne devrait pas y avoir d'excès de cancers parmi les travailleurs des sites."
Les études scientifiques de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), publiées toutes deux en 1998, vont dans le même sens. Les traces de radioactivité détectées sur les atolls de Mururoa et Fangataufa ne seront d'"aucune conséquence sur la santé humaine", conclut l'AIEA. "Aucune augmentation significative de l'incidence des cancers" n'a pu être relevée, du moins "dans les îles et atolls situés à moins de cinq cents kilomètres de Mururoa", ajoute l'Inserm - à deux réserves près : le constat d'une incidence "plus importante" des cancers de la thyroïde et le souhait qu'une étude similaire puisse être conduite ultérieurement, lorsque les "sujets" observés, "qui étaient enfants durant les tirs atmosphériques (...), seront plus âgés".
Il faut, en effet, de quinze à trente ans pour qu'un cancer, "radio-induit" ou pas, se déclare. En espérant que le bon diagnostic soit fait à temps. "En 1984, j'ai eu du sang dans les urines et on m'a envoyé en examen à l'hôpital Jean-Prince à Papeete. J'attends toujours les résultats", raconte un ancien travailleur du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP), cité dans Moruroa et nous, un ouvrage qui relate l'expérience de Polynésiens (CDRPC, 1997). L'infatigable Bruno Barrillot devrait publier, lui aussi, d'ici à la fin novembre, un nouveau recueil de témoignages, Les Irradiés de la République (Editions Complexe).
C'est qu'ils sont légion, ceux qui, aujourd'hui malades ou craignant de l'être, estiment qu'ils n'ont pas bénéficié de cette "protection efficace" dont parlent les responsables du CEA. Selon Anne Flüry-Herard (CEA), sur les "quelque 150 000 personnes présentes sur les sites, au Sahara et en Polynésie, 80 000 ont reçu un dosimètre -qui permet de mesurer les doses de radioactivité-. Ceux qui n'en avaient pas sont ceux dont l'activité ou la situation par rapport aux essais n'en rendait pas, à priori, l'usage nécessaire".
Michel Verger, jeune appelé affecté au centre d'expérimentations militaires de Reggane, en Algérie, a fait partie de ces heureux élus, porteurs d'un dosimètre. "L'armée ne me l'a jamais réclamé !", s'esclaffe-t-il, en brandissant la petite plaque en plastique, censée symboliser la rigueur du suivi médical des services de santé de l'armée française... Michel Verger est aujourd'hui vice-président de l'AVEN.
Pour sa part, Philippe Bignon, un ancien militaire lui aussi, recruté comme plongeur en Polynésie fin 1975, n'a jamais reçu de dosimètre durant son séjour sur les atolls de Mururoa et de Fangataufa. Quant à son dossier médical, ni l'armée ni le CEA n'en ont trace. Le myélome qu'il a développé, vingt-six ans après son séjour en Polynésie, reste donc un mystère. Faute de mieux, l'ancien plongeur a découvert sur Internet que les causes précises du myélome ne sont pratiquement jamais retrouvées. "On sait simplement que les radiations ionisantes peuvent favoriser la survenue du myélome." Philippe Bignon n'accuse personne. "Mais le doute est permis", dit-il.
"Il y a une telle accumulation de silences, de réponses floues, de lacunes, de mensonges, qu'on ne peut pas ne pas se poser des questions - et ressentir de la colère face au mutisme des autorités", résume Danielle Ista, la veuve de l'ingénieur du CEA. Mme Ista a, elle aussi, rejoint les rangs de l'AVEN. Créée au début de l'été 2001 (comme sa cousine polynésienne, Moruroa e tatou), l'association des vétérans français compte aujourd'hui près de 2 000 membres et s'est choisi comme avocat Me Jean-Paul Teissonnière, connu pour avoir défendu les victimes de l'amiante. Une dizaine de plaintes ont déjà été déposées devant le tribunal des pensions militaires ou auprès de la Sécurité sociale. Et ce n'est qu'un début. D'ici la fin de l'année, "une cinquantaine de plaintes nouvelles", émanant de "vétérans" d'Algérie ou de Polynésie, devraient être déposées et "annoncées collectivement".
Pour couronner le tout, deux membres de Médecins du monde (MDM) devraient prochainement ouvrir à Papeete une antenne de contrôle. "Nous prendrons le temps qu'il faudra - sans doute pas moins de six mois - pour examiner les quelque 1 500 vétérans de l'association Moruroa e tatou", annonce le docteur Michel Brugière. "Nous n'avons pas la prétention de faire une étude épidémiologique, prévient-il. Simplement, nous allons tenter d'établir une estimation, distinguant les pathologies imputables aux essais et les autres - en nous basant sur la législation américaine, qui, depuis 1988, reconnaît la présomption d'origine."
Parmi les oubliés de l'atome, certains le sont plus que d'autres. "Les risques sont plus élevés pour les populations avoisinantes - y compris celles qui vivent à plusieurs centaines de kilomètres du lieu des tirs - que pour les travailleurs des sites", estime Florent de Vathaire, responsable de l'étude de l'Inserm de 1998. "On a dénombré dix-huit îles ou atolls habités dans un périmètre de 700 kilomètres, dont les populations sont affectées par un risque radioactif", avance de son côté Bruno Barrillot. Le risque ? Il suffit de lire cette note de service que l'ancien soldat Michel Verger a précieusement gardée dans ses archives. Ce texte, daté du 4 février 1960, concerne la "zone de l'Ouest saharien" où ont lieu les essais et où transitent, traditionnellement, les tribus nomades touarègues. Parmi les missions confiées au "peloton fixe", figurent les suivantes : "Faire respecter le couvre-feu. (...) S'il y a lieu, rassurer la population en lui rappelant qu'elle ne risque rien ; qu'elle doit faire confiance à cette France qui ne lui a rapporté que du bien ; qu'une seule précaution est à prendre pour éviter les risques d'aveuglement ; pendant tout le mois de février, et de toute façon jusqu'à nouvel ordre, ne pas quitter les habitations de minuit au lever du soleil ; si, pour une raison quelconque, des personnes avaient à sortir au cours de cette partie de la nuit, elles devraient avoir pour souci constant de ne pas regarder vers le sud (Tanezrouft) et plutôt de conserver le visage dans la direction de l'Adrar."
A ce jour, aucune étude n'a été faite sur les éventuelles conséquences des essais nucléaires français dans le Sahara sur les populations locales et l'environnement. Quant au chercheur Florent de Vathaire (Inserm), sa nouvelle étude sur le cancer de la thyroïde en Polynésie française - sans doute "la plus puissante qu'il est et qu'il sera possible de réaliser" - pourrait bien être stoppée net d'ici deux ou trois mois, "faute de financement". Sur les 600 enquêtes prévues, 450 ont été réalisées. Mais il manque 70 000 euros pour achever le travail. "Jusqu'à présent, toutes nos demandes ont échoué, et, notamment, celles adressées à l'armée sont restées lettre morte", précise le chercheur. En langue polynésienne, le mot "mururoa" ne signifie-t-il pas "grand secret" ou "grand silence" ?
Catherine Simon
Communiqué - Moruroa e Tatou
/ CDRPC / Observatoire des armes nucléaires françaises
Papeete- Lyon 4 août 2003:
Le président et le coordinateur de l'association « Moruroa e tatou » Roland Oldham et John Taroanui Doom, accompagnés de trois anciens travailleurs de Moruroa ont été reçus à Papeete lundi 28 juillet 2003 par M. Michel Chatot, conseiller du Président de la République.
Au cours d'un entretien qualifié par ses interlocuteurs polynésiens de « cordial et constructif », M. Michel Chatot a rappelé « la ferme intention » du Président de la République de mettre en place le suivi qu'il avait annoncé trois jours plus tôt dans un entretien au quotidien « Les Nouvelles de Tahiti ». Jacques Chirac avait, en effet, annoncé qu'il avait demandé que la question du suivi des essais nucléaires « fasse l'objet d'un suivi interministériel » et que « la liaison pourra ainsi continuer à être assurée avec les personnes et les associations concernées ».
Cette annonce est le signe d'une évolution du discours traditionnel sur « les essais propres de la France ». Les hautes autorités de l'Etat répondent aujourd'hui clairement à une demande similaire de commission interministérielle émise par les associations « Moruroa e tatou » et des Vétérans des essais nucléaires dans le cadre de la proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale et au Sénat depuis janvier 2002 sur le « suivi sanitaire des essais nucléaires ».
« C'est la première fois que nous entendons de la bouche d'un haut responsable de l'Etat qu'il y a eu des risques avec les essais nucléaires » a déclaré John Taroanui Doom, le coordinateur de Moruroa e tatou.
Les anciens travailleurs présents à l'entretien ont également rappelé que, contrairement aux annonces faites par les représentants de l'Etat, la loi sur le droit des malades n'était toujours pas appliquée en Polynésie française et que leurs demandes de dossiers médicaux restaient sans réponse. « N'est-il pas vexant et discriminatoire que pour des personnes qui étaient ensemble sur les sites nucléaires de Moruroa et Fangataufa, le métropolitain ait accès, grâce à la loi Kouchner, à la copie de son dossier médical et le Polynésien n'y ait pas droit », a déclaré Roland Oldham.
Gageons que le gouvernement de Gaston Flosse appliquera les directives de son « frère » et ami de la Polynésie Jacques Chirac.
Contacts :
- À Tahiti : Roland Oldham, président
de Moruroa e tatou : e-mail : matahika@mail.pf
- A Lyon : Bruno Barrillot de l'Observatoire des armes nucléaire
(et de retour d'un séjour d'un mois en Polynésie
française) e-mail: brunobarrillot@obsarm.org
Le Monde, 29
juillet 2003:
Les anciens
du centre de Mururoa exigent "vérité et justice"
(Pdf)
TAHITI (27 juillet 2003) - Sept ans après l'arrêt des essais nucléaires à Mururoa et Fangataufa, qui continuent de susciter la controverse dans le Pacifique Sud, Jacques Chirac a exprimé samedi la reconnaissance de la France à la Polynésie française, affirmant que la République "n'oubliera jamais".
"La Polynésie française a participé de manière déterminante à la Défense nationale et à la Sécurité extérieure de la France, qui ne l'oubliera jamais", a déclaré le chef de l'Etat lors d'un discours au siège du gouvernement de Polynésie française.
"A partir de 1960, comme l'avait voulu le général de Gaulle et jusqu'en 1996, le centre d'expérimentation du Pacifique a permis à notre pays de préserver sa souveraineté et son indépendance dans un monde de plus en plus dangereux", a-t-il poursuivi, sans évoquer explicitement les essais controversés de 1995 et 1996.
"Sans la Polynésie, la France ne serait pas la grande puissance qu'elle est aujourd'hui, capable d'exprimer, dans le concert des nations, une position autonome, indépendante et respectée". "La République ne l'oublie pas. C'est pourquoi j'ai souhaité la pérennisation du Fonds de reconversion de l'économie polynésienne, mis en place à la suite de l'arrêt des essais nucléaires", a-t-il ajouté.
La reprise des essais aériens sur les atolls de Mururoa et Fangataufa (archipel des Gambier), décidée par Jacques Chirac après son élection en mai 1995, avait entraîné de violentes manifestations en Polynésie et une levée de boucliers mondiale, notamment dans les pays voisins du Pacifique Sud, Australie et Nouvelle-Zélande en tête.
La France a procédé à 193 essais nucléaires en Polynésie entre juillet 1966 et janvier 1996.
Dans une interview publiée vendredi dans Les Nouvelles de Tahiti, Jacques Chirac assure que les essais n'auront pas "d'effet sur la santé, à court terme comme à long terme", ce que contestent d'anciens salariés polynésiens du Cep, qui se disent victimes de maladies - des cancers en majorité - liées à la contamination radioactive.
Une association, Moruroa e Tatou (Mururoa et nous), créée en juillet 2001 à Papeete, milite pour le droit à l'indemnisation des anciens salariés malades ou des familles des salariés décédés, s'inspirant de la loi d'indemnisation des vétérans exposés aux radiations votée en avril 1988 aux Etats-Unis.
MANIFESTATION A PAPEETE
Quelque 200 membres de l'association, qui regroupe au total 1.478 adhérents dont les familles de 71 salariés décédés, ont manifesté samedi matin à Papeete en marge de la visite de Jacques Chirac, brandissant une banderole sur laquelle on pouvait lire: "Vérité et justice pour les victimes de Mururoa". Une délégation de Moruroa e tatou sera reçue lundi matin à Papeete par un conseiller de Jacques Chirac.
"Je suis d'accord pour les pirogues, les danses, mais un peu de respect pour les anciens travailleurs du centre", a déclaré à des journalistes John Taroanui Doom, coordinateur de l'association.
Un millier de personnes ont par ailleurs manifesté à Papeete à l'appel du Tavini Huiraatira (Etre au service du peuple), parti de l'indépendantiste Oscar Temaru, qui a expliqué vouloir protester contre "le Chirac des essais nucléaires de 1995".
Oscar Temaru, adversaire de longue date de Gaston Flosse, avait boycotté vendredi la cérémonie d'accueil du chef de l'Etat.
Sur les quelque 50.000 salariés du Cep, 4.700 étaient polynésiens. Selon Bruno Barillot, chercheur au Centre de documentation et de recherche sur la guerre et les conflits, à Lyon, on observe un taux de cancers anormalement élevé au sein des salariés, ainsi que des problèmes de stérilité. Le chercheur, qui travaille avec l'association, était présent samedi à la manifestation.
Faute de données précises sur l'impact sanitaire des essais, l'association a demandé à Médecins du Monde une évaluation des cas "suspects". Un médecin est attendu en octobre à Tahiti, où il restera un an pour procéder à des examens.
Jacques Chirac affirme dans Les Nouvelles de Tahiti que l'étude réalisée après la fin des essais par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) démontre qu"il n'y aura pas d'effet sur la santé, à court terme, comme à long terme", qu"il n'y a pas d'effets à craindre sur le biotope". "Aucune surveillance radiologique et géomécanique des atolls à des fins de protection radiologique n'a été jugée utile", indique-il.
Seule concession, le chef de l'Etat précise que le dossier de Mururoa et Fangataufa fera l'objet d'un "suivi interministériel", l'une des revendications de Moruroa e tatou.
Selon une étude réalisée en février 1999 par le laboratoire indépendant de la Crii-Rad, les 193 essais ont bien provoqué une contamination radioactive. Ils ont enregistré à Mururoa 13.729 térabecquerels, soit 371 fois plus que le seuil réglementaire (94 fois plus à Fangataufa).
Interrogé à ce sujet, le président du gouvernement de Polynésie française Gaston Flosse, un proche de Jacques Chirac, a dénoncé vendredi les "affabulations" de Moruroa e tatou. "Je me suis baigné dans le lagon onze fois après les essais. Regardez-moi, j'ai 72 ans, est-ce que j'ai l'air de quelqu'un atteint de contamination radioactive?". "S'il y avait eu le moindre soupçon, j'aurais été le premier à demander l'arrêt des essais", a-t-il dit à des journalistes.
Gaston Flosse a remercié samedi l'Etat pour ses "mesures généreuses" après l'arrêt des essais nucléaires.
La France a mis en place en 1996 le Fonds de reconversion économique pour la Polynésie (Frep). Cette aide financière, qui représente près de 151 millions d'euros par an, a été pérennisée en 2002 et transformée en dotation globale illimitée au développement économique (DGDE).
PAPEETE (6 juillet 2003) - Moruroa e Tatou, association des anciens travailleurs des sites nucléaires français dans le Pacifique, organisera un rassemblement à Papeete pendant la visite de Jacques Chirac en Polynésie française, fin juillet.
"Nous manifesterons le lendemain de son arrivée, samedi 26 juillet. Cela débutera par un rassemblement et il y aura peut-être une marche", a déclaré à l'Associated Press Roland Oldham, président de Moruroa e Tatou, à l'issue de l'assemblée générale de l'association, samedi à Arue (Tahiti).
"Les militants ont décidé qu'il fallait agir; ne pas agir serait de la complicité", a-t-il ajouté.
Jacques Chirac est attendu en Polynésie française du 25 au 28 juillet, mais son déplacement dans le territoire du Pacifique-Sud n'a pas encore été confirmé officiellement.
Moruroa e Tatou a transmis le mois dernier au représentant de l'Etat en Polynésie française, le haut-commissaire Michel Mathieu, une demande de rendez-vous avec Jacques Chirac lors de sa visite.
"Nous n'avons pas encore eu de réponse", a assuré samedi Roland Oldham. Moruroa e Tatou souhaite, à l'instar de l'association métropolitaine des vétérans des essais nucléaires (AVEN), que soient reconnues les conséquences sanitaires des expérimentations atomiques militaires et qu'un cadre législatif soit mis en place au profit des vétérans malades.
"Comme ce qui s'est passé pour l'amiante, nous souhaitons que l'Etat soit obligé de créer un fonds d'indemnisation des victimes", précise Bruno Barrillot, chercheur au Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits.
L'association, qui revendique 1.500 adhérents, va mobiliser pour son rassemblement à Papeete non seulement ses troupes, mais demande "le soutien de la population, car ce problème concerne l'ensemble de la Polynésie française", rappelle Roland Oldham. Le président de Moruroa e Tatou dénonce au passage le "mutisme" du gouvernement territorial sur la question des vétérans. "Le président du gouvernement du territoire, Gaston Flosse (sénateur UMP), ne veut toujours pas nous rencontrer, malgré plusieurs courriers", regrette M. Oldham.
La France a procédé à 193 essais nucléaires, dont 41 aériens, sur les atolls polynésiens de Moruroa (orthographiée à tort Mururoa) et Fangataufa, de 1966 à 1996. Après son élection en 1995, Jacques Chirac avait décidé d'une ultime campagne d'essais en Polynésie française, après leur suspension en 1992 par François Mitterrand.
AIFFRES (Deux-Sèvres), 6 avr 03 - Anciens appelés du contingent, militaires de carrière ou civils, irradiés à la suite d'essais nucléaires, ils étaient réunis samedi et dimanche près de Niort, à la recherche d'actions coordonnées de recours contre l'Etat.
Trois succès judiciaires individuels récents ont mis du baume au coeur des 600 membres de la récente Association des vétérans du nucléaire (AVEN), créée en 2001. Le tiers des membres participait à Aiffres, près de Niort, à la troisième assemblée générale après celles de Lyon et d'Angers.
A l'avenir, "la coordination des actions est essentielle et il faut commencer par les cas qui sont sûrs d'être gagnés afin de créer une jurisprudence pour les autres cas plus difficiles", a estimé Me Jean-Paul Teissonnière, du barreau de Paris, qui a défendu avec succès les victimes de l'amiante.
"En 1995, quand nous avons débuté pour l'amiante, c'était la même situation, déni des maladies, de leurs conséquences et maintenant nous traitons plus de 3.000 dossiers et nous en avons déjà gagné 1.000", a-t-il indiqué.
Beaucoup de vétérans ont les plus grandes difficultés à obtenir de l'armée leur dossier médical et parfois à faire reconnaître qu'ils étaient bien présents lors des essais.
Ainsi Lucien Parfait, retraité maçon ardéchois, l'oeil gauche retiré à la suite d'un cancer cutané et osseux à la face. Il était au "point zéro" lors du fameux tir mal dirigé du 1er mai 1962, à In Eker, dans le Sahara algérien.
"Appelé au 11e régiment du Génie, j'ai creusé la galerie pour le tir dans la montagne, j'ai posé les portes blindées et j'ai des photos de notre campement mais rien n'est mentionné dans mon dossier militaire et mes trois demandes de pension ont été rejetées", affirme-t-il avec véhémence.
"Quatre jours après, l'armée nous a renvoyés sur les lieux comme si rien ne s'était passé", soutient-il, rappelant que ses cancers lui ont valu 27 opérations et 6.400 points de suture.
D'autres cas flagrants ont été évoqués comme ces appelés dits du "groupe des 9" qui affirment avoir été, en 1962, "abandonnés à leur sort" par la hiérarchie militaire, à 10 km du "point zéro".
Tous les vétérans évoquent le manque de mesures de précaution. "Sur la base d'Hao, en Polynésie française, je déchargeais des caisses et des véhicules contaminés venant de Mururoa (lieu des essais, ndlr) en shorts et mains nues", raconte Pierre Philippe, 55 ans, de Vitré (Orne) qui a de gros problèmes dermatologiques.
Les maladies sont multiples chez les membres de l'AVEN. "80% ont des problèmes de santé, et 34% ont des cancers alors que la moyenne en France est de 17%", relève Bruno Barrillot, un chercheur de Lyon, à l'origine de l'AVEN. "21 cas de cancers liés aux essais ont été recensés aux Etats-Unis", assure-t-il.
Les nouvelles générations peuvent être atteintes. "En 1971, notre premier enfant avait un pied mal formé et n'a vécu que deux heures, et deux camarades de régiment ont connu le même cas", raconte M. Philippe.
Pour obtenir réparation du préjudice, Me Teissonnière suggère de privilégier les commissions départementales d'indemnisation des victimes. Les succès récents ont été obtenus auprès des tribunaux des pensions militaires de Chambéry, Toulon et de la cour administrative de Bordeaux.
L'AVEN a des difficultés à se
faire entendre auprès des politiques, hormis les Verts
et les communistes qui ont déposé deux propositions
de loi. Elle entend agir en solidarité avec la Polynésie
et l'Algérie où deux associations ont vu le jour.
24/3/03 - La cour administrative d'appel de Bordeaux a déclaré l'Etat français "responsable" de l'irradiation d'un ancien appelé lors d'un essai nucléaire mené en 1962 dans le Sud algérien, ouvrant ainsi la voie à son indemnisation, selon un arrêt rendu public lundi.
Alain Duterde, qui effectuait à l'époque son service militaire comme chauffeur du ministre des Armées Pierre Messmer au sein du 621e groupe d'armes spéciales basé dans le Sahara algérien, a "été victime le 1er mai 1962 d'irradiations radioactives lors de l'essai par l'armée d'une bombe atomique de forte puissance sur la montagne de Talafela", rappelle la cour dans son arrêt daté du 18 mars.
L'avoir laissé "assister à l'essai nucléaire (...) à l'extérieur de l'abri anti-atomique existant, puis participer à plusieurs reprises sans protection particulière au prélèvement d'échantillons dans la zone contaminée dans les semaines ayant suivi l'explosion, constitue une faute lourde de l'Etat", selon la cour.
Victime depuis les années 80 de nombreuses séquelles de son irradiation, l'ancien appelé âgé aujourd'hui d'une soixantaine d'années a réclamé des indemnités que lui avaient refusées le tribunal administratif de Pau, le 2 mai 2000, au motif qu'il percevait déjà une pension militaire d'invalidité.
L'avocat du plaignant, Me Jean-Philippe Labes a souligné que c'était la première fois que l'Etat français était condamné pour les conséquences de ses essais nucléaires, ouvrant ainsi la voie pour d'autres dossiers en cours. Il a cependant jugé probable que le Conseil d'Etat soit saisi d'un recours en cassation.
La cour va faire procéder à une
expertise médicale pour évaluer le préjudice
global de l'ancien appelé qui réclame 500.000 francs
(plus de 76.000 euros) au titre de dommage et intérêts.
Communiqué du Centre de Documentation et de Recherche sur
la Paix et les Conflits:
Alors que se déroule le sommet franco-britannique du Touquet , les vétérans des essais nucléaires Fidjiens annoncent quun accord est enfin intervenu avec Londres. Les vétérans des essais français se réjouissent une nouvelle fois que leurs lointains homologues du Pacifique soient pris en considération et sétonnent que le gouvernement français persiste dans son refus de prendre en compte les problèmes de santé de tous les personnels militaires, civils, algériens et polynésiens qui ont été engagés dans les programmes dessais nucléaires de la France.
Les vétérans des essais de Fidji sont en pleine négociation avec le gouvernement de Londres pour obtenir quon fasse droit à leurs revendications. Ils ont jusquau 3 mars 2003 pour déposer plainte et jusquà juillet 2003 pour fournir les documents complémentaires. Pour linstant, seuls les dossiers des vétérans sont pris en considération, mais ceux des familles de vétérans décédés seront examinés plus tard.
Le gouvernement fidjien a désigné Mme Losena Salabula, députée du Parlement de Fidji, pour suivre ce dossier des vétérans. De son côté, Mme Lyn Allison, sénatrice australienne et présidente du Réseau international de Paris sur les essais nucléaires est allée récemment à Fidji pour soutenir les revendications des vétérans fidjiens.
Près de 300 soldats Fidjiens ont participé aux expériences thermonucléaires anglaises qui se sont déroulées aux iles Malden et Christmas (Pacifique central) en 1957 et 1958 [voir les enquêtes sur des tests nucléaires britanniques]. En 1999, un livre de témoignages des vétérans fidjiens avait été publié sous le titre de Kirisimasi par Mme Losena Salabula et MM Josua Namoce et Nic Maclellan.
Correspondance de M. Paul Ahpoy, vétéran fidjien.
Pour plus dinformation :
Bruno Barrillot : brunobarrillot@obsarm.org
CDRPC
187, montée de choulans
69005 Lyon
Tél. 04.78.36.93.03
LE TELEGRAMME DE BREST, 17/11/02:
2 00 vétérans des essais nucléaires français, essentiellement des Finistériens et des Costarmoricains se sont réunis hier à La Martyre, près de Landerneau pour s'informer et témoigner.
200 vétérans des essais nucléaires se sont retrouvés hier à la Martyre en présence de l'amiral Antoine Sanguinetti. Ce dernier a dégagé toute responsabilité de l'armée et dirigé les accusations vers les gouvernements successifs.
Ils exigent que l ' Etat reconnaisse officiellement le lien entre leur présence sur les sites d ' expérimentation et la dégradation de leur état de santé. « Nous estimons à 82.000 le nombre de personnes concernées par notre démarche (210 essais nucléaires ont été effectués par la France entre 1960 et 1996 au Sahara et en Polynésie) », expliquait hier Jacques Melon, délégué finistérien de l'association des vétérans des essais nucléaires (Aven).
« Manque criant »
En présence de l ' amiral Antoine Sanguinetti
, ancien commandant du Clémenceau, et de la veuve du général
Jacques de Bollardière, les membres de l' Aven ont dénoncé
le « manque criant » selon eux de précautions
prises lors des expérimentations nucléaires menées
par la France entre 1960 et 1996 au Sahara et en Polynésie.
Antoine Sanguinetti, qui a assisté à quatre explosions
au Sahara, a salué la démarche des vétérans,
en estimant que « ce qui est important, c ' est que pour
la première fois des gens qui ont été mêlés
à ces questions d ' irradiation parlent ». De son
côté, Simone de Bollardière, qui milite en
faveur de la vérité sur les explosions nucléaires,
a rappelé l' action conduite par son mari, notamment en
1973, contre les essais nucléaires, pour laquelle il avait
été sanctionné.
Entre la première explosion « Gerboise bleue »
au Sahara le 13 février 1960, et la dernière, le
27 janvier 1996 sur l'atoll de Fangataufa (Polynésie),
la France a procédé, selon les chiffres officiels,
à 210 essais nucléaires, d'abord atmosphériques
puis souterrains .
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Le Télégramme 17/11/2002
« Un tissu de mensonges »
« Le voile se lève sur un tissu de mensonges » : le Quimpérois, Jacques Melon est le délégué finistérien de l'Association des vétérans des essais nucléaires (Aven). Opéré d'un cancer de la prostate à 50 ans (il en a aujourd'hui 52), il est persuadé que sa maladie est liée à des problèmes d'irradiation. Comme d'autres, il témoigne.
La Bretagne est l'une des régions les plus touchées en raison de la présence de la Marine nationale. « Le ministère de la Défense ayant refusé de nous communiquer la liste des gens qui étaient sur site, nous lançons des appels à témoins pour établir des statistiques », explique Jacques Melon.
Actions juridiques
Si les politiques continuent à faire la sourde oreille, Aven aura recours à la voie juridique. « Nous jetterons les bases de notre stratégie lors de notre assemblée générale en juin 2003 ». Décès prématurés, pathologies cancéreuses, « nous entendons prouver de façon irréfutable la relation de cause à effet entre la présence des vétérans sur les sites d'expérimentations nucléaires et leur état de santé actuel », confie Jacques Melon. Lui, était appelé en 1970. Il travaillait au laboratoire de radiologie de l'hôpital de Papeete où il effectuait des mesures de radioactivité du corps humain.
« Vie foutue en l'air »
« Jusqu'en avril 1971, j'ai oeuvré
à côté de sources de césium 137, les
mêmes qu'à Tchernobyl. Durant 15 ans, j'ai connu
les mêmes angoisses que les malades ukrainiens, c'est ce
qui m'a ouvert les yeux. Ma vie professionnelle et familiale a
été foutue en l'air ». Jacques Melon n'a assisté
à aucun tir. « Mais, j'ai fait de la plongée
sous-marine dans le lagon. Parmi la population polynésienne,
on dénombre d'énormes pathologies liées aux
poissons infectés dont les autochtones sont friands. Mais,
tout le monde nie l'évidence ».
Plus tard, à 50 ans, Jacques Melon a été
opéré d'un cancer de la prostate. « Le cancérologue
qui m'a opéré à Lyon m'a parlé de
cause génétique. Mon généraliste est
persuadé qu'il est lié à des problèmes
d'irradiation ». Jacques Melon a entamé une démarche
individuelle. Mais, il est convaincu que c'est un collectif qui
triomphera.
Travail de mémoire et secret défense
C'est aussi le sentiment de l'historienne toulousaine, Christine Chanton, fille d'un vétéran du Sahara. Aujourd'hui, son père souffre d'un cancer de la peau. Alors, elle a choisi de collecter les témoignages oraux. Elle a fait son mémoire de maîtrise sur la période qui couvre les années 60 à 70 au Sahara. Actuellement, elle planche sur la Polynésie. « Après avoir rencontré deux vétérans, je sais, par exemple, que les relevés dosimétriques effectués sur eux ont été falsifiés ». Pour les plus anciens, les archives seront ouvertes en 2020, soixante ans après la levée du secret défense.
Créée en juin 2001 à Lyon,
l'Aven s'organise en réseau national, régional et
départemental.
Contact Finistère : Jacques Melon,
7 rue de l'Hippodrome à Quimper. Tel 02.98.90.31.82;
Dominique Le Bian-Rivier
BREST, 13 nov 02 - L'Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) organise samedi à Brest une réunion d'information sur les conséquences sanitaires "catastrophiques" des expérimentations nucléaires menées par la France entre 1960 et 1996, a-t-on appris mercredi dans un communiqué.
Un appel à témoins sera lancé à cette occasion afin de recueillir un maximum de témoignages de victimes ou de leurs ayant-droit, le ministère de la Défense refusant, selon l'AVEN, de fournir la liste des personnes présentes à l'époque sur les sites d'expérimentation.
Entre la première explosion, "Gerboise bleue" au Sahara le 13 février 1960, et la dernière, le 27 janvier 1996 sur l'atoll de Fangataufa (Polynésie), la France a procédé, selon les chiffres officiels, à 210 essais nucléaires, d'abord atmosphériques puis souterrains.
"Nous estimons à environ 82.000 le nombre de personnes concernées par notre démarche. La Bretagne est l'une des régions les plus touchées en raison de la présence de la Marine nationale lors des essais", a commenté un responsable breton, Jacques Melon, atteint d'un cancer.
L'Association des vétérans des essais nucléaires qui a dépassé le cap des 1.000 adhérents, a été créée en juin 2001 afin de contraindre le gouvernement à reconnaître ses responsabilités et faire la vérité sur "l'origine des maladies de nombre d'entre eux, et qui est à trouver dans le manque de précautions élémentaires prises pour leur protection lors des essais".
L'AVEN entend prouver de "façon irréfutable" la relation de cause à effet entre la présence des vétérans sur les sites d'expérimentations nucléaires (Sahara et Polynésie) et leur état de santé actuel.
"De nombreux décès prématurés
ont été enregistrés ainsi que de nombreuses
pathologies cancéreuses et autres y compris sur les descendants",
a ajouté M. Melon.
LE PARISIEN, 13/09/02:
Polémique sur le nucléaire
BERNARD était ingénieur au CEA (Commissariat à l'énergie atomique) de Bruyères-le-Châtel. En 1998, à 67 ans, il est décédé des suites d'une très longue maladie. Un cancer rare, de la cave du nez, qui s'est propagé aux poumons. Aujourd'hui, sa femme voudrait savoir pourquoi le CEA n'a jamais voulu lui transmettre le dossier médical complet de son mari, qui a pourtant participé aux essais nucléaires français réalisés dans le Sahara et dans le Pacifique. Ce soir, Danielle témoigne dans un reportage diffusé sur France 2 (*) et consacré aux éventuelles conséquences des explosions nucléaires menées par les autorités françaises. Danielle habite désormais Breuillet. Elle a rejoint les rangs de l'Association des vétérans des essais nucléaires français, créée voilà un an pour « réclamer la transparence sur ce qui s'est vraiment passé ». A 62 ans, elle se souvient avec nostalgie de « ces belles années » passées à Papeete (Tahiti), de 1966 à 1972. « J'étais jeune, avec trois enfants, vivant sur une île superbe avec des habitants très chaleureux. » Là-bas, « les travailleurs du nucléaire » étaient confiants, convaincus qu'ils ne risquaient rien. « Mon mari était très bien suivi médicalement, avec toutes sortes d'examens poussés réalisés régulièrement. Et puis le nucléaire ne fait pas peur car il ne se voit pas, ne se touche pas, et ne se sent pas ! » Danielle non plus ne se posait pas de questions. De toute façon, elle ne savait presque rien des activités exactes de son mari. « La loi du silence faisait partie du contrat, raconte-t-elle. Mon mari s'est lancé avec enthousiasme dans l'aventure du nucléaire menée par le général de Gaulle. Il était fier de travailler pour la grandeur de la France, alors il respectait le secret défense. »
Les premiers doutes sont finalement nés avec la maladie. En 1991, alors qu'il devait partir pour une nouvelle mission en Polynésie, Bernard découvre qu'il est atteint d'un cancer. « Il était enrhumé depuis des mois, se rappelle Danielle. En fait, c'était une tumeur très rare en France. Je n'accuse personne, mais je veux juste que l'on détermine les dangers exacts du nucléaire pour préserver les générations futures. Ça ne changera plus rien à la douleur de ma famille. » Bernard vivra sept ans avec la maladie. Sept longues années pendant lesquelles ses enfants vont chercher à comprendre. « Ma plus jeune fille l'a harcelé pour savoir quelles étaient précisément ses missions. Et puis mon mari en a parlé à ses collègues, dont certains étaient aussi malades. Après sa mort, j'ai demandé son dossier médical. On m'a envoyé un résumé où ne figurent même pas les mesures de radiométrie. » Danielle se bat désormais pour que la lumière soit faite. « Je suis en colère contre certains agents du CEA qui nous méprisent », tempête-t-elle. Elle dénonce ainsi « cette espèce de certitude dans laquelle sont installées les scientifiques qui jouent les apprentis sorciers en permanence, sans savoir où ils nous mènent. La France est le seul pays où les douaniers ont pu stopper le nuage de Tchernobyl ! »
*« Dans le secret du paradis »,
de Jacques Cotta et Pascal Martin, en deuxième partie de
soirée, ce soir sur France 2.
LA DEPECHE DU MIDI, 13/09/02:
Jacques Muller, de Montbeton, témoigne vendredi soir sur
France 2
A ne pas manquer vendredi sur France 2, à 23 h 50, la diffusion du documentaire « Dans le secret du Paradis ». Ce film réalisé par les journalistes Jacques Cotta et Pascal Martin met en avant les conséquences sur la personne des explosions nucléaires menées par les autorités françaises au Sahara (Regane et In Eker) et en Polynésie (Moruroa et Fangataufa). Une période qui court du 13 février 1960 au 27 janvier 1996 et couvre 210 essais nucléaires, aériens ou souterrains.
Ces tirs pour mettre au point la bombe atomique ont marqué à jamais les populations, acteurs ou spectateurs des explosions. Les dommages n'apparaissent que des décennies plus tard, atteignant l'être humain dans sa chair. De nombreux vétérans constitués en association le 9 juin 2001 (1) ont été témoins et malheureusement victimes. « Certains ont travaillé en zone contaminée, parfois sans les plus élémentaires précautions, rapportent-ils lors de leur conférence au Sénat le 19 janvier 2002. Plusieurs ont ajourd'hui des problèmes de santé; certains sont décédés prématurément. »
Eux-mêmes ou leurs familles se heurtent à une fin de non-recevoir de la part des autorités militaires qui répétent contre toute évidence que les essais ont été effectués selon les conditions de sécurité, tant pour les personnels civils et militaires que pour l'environnement. Plusieurs vétérans ont entamé des procédures judiciaires pour faire reconnaître leur droit à pension et indemnisation. Longtemps les tribunaux se sont alignés sur le point de vue des autorités militaires, mais récemment certains tribunaux (la Cour des pensions militaires de Chambéry, par exemple) donnent raison aux vétérans en refusant d'admettre que le « secret militaire » puisse couvrir tous les risques sanitaires auxquels les vétérans ont été exposés.
Mai 1962 à In-Amguel
Parmi eux, Jacques Muller de Montbeton, ancien mécanicien pilote de l'aviation légère de l'Armée de terre. Une profession qu'il a exercée durant trente-trois ans, la découverte en juin 1985 d'une cataracte compléte à l'oeil gauche et partielle à l'oeil droit entraînant sa mise à la retraite, sans suivi médical. « Pourtant en 1973, lors d'un contrôle du personnel navigant, un problème rétinien avait été décelé. Cette anomalie ne m'a pas été communiquée... » Jacques Muller était présent le 1er mai 1962 à In-Amguel au Sahara algérien lors du deuxième essai nucléaire souterrain dénommé « Béryl ». Il raconte: « La montagne s'est couverte de blanc, le sol ondulait. C'était beau, mais brusquement, ce fut la panique. On a réalisé que le nuage nucléaire était sorti de la montagne! Officiels, civils, curieux, tout le monde se sauvait vers la base-vie... »
L'aggravation de l'état de Jacques Muller justifiée par un décollement bi-latéral de la rétine en juillet 1987 l'amenait à faire une demande de pension d'invalidité auprès du ministère des Anciens combattants. Un taux de 86 % était retenu par la commission de réforme mais finalement rejeté au motif de « non imputable au service ».
Aujourd'hui, le dossier est devant le Conseil d'Etat. La santé de Jacques Muller continue de se dégrader avec la découverte d'un cancer en juin 2002...
Martine CASSAN
(1) Vétérans des essais nucléaires
français, 187, Montée de Choulans, 69.005 Lyon.
Tel: 04.78.36.93.03. Internet : www.obsarm.org
Communiqué de l'Observatoire des armes nucléaires
françaises 5/9/02:
Vendredi 13 septembre 2002, Stéphane Paoli présentera sur France 2 (Contre courant à 23 h 45) une enquête réalisée par Jacques Cotta et Pascal Martin intitulée « Dans le secret du paradis ».
Ce reportage de plus d'une heure présente la lutte des Polynésiens employés à Moruroa et des vétérans des essais nucléaires qui, depuis des années, tentent de faire reconnaître leurs droits et réclament l'ouverture de leurs dossiers médicaux. En vain, jusqu'à présent.
Ce reportage est d'autant plus poignant que, depuis le tournage, des deux premiers vétérans interrogés, l'un, M. Jacques Muller, déjà aveugle à 90 %, est depuis quelques semaines traité pour un cancer et l'autre, M. Robert Audinet est décédé début juillet 2002 « des suites d'une longue maladie ».
D'autres témoignages viennent renforcer l'inquiétude des Polynésiens sur la situation sanitaire actuelle des petites populations des atolls et îles proches de Moruroa. Plusieurs vétérans révèlent qu'un imprévu météorologique a précipité le nuage radioactif de l'essai atmosphérique du 12 juin 1971 sur l'atoll habité de Tureia et les "graves négligences" des autorités militaires qui n'ont pas pris les dispositions nécessaires pour la protection des insulaires. Comme le rappelait un habitant de Tureia invité à Hiroshima, le 5 août dernier, 7 adultes de son atoll de moins de 200 habitants sont décédés d'un cancer depuis 1999, « cela fait beaucoup pour une si petite population ».
Les associations Moruroa e tatou, en Polynésie, et des Vétérans des essais nucléaires, ainsi que l'Observatoire des armes nucléaires renouvellent, à l'occasion de la diffusion de cette enquête, leurs demandes maintes fois réitérées :
- ouverture des archives des essais nucléaires,
- accès à l'intégralité des dossiers
médicaux,
- adoption d'une loi sur le suivi des essais nucléaires
français
- participation des associations au processus de règlement
des conséquences des essais nucléaires.
Pour toutes informations complémentaires :
* Moruroa e tatou (Tahiti) : Tél 00
689 43 09 05 (décalage horaire de 12 h)
* Vétérans des essais nucléaires : Dr Valatx
Tél : 04 78 77 71 27
* Observatoire
des armes nucléaires : Bruno Barrillot Tél 04
78 36 93 03
PAPEETE, 25 août - La délégation de l'Association Mururoa E Tatou, qui souhaitait rencontrer Brigitte Girardin, ministre des DOM-TOM, pour lui remettre le dossier des anciens travailleurs de Muroroa, a dû "se contenter d'une entrevue express avec Jean-François Delage, chef de cabinet de Mme Girardin, indique, samedi à Papeete, Roland Oldham, président de l'association.
"Nous nous réjouissions de cette occasion de dialogue", précise Roland Oldham, "mais c'est raté". Le président de Mururoa E Tatou ajoute qu'il ne comprend pas qu'une démocratie comme la France "traite avec autant de mépris et de dédain les Polynésiens qu'elle a exposés pendant trente ans à 193 expériences nucléaires sans leur demander leur avis".
De leur côté, Jean-Louis Valatx pour les Vétérans des essais nucléaires français et Bruno Barillot, directeur de l'Observatoire des armes nucléaires françaises, dénoncent "l'indifférence des responsables de l'Etat français et leur absence de sens des responsabilités dans leur refus de mettre en place -comme ailleurs- une législation qui établit un lien entre les essais nucléaires et les problèmes de santé".
L'association Mururoa E Tatou, qui regroupe 1160 anciens travailleurs des sites nucléaires en Polynésie, souhaite l'ouverture des dossiers médicaux de ces travailleurs "comme l'autorise la loi du 5 mars 2002 sur la communication à tout particulier de son dossier médical". L'association note encore que le taux de cancers de la thyroïde est, en Polynésie, parmi les plus élevés au monde -le deuxième, en fait, après la Nouvelle-Calédonie- et que refuser d'admettre le lien entre ces cancers et les essais nucléaires, "c'est pour les autorités, aujourd'hui comme autrefois, faire la preuve de leur incurie et de l'absence de précautions vis-à-vis de tous ceux qui ont été exposés aux risques de radio-activité".
PAPEETE, 20 août - Réunis au sein de l'association "Mururoa E Tatou" (Mururoa et nous), 1.160 anciens travailleurs sur les sites nucléaires de Mururoa et Fangataufa, ainsi que les familles des travailleurs aujourd'hui disparus, réclament à l'Etat l'ouverture de leurs dossiers médicaux, a-t-on appris auprès du président de l'association.
Ils réclament également "le suivi médical" de l'ensemble du personnel présent sur les sites pendant trente années d'essais nucléaires. "Non seulement ce personnel, mais aussi leurs familles", a précisé Roland Oldham, président de l'association, "ainsi que toutes les populations des îles, dans un rayon de 700 km autour de Mururoa".
"Mururoa E Tatou" doit remettre le 23 août à la ministre de l'Outre-mer, Brigitte Girardin, à l'occasion de sa première visite en Polynésie, un dossier dans lequel l'association apporte son soutien à la proposition de loi déposée début juillet par les Verts, visant à établir - comme aux Etats-Unis ou en Australie - un lien entre les essais nucléaires et des problèmes de santé.
L'association réclame "la reconnaissance officielle" par l'Etat des conséquences des essais nucléaires, ainsi que le droit aux compensations. Elle souhaite aussi que soit effectué le test radiobiologique de l'ADN de chaque ancien travailleur à Mururoa et Fangataufa.
Créée il y a un an, en juillet 2001, l'association "Mururoa E Tatou" se déclare elle-même "surprise" par le nombre et l'affluence des adhésions ainsi que par "l'ampleur, la gravité des questions" que se posent aujourd'hui les anciens travailleurs, qu'ils soient polynésiens ou métropolitains.
"Le problème, explique Roland Oldham,
est qu'en Polynésie, les essais nucléaires ont constitué
la trame d'enjeux, de luttes politiques : être pronucléaire,
c'était appartenir à la majorité, et s'y
opposer, c'était être indépendantiste".
Aujourd'hui, "Mururoa E Tatou" veut donc expliquer aux
Polynésiens que "les maladies liées aux radiations
ne sont pas politiques".
Le Point, 2/8/02:
[Plan de Reggane rajouté par Infonucléaire]
En 1960 et 1961, l'armée française a profité des essais nucléaires dans le Sahara pour organiser des manoeuvres en milieu radioactif. Les appelés cobayes n'ont jamais entendu parler d'indemnisation.
Christophe Labbé et Olivia Recasens
«Nous étions une vingtaine dans la tranchée, assis en tailleur, dos à la bombe. Pendant le compte à rebours, certains se sont mis à pleurer. » Ce 25 avril 1961, Francis Paquez a 21 ans. Il participe en tant qu'appelé du contingent au dernier essai nucléaire français à Reggane, dans le Sahara algérien.
La bombe atomique, installée au sommet d'un pylône de 50 mètres, explose à 7 heures du matin, libérant une puissance de près d'une kilotonne. A trois kilomètres de là, Francis Paquez est transpercé par le flash lumineux. « Je me suis senti devenir transparent comme un verre d'eau. Au-dessus de nous, il y avait deux chèvres, attachées chacune à un piquet, qui se sont mises à hurler. » Deux minutes plus tard, les hommes du 42e régiment d'infanterie, équipés d'une combinaison blanche et d'un masque à gaz, reçoivent l'ordre de s'avancer vers le « point zéro », l'endroit précis où vient d'exploser la bombe.
Lorsqu'ils s'extraient de la tranchée, le champignon atomique commence à peine à s'élever dans le ciel. « Les chèvres étaient brûlées, elles n'avaient plus de poils et leurs yeux étaient opaques. Je n'ai pas eu le temps de me poser des questions, il fallait avancer », raconte Francis Paquez. La progression en formation de combat dure près d'une heure. « A un kilomètre du point zéro, les compteurs Geiger ont crépité si fort que le capitaine nous a ordonné de faire demi-tour. » Pendant quarante ans, Francis Paquez, qui souffre aujourd'hui d'une maladie de peau et d'une hypersensibilité à la lumière, a respecté la consigne de l'armée. Il a gardé le silence sur cette manoeuvre secrète, baptisée « Hippocampe vert ».
Entre février 1960 et 1961, la France a non seulement fait exploser quatre bombes atmosphériques au Sahara mais elle en a profité, lors des deux derniers essais, pour simuler une guerre nucléaire en envoyant 291 hommes, pour la plupart des appelés du contingent, manoeuvrer sous le champignon atomique. Le Point a retrouvé ces anciens « cobayes » qui témoignent pour la première fois.
« En février 1961, j'ai appris que je partais pour une destination inconnue. » A l'époque, Paul Chesseron est pilote de char Patton M47 au 12e régiment de cuirassés, stationné en Allemagne. C'est seulement à son arrivée à Reggane qu'on lui annonce que son peloton va « participer à une explosion nucléaire ».
Plan de Reggane "à
la veille de l'explosion", extrait de "Après
Reggane", Science et Vie n°551, avril 1960.
Le jour J, les chars sont alignés à trois kilomètres du point zéro. « Le souffle a secoué les 42 tonnes d'acier. J'ai regardé par le périscope le champignon s'élever, c'était un spectacle effroyable. Il a fallu se diriger droit dessus. Le pylône sur lequel reposait la bombe n'était plus qu'un moignon tordu. » Son char croise des camions renversés, des avions, des bateaux disposés par l'armée autour du point zéro afin d'étudier la résistance à l'effet de souffle et à la chaleur. « Ils étaient chauffés à blanc, certains chars avaient fondu et ressemblaient à des morceaux de chocolat. Nous avons manoeuvré toute la journée, la trouille au ventre. » Paul Chesseron n'a jamais pu connaître la quantité de radiations qu'il a encaissées. Mais, deux ans après la fin de son service militaire, de larges plaques brunes sont apparues de manière inexplicable sur tout son corps. « Je les ai gardées plus de dix ans. »
Michel Bouquet, pilote d'un transport de troupes AMX13 au 42e régiment d'infanterie motorisée, basé en Allemagne, avait lui aussi été sélectionné pour participer à la « parade » nucléaire. « Pendant un mois, je me suis entraîné, avec une dizaine d'autres chars, dans la zone contaminée par l'explosion précédente. » A chaque exercice, il garde les yeux rivés sur le compteur Geiger, qui crépite comme une sonnerie de réveil. « Peu à peu, j'ai pris peur et j'ai tout fait pour être renvoyé de mon unité avant le jour J. »
Sur le champ de tir, auquel on accède par une route goudronnée que l'armée a fait construire pour l'occasion, émerge du sable le blockhaus Alpha, un énorme bloc en béton muni de hublots derrière lesquels sont placées des caméras chargées de filmer l'explosion. A l'extérieur, jusqu'à 300 mètres du point zéro, sont éparpillés des rats, des lapins et des chèvres. « Nous avons testé sur les rats un produit radioprotecteur », raconte le docteur Daver, alors lieutenant du contingent au centre médical de Reggane. Un antidote à double tranchant, puisque les sels de métaux lourds utilisés pour piéger les radiations provoquent à long terme des intoxications mortelles... « On travaillait aussi sur les lapins pour mesurer l'effet des radiations sur l'oeil, car nous redoutions que les participants aux manoeuvres ne développent des cataractes. »
Au centre médical, on pratique également des examens sanguins sur les hommes qui vont pénétrer en zone contaminée. « On faisait environ 80 analyses de sang par jour. Quelqu'un qui manquait de globules blancs était écarté », explique le docteur Lacassie, affecté à Reggane en tant qu'hématologue appelé du contingent.
Il arrive aussi que l'équipe médicale intervienne en urgence. « Je me souviens d'un pilote d'hélicoptère d'une quarantaine d'années qui s'était brutalement retrouvé paralysé des quatre membres quelques heures après avoir survolé le champignon atomique. Nous l'avons réanimé, puis il a été transporté par avion à l'hôpital d'Alger. Je n'ai jamais su ce qu'il est devenu. »
Interrogé par Le Point, le ministère de la Défense reconnaît l'existence de ces « manoeuvres tactiques en milieu contaminé », répondant aux noms de code d'« Hippocampe rouge » et d'« Hippocampe vert ». Et d'expliquer que ces exercices, « constitués de mouvements de fantassins » et de « reconnaissances d'itinéraires avec des hélicoptères guidant des blindés », avaient pour objectif de vérifier la résistance des matériels et de tester les réactions des hommes de troupe dans une ambiance radioactive.
Selon Pierre Messmer, à l'époque ministre des Armées, ces manoeuvres secrètes avaient aussi un autre but. C'est ce que l'actuel chancelier de l'Institut de France a expliqué au Point : « Nous voulions surtout évaluer le niveau de radiations subi par les hommes afin de définir des distances de sécurité. » Les seuls documents traitant de la question étaient américains. « Les Etats-Unis avaient déjà réalisé plusieurs expériences comme celles-là, mais ils refusaient de nous en communiquer les résultats. Les rares données qu'ils laissaient filtrer étaient délibérément faussées pour nous induire en erreur. »
Quant à savoir s'il fallait utiliser des militaires comme « cobayes », l'ancien ministre rappelle le contexte de guerre froide et précise : « Nous ne disposions pas d'engins téléguidés. Maintenant, on opérerait autrement. » Du côté du ministère de la Défense, on se veut toutefois rassurant sur les éventuelles conséquences sanitaires : « Les doses reçues par les participants ont été faibles, bien en deçà des limites annuelles professionnelles. » (C'est un monsonge énorme!)
Certes, mais aujourd'hui encore les archives militaires sur les manoeuvres Hippocampe restent couvertes par le secret défense...
Jean Vautrin et la bombe A
« Tout a commencé en 1959 au fort d'Ivry, où
j'avais été mis au secret avec ordre d'écrire
un scénario sur la première bombe atomique française.
» Jean Vautrin, prix Goncourt 1989, effectue alors son service
militaire en tant que cinéaste des armées. En décembre
1959, une fois son scénario bouclé, il est envoyé
au centre d'expérimentation nucléaire de Reggane,
dans le Sahara, pour y filmer l'explosion. « Je garde de
cette expérience le souvenir de quelque chose de typiquement
français : un mélange de grandeur, de bordel ambiant
et d'apprentis sorciers. » Dans le désert algérien,
les haut-parleurs diffusent de la musique, puis le compte à
rebours démarre. « Au moment du tir, l'éclair
nous a envahi la cervelle. Ensuite, dans un silence impressionnant,
le champignon s'est élevé, monstrueux. L'onde de
choc est arrivée à la façon des cavaliers
de l'Apocalypse, roulant sur nous et nous traversant. Soudain,
au milieu du tonnerre, nous nous sommes aperçus que nous
n'avions pas enregistré le son de l'explosion... »
Impossible d'annoncer la nouvelle aux militaires, qui comptent
sur le film pour montrer au monde la puissance de la France. «
Alors, nous avons triché. On peut le dire maintenant parce
qu'il y a prescription, nous avons récupéré
le son d'une bombe américaine pour sonoriser la première
explosion nucléaire française ! » C. L. et
O. R.
LA VOIX DU NORD, 21/07/2002:
L'AVEN (association des vétérans des essais nucléaires français) vient de créer une antenne régionale de sa structure : une AVEN Nord - Pas-de-Calais - Somme existe depuis peu avec l'aide de Jean-Claude Egginton.
De nombreux civils et militaires du Nord et du Pas-de-Calais étaient présents ou ont participé aux essais nucléaires de l'armée française au Sahara et en Polynésie. Il y a quelques mois, un projet de loi avait été esquissé par la député Marie-Hélène Aubert . Malheureusement, la proposition de loi de Mme Aubert n'a eu aucune chance d'être discutée avant la fin de la session parlementaire. Un pré-rapport sur les incidences environnementales et sanitaires des essais nucléaires effectués par la France n'a aucunement satisfait les associations de vétérans, qui rencontrent pas mal de difficultés pour avoir accès à leur dossier médical militaire : le poids du fameux « secret défense » étant au moins égal à celui d'un réacteur de centrale nucléaire...
L'association tient une première réunion d'information et d'échanges ce mardi 23 juillet à 14 h 30 salle Aragon à Camon, près d'Amiens.
Renseignements auprès de M. Egginton
au 03 22 47 26 65.
Communiqué
Papeete-Lyon, 2 juillet 2002.
Le 2 juillet 1966, la France procédait à sa première explosion nucléaire sur l'atoll de Moruroa qui sera suivie par 45 autres essais atmosphériques dans le ciel polynésien et par 147 tirs souterrains dans le "ventre" des atolls de Moruroa et Fangataufa. Ce 2 juillet 2002 est le 36ème anniversaire de ce triste événement.
L'association Moruroa e tatou, créée le 4 juillet 2001, compte à ce jour plus de 1000 membres, anciens travailleurs de Moruroa et Fangataufa. A l'occasion de cet anniversaire, elle tient à rappeler que de nombreux anciens travailleurs ont subi de graves préjudices du fait de leur présence à Moruroa : nombre d'entre eux sont décédés prématurément et plus nombreux encore sont ceux qui subissent de graves problèmes de santé, cancers et autres maladies. Moruroa e tatou veut aussi alerter les pouvoirs responsables sur les risques sanitaires auxquels ont été exposés les populations de Polynésie et plus particulièrement celles des îles et atolls habités proches des anciens sites d'essais.
Depuis un an, les anciens travailleurs Polynésiens ne sont plus isolés avec la création, en métropole, de l'association des Vétérans des essais nucléaires qui regroupe actuellement plus de 700 anciens - militaires et civils - des sites d'essais du Sahara et de Polynésie. Une enquête santé auprès de l'association métropolitaine révèle que 85 % des vétérans ont des problèmes de santé et que 32,4 % des vétérans signalent un ou plusieurs cancers alors que le pourcentage de l'incidence annuelle du cancer en France est de 17 %. Ces données recoupent les premières informations recueillies auprès des membres de Moruroa e tatou.
Le 20 juillet prochain, l'association Moruroa e tatou tiendra sa première assemblée générale dans la maison des jeunes de la paroisse d'Arue. De nombreux invités étrangers, experts dans le suivi des conséquences sur la santé des essais nucléaires seront présents : le professeur Al Rowland, de l'Université de Massey en Nouvelle Zélande ; le Docteur Jean-Louis Valatx, chercheur à L'INSERM, France ; Madame Lyn Allison, Sénatrice d'Australie, M. Bruno Barrillot, chercheur et Directeur du Centre de Documentation et de Recherche sur la Paix et les conflits à Lyon ; M. Paul Ahpoi, vétéran fidjien et Vice Président des vétérans de Fidji ; une délégation japonaise représentant les associations de victimes d'Hiroshima et de Nagasaki ; Le Pasteur Jean-Arnold de Clermont, Président de Fédération Protestante de France.
Le 5 août, à la veille des cérémonies d'anniversaire du bombardement de 1945, se tiendra à Hiroshima, une grande conférence sur les conséquences des essais nucléaires français. Trois représentants de l'Association Moruroa e tatou aux côtés de délégués français des Vétérans et de délégués Algériens témoigneront de ce qu'ils ont vécu lors des essais nucléaires et lanceront un appel aux responsables des puissances nucléaires. Ensemble, ils demanderont aux chefs d'Etat de renoncer définitivement à leurs arsenaux nucléaires et d'assumer leurs responsabilités vis à vis de tous ceux - travailleurs, militaires et populations - qu'ils ont exposés délibérément aux bombardements et aux retombées des essais nucléaires.
Association Moruroa e tatou
BP 5456 Pirae Tahiti (Polynésie Française)
Tél (689) 43.09.05 Tél/Fax : (689) 42.15.69
Communiqué de l'Association
des Vétérans des Essais Nucléaires, le 27
mai 2002:
Les 25 et 26 mai 2002, à Angers, s'est
tenue la première assemblée générale
de l'association des vétérans des essais nucléaires
(AVEN). Près de 130 personnes - vétérans
des essais du Sahara et de Polynésie, veuves ou enfants
de vétérans décédés ont participé
aux débats.
L'extraordinaire développement de l'association depuis
sa création, le 9 juin 2001, - elle compte aujourd'hui
plus de 650 membres et sympathisants - a nécessité
l'élargissement du conseil d'administration.
L'assemblée générale a décidé
le lancement d'une grande campagne d'action auprès des
élus nationaux et locaux pour l'adoption d'une loi française
sur la prise en compte des conséquences des effets des
essais nucléaires de la France sur la santé et l'environnement.
Les nombreux témoignages de vétérans
ou de leurs veuves recueillis par l'association et dont certains
ont été renouvelés par quelques vétérans
présents soulignent :
- l'absence de précautions élémentaires prises
par les autorités militaires pour une protection efficace
des personnels lors des essais,
- l'importance des problèmes de santé qui touchent
une grande majorité des membres de l'association et même
leurs descendants.
L'assemblée générale s'élève
avec vigueur contre la mauvaise volonté des services de
santé du ministère de la défense qui persistent
à traiter avec légèreté et mépris
les demandes de dossiers médicaux des vétérans.
Les premiers résultats d'une enquête de santé réalisée auprès des membres de l'association dépouillés par le docteur Jean-Louis Valatx, président de l'association et chercheur à l'INSERM, montrent que 85 % des vétérans ont des problèmes de santé. En ce qui concerne les pathologies " 32,4 % des vétérans signalent un ou plusieurs cancers alors que le pourcentage de l'incidence annuelle du cancer en France est de 17 %. Bien qu'il s'agisse de résultats préliminaires, ces chiffres sont similaires aux résultats des enquêtes de santé réalisées auprès des vétérans britanniques " a déclaré le docteur Valatx.
Pour tout contact :
Dr Jean-Louis Valatx, Tél : 04 78 77 71 27
Siège association : Tél 04 78 36 93 03
Pour plus d'information :
Document joint sur la campagne auprès des élus
Site internet : http://www.obsarm.org
Ouest-France, 17/12/01:
[Photo rajoutée par Infonucléaire]
Une association de vétérans des essais nucléaires (Aven) s'est créée en juin à Lyon. Tous ont des problèmes de santé. Ils dénoncent l'irresponsabilité de l'armée, réclament la réouverture des dossiers médicaux et demandent à l'État de reconnaître ses responsabilités.
En 1961, Valentin Mentz a 20 ans quand il effectue son service militaire en Algérie. Il participe alors à deux essais nucléaires. Le 1er novembre, il se trouve à 960 m du point d'impact de la bombe atomique. Six mois plus tard, le 1er mai 1962, il voit la montagne d'In Eker exploser. Un essai raté auquel assiste Pierre Messmer, ministre de la Défense. « L'onde de choc a duré 30 secondes, raconte-t-il. On était cramponnés au 4X4. Le vent a tourné et on s'est pris le nuage radioactif. J'étais en short et en chemisette. Je suis passé trente fois sous la douche pour la décontamination. »
Gérard Dellac, lui, est resté 24 heures sous la douche. « Quand je sortais, je bloquais le compteur Geiger. » Depuis, il a des problèmes de dermatose et a subi neuf opérations au visage. A l'époque, un officier lui avait demandé de planter un drapeau français au point zéro d'impact de la première bombe atomique française. C'était le 13 février 1960. Michel Verger, appelé affecté à la poste militaire de Reggane, s'en souvient. Ce jour-là, l'armée lui avait remis un dosimètre, censé mesurer le niveau de contamination au moment de l'explosion. On ne le lui a jamais réclamé.
Reggane, point zéro.
Quarante ans plus tard, les vétérans des essais nucléaires du Pacifique et du Sahara s'interrogent. Ils sont anciens appelés du contingent, militaires de carrière, personnels civils du Commissariat à l'énergie atomique. Leurs bilans de santé sont inquiétants : cancers, cécité, acouphène, dermatose, hypertension, paralysie faciale... Depuis juin, 250 d'entre eux se sont regroupés au sein d'une association implantée à Lyon. Une antenne régionale a été créée à Angers, en septembre (1). Elle regroupe une cinquantaine de personnes du Grand Ouest et s'est réunie ce week-end dans le Maine-et-Loire.
Reçus au Sénat
Les adhérents réclament la réouverture des dossiers médicaux, et dénoncent l'irresponsabilité de l'armée. De cette époque, Michel Verger a conservé quelques documents militaires internes qui montrent combien les risques encourus avaient été sous-évalués. Dans une note officielle, datée du 6 février 1960, l'armée prévoit la distribution d'une paire de lunettes pour quarante personnes. « Des officiers ont fait venir leur famille pour assister au spectacle. On nous conseillait juste de mettre nos mains dans nos poches et de nous protéger la tête avec un chèche. »
De1960 à 1996, 100 000 personnes auraient été exposées dans le Sahara ou dans le Pacifique. L'armée a reconnu officiellement neuf irradiations. Ceux qui ont voulu attaquer en justice l'armée ou le Commissariat à l'énergie atomique ont été déboutés : la plainte devait intervenir dans les 30 jours suivant la « quille ». Trois demandes de commission d'enquête ont été rejetées par la commission de la Défense nationale.
Une délégation de l'Aven a été reçue, en novembre, à l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Elle a demandé des statistiques sur l'état de santé des populations exposées. Selon le président régional de l'Aven, André Davena, « contrairement à d'autres puissances, la France continue de nier tout effet de ses essais nucléaires sur la santé et l'environnement ».
(1) Aven : 02 41 76 22 88.
William MAUXION
Communiqués de l'association des Vétérans
des essais nucléaires:
Les membres fondateurs de l'association des vétérans des essais nucléaires déclarent que nombre d'entre eux ont subi des conséquences dramatiques pour leur santé. Ils pensent que l'origine de leurs maladies est à trouver dans le manque de précautions élémentaires prises pour leur protection lors des essais nucléaires. « Nous estimons que le moment est enfin venu pour la France de reconnaître ses responsabilités, de faire la vérité sur des expériences nucléaires qui ont engagé plusieurs dizaines milliers de personnes, militaires professionnels et militaires du contingent, personnels civils des armées, du Commissariat à l'énergie atomique et des entreprises sous-traitantes, métropolitains, polynésiens ou algériens » a déclaré le docteur Jean-Louis Valatx, président de l'association.
Les vétérans présents ont fait état des nombreux problèmes rencontrés pour faire reconnaître leurs droits devant les tribunaux. L'association a décidé de travailler à la mise en place en France d'une législation similaire à la loi américaine sur les Vétérans, datant de 1988, qui « établit une présomption d'un lien avec le service » pour une liste de maladies dont souffre n'importe quel vétéran ayant été exposé aux radiations dans les 40 années après sa dernière participation à une activité à risque radioactif.
La nouvelle association va établir des liens avec les autres associations, organisations et groupes préoccupés par les conséquences des essais nucléaires dans le monde. Des contacts particuliers vont avoir lieu dans les prochaines semaines avec le « Comité de suivi Moruroa et nous » de Tahiti et l'association algérienne, créée à Reggane et dénommée « 13 février 1960 », date du premier essai français dans le Sahara.
Les membres fondateurs ont adopté les statuts de la nouvelle association et désigné un conseil d' administration de neuf membres. Ils ont élu le Docteur Jean-Louis Valatx, vétéran du Sahara et aujourd'hui directeur de recherche à l'INSERM, président de l'association. Mme Paulette Muller-Dupont, épouse de Jacques Muller, vétéran du Sahara, a été élue secrétaire. M. André Devena, vétéran de Polynésie, a été élu trésorier.
Pour tout contact :
Jean-Louis Valatx Tél : 04 78 77 71 27
Bruno Barrillot Tél 04 78 36 93 03
Communiqué de l'Observatoire des armes nucléaires
françaises:
Depuis quelques mois, le Centre de Documentation et de recherche sur la Paix et les conflits (CDRPC) et son Observatoire des armes nucléaires ont été sollicités par des "vétérans" (1) des essais nucléaires français tant au Sahara qu'en Polynésie. Plusieurs d'entre eux ont déjà entamé des démarches en justice pour faire reconnaître leurs droits. Mais c'est principalement le débat sur le syndrome du Golfe qui a motivé ces appels, les vétérans des essais s'estimant dans les mêmes conditions que leurs collègues du Golfe et de l'ex-Yougoslavie. Quelques-uns d'entre eux ont donc décidé de lancer une " association des vétérans des essais nucléaires français et leurs familles" pour faire connaître leurs difficultés et défendre leurs intérêts. L'assemblée constitutive de cette association se tiendra donc, en présence de vétérans venus de plusieurs régions de France
Pour tout contact : Bruno Barrillot Tél
04 78 36 93 03
e-mail : brunobarrillot@obsarm.org
(1) anciens militaires, civils du Commissariat à l'énergie atomique ou des entreprises sous-traitantes
Centre de Documentation et de recherche sur
la Paix et les conflits (CDRPC)
Observatoire
des armes nucléaires françaises
187, montée de choulans 69005 Lyon
PARIS, 27 mars - Un
appel à la création d'une association de "Vétérans
des essais nucléaires et de leurs familles" vient
d'être lancé par le Centre de Documentation et de
Recherche sur la Paix et les Conflits (CDRPC) qui entend ainsi
faire "connaître à l'opinion la situation des
vétérans et défendre collectivement leurs
intérêts".
De telles associations ont, depuis des années, pignon sur
rue aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne mais il n'existe pas
encore en France au niveau national de regroupement de personnes
qui, s'estimant victimes des essais nucléaires français,
entendent s'informer et se défendre collectivement face
aux autorités.
Adressé "à tous ceux et celles qui ont participé aux expériences nucléaires de la France, au Sahara ou en Polynésie, à leurs familles ou à leurs proches", cet appel, selon le texte parvenu à l'AFP, fait état de "lettres inquiétantes (décès, maladies)" envoyées au CDRPC par des personnes ayant assisté à ces essais et précise qu'elles "se font plus nombreuses depuis que l'actualité est focalisée sur le syndrome du Golfe et des Balkans" .
"Beaucoup se débattent individuellement dans des démarches difficiles et parfois inextricables pour faire reconnaître leurs droits et le lien entre leur état de santé actuel et la période qu'ils ont vécue du temps des essais nucléaires", écrit le CDRPC qui se propose de servir de relais pour la future association de Vétérans.
Créée en 1984, sous l'impulsion notamment de Bruno Barillot qui signe cet appel, cette organisation non gouvernementale de recherche et de documentation dont le siège est à Lyon, travaille notamment sur les essais nucléaires de la France et leurs conséquences sur la santé et l'environnement, essentiellement en Polynésie.
Le CDRPC a également aidé à la création, en juin 2000 à Tahiti par des polynésiens du "Comité de suivi Mururoa et nous ".
L'autre signataire de cet appel est Michel Berger qui se présente comme "vétéran des essais de Reggane", le nom de l'oasis du Sahara où ont eu lieu au début des années 60 les premières explosions de la bombe A française.
"Trente ou quarante ans après, les vétérans, rappelle par ailleurs Bruno Barillot, se souviennent qu'ils assistaient aux tirs atomiques en short et chemisette, comme au spectacle, et que personne ne les avait mis en garde".
210 essais nucléaires (atmosphériques, puis souterrains) ont été réalisés par la France depuis le premier "Gerboise bleue" au Sahara le 13 février 1960 au dernier sur l'atoll de Fangataufa (Polynésie) le 27 janvier 1996 avant l'arrêt définitif des essais.
PARIS, 22 jan - Cinq
ans après la fin des essais nucléaires français,
l'impact sanitaire de ces campagnes menées entre 1960 et
1996 reste un tabou, ont souligné mardi des parlementaires
qui veulent créer une commission ad hoc pour les "oubliés
du nucléaires".
Bien que le nombre des personnes --civiles et militaires-- qui
ont participé à ces campagnes n'ait jamais été
rendu public, nombreux sont ceux, regroupés en associations,
qui font état de graves problèmes de santé,
notamment cancéreux.
Une proposition de loi, déposée mardi par les Verts, réclame une commission de suivi afin de dédommager ceux qui ont subi des séquelles du fait de ces expériences.
Entre la première explosion, "Gerboise bleue" au Sahara le 13 février 1960, et la dernière, le 27 janvier 1996 sur l'atoll de Fangataufa (Polynésie), la France a procédé, selon les chiffres officiels, à 210 essais nucléaires, d'abord atmosphériques puis souterrains.
"Nous voulons que le gouvernement s'empare du problème des oubliés des essais nucléaires, que soit créée une commission de suivi en vue de la création d'un fonds d'indemnisation", a déclaré la députée Marie-Hélène Aubert (Verts, Eure-et-Loir), faisant valoir que les "vétérans atomiques" sont parvenus à se faire entendre dans d'autres pays. Des programmes pour répondre à leurs demandes ou celles de leurs ayant-droits ont été mis en place ou vont l'être aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, Australie et Nouvelle-Zélande.
Selon Mme Aubert, les mêmes pathologies frappent les militaires, les civils du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) ou des entreprises sous-traitantes d'origine métropolitaine mais aussi des habitants de la Polynésie française ou les populations algériennes autour des sites du Sahara.
Plusieurs vétérans ont engagé des procédures pour obtenir droit à pension ou à réparation. "La plupart se terminent en fin de non recevoir. Les autorités judiciaires exigent du plaignant la preuve scientifique du lien entre son état de santé et sa participation à des essais nucléaires, parfois plus de trente ans auparavant", souligne Mme Aubert..
"Nous avions déjà, sans succès, demandé la levée du secret défense, puis on nous a refusé une commission d'enquête", rappelle Mme Aubert qui était entourée de Jean-Michel Marchand (Verts, Maine-et-Loire) et de Michèle Rivasi (app PS, Drôme).
Le texte de la proposition de loi établit le "principe de présomption de lien avec le service" pour les pathologies dont souffre une personne ayant participé à une activité à risque radioactif entre le 13 février 1960 et le 27 janvier 1996.
Le texte prévoit que "la liste des pathologies considérées comme liées à une activité à risque radioactif est fixée par décret". Selon Jean-Louis Valatx, chercheur à l'INSERM, vétéran du Sahara et président de l'Association des vétérans des essais nucléaires, basée à Lyon, la liste "devrait s'élargir à d'autres maladies qu'aux cancers".
De son côté, Roland Oldham président de l'association polynésienne "Moruroa e tatou" a souligné que "rien n'est fait pour les populations vivant là-bas proches des sites", alors que même le gouvernement des Fidji, l'un des plus pauvres du Pacifique, a "accepté d'indemniser ses vétérans".
Une association de «vétérans des essais nucléaires», en contact avec 380 malades, dénonce l'inertie de l'armée. Elle réclame une étude épidémio-logique sur tous les personnels civils et militaires qui ont été exposés depuis 1960.
Treize février 1960, dans le Sahara. Gerboise bleue, la première bombe atomique française, vient d'être testée avec succès. «Hourra pour la France!» s'écrie le général de Gaulle. Gérard Dellac effectue alors son service militaire au 620e groupement des armes spéciales. Un officier lui demande de le conduire en Jeep au «point zéro», à l'endroit exact où l'explosion nucléaire a eu lieu quelques heures auparavant. Pour y planter un drapeau tricolore ! A peine arrivés sur place, un hélicoptère les survole et leur ordonne de s'en aller immédiatement. De retour à la base de Reggane, en Algérie, on les passe au compteur Geiger et on découvre des poussières radioactives dans les cheveux. Direction la douche, pour décontamination.
«Je ne suis même pas allé à l'infirmerie. Rien !» raconte aujourd'hui Gérard Dellac. En 1991, trente et un ans plus tard, un médecin diagnostique chez lui un cancer de la peau (lésions spino-cellulaires) sur le visage. Gérard Dellac subira au total neuf opérations, dont l'une au cours de laquelle un chirurgien lui enlèvera l'oreille droite. Ce plombier du Tarn demande alors réparation à l'armée. L'affaire traîne. En janvier 2001, la Cour des pensions le déboute. En ces termes: «Le livret médical porte trace d'une irradiation. [...] Ce facteur peut constituer un risque supplémentaire de cancer de la peau au même titre que le soleil». Il est donc «impossible de déterminer une relation directe et certaine de cause à effet». L'affaire attend toujours d'être jugée en appel.
Le cas de Gérard Dellac n'est pas unique. Créée en juin 2001, l'association des Vétérans des essais nucléaires (1) est en contact avec 380 malades anciens militaires, salariés du CEA (Commissariat à l'énergie atomique). Ou avec leur veuve... Aucune certitude scientifique, mais beaucoup de questions. Et surtout la volonté de «faire la lumière sur l'impact sanitaire des essais nucléaires», comme l'explique Bruno Barrillot, l'un des animateurs de l'association et auteur de l'Héritage de la bombe (2). Samedi 19 janvier, les «Vétérans» organisent une conférence, qui se tiendra au Sénat, à Paris. «Ceux qui nous contactent sont évidemment ceux qui ont des problèmes. Quatre cents cas, c'est important mais pas forcément significatif. Mais une chose est certaine: il y a véritablement matière à aller plus à fond dans les études médicales», affirme Jean-Louis Valatx, président de l'association et ancien médecin militaire. Créée à l'initiative de militants antinucléaires proches des milieux chrétiens de gauche, l'association des Vétérans est en contact étroit avec une organisation polynésienne, «Mururoa e Tatou», qui rassemble environ 850 anciens travailleurs du nucléaire. En Polynésie, les essais ont duré de 1966 à 1996, les tests atmosphériques ayant cessé dès 1974. Aucune information n'est en revanche disponible sur l'état de santé des populations touareg du Sahara, où les premiers essais français ont eu lieu, entre 1960 et 1966.
Les yeux fermés
C'est pourtant en Algérie que les essais nucléaires se sont le plus mal passés. Les conditions de l'époque laissent songeur. Ainsi, une «note de service», classée «secret», précisait la dotation en «lunettes spéciales» pour le «jour J»: à l'exception des «expérimentateurs appelés par leurs fonctions à observer l'explosion», l'armée prévoyait «une paire de lunettes pour 40 personnes environ»... Mieux, «les membres des familles de militaires ou fonctionnaires présents à Reggane sont autorisés à assister à l'explosion». Suivent les consignes de sécurité : «le personnel se tiendra assis par terre, le dos tourné à l'explosion, les yeux fermés et masqués par un bras replié [...] Le personnel devra éviter d'exposer la peau nue (mains dans les poches, utilisation du chèche)». Ça, c'était pour une explosion en temps normal.
Rien n'était prévu pour les fiascos. Comme celui du 1er mai 1962, lors de l'essai «Béryl» à In-Eker (Algérie). Un test sous-terrain pour lequel un tunnel avait été creusé dans une montagne granitique, la Taourirt Tan Afella, au nord de Tamanrasset. Au moment du tir de l'arme atomique, les calculs des physiciens se sont révélés faux. Plus forte que prévue, l'explosion a fait sauter le bouchon du puits. Michel Dessoubrais, appelé au 621e groupement des armes spéciales, y était: «Avec ma patrouille, nous étions à une dizaine de kilomètres. Le sol tremblait et une très grande flamme horizontale est sortie de la montagne. Puis un grand nuage de fumée noire. Ce n'était pas normal, mais nous ne savions pas quoi faire. Nous avons mis nos masques à gaz et nous sommes restés près de trois heures sur place. Des gars en combinaison sont arrivés pour faire des prélèvements et nous ont dit de foutre le camp». Les neufs militaires sont décontaminés: «Sous la douche, deux gars m'ont frotté pendant plus de trois heures. Et on m'a rasé les cheveux.» Une semaine plus tard, les soldats sont transférés à l'hôpital Percy de Clamart, en région parisienne. «On nous a mis dans le pavillon des officiers, avec des gendarmes à l'entrée.» Pendant près de trois mois, les examens se succèdent, jusqu'à deux ou trois prises de sang quotidiennes. «On ne nous a jamais donné aucun résultat», assure Michel Dessoubrais, aujourd'hui retraité dans l'Indre.
Libéré, Michel Dessoubrais obtient une pension d'invalidité temporaire (trois ans) à 10 %. «Des séquelles? Ce que je sais, c'est que nos deux premiers enfants sont morts à la naissance. Mais ce n'est peut-être pas à cause de cela», dit-il. Michel Muller était également sur place le 1er mai 1962, comme pilote d'hélicoptère. Ilest aujourd'hui aveugle, mais le ministère de la Défense estime que sa cécité «n'est pas imputable au service». L'accident de l'essai «Béryl» aurait pu tourner à l'affaire d'Etat: deux ministres assistaient en effet au tir et ont directement été touchés par les retombées: Pierre Messmer, ministre des Armées, et Gaston Palewski, ministre de la Recherche scientifique. A 85 ans, le premier se porte bien; le second est mort d'un cancer en 1984, convaincu d'être une victime d'In-Eker.
Plus de 76 000 personnes concernées
Comment savoir? «Il n'y a jamais eu aucune
étude sur les anciens militaires et civils des essais nucléaires»,
regrette Florent de Vathaire, épidémiologiste de
l'Inserm. Ce chercheur de Villejuif étudie leur impact
sur la santé de la population polynésienne, qui
aurait pu être victime de retombées radioactives
entre 1966 et 1974. «Nous
avons pu constater qu'il n'y a pas eu de gros problèmes,
explique-t-il. Mais maintenant nous voulons aller plus loin, avec
une étude plus fine sur les cancers de la thyroïde.
Or, nous n'avons aucun financement public pour le faire...».
«Rien n'autorise à dire que les vétérans
n'ont pas été contaminés lors des essais,
mais rien ne le prouve non plus. Ce qui est sûr, c'est que
certains sont psychologiquement traumatisés» (Comme d'habitude le nucléaire
n'est pas dangereux sauf pour la santé mentale, c'est une
découverte russe due à Tchernobyl),
dit le député (PS, Nord) Christian Bataille (il fait partie du lobby pronucléaire), coauteur d'un rapport parlementaire sur les essais
nucléaires français, qui doit être rendu public
fin janvier. Cet élu reconnaît qu'il «sera
peut-être nécessaire de procéder à
une étude épidémiologique sur l'ensemble
de cette population». (il
est coauteur d'un rapport parlementaire sur les essais nucléaires
français, rapport qui n'a pas étudié les
effets sur la santé, mais merde, pourquoi est-il payé
ce con !)
------> Commission d'enquête sur les essais nucléaires
en Polynésie française
Une telle étude est l'une des principales revendications de l'association des Vétérans», confirme Bruno Barrillot. D'autres pays ont donné l'exemple. L'Australie et la Nouvelle-Zélande, directement concernés par les essais britanniques, ont entamé de vastes recherches. En Grande-Bretagne, les militants de la British Nuclear Veterans Association ont contraint le gouvernement à réexaminer le dossier. Aux Etats-Unis, Washington reconnaît depuis 1988 le «principe de présomption», dispensant les malades de faire la preuve que leur affection est due à leur participation aux essais ou leur simple présence à proximité. Mais dans la réalité les vétérans atomiques sont rarement indemnisés. L'association des Vétérans réclame que la France se dote d'une législation similaire.
Combien d'hommes sont concernés? Le
Commissariat à l'énergie Atomique (CEA) possède
des chiffres. Anne Flüry-Hérard, médecin au
cabinet du haut-commissaire: «En nous basant sur les dosimétries,
nous savons qu'il y a environ 24 000 personnes au Sahara et 52
750 en Polynésie.» Au total, 76 750 personnes ont
donc participé aux essais: des militaires, du personnel
du CEA ou d'entreprises sous-traitantes, comme Thomson. Parmi
eux, des populations locales: les PELO (personnels laborieux des
oasis) en Algérie, puis les Polynésiens. Selon le
CEA, 26 % des personnels ont été en contact avec
des éléments radioactifs dans le Sahara et seulement
7 % dans le Pacifique. «Il s'agit essentiellement de doses
extrêmement faibles, assure Anne Flüry-Hérard.
Si l'on prend le seuil de 100 millisiverts, à partir duquel
on peut commencer à avoir un risque de cancer (Non il n'y a aucun seuil, cette personne
en affirmant cela est en contradiction avec tous les règlements
internationaux sur le nucléaire),
nous avons deux cas en Polynésie - des pilotes qui allaient
faire des prélèvements dans les nuages radioactifs
- et quarante-neuf dans le Sahara, la plupart liés à
l'accident Béryl.»
------> La France aurait employé des adolescents
et des enfants sur les sites du Pacifique
«Bureaucratie un peu lourde»
Tout a-t-il été correctement enregistré à l'époque? Ce n'est pas certain. «Nous avions un dosimètre pour quatre ou cinq militaires. C'est le chef qui l'avait», raconte Gérard Dellac. Au service de santé des armées, on reconnaît qu'il peut y avoir des trous. «Nous n'avons pas retrouvé la trace de certains personnels qui ont pu aller dans le Sahara pour une mission sans y être affecté», constate le médecin chef Christian Estripeau, pour qui il y a «sûrement» des affections liées au nucléaire.
Jean-Louis Valatx de l'association des Vétérans
demande un «accès aux dossiers médicaux militaires
en levant le secret-défense qui n'a pas lieu d'être».
Cet accès au dossier, qui permet d'appuyer une demande
de pension, est libre, à condition que la demande soit
faite par le médecin traitant. En revanche, les veuves
des vétérans rencontrent des difficultés
pour y accéder. La loi sur le droit des malades - qui devrait
être adoptée avant la fin de la session parlementaire
- devrait simplifier leurs démarches. Elle autorisera les
patients à demander directement leur dossier, mais ce nouveau
texte ne sera applicable en Polynésie française
- un territoire d'outre-mer - que si le gouvernement le souhaite.
«En Polynésie, nous n'avons aucune demande de dossier
médical», explique un officier supérieur qui
a été en poste à Tahiti. «Aucun médecin
ne peut fournir les dossiers médicaux lorsque c'est une
association qui les réclame,reconnaît le chercheur
Florent de Vathaire. En fait, les gens s'y prennent mal.»
--------> Tahiti et la nécessité des enquêtes
épidémiologiques
En métropole, les dossiers des anciens militaires sont conservés dans plusieurs endroits: les suivis dosimétriques à Clamart, les dossiers médicaux à Pau et les archives hospitalières à Limoges. Quant aux demandes de pensions, c'est le secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants qui s'en charge. Mieux vaut frapper à la bonne porte. Dans l'entourage du ministre de la Défense, on reconnaît l'existence d'«une bureaucratie un peu lourde» et l'on réfléchit à la création d'une «interface» pour mieux répondre aux «demandes légitimes». Après les élections.
Par Jean-Dominique MERCHET
(1)Vétérans des essais nucléaires-CDRPC,187,
montée de Choullans, 69005 Lyon. Tél.: 04 78 36
93 03. Sur le Net: cdrpc@obsarm.org
(2) L'Héritage de la bombe, éditions CDRPC, 320
pages.
Que savait-on dans les années 60 des risques liés à la radioactivité ? Le caractère dérisoire de certaines mesures de protection lors des essais nucléaires est-il dû à l'ignorance ou à une certaine légèreté ? Les effets aigus des rayonnements ionisants ont été connus presque en même temps que la radioactivité. Les pionniers Henri Becquerel, Pierre et Marie Curie avaient constaté des brûlures de la peau dès 1904. Marie Curie décédera d'une leucémie. Très vite, des interrogations surgissent sur la modification de la formule sanguine. Et une Commission internationale de protection contre les radiations voit le jour dès 1928. Les questions sur les effets liés à des doses plus faibles sont apparues plus tard, notamment après les pathologies apparues chez les survivants des deux bombes américaines de Hiroshima et de Nagasaki. «D'après les contacts que j'ai eus avec les "anciens", j'ai le sentiment que l'idée prédominante dans les années 60 considérait encore les cancers comme une complication à la suite d'une forte exposition», analyse Jean-LucPasquier, directeur scientifique de l'Office de protection contre les rayonnements ionisants. Autrement dit, pas de trace apparente de brûlure, pas de suspicion de cancer. «Les connaissances n'étaient pas traduites en termes de radioprotection», souligne le scientifique qui rappelle que jusqu'à très récemment les expérimentateurs avaient encore l'habitude de prélever des liquides radioactifs ou toxiques par aspiration dans une pipette. «On savait pratiquement tout à l'époque des tirs atmosphériques, confirme Jean-Claude Nenot, de l'Institut de protection et de sécurité nucléaire. D'ailleurs les normes ont relativement peu évolué depuis. Les effets aigus étaient bien connus et on savait ce qu'il fallait faire pour se protéger des cancers.» Pour lui, la protection des travailleurs du CEA était satisfaisante au regard des normes de l'époque. «Mais il est vrai qu'il y a beaucoup d'autres personnes qui ont travaillé sur les tirs, en particulier les militaires. Ces derniers ont une appréciation du risque différente de celle des civils.»
Par Denis DELBECQ
En fait dès que les
radiographies ont commencé à être utilisées
en grand nombre (pendant la 1ère guerre mondiale), il a
commencé à y avoir beaucoup de décès
parmi les médecins radiologues (et quelques uns parmi certains
cobayes radiographiés). C'est pour protéger les
toubibs que la réglementation a été mise
en place. La norme a beaucoup évolué (actuellement
200 fois moins pour les travailleurs du nucléaire qu'il
y a 50 ans), et elle ne correspond pas à un seuil en dessous
duquel il n'y aurait pas de mort mais à un seuil acceptable
au niveau d'un calcul coût/bénéfice, le rayonnement
entraîne des morts mais aussi des bénéfices
car on sauve un certain nombre de patients en localisant les balles
ou éclats d'obus (pendant la guerre) ou les fractures...
-----> Voir: l'extrait
vidéo.
Evolution des normes
de radioprotection de la CIPR
Pour les travailleurs :
De 1934 à 1950 : 46
rem/an,
1950 : 15 rem/an,
1956 : 5 rem/an,
1990 : 2 rem/an (20 mSv/an).
Pour la population :
1959 : 0,5 rem/an (5 mSv/an),
1985 : 0,1 rem/an (1 mSv/an).
Nota : En France la réglementation fixe les limites
annuelles à 50 mSv (5 rem) pour les travailleurs et à
5 mSv (0,5 rem) pour la population. La réglementation française
ne respecte pas les recommandations de la CIPR.
Effets cancérogènes
à long terme
Si 1 million de personnes reçoivent 1 rem (10 millisievert),
quel sera le nombre de cancers mortels radio-induits ? La réponse
dépend de l'institution qui effectue l'estimation.
CIPR-26 (1977): 125 cancers mortels
UNSCEAR (1977): 75 à 175 cancers mortels
BEIR III (1980): 158 à 501 cancers mortels
MSK (1980): 6 000 cancers mortels
RERF (1987): 1740 cancers mortels
BEIR V (1990): 800 cancers mortels
CIPR-60 (1990): 500 cancers mortels
NRPB (1992): 1000 cancers mortels
CIPR: Commission Internationale de Protection Radiologique.
Lire : De la CIPR-26 à la CIPR-60 ; Les experts français reprochent à la CIPR d'adopter une attitude (trop) prudente ; La France fait retarder l'adoption de la CIPR-60 et l'analyse détaillée des nouvelles recommandations de la CIPR-60)
UNSCEAR: Comité scientifique des Nations Unies pour les effets des rayonnements atomiques.
BEIR: Comité de l'Académie des Sciences des Etats-Unis pour l'étude des effets biologiques du rayonnement ionisant.
RERF: Fondation arnéricano-japonaise pour l'étude du suivi des survivants japonais des bombes atomiques. (La valeur indiquée correspond aux résultats bruts, avant l'utilisation des coefficients de réduction).
MSK: Mancuso, Stewart et Kneale. Equipe de chercheurs ayant étudié la mortalité par cancers parmi les travailleurs de l'usine nucléaire américaine de Hanford. (la valeur indiquée est déduite de leur dose de doublement)
NRPB: National Radiological Protection Board (Agence Nationale
de Protection Radiologique du Royaume-Uni). D'après le
suivi de mortalité effectué sur les travailleurs
de l'industrie nucléaire du Royaume-Uni.
PAPEETE 5/11/01 - Réunie à Taravao, commune située sur la côte Est de Tahiti, l'association ''Moruoa e Tatou'' (Moruroa et nous) a enregistré samedi sa 850e adhésion. Créée en juillet dernier pour ''rassembler, étudier et diffuser les informations concernant les conséquences des essais nucléaires'', l'association soutenue par l'Eglise évangélique polynésienne, proche de la fédération protestante de France, sillonne Tahiti en quête de témoignages et de nouveaux adhérents.
''Nous sommes surpris par le nombre de personnes qui, aujourd'hui, veulent savoir ce qui s'est réellement passé pendant 30 ans sur les sites français d'expérimentations nucléaires. Les travailleurs et les cadres polynésiens commencent à sortir de leur silence'', explique John Doom, le secrétaire général de ''Moruroa e Tatou''.
L'association, forte de 850 vétérans, réclame l'ouverture des archives militaires et l'accès aux dossiers médicaux des anciens travailleurs. Une demande qui pourrait être soutenue par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques. Son président, le sénateur Henri Revol, en mission à Tahiti en septembre dernier, s'était engagé à prendre en compte ''l'inquiétude des populations''.
L'association entend également sélectionner un échantillon représentatif de vétérans afin de les soumettre à des tests radio-biologiques dans le cadre du programme d'étude lancé par l'université de Massey, en Nouvelle-Zélande.
Les membres de ''Moruroa e Tatou'' ont rencontré vendredi à Tahiti le professeur Florent de Vathaire, de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) qui pilote actuellement, à l'échelle régionale, une enquête épidémiologique sur les cancers de la thyroïde.
Florent de Vathaire est l'auteur en 1998 d'une étude sur les cas de cancers en Polynésie française, un territoire qui enregistre avec la Nouvelle-Calédonie la plus forte incidence au monde de cancers de la thyroïde chez les femmes.
LONDRES, 28 déc 2000 - Scotland Yard a entamé une enquête
sur le programme d'essais nucléaires de la Grande-Bretagne
dans les années 50 après des allégations
selon lesquelles un pilote de la Royal Air Force a été
délibérément exposé à de dangereux
niveaux de radiations, a indiqué le Guardian vendredi.
La police a confirmé avoir commencé à enquêter
sur des accusations formulées dès le mois d'août
dernier par la veuve du commandant Eric Denson, qui s'est suicidé
en 1976 après une série de maladies respiratoires
et de dépressions nerveuses consécutives à
ces tests.
Shirley Denson affirme que les supérieurs hiérarchiques de son mari lui ont demandé de traverser à plusieurs reprises un "champignon" nucléaire pour y collecter des données sur la radioactivité après une explosion atomique.
La veuve du pilote, dont les propos ont été rapportés par le quotidien, estime que le gouvernement britannique "a sciemment et de façon malveillante" exposé son mari à "des niveaux de radiations mortels et interdits par la loi, qui l'ont à terme conduit à la mort".
Selon Mme Denson, toujours citée par le Guardian, le niveau de radiations subi par son mari était environ 20 fois supérieur à la limite de sécurité.
Avant les tests, en avril 1958, Eric Denson était âgé de 26 ans et en "parfaite santé", selon sa veuve. Après ces expériences, il a souffert de problèmes respiratoires, de dépressions et a essayé plusieurs fois de se suicider, y parvenant à la troisième tentative.
Selon le Guardian, l'enquête de la police s'attachera à savoir si les supérieurs hiérarchiques du commandant Denson avaient ou non le droit de lui donner l'ordre d'accomplir de telles missions compte tenu des risques encourus.
Quelque 22.000 militaires britanniques ont été impliqués dans la campagne de 21 essais nucléaires conduits par la Grande-Bretagne entre 1952 et 1958 en Australie, aux îles Christmas et sur d'autres archipels du Pacifique, précisait encore le journal.
WELLINGTON, 14 mai 2000 - Un appel a été lancé en direction des familles de cinq soldats néo-zélandais, utilisés comme cobayes lors d'essais nucléaires britanniques en Australie dans les années 50, afin qu'elles se joignent aux poursuites engagées contre le gouvernement britannique.
L'Association des vétérans des tests nucléaires de Nouvelle-Zélande veut prendre contact avec ces soldats ou leur famille pour qu'ils puissent porter plainte, a indiqué le président de l'association, Roy Sefton.
Plusieurs journaux de Grande-Bretagne ont indiqué vendredi dernier que des officiers australiens, anglais et néo-zélandais avaient pénétré des zones radioactives, trois jours après un tir nucléaire à des fins expérimentales.
Les journaux faisaient notamment référence à quatre tirs atmosphériques, réalisés en 1956 par le gouvernement britannique, les essais Buffalo, qui s'étaient déroulés à Maralinga, dans une zone reculée de l'Australie.
Cinq officiers néo-zélandais, 70 soldats australiens et un civil ont été répertoriés et ont été exposés à des radiations nucléaires afin de tester des vêtements, destinés à protéger de la radioactivité.
John Crawford, historien de l'armée néo-zélandaise, a indiqué à Radio Nouvelle-Zélande que des jeunes officiers avaient été envoyés à Maralinga en 1956 pour avoir une première expérience des tirs nucléaires.
Il a précisé qu'il allait tenter de contacter ces officiers pour savoir ce qu'ils avaient réellement fait sur cette base et s'ils avaient testé des vêtements.
L'Australie envisage également de demander des explications au gouvernement britannique dans les prochains jours pour déterminer avec précision dans quelle mesure les soldats ont été exposés à des taux de radioactivité dangereux, durant les essais nucléaires des années 50.
SYDNEY, 11 mai 2000 - Des documents attestant que le gouvernement britannique a eu recours à des soldats australiens, pour les utiliser comme cobayes lors d'essais nucléaires, ont été retrouvés en Australie par une historienne écossaise.
Le professeur Sue Rabbitt Roff a indiqué vendredi que ces preuves avaient été retrouvées dans un document des Archives Nationales Australiennes.
Ce document montre que 24 militaires australiens ont été utilisés comme cobayes dans les années 50 et 60, à l'issue d'essais nucléaires atmosphériques sur l'île de Monte Bello, au large de la côte ouest australienne, et à Maralinga dans le sud de l'Australie.
En 1997, le gouvernement britannique avait affirmé devant la Cour européenne des droits de l'Homme à Strasbourg qu'aucun humain n'avait été utilisé dans le cadre d'expérimentations lors d'essais d'armes nucléaires.
"Le gouvernement britannique a menti sur la question de savoir si des militaires ont été délibérément utilisés pour des expériences humaines pendant des essais nucléaires en Australie", a indiqué Mme Rabbitt Roff, à la radio australienne ABC.
Elle a précisé que le document faisait état d'une liste de 24 militaires australiens, qui avaient participé à des expériences sur des vêtements.
"On leur avait demandé de mettre des vêtements spécifiques puis de ramper et de marcher quelques jours ou quelques heures après un tir nucléaire à Maralinga, afin de voir si leurs vêtements procuraient une quelconque protection à la radioactivité", a-t-elle déclaré.
Selon elle, ce document doit aussi permettre de retrouver les soldats cités dans ce document afin de savoir si ces expériences ont eu des conséquences sur leur santé.
L'avocat Morris May, qui représente 30 Australiens victimes de ces tests et qui réclame des dommages et interêts, a indiqué que ses clients assuraient depuis longtemps avoir été utilisés comme cobayes, mais que le gouvernement de Canberra avait toujours rejeté leur demande.
La France aurait employé des adolescents et des enfants sur les sites du Pacifique, selon une étude de 2 sociologues néerlandais, étude menée à la demande du Conseil Oecuménique des Églises. Le rapport de plus de 200 pages publié sous le titre "Mururoa et nous", affirme que 10 % des travailleurs avaient moins de 18 ans, 6 % moins de 16 ans et 0,3 % moins de 10 ans.... Une des préoccupations majeures des anciens travailleurs concerne leur santé et celle de leurs enfants maintenant que les essais sont terminés. Aucune recherche épidémiologique à long terme n'a été effectué par la France, et seuls 48,5 % des travailleurs ont été examinés à la fin de leur séjour sur les sites, poursuit le livre.
La Direction des centres d'expérimentations nucléaires (DIRCEN) a démenti " avoir jamais employé d'adolescents, et encore moins d'enfants, sur ses sites " de Mururoa et Fangataufa. La DIRCEN ajoute que Polynésien ou métropolitain, qu'il soit militaire ou employé par le CEA, son personnel a toujours été suivi médicalement "dans les meilleures conditions et conformément à la législation française qui est une des plus rigoureuse au niveau mondial".
La Gazette Nucléaire n°161/162, novembre 1997.
Tahiti-Pacifique n° 64, août 1996:
Un décès "politiquement non correct"
Frappant était le silence, des quotidiens de Tahiti (excepté Les Nouvelles), de RFO, monopole d'État de l'info télévisée et des leaders politiques lors de la regrettée disparition de M. Coutrot. Cet homme exceptionnel était non seulement l'un des grands pionniers du CEA dans le pacifique, fondateur d'une famille tahitienne, mais aussi celui qui introduisit l'énergie solaire en Polynésie française. Silence d'autant plus frappant lorsqu'on compare à la large médiatisation d'un autre décès une semaine auparavant, celui d'un bien peu connu ancien directeur de cabinet d'Alexandre Léontieff, lequel n'avait aucun lien familial local. Pourtant là, de longs reportages télévisés, éditos, éloges et pages entières de photos traitaient de son inhumation. Pourquoi un tel déséquilibre ?
Certainement parce que Vincent Coutrot a succombé à une leucémie (cancer du sang), une maladie ô combien "politiquement non correcte" à Tahiti car trop souvent associée aux radiations atomiques. En plus, il osa nous quitter le jour même où l'OMS publiait des statistiques qui indiquent que le taux de cancers de la thyroïde chez les Tahitiennes est un des plus élevés au monde, après la Nouvelle-Calédonie. Il est évident que le décès de M. Coutrot devait "gêner".
Surtout que l'on pourrait émettre des hypothèses fondées sur l'origine de sa terrible maladie. En réponse à nos questions, il nous adressa un courrier que nous avions publié en septembre 1995 (TPM n° 53) et où il expliquait sa maladie, un message ambigu selon lequel on pouvait, ou ne pouvait pas, lier sa maladie avec ses activités professionnelles passées.
En revanche, une relation plus certaine pouvait être supposée suite à des conversations privées avec cet homme réputé pour sa droiture, lequel par la suite nous fit parvenir une documentation scientifique remettant en cause la validité des doses de radiations maximales "acceptées".
Il faut rappeler ici que plusieurs autres grands personnages ayant assisté à des essais aériens ont succombé à cette rare maladie qu'est la leucémie. Parmi ceux-ci le ministre gaulliste Gaston Palewski, persuadé que sa maladie résultait de l'accident où il fut enveloppé par un nuage radioactif dans le Hoggar ainsi que, selon des sources non vérifiées, Jean Sicurani, gouverneur de Tahiti de 1965 à 1969.
Alex W. du Prel